Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
Mme Chantal Deseyne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il me sera difficile d’être originale après ce qu’ont déjà dit mes collègues à cette tribune, tant ce texte est consensuel.
La proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner vise à interdire les dispositifs électroniques de vapotage jetables ou à usage unique, dits puffs.
L’interdiction visée par ce texte s’appliquera à la fabrication, la vente, la distribution et l’offre à titre gratuit de ces dispositifs.
En premier lieu, je tiens à souligner que les puffs sont une aberration environnementale, du fait de la nature même du dispositif : ces cigarettes électroniques jetables sont composées principalement de matières plastiques et d’une batterie non amovible, le plus souvent au lithium.
Les puffs usagées sont donc, par nature, des « déchets d’équipements électriques et électroniques » (DEEE), qui nécessitent un recyclage spécifique.
Or une part importante de ces dispositifs de vapotage jetables ou à usage unique échappe à la filière de retraitement, alors que ces déchets représentent un danger pour l’environnement. Qui plus est, du fait de la petite taille de ces équipements et de leur batterie incorporée, il est impossible de procéder à leur dépollution, sauf à y consacrer des moyens très importants.
Quant au lithium, il est à l’origine de départs d’incendies réguliers dans les centres de tri et de traitement des déchets, mettant ainsi en péril la santé des travailleurs.
Ensuite, il est évident que ces dispositifs constituent des risques majeurs en matière de santé publique, notamment pour la santé des jeunes.
Les puffs sont plébiscitées chez les adolescents. L’usage quotidien de la cigarette électronique a triplé entre 2017 et 2022 chez les jeunes de 17 ans, pour s’établir à 6,2 %.
En 2022, l’Alliance contre le tabac indiquait que 13 % des adolescents âgés de 13 à 16 ans avaient déjà utilisé une puff et que, pour 28 % d’entre eux, cela correspondait à leur première consommation de nicotine.
L’apparition des cigarettes électroniques jetables fait également évoluer les représentations associées à la cigarette et au tabac chez les jeunes. Vantées pour leur simplicité d’utilisation par les professionnels du secteur, les puffs sont rapidement devenues populaires auprès des enfants et des adolescents, grâce à leurs prix compétitifs, leurs emballages attractifs et leurs saveurs sucrées et fruitées.
Le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur les nouveaux produits du tabac ou à base de nicotine identifie une corrélation entre l’utilisation de cigarettes électroniques et l’entrée dans le tabagisme, en raison du phénomène de dépendance au geste de vapotage, qui peut représenter un nouveau mode d’entrée dans l’addiction tabagique, mais aussi du fait de l’usage de puffs contenant de la nicotine. Ainsi, 47 % des jeunes se sont initiés à la nicotine par la puff, soit près d’un sur deux.
Enfin, l’interdiction de la vente aux mineurs est très peu respectée. Selon l’Académie nationale de médecine, ces dispositifs constituent « un piège particulièrement sournois pour les enfants et les adolescents ».
Or le tabagisme est le premier facteur de risque évitable de cancer. Chaque année, 68 000 nouveaux cas de cancer, entraînant 40 000 décès, lui sont attribués.
Pour ce qui concerne la toxicité des puffs, la plupart des experts s’accordent pour affirmer que les émissions produites par les cigarettes électroniques sont moins nocives que la fumée du tabac.
Toutefois, cette moindre nocivité n’est pas synonyme d’absence de toute dangerosité, car le mode d’exposition complexifie l’évaluation des risques. En effet, de nombreux arômes sont considérés comme sûrs lorsqu’ils sont ingérés par voie orale, mais leur innocuité n’est pas nécessairement établie après chauffage et inhalation.
L’interdiction des puffs est donc un impératif de santé publique. Toutefois, en application du principe de libre circulation des marchandises, cette interdiction ne pourra entrer en vigueur que si la Commission européenne l’approuve.
La position de la France est scrutée par les institutions européennes, mais aussi par des pays qui envisagent la même interdiction – je pense notamment à l’Allemagne et à l’Irlande.
À cet égard, je tiens à saluer le travail du rapporteur, qui a consolidé le texte en précisant la définition de ce qu’est un dispositif de vapotage jetable ou à usage unique, afin de circonscrire l’interdiction qui sera examinée par la Commission européenne.
En conclusion, le groupe Les Républicains estime que l’interdiction portée par cette proposition de loi constitue un impératif à la fois en matière de santé publique, au premier chef s’agissant des adolescents, et sur le plan de la protection de l’environnement en France et au niveau européen.
Nous soutiendrons donc cette interdiction. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
M. Stéphane Piednoir. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)
Mme Marie-Claude Lermytte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, colorés, aromatisés à la fraise, à la pastèque ou encore à la mangue, on pourrait très facilement les confondre avec un paquet de bonbons : les emballages des cigarettes électroniques à usage unique, dites puffs, ne laissent aucun doute sur leur cible marketing : les jeunes.
Cependant, un chiffre doit nous réjouir : la diminution de la consommation de tabac chez ces derniers. En effet, en 2022, moins d’un jeune sur deux déclarait avoir déjà fumé, contre près de 60 % en 2017. Aujourd’hui, 16 % des jeunes de 17 ans fument tous les jours, soit deux fois moins qu’il y a dix ans.
Quelles que soient les origines de la diminution de la consommation – efficacité des campagnes de prévention, augmentation du prix du paquet, loi Évin, pandémie de covid-19… –, nous ne pouvons que nous féliciter de cette baisse.
La nocivité du tabagisme est un fait indiscutable : celui-ci est la première cause évitable de mortalité prématurée. En France, quelque 45 000 personnes décèdent chaque année d’un cancer lié au tabac.
Cette baisse de la consommation a parallèlement ouvert la porte à la cigarette électronique, qui s’est développée à grande vitesse : le vapotage a triplé en cinq ans.
Chez les jeunes, depuis 2021, c’est précisément le recours à la cigarette électronique à usage unique qui rencontre un vrai succès. Le packaging est, paraît-il, séduisant…
Surtout, la vente à l’unité permet un prix bien inférieur à celui d’un paquet de cigarettes, qui, aujourd’hui, coûte environ 11 euros et offre l’équivalent de 300 bouffées. La puff est, quant à elle, accessible à partir de 7 euros pour 800 bouffées, soit plus de deux fois et demie de bouffées supplémentaires, pour un prix inférieur d’environ 36 %.
Selon les professionnels, et contrairement à ce que l’on croit, la cigarette électronique, censée ne dégager ni goudron ni monoxyde de carbone, est loin d’être inoffensive. Elle peut contenir de la nicotine et d’autres substances toxiques, tel l’acide benzoïque, dont on ne connaît pas encore les effets sur le long terme. Et le vapoteur d’une puff avec nicotine en absorbe autant que le fumeur de cigarettes classiques…
La cigarette électronique est donc considérée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un produit nocif et addictif.
Cependant, la littérature scientifique n’est pas unanime sur le niveau de toxicité de la cigarette électronique. Hélas, aucune étude scientifique ne permet, à ce jour, d’affirmer qu’elle est moins dangereuse que la cigarette classique.
Je souhaite en profiter pour remercier notre rapporteur. Monsieur Khalifé, vous nous avez aussi alertés sur le fait que les puffs ne s’adressaient pas seulement à des fumeurs voulant réduire leur consommation. Leur publicité offensive et parfois ambiguë cherche clairement à capter un jeune public, par une politique de marketing habile, et, ainsi, à créer une nouvelle catégorie de fumeurs.
Si la cigarette électronique a des effets néfastes sur la santé, sa version jetable est, quant à elle, pour reprendre l’expression de l’auteur de la proposition de loi, une « véritable aberration ».
Par ailleurs, les puffs nuisent gravement à l’environnement.
On sait déjà que la durée de vie d’un mégot est de douze ans. Alors que 23,5 milliards de mégots sont jetés dans l’espace public chaque année en France, il en résulte un coût, pour les collectivités locales, de 100 millions d’euros par an.
Les puffs, quant à elles, contiennent du plastique, mais aussi des métaux lourds, comme le lithium, le chrome, le nickel, le mercure, le cobalt, le fer, l’aluminium, le cuivre, le zinc ou encore le plomb – rien que cela ! D’après les spécialistes, il est quasiment impossible de les recycler, en raison de techniques de fabrication dont je vous épargne les détails.
Interdire un produit qui nuit autant à la santé de nos enfants qu’à celle de l’environnement est une évidence. Nous espérons que l’avis de la Commission européenne, nécessaire pour que ce texte puisse être appliqué, en tiendra compte.
Le groupe Les Indépendants votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)
Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pardonnez-moi si je répète ce que viennent de dire mes collègues qui se sont succédé à cette tribune.
Le 28 novembre dernier, Aurélien Rousseau, alors ministre de la santé et de la prévention, présentait devant des élus et des journalistes les principaux axes du nouveau programme national de lutte contre le tabac pour la période 2023-2027.
Il y était précisé que les résultats du précédent PNLT étaient concluants, puisque 2 millions de fumeurs quotidiens en 2018 ont cessé leur consommation en 2022. Ces chiffres, très encourageants, nous incitent à poursuivre dans cette voie.
Le nouveau programme présente 5 engagements forts et 26 mesures incitatives, avec pour ambition de s’inscrire dans la continuité du précédent et, surtout, de susciter une génération sans tabac. Je tiens à saluer ces engagements du ministère, et je ne doute pas, madame la ministre, que vous suivrez parfaitement ce programme.
Le 4 décembre 2023, dans la foulée de la présentation du PNLT, a été votée à l’Assemblée nationale en première lecture une proposition de loi d’un seul article visant à interdire la fabrication, la vente, la distribution et l’offre à titre gratuit des cigarettes dites puffs.
Que sont ces cigarettes ? Les puffs – littéralement, « bouffées », en anglais – sont des cigarettes électroniques à usage unique. Commercialement présentées comme « ludiques », elles capitalisent sur un emballage coloré et sur un large panel de goûts fruités. Leur prix, qui ne s’élève guère à plus de 7 euros l’unité, complète cet arsenal attractif.
Ces choix marketing ont pour cibles leurs principaux consommateurs : les jeunes.
Quelques chiffres nous permettent d’en mesurer l’ampleur : 73 % des mineurs en ont déjà entendu parler ; malgré l’interdiction pénale de la vente de ces produits aux moins de 18 ans, quelque 57 % d’entre eux les ont déjà testés ; 13 % des jeunes âgés de 13 à 16 ans avouent en avoir déjà consommé, selon l’Opecst.
Je veux, à cet instant, remercier notre ancienne collègue, Catherine Procaccia, qui, depuis très longtemps, nous alerte sur ce danger et qui, au nom de l’Office, a produit avec le député Gérard Leseul une étude sur les aspects scientifiques relatifs aux alternatives au tabac.
À ce stade, je souhaite simplement rappeler que le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France, qu’il cause 75 000 décès par an, que le tabac coûte à l’État plus de 1,6 milliard d’euros et qu’il représente un coût social annuel estimé à environ 160 milliards d’euros. Il y a donc urgence, mes chers collègues, à interdire ces puffs, qui peuvent constituer une porte d’entrée idéale.
Une seule puff renferme 500 bouffées, soit l’équivalent d’un paquet de cigarettes entier. Il peut également contenir jusqu’à 2 % de nicotine, dont les effets sont dévastateurs pour la santé : c’est une substance à la fois addictive et nocive, avec des conséquences sur le développement cérébral, comme le prouvent certaines études.
L’utilisation de ces cigarettes contrevient également aux ambitions du programme national de lutte contre le tabac, dont le premier axe concerne la protection des jeunes à l’égard du tabagisme.
En effet, pour presque 1 jeune de 17 ans sur 2, les puffs constituent la première porte d’entrée dans le tabagisme. Les interdire nous offrirait donc de nouvelles marges de manœuvre pour répondre à l’objectif du PNLT d’abaisser la part de fumeurs quotidiens âgés de 17 ans à moins de 13 % en 2026 et à moins de 10 % en 2028.
Leur interdiction s’avère également indispensable d’un point de vue écologique. L’Alliance contre le tabac souligne son impact environnemental majeur. Selon cette association, les puffs sont d’ores et déjà présentes sur nos plages ou à la dérive sur les océans.
Rappelons que les puffs se caractérisent par deux matériaux principaux : du plastique et du lithium.
Or la production de plastique est l’un des processus de fabrication les plus énergivores de la planète, et son rejet dans les milieux naturels constitue l’une des catastrophes écologiques les plus désastreuses pour nos sols, pour nos eaux et pour la biosphère en général. Lutte contre le réchauffement climatique et consommation de puffs sont donc antinomiques.
Quant au lithium qui entre dans la composition des puffs, il représente un danger à long terme. S’il est rejeté dans la nature, il peut en effet s’embraser et accentuer les catastrophes forestières dont nous sommes malheureusement les spectateurs chaque été.
Un dernier chiffre accablant nous invite à agir vite et fort : selon une enquête britannique, deux cigarettes puffs sont jetées chaque seconde. Les conséquences sanitaires, sociales, économiques et écologiques de cette consommation, que mes collègues et moi-même nous sommes efforcés de présenter, sont donc dramatiques.
Je terminerai mon propos en évoquant les enjeux juridiques au niveau européen.
En effet, si ce texte était adopté par le Parlement, la Commission européenne devrait rendre son avis dans un délai de six mois. Je vous rappelle notre déconvenue sur la loi, portée et défendue par notre ancienne collègue Valérie Létard, tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote. Alors qu’elle avait été promulguée le 1er juin 2021, elle est toujours bloquée, ce qui est tout de même dramatique !
La difficulté réside dans le risque de non-conformité du texte au droit européen, avec une atteinte supplémentaire portée à la libre circulation des marchandises. Une exception est possible lorsque l’intention de l’État membre est justifiée par des motifs spécifiques à la situation du pays, à condition qu’il y ait un objectif de protection de la santé publique.
Au niveau européen, l’Allemagne, la Belgique et l’Irlande travaillent sur des législations similaires. Ce tir groupé peut mettre la pression au niveau européen pour faire évoluer la directive sur les produits du tabac et les produits connexes.
Mes chers collègues, en votant cette proposition de loi, nous agissons pour la protection de nos enfants, mais aussi de notre environnement. Le groupe Union Centriste votera donc en faveur de cette initiative parlementaire, et il remercie une nouvelle fois son rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et GEST.)
M. Pierre Jean Rochette. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne Souyris.
Mme Anne Souyris. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce petit objet coloré de moins de 10 centimètres et coûtant moins de 7 euros, que vous avez tous vu, est une véritable bombe à retardement pour la santé de nos jeunes, mais également pour l’environnement. Tous les orateurs l’ont dit, mais il est important de le répéter. Il devrait d’ailleurs déjà être interdit.
Nous débattons aujourd’hui de la proposition de loi visant à interdire la puff, qui représente pour les plus jeunes une véritable porte d’entrée vers le tabagisme. Je souhaite, tout d’abord, remercier ma collègue députée écologiste, Francesca Pasquini, d’avoir porté avec détermination ce texte nécessaire. Je salue également M. Khalifé pour son engagement en faveur de l’interdiction des cigarettes électroniques à usage unique.
Imaginés pour les jeunes, aromatisés avec une multitude de goûts, sucrés et fruités, plus aguicheurs les uns que les autres et affichant un prix très abordable, ces dispositifs électroniques sont un véritable danger en termes de santé publique, à court et moyen termes.
Pour l’industrie du tabac, les puffs représentent une nouvelle occasion d’élargir leur offre, tout en faisant entrer les utilisateurs dans l’univers de la nicotine. Même si les effets à long terme des cigarettes électroniques sur la santé ne sont pas encore totalement connus, il a été établi que les substances toxiques qu’elles généraient pouvaient provoquer des cancers et augmenter les risques de pathologies cardiaques et pulmonaires.
Ces cigarettes électroniques, pensées à l’origine pour permettre la diminution, voire l’arrêt, de la consommation de tabac, deviennent à l’inverse – à tout le moins pour ce qui concerne les puffs – un véritable instrument d’augmentation des risques, ainsi que, j’y insiste, une porte d’entrée vers l’addiction à la nicotine. En effet, la moitié des jeunes qui vapotent quotidiennement deviennent des fumeurs de tabac.
Même les puffs qui ne contiennent pas de nicotine posent un problème de santé publique, en asservissant les jeunes au geste du vapotage.
C’est la protection de notre jeunesse, et de toute une génération, qui est en jeu. Après deux ans d’existence de ces dispositifs en France, plus de 13 % des adolescents ont déjà utilisé une cigarette puff. Pis, 47 % d’entre eux ont commencé de cette façon leur initiation à la nicotine. Alors que depuis plusieurs années la vente de tabac baisse globalement, le vapotage, lui, augmente. L’usage quotidien des adolescents a même triplé en quelques années seulement.
L’objectif d’une génération sans tabac d’ici à 2032, qui était à portée de main, s’éloigne donc à grands pas. La prévalence du tabagisme quotidien chez les jeunes de 17 ans avait pourtant baissé significativement entre 2017 et 2022 – vous l’avez souligné, madame la ministre –, bien au-delà des objectifs, et même au-delà des espérances. Piège sournois ciblant la jeunesse, les puffs risquent, à rebours, de renverser cette tendance.
Et que dire des pratiques de prédation des industriels, qui ciblent délibérément les jeunes venant d’entrer au collège, via un marketing pensé spécifiquement pour eux, avec des couleurs et des goûts alléchants qui donnent envie d’essayer et de renouveler l’expérience ?
Ce phénomène de mode est accentué par les réseaux sociaux, puisque des influenceurs sont payés pour vanter les nouveaux goûts disponibles ou se mettre en scène avec ces produits. La dernière puff mise en vente, toujours plus puissante et affichant un coloris inédit, est alors exhibée pour se vanter devant les camarades de classe, dans la cour de récréation ou devant le collège. Vapoter la dernière puff, c’est évidemment stylé !
Nous le savons, l’adolescence est une période durant laquelle on essaie de trouver sa place. L’industrie du tabac l’a très bien compris, en fabriquant une nouvelle génération de fumeurs, c’est-à-dire en s’attaquant à des enfants.
Ces puffs sont aussi une aberration écologique. Au Royaume-Uni, 5 millions de ces dispositifs sont jetés chaque semaine. La quantité gaspillée de ces cigarettes équipées d’une batterie au lithium et produites le plus souvent en Chine pourrait d’ores et déjà alimenter, outre-Manche, près de 5 000 véhicules électriques par an.
En outre, elles ne font que très peu l’objet d’un recyclage, lequel est d’ailleurs pratiquement impossible à mettre en œuvre. La gestion de ces déchets entraîne donc des risques environnementaux et sanitaires, notamment la pollution – sinon éternelle, tout au moins à très long terme – des sols et de l’eau par des substances toxiques, ainsi que des risques d’incendie liés à leur retraitement.
La problématique des puffs nous appelle à faire preuve de responsabilité collective, comme ce fut le cas à l’Assemblée nationale.
Je sais que le Sénat votera en faveur de cette interdiction, car il est très attentif, tout comme Mme la ministre, à la protection sanitaire des jeunes. J’espère qu’une loi pourra s’appliquer très rapidement à cet effet. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Silvana Silvani.
Mme Silvana Silvani. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je joins ma voix au consensus qui semble se dessiner.
Le 4 décembre 2023, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité cette proposition de loi visant à interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique, également appelés puffs.
Les industriels du tabac n’ont pas attendu le vote du Sénat pour lancer la « maxipuff », encore plus volumineuse et dangereuse que les puffs classiques, puisqu’elle contient 9 000 bouffées possibles avant épuisement de la réserve, soit l’équivalent de 18 paquets de cigarettes.
Reconnaissons-le, l’industrie du tabac se trompe rarement en matière de marketing, en l’occurrence à grand renfort de communication sur les réseaux sociaux. Ces vapoteuses aux couleurs vives portant des leds multicolores qui s’allument à mesure qu’on les utilise, et aux goûts toujours plus extravagants, les jeunes se les arrachent dès le collège. Il est bien loin le temps des cigarettes en chocolat ! (Sourires.)
Notre collègue députée Francesca Pasquini ne s’est pas trompée non plus en déposant cette proposition de loi visant à interdire ces cigarettes électroniques jetables ou à usage unique, qui peuvent comporter de la nicotine. Dans une tribune publiée le 30 avril 2023 dans Le Monde, une vingtaine de spécialistes apportaient leur soutien à cette initiative parlementaire et qualifiaient les cigarettes électroniques jetables de « fléau environnemental et sanitaire qu’il faut interdire d’urgence ».
Cela a été rappelé, les cigarettes électroniques jetables sont une aberration environnementale, puisque le mode de production du plastique et du lithium qui les composent est très consommateur d’eau et de pétrole, lequel est extrait à l’autre bout du monde dans des conditions déplorables. Par ailleurs, ces cigarettes jetables sont une porte d’entrée vers la consommation de nicotine.
Face à la baisse de la consommation de tabac dans notre pays, l’industrie du tabac utilise un marketing agressif pour convertir les générations à venir, au mépris de la santé publique.
L’interdiction de vente aux mineurs des puffs est contournée, puisque 47 % des jeunes ont déjà essayé un de ces dispositifs. Pourtant, selon l’Académie nationale de médecine, la puff « constitue un piège particulièrement sournois pour les enfants et les adolescents », via lequel « il serait possible de ralentir, voire d’inverser [la] tendance vertueuse […] d’une quasi-disparition du tabagisme en France ».
Cependant, le consensus autour de l’interdiction des puffs nécessite désormais une validation de la Commission européenne. Après le rejet par celle-ci d’un projet d’interdiction des puffs en Belgique, le Gouvernement devra soutenir le présent texte et peser dans les négociations sur l’actualisation de la directive sur les produits du tabac. La sacro-sainte liberté de circulation des marchandises ne doit pas primer la santé de nos jeunes.
En conclusion, cette proposition de loi répond à une exigence de protection de la santé des mineurs face à la publicité agressive faite par les industriels en faveur d’un produit extrêmement polluant.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky votera en faveur de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis que ce texte transpartisan arrive devant la Haute Assemblée.
Cette proposition de loi a fait l’objet d’un consensus des acteurs politiques et reçu le soutien d’acteurs économiques, notamment la Confédération des buralistes. Les commerçants de la filière nous ont également fait part de leur soutien à l’interdiction de ce produit, qui ne représente qu’une part négligeable de leurs ventes.
Après une première lecture à l’Assemblée nationale, qui a voté le texte à l’unanimité, et le travail de la commission, je sais que nous trouverons à notre tour un accord.
J’espère que la France parviendra à justifier devant la Commission européenne cette interdiction, notamment son caractère proportionné, que démontre la restriction de la mesure aux seules cigarettes électroniques jetables ou à usage unique.
Cela a été dit, cette proposition de loi vise un double objectif, de santé publique et écologique.
D’une part, la cigarette électronique non rechargeable est le vecteur d’un marketing agressif, avec des emballages et des saveurs qui ont pour objectif de séduire une clientèle jeune.
Ne nous y trompons pas : la puff n’est pas l’outil de sevrage tabagique privilégié par les fumeurs ou les anciens fumeurs. Au contraire, elle constitue une entrée vers la dépendance à la nicotine. Le nombre de consommateurs de cigarettes électroniques âgés de 17 ans a triplé en cinq ans, et la facilité d’achat et d’utilisation de ces cigarettes n’est pas dépourvue de lien avec cette recrudescence. La puff est tellement ancrée dans les usages de ces jeunes qu’un tiers d’entre eux pensent, à tort, que la vente de ce produit est autorisée aux mineurs.
D’autre part, cette proposition de loi répond à une évidence écologique : ces produits, lorsqu’ils sont usagés, sont très peu déposés dans des points de collecte en vue de leur recyclage ; et leurs composants étant difficilement dissociables, il est difficile de les réutiliser.
La lutte contre le tabagisme est un défi pour un pays comme le nôtre, qui demeure très fumeur. Notre politique doit être claire : le vapotage peut s’envisager comme moyen de sevrage de la cigarette, mais jamais comme une porte d’entrée vers l’addiction à la nicotine.
Cette proposition de loi est un premier pas pour faire du vapotage uniquement le substitut nicotinique qu’il doit être. Mais il reste du chemin à parcourir en vue de garantir la santé des utilisateurs, notamment au travers d’une meilleure réglementation encadrant les liquides vaporisés utilisés dans les cigarettes électroniques, comme l’ont prévu certains pays européens.
Lors d’un contrôle d’ampleur de 30 000 liquides, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) avait conclu qu’un quart d’entre eux étaient hors des normes.
Les liquides sans nicotine font l’objet d’une réglementation insuffisante, alors même que leur utilisation dans le cadre d’un sevrage tabagique est douteuse. Les règles en matière de promotion et d’emballage sont encore trop souvent contournées. Quant aux contrôles et aux amendes de la DGCCRF, ils sont parfois insuffisants. La filière française, qui emploie aujourd’hui entre 13 000 et 20 000 personnes, semble volontaire pour s’engager dans de tels chantiers.
Nous devons également garder à l’esprit que les cigarettes électroniques ne sont apparues que récemment sur le marché, et, malgré l’ampleur du phénomène, la recherche médicale n’a produit que tardivement des études sérieuses. Nous manquons encore de certaines données scientifiques, ce qui doit nous appeler à une certaine vigilance lors de nos arbitrages. Nous avons également la responsabilité de prévoir des moyens préventifs et éducatifs, parallèlement à cette interdiction.
Les industries sont toujours à la pointe du progrès en matière de produits addictifs. Il nous faudra, à l’avenir, rester vigilants à l’égard de tous les autres produits nocifs et dangereux pour la santé qui sont déjà sur le marché. Malheureusement, nous aurons toujours un temps de retard par rapport à l’imagination et à l’innovation en la matière !
Cette proposition de loi n’épuisera pas le sujet de la lutte contre le tabagisme, mais elle constitue indéniablement une perspective positive pour la santé publique et pour le développement durable.
Pour ces raisons, le groupe RDSE sera unanimement favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Marie-Claude Lermytte et M. Bernard Buis applaudissent également.)