compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin,
M. Philippe Tabarot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Politique générale
Lecture d’une déclaration du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle la lecture d’une déclaration de politique générale du Gouvernement.
Je donne la parole à M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui va lire cette déclaration devant le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme la tradition le veut, j’ai l’honneur de m’adresser à vous pour vous faire part de la déclaration de politique générale que le Premier ministre prononce en ce moment même devant l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, le Premier ministre s’adressera à vous, demain, à quinze heures.
« Le propre de toute société humaine, c’est de regarder en face l’avenir qui se dessine, d’interroger son modèle, de puiser en soi les ressources suffisantes pour avancer, de corriger ce qui doit l’être et de construire les bonnes solutions. Une société ne se perd jamais quand elle cherche à avancer. »
M. Albéric de Montgolfier. Vous enfoncez des portes ouvertes…
M. Bruno Le Maire, ministre. « Une société ne se perd jamais quand elle doute. Elle se perd quand le doute l’emporte sur tout le reste, quand le doute glace, quand il fige, quand il conduit à s’interroger non pas sur l’avenir qui se dessine, mais sur soi-même, sur ses forces et sur ses capacités.
« Je suis né en 1989. » (Rires et applaudissements.)
Si seulement !
M. François Patriat. Il est l’avenir…
M. Bruno Le Maire, ministre. « C’était l’année du bicentenaire de la Révolution, une année où l’on a cru que la démocratie libérale et le progrès universel triompheraient par eux-mêmes.
« Ma génération a vu l’inverse se produire.
« Parce que ma génération, partout dans le monde, voit son monde chamboulé plus fortement encore que toute autre avant elle, elle est en proie au doute – doute sur l’avenir de la planète ; doute sur son identité ; doute, ici, en France, sur qui nous sommes en tant que peuple et comme nation ; doute sur notre modèle social, nos services publics et notre démocratie.
« Notre responsabilité, celle de chacune et de chacun d’entre nous, est de puiser en nous la force d’identifier tous les ressorts pour surpasser ces doutes.
« Si nous sommes ici réunis, si nous nous engageons par-delà nos divergences et nos désaccords, c’est que nous avons un point commun, partagé par des dizaines de millions de nos concitoyens : nous voyons davantage de raisons d’espérer que de douter ; nous sommes prêts à affronter pour avancer.
« Mesdames, messieurs les députés, en m’exprimant face à vous, c’est en réalité à chaque citoyen de notre pays que je m’adresse. Et à travers vous, c’est à chacun de nos concitoyens que je veux dire : “Nous ne sommes pas n’importe quel pays”. La France n’a jamais été et ne sera jamais une nation qui subit, ni hier, ni aujourd’hui, ni demain.
« Dans les pires moments de doute, de désarroi et de désunion, elle a montré sa solidité et son supplément d’âme qui fait d’elle une nation à nulle autre pareille.
« En cette année 2024, nous célébrerons les 80 ans du débarquement, moment de libération de la France et de secours pour des Français qui, pour la plupart, n’avaient jamais cessé de croire en elle.
« En cette année 2024, nous rouvrirons les portes de Notre-Dame de Paris, alors que l’image rétinienne des flammes reste si vive dans l’esprit des Français.
« En cette année 2024, nous accueillerons le monde, un monde bouleversé et divisé. Oui, nous accueillerons le monde à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques.
« La France rime avec puissance. La France est un repère et un idéal. C’est un patrimoine, témoin d’une histoire millénaire. C’est un héritage moral, celui de la patrie où sont nés les droits de l’homme. C’est un modèle social protecteur, envié dans le monde entier.
« La France, c’est le pays de la création, que nous soutenons et qui nous fait rayonner. C’est la patrie de la recherche, à laquelle nous donnons des moyens sans précédent. C’est la nation de l’innovation, qui construit le monde de demain, celui de 2030.
« La France, ce sont nos jeunes qui osent et se lancent. Ce sont nos familles et toutes ces mères célibataires qui se battent et qui ne lâchent rien, jamais. Ce sont nos soignants, nos professeurs, nos forces de l’ordre, tous nos agents publics, nos militaires qui s’engagent pour quelque chose qui les dépasse.
« Ce sont nos artisans qui font rayonner nos savoir-faire. Ce sont nos agriculteurs et nos pêcheurs qui travaillent matin, midi et soir pour nous nourrir. Ce sont nos élus locaux, qui s’engagent et se donnent corps et âme pour leur territoire. Ce sont nos associations et nos bénévoles.
« La France, ce sont les 68 millions de Français de l’Hexagone, des outre-mer et de l’étranger qui n’ont pas fini de nous surprendre.
« Dans un monde où tout s’accélère et se transforme, je refuse, avec eux, que notre identité se dilue ou se dissolve. La France a son rang à tenir, sa voix à faire entendre et sa singularité à imposer. Nous avons une fierté française à maintenir et une fierté européenne à consolider : il nous faut affronter pour avancer.
« Les difficultés économiques et les bouleversements climatiques, démographiques ou géopolitiques ne nous figeront jamais et ne nous conduiront jamais à nous perdre. Ils ne signifient pas la fin de tout, mais le passage d’un monde à un autre – un passage difficile, douloureux et inquiétant à bien des égards, mais un passage que nous réussirons, j’en suis intimement convaincu.
« À ceux qui veulent y voir notre disparition, je réponds que j’y vois notre renaissance, parce que nous avons une identité et des valeurs.
« À ceux qui veulent y voir un triangle des Bermudes, je réponds que j’y vois un cap Horn, parce que nous savons où nous voulons aller. »
M. Mickaël Vallet. Le cap Horn, il faudrait pouvoir le passer !
M. Bruno Le Maire, ministre. « À ceux qui veulent y voir une perte de boussole, je réponds que j’y vois l’occasion de faire preuve de détermination, parce que j’ai confiance.
« J’ai confiance, parce que je connais le chemin que nous avons parcouru depuis 2017, les tabous que nous avons levés et les obstacles que nous avons franchis.
« J’ai confiance, parce que je connais les Français, leur énergie, leur volonté et leur créativité.
« J’ai confiance, parce que je sais que, face aux épreuves, aux inquiétudes et aux crises, notre pays s’est toujours relevé.
« L’épidémie de covid a mis au jour bon nombre de fractures dans notre société. Elle a poussé notre modèle social dans ses retranchements. Mais notre pays a tenu, et nous avons protégé nos concitoyens mieux que beaucoup d’autres ne l’ont fait.
« Le dérèglement climatique nous frappe plus durement, plus fortement et plus souvent. L’exceptionnel devient la norme et les catastrophes se multiplient, mais notre pays agit avec force, et jamais, dans son histoire, les émissions de gaz à effet de serre n’ont baissé aussi rapidement que l’an dernier.
« La guerre en Ukraine a ébranlé l’Europe. Elle a détruit le rêve d’une paix éternelle sur notre continent. Elle nous a rappelé durement que la démocratie était fragile et la liberté un idéal toujours à défendre. Mais notre pays et notre Europe ont montré le visage de la détermination face à l’agresseur et leur solidarité pour le peuple ukrainien.
« L’attaque terroriste monstrueuse en Israël et la guerre au Proche-Orient ont ravivé des plaies et des maux jusque dans notre société, mais notre pays a su se dresser et répondre par le refus de la haine et par l’unité.
« La crise énergétique, l’inflation et la menace terroriste : les crises se superposent, s’enchevêtrent et s’additionnent. Elles ne laissent place à aucune solution miraculeuse. Mais méthodiquement, avec les Français, nous y répondrons.
« Bien sûr, face à ces crises, pour beaucoup de Français, l’avenir est davantage un objet de crainte qu’une promesse. Encore trop de Français ont le sentiment de perdre le contrôle de leur propre vie.
« Avec le Président de la République, avec mon gouvernement, je ne m’y résous pas – je ne m’y résoudrai jamais. Pour tous ces Français, nous allons continuer à affronter les difficultés, pour avancer, pas par de belles paroles, de grandes tirades ou de beaux discours (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), mais par des actes – des actes rapides, des actes concrets, de nouveaux changements dans leur vie et sur le terrain. »
M. Rachid Temal. Enfin !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, sous l’égide du Président de la République, l’identité même de cette majorité et de ce gouvernement, c’est de reconquérir notre souveraineté française et européenne.
« Notre promesse aux Français est claire : oui, nous voulons reprendre notre destin en main.
« En ouvrant une nouvelle page de cette conquête, nous pouvons nous appuyer sur un bilan concret, solide et tangible.
« En 2017, ma génération n’avait connu que la désindustrialisation qui semblait inéluctable, le chômage de masse qui s’ancrait, l’Europe qui se désunissait et la transition écologique qui rimait avec nécessité plus qu’avec réalité.
« Au fond, en 2017, la souveraineté de la France et de l’Europe était pour beaucoup un impensé. Pour certains, c’était même un gros mot.
« Nous avons assumé de parler de souveraineté ; plus encore, nous avons assumé d’en faire la matrice de notre action, et nous avons agi.
« Nous avons engagé une action résolue pour la souveraineté économique, avec, pour la première fois, le retour de l’industrie sur notre sol. N’en déplaise aux Cassandre, en France, il y a désormais plus d’usines qui ouvrent que d’usines qui ferment, et plus d’emplois industriels y sont créés que détruits – ce n’était pas arrivé depuis trente ans.
« Notre taux de chômage est descendu jusqu’à un niveau jamais atteint depuis vingt-cinq ans et, pour la cinquième année consécutive, notre pays est le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers.
« Nous avons engagé une action résolue pour lutter contre le réchauffement climatique et conquérir notre indépendance énergétique, avec une planification écologique inédite dans le monde et une stratégie énergétique pour une énergie plus souveraine et plus durable.
« Nous avons engagé une action résolue pour la souveraineté de nos frontières, avec une loi Immigration et un pacte Asile immigration au niveau européen qui sont enfin réellement protecteurs pour notre pays. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
« Nous avons engagé une action résolue pour que chaque Française et chaque Français puisse garder le contrôle de sa vie, pour qu’aucun d’eux ne soit jamais entravé, jamais assigné à résidence, jamais résigné. Et, bien évidemment, nous avons engagé une action résolue pour la souveraineté agricole de notre pays.
« Mesdames, messieurs les députés, notre agriculture est notre force, pas simplement parce qu’elle nous alimente au sens propre du terme, mais parce qu’elle constitue l’un des fondements de notre identité et de nos traditions. En effet, nos agriculteurs incarnent des valeurs fondamentales qui, lorsqu’elles sont bridées, fragilisent l’ensemble de la société : la valeur travail, le sens de l’effort et la liberté d’entreprendre.
« Notre agriculture est notre force, et notre fierté aussi. Aussi, je le dis ici solennellement, il doit y avoir une exception agricole française. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
« Je suis lucide face à l’empilement des normes et face aux décisions qui tombent d’en haut et parfois d’on ne sait où. Les agriculteurs doutent eux aussi et attendent des réponses et des solutions. Nous serons au rendez-vous, sans ambiguïté.
« Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, devant vous, je prends la parole, humble face à l’ampleur de la tâche à accomplir.
« Je veux m’adresser à tous les Français, ceux qui doutent et ceux qui espèrent, ceux qui écoutent et ceux qui n’y croient plus.
« Je veux m’adresser à tous ces Français, souvent de la classe moyenne, toujours au rendez-vous de leurs responsabilités, qui ne se plaignent pas, alors qu’ils ont si souvent le sentiment de subir, à ces Français qui ont le sentiment d’avoir tous les devoirs, quand d’autres ont tous les droits. »
M. Rachid Temal. Qui a tous les droits ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « À ces Français qui ont parfois le sentiment que leur propre pays s’éloigne et qu’ils n’y ont plus vraiment leur place, alors qu’ils en sont le cœur battant.
« À ces Français de l’entre-deux, trop riches pour bénéficier des aides, mais pas assez pour ne pas compter, qui ont le sentiment que les décisions se prennent sans eux et qu’elles bénéficient toujours aux mêmes.
« À ces Français qui ont parfois l’impression de vivre dans une France archipel dont les ponts seraient sur le point de se rompre, mais qui espèrent au fond d’eux que l’on parviendra à les réunir.
« À ces Français qui ne demandent pas la lune, mais simplement à pouvoir vivre de leur travail, éduquer leurs enfants, se soigner et vivre en sécurité.
« Je les entends, je les comprends et, comme la majorité qui œuvre en ce sens depuis 2017, je veux leur répondre.
« Je le veux avec d’autant plus de détermination que je sais quel risque il y aurait pour eux à céder à des sirènes qui ne conduiraient qu’au chaos, à la division et à l’effondrement. Car je suis lucide : pendant que nous agissons, certains guettent, entretiennent les colères et espèrent en récolter les fruits.
« Mesdames, messieurs les députés, le défi est immense, et j’ai bien conscience que je ne pourrai pas le relever seul, avec mes ministres, que je remercie de leur engagement sans faille.
« J’ai bien conscience aussi du message très clair exprimé par les Français en 2022. Nous avons une majorité, »…
M. Bruno Retailleau. Relative !
M. Bruno Le Maire, ministre. … « que je salue et à qui je veux dire ma confiance et ma fidélité. Mais cette majorité est relative, et les Français attendent que nous cessions les querelles de principes pour échanger et pour agir ensemble. (M. Olivier Paccaud s’exclame.)
« Depuis dix-huit mois, sur bien des textes, nous y sommes parvenus. »
M. Bruno Retailleau. En abandonnant toute ambition !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Et aujourd’hui, je le dis à la majorité comme aux oppositions, nous avons la France en partage.
« Nous avons, je le crois, le devoir commun de transcender les clivages, les désaccords et les divisions pour œuvrer au service des Français.
« Évidemment, nous ne serons pas d’accord sur tout. Évidemment, nous nous opposerons dans cet hémicycle et ailleurs. Mais, je vous le dis, je ne renoncerai jamais à dialoguer. (M. Jean-François Husson ironise.) Ma porte sera toujours ouverte, »…
M. Olivier Paccaud. Heureux de l’apprendre !
M. Bruno Le Maire, ministre. … « parce que, à travers vous, mesdames, messieurs les députés des oppositions, ce sont les voix de millions de Français qui s’expriment.
« C’est aussi cela la méthode que je veux pour mon gouvernement : respecter les Français, respecter les oppositions et respecter notre Parlement. »
M. Jean-François Husson. Ah oui ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Je m’y engage et j’en serai le garant.
« Ma méthode a toujours été la même. Chaque Français porte une vérité sur notre pays. Nous devons l’écouter et y répondre. Forces politiques, organisations syndicales, élus locaux et citoyens : depuis ma nomination, j’ai entamé des échanges avec eux, toujours avec franchise et lucidité. Aussi, avec vous, je veux faire résonner les mots de nos concitoyens, répondre à leurs inquiétudes et porter leurs espoirs.
« Mesdames, messieurs les députés, ma priorité est claire : favoriser le travail, pour que ceux qui en sont éloignés s’en rapprochent, tout en soutenant ceux qui n’ont que le fruit de leur travail pour vivre et qui sont toujours au rendez-vous de leurs responsabilités.
« Mon cap est clair, c’est celui de la souveraineté et de l’indépendance, à l’échelle individuelle, nationale et européenne.
« Ma méthode est claire et reste la même : dire la vérité même quand cela fait mal et même quand cela nous conduit à remettre en cause nos propres décisions. Dire la vérité, donc, et agir. Agir vraiment et agir maintenant.
« Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, parler aux Français, c’est répondre à quatre appels à l’action : pour le travail, pour qu’il paie mieux et toujours plus que l’inactivité, partout et pour tous ; pour nos services publics, pour qu’ils soient accessibles et de qualité, partout et pour tous ; pour l’autorité, le civisme et le respect des droits et des devoirs, partout et pour tous ; pour un environnement plus respirable, partout et pour tous. Et je veux l’affirmer : nous n’avons pas renoncé aux grandes conquêtes sociales et à la création de droits nouveaux. »
Mme Marie-Arlette Carlotti. Vraiment ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Mesdames, messieurs les députés, pour le travail, pour nos services publics, pour le rétablissement de l’autorité dans notre société et pour la transition écologique, nous partons aujourd’hui d’un bilan solide.
« Conformément au cap fixé par le Président de la République, nous avons multiplié les actions et les réformes. Et je veux rendre ici hommage à l’action déterminante d’Édouard Philippe, de Jean Castex et d’Élisabeth Borne, dont le sens de l’État et la détermination à faire sont des exemples.
« Je veux rendre hommage à la majorité, toujours mobilisée pour améliorer le quotidien des Français.
« Je veux saluer tous les parlementaires qui ont accepté de sortir des logiques partisanes pour permettre l’adoption de nombreux textes.
« Les premiers résultats sont là. Depuis 2017, nous avons montré que le chômage de masse n’était pas une fatalité. Nous avons engagé des réformes fortes, qui avaient trop longtemps été repoussées.
« Nous avons pris les ordonnances Travail dès le début du premier quinquennat. Nous avons mené une réforme de l’assurance chômage, une réforme de l’apprentissage et une réforme des retraites. Nous avons lancé le contrat d’engagement jeune, baissé les impôts et les charges et engagé une réforme majeure du lycée professionnel.
« Aujourd’hui, le chômage a baissé de plus de deux points et 2 000 000 d’emplois ont été créés. Notre industrie revient avec 100 000 emplois industriels créés et la réouverture de 300 usines. Le nombre d’apprentis a plus que triplé : ils sont désormais plus de 850 000, et nous avons le cap du million en vue.
« Depuis 2017, nous avons agi massivement pour nos services publics.
« Nous avons agi pour notre santé, avec les 19 milliards d’euros du Ségur de la santé, avec une revalorisation historique de la rémunération des soignants et avec l’augmentation du nombre de places dans les études de médecine, d’infirmier et d’aide-soignant.
« Pour notre école, nous avons engagé des transformations majeures et agi pour l’égalité des chances. Je pense au dédoublement des classes ou encore à l’augmentation du salaire des enseignants, la plus forte depuis trente ans. »
M. André Reichardt. Donc tout va bien…
M. Bruno Le Maire, ministre. « Pour notre sécurité, nous avons investi comme jamais par le passé : 10 000 postes de policiers et de gendarmes ont été créés lors du premier quinquennat ; 8 500 postes supplémentaires le seront lors de celui-ci, et nous avons lancé la création de 238 nouvelles brigades de gendarmerie. La sécurité, cela doit être pour tous, y compris dans la ruralité et dans les petites villes.
« Depuis 2017, pour la planète, nous avons préféré aux grands mots les vrais actes. Nous agissons et nous le faisons plus qu’aucune autre majorité avant nous. (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
« Avant 2017, les émissions de gaz à effet de serre diminuaient de 1 % en moyenne par an. Pendant le premier quinquennat, elles ont baissé de 2 % en moyenne par an. L’an dernier, sur les neuf premiers mois de l’année, elles ont baissé de près de 5 %. C’est historique !
« Conformément à l’engagement du Président de la République, nous avons désormais une stratégie complète, secteur par secteur et territoire par territoire : c’est la planification écologique.
« Nous nous donnons les moyens de réussir et nous investissons cette année 40 milliards d’euros pour la transition écologique.
« Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, nous avons beaucoup fait, mais il reste encore du chemin. Aussi, avec mon gouvernement, je suis prêt et déterminé.
« Nous devons répondre aux inquiétudes de la classe moyenne et faire en sorte que ceux qui vont travailler puissent vivre de leur travail et gagnent toujours plus que ceux qui ne travaillent pas.
« Nous devons répondre au défi des emplois non pourvus, car il est incompréhensible que le taux de chômage reste autour de 7 %, alors qu’il y a encore tant d’entreprises et de filières qui cherchent à recruter.
« Nous cultivons en France un paradoxe ; nous avons un salaire minimum, un Smic, qui est nettement supérieur à celui de nos voisins, et nous en sommes fiers ; mais nous avons une part de travailleurs dont la rémunération est proche du Smic beaucoup plus importante que nos voisins. C’est un problème.
« Tout d’abord, nous agirons résolument pour que les branches professionnelles qui continuent à rémunérer en dessous du Smic remontent ces rémunérations. »
Mme Sophie Primas. Comment ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « C’était le cas d’une soixantaine d’entre elles l’an dernier. Grâce à la mobilisation engagée alors, nous étions descendus à une trentaine à la fin de l’année 2023. La revalorisation du Smic au 1er janvier dernier a fait remonter leur nombre. Je souhaite poursuivre et amplifier la mobilisation pour des résultats rapides, et je n’exclus aucune mesure pour y parvenir.
« Ensuite, nous devons faire évoluer un système qui nous a conduits, depuis des décennies, à concentrer nos aides et nos exonérations au niveau du Smic.
« Aujourd’hui, pour augmenter de 100 euros le revenu d’un employé au Smic, l’employeur devra débourser 238 euros de plus. Quant au salarié, il perdra 39 euros de prime d’activité, il verra sa contribution sociale généralisée (CSG) et ses cotisations sociales augmenter de 26 euros et il pourrait payer l’impôt sur le revenu.
« En bref, autant le dire, notre système, fruit de réformes successives pétries de bonnes intentions, a placé notre monde économique dans une situation où il n’y a quasiment plus aucun intérêt pour quiconque à augmenter un salarié au Smic.
« Or on ne peut accepter une France où beaucoup sont condamnés à rester proches du Smic toute leur carrière. La progression salariale doit toujours permettre de récompenser l’effort et le mérite.
« Oui, j’assume de le dire, il faut “désmicardiser” la France. »
M. Rachid Temal. Il faut surtout augmenter les salaires !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Dès le prochain projet de loi de finances, en nous appuyant sur les propositions des parlementaires et des partenaires sociaux, ainsi que sur un certain nombre de travaux d’experts qui sont actuellement conduits, nous commencerons à réformer ce système.
« Dans le même temps, nous devons continuer à baisser les charges qui pèsent sur la classe moyenne. Après la suppression de la taxe d’habitation et de la redevance télévision, après la baisse de 5 milliards d’euros des premières tranches de l’impôt sur le revenu, nous tiendrons l’engagement du Président de la République d’une nouvelle baisse d’impôt de 2 milliards d’euros. » (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
Mme Anne Chain-Larché. En augmentant la dette !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Cette baisse d’impôt sera financée, et la solidarité nationale devra s’exercer pour nos classes moyennes.
« Valoriser le travail, ce n’est pas seulement agir pour les salariés. Nous agirons aussi pour nos fonctionnaires, qui permettent à l’État d’avancer et qui s’engagent au service de l’intérêt général, en intégrant leurs mérites et leurs efforts à leur rémunération. Un projet de loi sera déposé dès le second semestre de cette année.
« Autre objectif : pour réussir, je veux déverrouiller l’accès au travail et déverrouiller notre société.
« Je veux permettre à tous ceux qui le peuvent de travailler, avec en tête les droits et les devoirs de chacun : le droit d’être mieux accompagné grâce à la réforme de France Travail, mais aussi le devoir de chercher un emploi.
« Dans dix-huit départements, nous avons lancé une expérimentation qui conditionne le revenu de solidarité active (RSA) à quinze heures d’activité pour l’insertion. Je vous annonce que nous généraliserons ce dispositif à tous les départements de France d’ici au 1er janvier 2025.
« De plus, nous devons aller plus loin dans la réforme de l’assurance chômage. »
M. Rachid Temal. Encore ?
M. Bruno Le Maire, ministre. « Une négociation a été lancée en faveur de l’emploi des seniors, de la prévention de l’usure professionnelle des parcours et des reconversions, et nous souhaitons qu’elle aboutisse à un résultat ambitieux. Mais la situation économique évolue.
« Parce que nous gardons notre objectif de plein emploi et que nous devons inciter toujours plus à la reprise du travail, je serai extrêmement attentif à l’évolution de la trajectoire financière de l’assurance chômage. Si celle-ci dévie, je n’hésiterai pas, comme la loi le permet, à demander aux partenaires sociaux de remettre l’ouvrage sur le métier, sur la base d’une nouvelle lettre de cadrage, autour d’une ambition très claire : inciter toujours plus à la reprise du travail, sans tabou. »
M. Rachid Temal. Il faudrait des offres d’emploi !
M. Bruno Le Maire, ministre. « Nous combattrons également toutes les trappes à inactivité. Il s’agira de rendre les droits effectifs. Nous avons été capables de réaliser le prélèvement à la source ; nous serons capables de mener à bien la solidarité à la source, pour éviter les démarches inutiles et pour garantir la pleine justice sociale : que chacun touche l’intégralité de ce à quoi il a droit.
« Combattre les trappes à inactivité, c’est assumer de réinterroger notre modèle. Je pense notamment à l’allocation de solidarité spécifique (ASS), qui prolonge l’indemnisation du chômage et qui permet, sans travailler, de valider des trimestres de retraite. Or la retraite doit toujours rester le fruit du travail. Je proposerai la suppression de cette allocation.
« Chercher un modèle social plus efficace et moins coûteux, c’est non pas un gros mot, mais un impératif. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
« Déverrouiller le travail, c’est aussi l’adapter aux nouvelles aspirations de nos concitoyens.
« C’est un fait : le rapport au travail a changé. Je mesure, dans ma génération comme dans les autres, un changement de mentalité, des attentes nouvelles concernant les horaires, la disponibilité et l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale.
« Ces aspirations ne doivent pas être niées ni caricaturées. Au risque de décevoir certains ici, personne ne demande de “droit à la paresse”.
« Non, ces aspirations doivent être considérées pour ce qu’elles sont : notre rapport au travail, c’est notre rapport au temps et à l’équilibre personnel.
« On ne peut pas appliquer les mêmes calques, génération après génération. Les attentes changent, les technologies évoluent et font apparaître de nouvelles fractures, notamment entre ceux qui peuvent télétravailler et ceux qui ne le peuvent pas. Les conditions de travail doivent donc évoluer, et l’État doit donner l’exemple.
« Comme ministre chargé des comptes publics, j’avais décidé, contre vents et marées, d’expérimenter dans mon administration, non pas la semaine de quatre jours, mais la semaine en quatre jours sans réduction du temps de travail. Dans certains services, peu de candidats se sont manifestés ; dans d’autres, ils ont été nombreux à choisir d’arriver plus tôt le matin et de partir plus tard le soir pour travailler un jour de moins.
« Comme Premier ministre, je demande à l’ensemble de mes ministres d’expérimenter cette solution dans leurs administrations centrales et déconcentrées. »