M. Patrick Kanner. Bravo !
Mme Marion Canalès. Combien faudra-t-il encore de drames avant de tenir la promesse de faire de la protection de l’enfance une priorité et d’y consacrer un vrai ministère ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes GEST et Les Républicains. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
difficultés de la filière du nickel en nouvelle-calédonie
M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Georges Naturel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Monsieur le ministre, la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie traverse actuellement une crise d’une rare gravité.
Les trois usines métallurgiques de Koniambo Nickel SAS (KNS), de la Société Le Nickel (SLN) et du Sud connaissent depuis plusieurs mois des difficultés majeures et sont au bord du dépôt de bilan.
Plusieurs milliers d’emplois directs et indirects sont en cause et de très nombreuses familles calédoniennes vivent dans l’angoisse de lendemains particulièrement difficiles.
La fermeture de l’usine de KNS, aujourd’hui la plus menacée avec environ 1 300 emplois directs, équivaudrait, proportionnellement, à la fermeture dans l’Hexagone d’un site industriel de plus de 300 000 emplois.
Lors de votre visite sur place, à la fin du mois de novembre dernier, vous avez proposé aux industriels et aux collectivités calédoniennes, sous réserve que trois conditions soient remplies, un « pacte Nickel » pour sauver chacune des usines, en fixant à la fin du mois de janvier 2024 la date limite de signature.
Cette échéance est aujourd’hui dépassée et aucun pacte n’a encore été signé, alors que la situation ne cesse de s’aggraver.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer précisément quel est, à ce jour, l’état des négociations de ce pacte Nickel ?
Pour chacune des usines, avez-vous obtenu de la part des actionnaires – Eramet pour la SLN, Glencore pour KNS et Trafigura pour l’usine du Sud – les engagements que vous demandez ?
Avez-vous obtenu l’accord de tous les élus calédoniens pour que la ressource minière soit mieux valorisée ?
Quand allez-vous annoncer, pour chacune des usines, le montant et la date du déblocage des prêts relais de l’État ?
Enfin, quand allez-vous annoncer les modalités et le calendrier du soutien de l’État pour moderniser la production d’électricité et réduire son coût ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur Naturel, je partage totalement votre diagnostic sur l’état de la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie, confrontée à la fois à une concurrence nouvelle de la part de l’Indonésie, de la Corée du Sud, de la Chine, qui produisent à des coûts bien inférieurs, et à un effondrement du cours du nickel. Ces deux phénomènes mettent les trois usines, celle du Sud, celle de Nouméa et celle du Nord, en grande difficulté.
Je me suis rendu sur place avec le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, voilà quelques semaines, pour faire le point avec l’ensemble des acteurs, les élus et les industriels.
J’ai dit à quel point je croyais dans l’avenir économique de la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie.
Toutefois, pour que nous puissions ouvrir des perspectives, il nous faut remplir trois conditions, que je rappelle.
Première condition : il importe de conclure effectivement ce pacte Nickel avec l’ensemble des élus locaux, pour mieux exploiter la ressource minière, pour donner de la visibilité sur cette exploitation et pour permettre l’exploitation des minerais qui ne sont pas utilisés, parce que cela permet à ces entreprises qui en ont bien besoin de faire de la trésorerie. Sur ce pacte Nickel, la négociation progresse. J’ai bon espoir que nous puissions parvenir à une signature définitive sous quelques semaines.
Deuxième condition : il convient que l’État s’engage sur la rénovation des réseaux électriques. Le Président de la République a pris de tels engagements et je suis chargé de les mettre en œuvre. Nous mobiliserons les investissements nécessaires pour moderniser le réseau énergétique calédonien.
Troisième condition, essentielle : il ne peut pas y avoir d’usines sans industriels pour les faire fonctionner. Pour la seule usine du Nord, KNS, j’ai proposé 100 millions d’euros au travers d’un prêt de l’État, 45 millions d’euros d’aide immédiate, 65 millions d’euros de soutien sous une autre forme financière, soit près de 200 millions d’euros de soutien pour une seule usine. L’État a donc fait tout ce qu’il devait faire, à savoir le maximum financièrement, pour l’usine KNS du Nord. Il revient maintenant aux actionnaires, c’est-à-dire la province Nord et Glencore, de prendre leurs responsabilités.
M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour la réplique.
M. Georges Naturel. Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous attendons avec impatience le résultat de ces négociations, compte tenu des soucis particuliers qui préoccupent aujourd’hui les Calédoniens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
consommateurs floués sur la qualité de l’eau minérale
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Mme Élisabeth Doineau. En ce début d’année, deux actualités viennent éclabousser – j’emploie ce terme à dessein – le monde des eaux minérales en France.
La première est d’ordre sanitaire. Selon une étude américaine, il y aurait cent fois plus de nanoparticules dans l’eau minérale par rapport aux estimations antérieures. Ces nanoparticules circulent dans le sang et vont jusqu’à atteindre les organes partout dans notre corps, y compris notre cerveau.
La deuxième est d’ordre économique et politique. C’est la raison pour laquelle je m’adresse à vous, monsieur le ministre Bruno Le Maire.
La semaine dernière, deux médias ont annoncé que des grands groupes producteurs d’eaux minérales utilisaient en fait des traitements qui n’étaient pas autorisés auparavant pour les eaux de source.
Or c’est vous qui avez autorisé, au travers d’arrêtés préfectoraux, ces mêmes traitements, permettant, en quelque sorte, à l’eau d’être consommable. Dès lors, ces eaux peuvent-elles encore être considérées comme des eaux de source, puisque c’est sous une telle dénomination qu’elles sont vendues ?
À votre demande, l’inspection générale des affaires sociales a diligenté une étude. Nous n’avons pas eu connaissance, à ce jour, de l’ensemble de ses conclusions : que nous apprennent-elles ?
L’eau minérale en question a été vendue cent fois plus cher que l’eau du robinet, alors qu’il ne s’agissait ni plus ni moins que d’eau du robinet, puisqu’elle subissait les mêmes traitements.
Monsieur le ministre, comment avez-vous pu accepter une telle tromperie du consommateur, pour reprendre les termes que vous avez précédemment employés ? La tromperie du consommateur ne peut pas être à géométrie variable : or, en l’espèce, on a fait payer à tous les consommateurs l’eau du robinet au prix d’une eau en bouteille. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
M. Yannick Jadot. Vive les normes !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Vous avez parfaitement raison, madame la sénatrice, il n’est pas question qu’il y ait la moindre tromperie du consommateur ni le moindre manquement à la réglementation.
Lorsque les informations nous ont été relayées, les agences régionales de santé ont saisi le procureur de la République pour risque de manquement à la réglementation et tromperie du consommateur.
Une eau minérale doit respecter un certain nombre de procédures et de règles ; vous les avez rappelées. Il est indispensable que le consommateur ne soit pas floué et que ces règles soient respectées.
Les agences régionales de santé, puisque plusieurs territoires ont été concernés, ont saisi, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République. Une enquête judiciaire a été ouverte et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes apporte son soutien à cette enquête pour examiner si, oui ou non – je n’ai évidemment pas la réponse –, les industriels ont respecté les réglementations européennes.
Attendons la fin de l’enquête de justice. C’est elle qui déterminera si les industriels concernés ont, oui ou non, respecté les réglementations en vigueur. Il va de soi que, si la réglementation n’a pas été respectée, les sanctions nécessaires s’appliqueront. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour la réplique.
Mme Élisabeth Doineau. Finalement, l’eau de source n’est pas généreuse par nature, elle est coûteuse par forfaiture ! (Marques d’appréciation sur de nombreuses travées. – Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
application de la loi sur la maltraitance animale
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Anne Chain-Larché. Sous le feu des médias, la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes a été promulguée le 30 novembre 2021. Elle a été réécrite à 85 % au Sénat, devenu coutumier du fait.
Cette loi affecte, entre autres, les animaleries, les cirques, les parcs zoologiques, les parcs aquatiques. Les professionnels concernés sont talentueux, passionnés, soucieux du bien-être des animaux qu’ils hébergent, soignent et étudient.
Depuis 2021, les textes réglementaires concernant les parcs aquatiques accueillant les mammifères marins ne sont toujours pas signés.
Promenés de secrétaire d’État en secrétaire d’État à la faveur des remaniements ministériels, ces parcs n’ont pas de ligne claire sur le cadre applicable à leurs activités et n’ont, de ce fait, aucune assurance que celles-ci soient pérennes.
Ce n’est pas l’esprit de la loi qui a été votée.
Le couperet tombera le 1er décembre 2026, autant dire demain. D’ici là, les professionnels devront avoir investi pour être en conformité avec la loi.
Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, ce que vous imposez à ces professionnels est inacceptable. Pouvez-vous nous dire quand, enfin, les arrêtés concernant les conditions d’hébergement, les contours des programmes scientifiques et les démonstrations au public des résultats des recherches seront signés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Chain-Larché, vous êtes très mobilisée sur cette question. Vous avez d’ailleurs grandement participé aux travaux de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.
Un certain nombre de décrets ont été publiés. Je pense notamment à la question de la vente en ligne, pour laquelle un décret a été pris le 1er juillet 2023. Je pense aussi au décret sur le certificat d’engagement et de connaissance, demandé aux personnes détentrices ou faisant l’acquisition d’un animal de compagnie. Je pense enfin au décret sur la formation des détenteurs d’animaux, en particulier des personnes chargées de refuges ou qui recueillent des animaux de compagnie. Nous avons également déployé des moyens importants sur la question des refuges – plus de 30 millions d’euros.
Votre question principale relève davantage du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui a dû quitter cet hémicycle. Vous demandez en effet au Gouvernement des lignes claires sur le cadre applicable aux parcs animaliers, notamment en termes de délais. Nous souhaitons être en mesure d’apporter des éléments de clarification réglementaire à ces professionnels dans quelques semaines – au plus tard dans un ou deux mois – afin qu’ils puissent se préparer à se mettre en conformité avec l’esprit et la lettre de cette loi.
Mme Laurence Rossignol. Le Gouvernement va plus vite pour les animaux que pour les enfants !
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour la réplique.
Mme Anne Chain-Larché. En effet, monsieur le ministre, ma question s’adressait à M. Béchu, ministre de la transition écologique. Cela fait des années que l’on balade des professionnels. En vérité, monsieur le ministre, il serait bon que votre administration cesse de prêter le flanc aux associations animalistes, qui répandent une idéologie woke et s’attachent à déconstruire ce qui façonne la France. (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. Yannick Jadot. Sérieusement ?
Mme Anne Chain-Larché. Le Sénat est aux côtés de ces professionnels, qui sont notre patrimoine. Ils font la fierté de la France. La Haute Assemblée veillera à ce que la France reste la France ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Joshua Hochart et Stéphane Ravier applaudissent également.)
contamination de l’eau minérale
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hervé Gillé. Rétention d’informations auprès de la Commission européenne, dissimulation, fraude au consommateur, non-respect de la loi, vaste tromperie : voilà les faits qui sont reprochés au Gouvernement à la suite des révélations de Radio France et du journal Le Monde à la fin du mois de janvier.
Cette enquête nous informe qu’un rendez-vous s’est tenu en 2021 entre Nestlé Waters et le cabinet de Mme Pannier-Runacher, alors ministre déléguée chargée de l’industrie.
À la suite de cette réunion, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) a été remis au Gouvernement en 2022. Ce rapport, accablant, n’a jamais été rendu public.
Le Gouvernement a donc eu connaissance des pratiques frauduleuses de certains grands groupes industriels ayant recours à des traitements non conformes pour commercialiser leurs eaux minérales et de source, sans en avoir informé – a priori – ni la justice ni les consommateurs.
Sur une initiative de mon collègue Alexandre Ouizille, nous avons alerté Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités dès le 31 janvier afin de lever les doutes sur ce dossier. Nous sommes toujours en attente d’une réponse de sa part. Nous sommes d’ailleurs impatients de connaître enfin son éclairage.
Confirme-t-elle les accusations contenues dans le rapport d’enquête ? Pourquoi n’a-t-elle pas rendu public le rapport de l’Igas ? Va-t-elle désormais le faire ? Le Gouvernement a-t-il informé la Commission européenne de cette situation, comme il en avait l’obligation ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le sénateur, je vous répondrai à la place de Mme Catherine Vautrin.
Comme je l’ai souligné à l’instant, une enquête judiciaire est en cours. Les agences régionales de santé (ARS) ont saisi, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, le procureur de la République. Cette enquête doit déterminer si les industriels de l’agroalimentaire – je partage totalement votre avis sur la gravité des faits qui leur sont reprochés – ont respecté ou non les réglementations relatives aux eaux minérales. Il s’agit donc de savoir si ces eaux peuvent toujours être qualifiées de « minérales » et si les procédés employés répondent bien au cahier des charges fixé pour les eaux minérales. C’est un enjeu majeur en matière de tromperie du consommateur, comme l’a rappelé Mme Doineau.
L’enquête judiciaire est ouverte. La justice a été saisie par les ARS au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes va apporter son expertise pour déterminer la conformité ou non de ce qui a été décidé par les industriels, et la justice rendra sa décision dans les semaines ou dans les mois qui viennent.
Laissons la justice mener son enquête jusqu’au bout : elle est la seule à même, désormais, à pouvoir apporter des réponses à vos questions.
M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour la réplique.
M. Hervé Gillé. Monsieur le ministre, il convient, dans cette affaire, d’observer la chronologie des faits. Le Gouvernement était informé depuis bien longtemps déjà de cette situation. Les ARS, quant à elles, se sont mobilisées beaucoup plus tardivement, et peut-être s’apercevra-t-on, à l’analyse, qu’elles ne l’ont pas nécessairement fait sur votre injonction.
Ces faits sont particulièrement dommageables pour notre démocratie, à la fois en termes de connivence avec des intérêts privés, mais surtout en termes de confiance entre les citoyens et leurs gouvernants. Vous créez, en quelque sorte, les conditions d’une société de défiance et de suspicion. Pis, ce type de comportement peut alimenter les théories du complot.
Si vous souhaitez clarifier la situation, vous ne pourrez que soutenir la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le sujet. Nous jugerons donc sur les actes. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
situation à mayotte
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Micheline Jacques. Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Monsieur le ministre, notre groupe est profondément préoccupé par la situation de chaos dans laquelle vit Mayotte et sur laquelle, du reste, nos collègues mahorais vous alertent régulièrement.
La crise de l’eau récemment très médiatisée s’est en réalité ajoutée à l’insécurité, à la pauvreté, à l’insalubrité, à l’immigration galopante, à une crise économique et sociale profonde, aux difficultés liées aux infrastructures sous-dimensionnées.
La population, excédée, paralyse une nouvelle fois Mayotte pour protester contre l’insécurité. Cette situation insurrectionnelle n’est pas plus acceptable à Mayotte qu’ailleurs dans notre République. Rétablir durablement la sécurité et l’autorité de l’État doit être la première des priorités.
L’immigration incontrôlée est à l’origine de la pression démographique : il naît l’équivalent d’une classe par jour à la maternité. Il faut certes durcir les règles d’immigration et d’acquisition de la nationalité en vigueur à Mayotte et tarir ainsi la principale difficulté de l’archipel à la source, mais on ne peut plus se contenter de mesures d’urgence, qui permettent seulement d’apaiser les tensions pour un temps.
On voit bien que Mayotte a besoin d’une vision pour adapter efficacement et structurellement l’action de l’État et des collectivités locales à sa réalité. Sans moyens, le droit ne peut s’appliquer efficacement.
Un projet de loi pour un développement accéléré de Mayotte avait été annoncé en 2021. Nous sommes en 2024 et le désespoir s’empare de la population. Eu égard au caractère multidimensionnel de la crise, monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de nous annoncer un plan ou une loi de programmation pour Mayotte ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Philippe Folliot, Thani Mohamed Soilihi et Saïd Omar Oili applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Madame la sénatrice, vous avez parfaitement raison, Mayotte connaît des difficultés très importantes liées à l’immigration, à l’insécurité, aux problèmes économiques et sociaux, mais aussi aux transports et aux infrastructures. L’égalité des droits avec le reste du territoire n’est pas garantie.
Je rappelle que c’est le Président Chirac qui a décidé de faire de Mayotte un département. Il nous appartient désormais de tenir cet engagement, dans des conditions évidemment très difficiles. Vous connaissez mon engagement profond pour Mayotte. Je souhaite aider l’archipel à mieux vivre.
Cela passe, tout d’abord, par la lutte contre l’immigration irrégulière. C’est ce que nous avons fait en lançant l’opération Wuambushu et en construisant un deuxième centre de rétention administrative pour Mayotte.
C’est ce que nous avons fait aussi avec la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, qui met désormais à la disposition des autorités des moyens extrêmement importants pour lutter contre l’immigration irrégulière à Mayotte.
Toutefois, celle-ci ne vient pas simplement des Comores ou de Madagascar ; elle vient aussi de l’Afrique des Grands Lacs en raison de l’islamisme galopant dans ces territoires. La présence d’un camp d’immigrés à Cavani a fait exploser une colère qui était déjà très sourde. J’ai pris des mesures sans précédent d’évacuation d’un terrain appartenant au conseil départemental et, pour la première fois, de rapatriement dans l’Hexagone de personnes reconnues comme réfugiées par le droit d’asile français.
Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé dans son discours de politique générale qu’un projet de loi sur Mayotte sera présenté très prochainement en conseil des ministres. Il s’agira de prévoir un changement radical sur les questions économiques, sociales, de transport et d’infrastructures pour faire de Mayotte un département comme les autres, ce qui posera évidemment des questions de cotisations et de prestations, qui doivent être les mêmes que sur l’ensemble du territoire national.
Enfin, un changement constitutionnel s’impose. Nous ne réglerons pas les questions migratoires de l’archipel sans une modification radicale du droit du sol et du droit du sang à Mayotte. Le Président de la République en accepté l’augure ; je vous propose d’y travailler ensemble avec le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour la réplique.
Mme Micheline Jacques. Mayotte, comme l’ensemble des outre-mer, a besoin d’un projet ambitieux, car la situation est aussi le résultat d’une gestion par à-coups et à trop court terme. Je suis persuadée que l’on paie plus cher à long terme – et à tout point de vue – ce que l’on repousse d’année en année.
À Mayotte, le Gouvernement doit donc s’attaquer aux causes profondes, au premier rang desquelles l’immigration. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Thani Mohamed Soilihi et Saïd Omar Oili applaudissent également.)
couloir aérien entre la chine et taïwan
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, pour le groupe Union Centriste.
Mme Brigitte Devésa. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Tout le monde se souvient du vol MH17, abattu en Ukraine en 2014 par un missile sol-air, tiré par les forces prorusses du Donbass. Aucun des 283 passagers n’a survécu.
Depuis le 1er février 2024, Pékin met en danger la sécurité aérienne dans le détroit de Taïwan. Un vol Air France passe par ce couloir aérien.
L’administration de l’aviation civile chinoise a décidé, unilatéralement, d’une modification de ses itinéraires de vol dans le couloir aérien M503, qui viennent désormais frôler la frontière aérienne officieuse entre Taïwan et la Chine.
L’objectif de Pékin est clair : harceler les défenses aériennes de Taïwan et se servir du passage d’avions civils pour camoufler des manœuvres militaires.
Taïwan condamne cette décision et pointe les conséquences néfastes en termes de sécurité des passagers internationaux, dont nos ressortissants, en provenance et à destination de Shanghai.
La révocation de l’accord aérien conclu en 2015 entre les deux rives du détroit de Taïwan constitue un coup de force et porte atteinte au statu quo. Malgré une résolution du Sénat votée en mai 2021 et les différents appels de nombreux pays, dont la France, la Chine empêche la démocratie taïwanaise de siéger à l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).
J’associe mon collègue Olivier Cadic à ma question : que fera la France pour amener la Chine à revenir à l’accord aérien conclu avec Taïwan en 2015 et sécuriser ainsi nos ressortissants ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, permettez-moi d’abord un commentaire sur l’actualité que vous venez de décrire. Nous sommes évidemment très préoccupés par les tensions croissantes dans le détroit de Taïwan. Notre position est très claire : nous sommes opposés à toute modification unilatérale du statut, ainsi qu’à tout usage de la force et de la coercition. C’est une attitude constante de la France. (MM. Olivier Cadic et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent.)
C’est un message que la France porte d’ailleurs à un haut niveau auprès des autorités chinoises, en les encourageant à privilégier le dialogue et à éviter toute escalade.
M. Yannick Jadot. Avec la Chine, ça ne marche pas comme ça !
M. Stéphane Séjourné, ministre. La France est attachée à la paix et à la sécurité de la région. Cette position se traduit par le passage régulier de notre marine nationale dans les eaux internationales du détroit. Nous marquons ainsi notre attachement à la liberté de navigation et de survol, conformément au droit international que nous revendiquons dans cette zone.
En ce qui concerne l’Organisation de l’aviation civile internationale, nous examinons de près avec nos partenaires les développements liés à Taïwan. Nous veillons à ce que son absence de l’OACI ne compromette pas la sécurité aérienne. Plus largement, madame la sénatrice, conformément à une autre position constante de la France, nous soutenons, dans le respect de la politique d’une seule Chine, au cas par cas, la participation de Taïwan aux travaux d’autres organisations internationales, si les statuts le permettent et à condition que ce soit d’intérêt collectif. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)