M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice Annie Le Houerou, je rappelle que les milliards d’euros de dépenses de santé que vous évoquez sont l’argent de nos concitoyens – tel était du reste l’objet de la question de votre collègue M. Husson.
M. Mickaël Vallet. Sans blague !
Mme Catherine Vautrin, ministre. Nos dépenses d’assurance maladie ont augmenté de pas moins de 55 milliards d’euros – une somme extrêmement importante –, dont la moitié au bénéfice des établissements de santé.
Vous le savez, le Ségur de la santé a apporté une réponse forte à la crise du covid-19. Il ne sert à rien, madame la sénatrice, d’évoquer sans cesse les soignants avec la main sur le cœur si l’on ne leur apporte jamais de réponse concrète. Le Ségur de la santé a permis d’augmenter de 8 milliards d’euros les dépenses de fonctionnement. Ces 8 milliards d’euros, c’est du concret ! Ils ont été versés aux personnels de santé, dont la rémunération a ainsi augmenté.
M. Rachid Temal. Et les 32 milliards d’euros ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. C’est tellement vrai que, depuis le mois de janvier dernier, la prise en compte tant attendue des week-ends et des gardes de nuit est effective.
Il nous reste à présent à mettre en œuvre le second volet du Ségur, qui prévoit d’allocation de 19 milliards d’euros d’investissements à des travaux de rénovation et de construction sur l’ensemble du territoire.
M. Rachid Temal. Cela ne fait toujours pas 32 milliards d’euros !
Mme Catherine Vautrin, ministre. Alors que cela fait dix jours que j’ai pris mes fonctions, vous m’interpellez sur les projets des hôpitaux de vos circonscriptions, mesdames, messieurs les sénateurs. Oui, nous avons besoin de ces crédits, et ma feuille de route consiste à faire en sorte qu’ils deviennent une réalité sur le terrain au plus vite.
Mme Cathy Apourceau-Poly. On vous attend !
M. Rachid Temal. Et les 32 milliards d’euros ?
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.
Mme Annie Le Houerou. Force est de constater que les conditions de travail des professionnels se dégradent et que les difficultés d’accès aux soins persistent, madame la ministre. Plus de bla-bla, mais des actes : voilà ce que demandent les Français !
Comme vous l’avez souligné dans la presse régionale, la santé n’est pas gratuite pour les Français, madame la ministre.
Mme Annie Le Houerou. Les Français contribuent chaque mois, par la contribution sociale généralisée (CSG) et les cotisations, au financement des soins. Ils attendent un service public à la hauteur de leur engagement.
Pourtant, les listes d’attente avant de pouvoir subir une opération s’allongent et le nombre de déprogrammations d’interventions s’accroît, mettant en danger la santé de millions de Français.
La désertification médicale a conduit de nombreux hôpitaux à recruter des médecins hors de l’Union européenne. Or les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) sont menacés de perdre leur poste en raison de l’extinction légale de certains statuts. (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) La régularisation des médecins diplômés à l’étranger s’impose de manière urgente ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE-K.)
mobilisation des agriculteurs (iii)
M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme Kristina Pluchet. Monsieur le Premier ministre, j’entends depuis plusieurs années les déclarations du Président de la République et des ministres de l’agriculture successifs, qui promettent, la main sur le cœur, de défendre l’agriculture française et la souveraineté alimentaire.
Mais j’entends surtout, sur le terrain, le monde agricole qui gronde, toujours plus oublié, asphyxié, méprisé.
Depuis dix ans, nous alertons sur les inepties idéologiques qui sont devenues le nouveau credo de votre majorité et de nos institutions, jusqu’à la Cour des comptes, devenue curieusement compétente en matière de déjections bovines.
Monsieur le Premier ministre, qui a soutenu la stratégie européenne Farm to Fork et sa surenchère normative, malgré les alertes répétées des parlementaires européens ? C’est Renaissance, c’est votre majorité au Parlement européen !
Qui a soutenu au Parlement européen la proposition de règlement relatif à la restauration de la nature, qui prévoit 10 % de jachère agricole ? C’est encore Renaissance !
Qui a refusé d’activer la clause de sauvegarde sur le poulet ukrainien ? C’est votre gouvernement, monsieur le Premier ministre !
Qui a approuvé au Parlement européen l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande ? Toujours Renaissance !
Et qui a refusé de soumettre au vote du Sénat le projet de loi autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global (Ceta) ? Encore votre majorité, monsieur le Premier ministre !
Je m’arrêterai là, mais la liste est encore longue. Et pourtant notre survie dépend bien de celle du monde agricole.
Cette crise met un coup de projecteur sur votre absence de cap et sur les effets délétères du « en même temps ». Comment pouvez-vous assumer un discours à Paris et des votes inverses à Strasbourg ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : qu’attendez-vous pour dénoncer les délires de vos représentants à Bruxelles et soutenir réellement l’agriculture et les agriculteurs français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Pluchet, je crains d’être obligé de rappeler quelques vérités sur le vote d’un certain nombre de textes au Parlement européen.
Le groupe du Parti populaire européen (PPE), au sein duquel siègent vos représentants, madame la sénatrice, a en effet voté une grande partie des textes que vous évoquez. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)
Mme Kristina Pluchet. Non !
M. Yannick Jadot. Et tous les accords de libre-échange !
M. Marc Fesneau, ministre. Sur un certain nombre de sujets, en particulier sur le cadre réglementaire de la PAC, vos représentants se sont associés aux textes qui ont été votés. Il faut assumer ! On ne peut pas tenir de double discours, madame la sénatrice. (Rires et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous vous désolidarisez des votes des représentants de votre groupe au Parlement européen !
M. Max Brisson. Non !
M. Marc Fesneau, ministre. Je vous accorde qu’il faut que nous allions plus loin, sur plusieurs sujets, madame la sénatrice. Mais nous devons avancer différemment, en particulier sur le Green Deal. Lorsque celui-ci a été décidé, personne n’y a trouvé grand-chose à redire. Nous aurions pourtant dû – c’est valable pour nous tous – nous interroger davantage sur la compatibilité entre les exigences environnementales du Green Deal et les capacités productives de la France.
Je rappelle au passage que la présidente de la Commission européenne elle-même appartient à une obédience politique qui est proche de la vôtre, madame la sénatrice.
M. Bruno Retailleau. Proche de Macron !
M. Marc Fesneau, ministre. Mais chacun doit assumer sa part, et il est vrai que nous devons travailler sur ce sujet.
Qui s’est opposé au Mercosur et au traité de libre-échange entre l’Australie et l’Union européenne ? C’est la France ! Or je rappelle, car je ne voudrais pas qu’on laisse accroire que l’agriculture n’a pas besoin de débouchés, que 50 % de nos céréales sont exportées, que les recettes tirées de l’exportation de nos fromages s’élèvent à 3 milliards d’euros et que nous avons besoin d’exporter nos vins et spiritueux.
Nous avons donc besoin de ce commerce, madame la sénatrice, mais nous avons besoin qu’il soit encadré par des règles mieux coordonnées à l’échelon européen.
Autrement dit, il nous faut plutôt plus d’Europe que moins d’Europe et nous devons nous garder de la tentation du repli, voire de l’autarcie que certains proposent. Il convient surtout de se garder de dénoncer des mesures que l’on soutient par ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour la réplique.
Mme Kristina Pluchet. Ce que je sais, monsieur le ministre, c’est que la délégation française a défendu avec force l’agriculture au Parlement européen.
Sur les barrages, les agriculteurs sont très en colère. Ils en ont ras le bol du bal des faux culs. Faites votre job, monsieur le ministre ! Sortez les dents à Bruxelles et défendez enfin les intérêts de l’agriculture française ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Billon. Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, j’associe à cette question le président Hervé Marseille et les cinquante-deux collègues qui ont cosigné notre lettre ouverte sur l’interdiction de la pêche dans le golfe de Gascogne.
Depuis deux jours, 500 navires français restent à quai à la suite d’une ordonnance prise par le Conseil d’État pour limiter les prises accidentelles de dauphins. Ce chômage forcé d’un mois, renouvelable en 2025 et en 2026, aggrave la crise de la pêche française, laquelle est déjà éprouvée par la pandémie de covid-19, l’explosion du coût des énergies, le Brexit, le conflit ukrainien ou encore les quotas européens.
Ce mois de fermeture va représenter une perte de 3 300 tonnes de pêche, soit 14 millions d’euros. L’absence de pêche va affecter directement les criées, le maraîchage, les poissonneries, les coopératives de producteurs et les entreprises de maintenance. Un pêcheur en mer, c’est quatre emplois à terre. C’est tout un écosystème qui se retrouve en cale sèche.
Les pêcheurs français sont pourtant sensibles au problème des prises accidentelles. Ils ont du reste investi 30 millions d’euros dans des systèmes répulsifs.
Vous avez annoncé des aides pour dédommager les pêcheurs, monsieur le ministre, mais il ne s’agit là que de réponses partielles. Le monde de la pêche ne demande pas des indemnisations, il ne demande pas l’aumône : il demande à faire son métier.
Je vous poserai deux questions, monsieur le ministre. Sans capitaine à bord du navire pêche, quel cap envisagez-vous de prendre pour éviter le naufrage d’une filière tout entière ? Comment pouvez-vous prendre l’engagement que les poissons consommés seront conformes aux normes aussi contraignantes que celles qui sont imposées à nos pêcheurs français ? À l’instar des agriculteurs, les pêcheurs sont en colère. Ce sont les acteurs de notre souveraineté alimentaire qui s’expriment. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Annick Billon, nous avons dû prendre cette décision dans l’urgence, l’ordonnance du Conseil d’État datant du 22 décembre. J’aurais préféré, comme les pêcheurs, disposer de plus de temps afin de trouver une solution permettant à la fois d’éviter cette fermeture et de respecter la biodiversité marine. Je sais d’ailleurs l’attachement des pêcheurs à l’absence de capture accidentelle – je n’ai pas rencontré un seul professionnel de la mer qui se réjouisse d’une telle pêche.
Toutefois, compte tenu des risques pesant sur la biodiversité, il était nécessaire de chercher un équilibre qui permette à tout le monde de s’y retrouver.
À très court terme, un soutien sera apporté aux pêcheurs concernés par cette interdiction, ceux dont les bateaux mesurent plus de 8 mètres, à hauteur de 80 % à 85 % de leurs pertes de chiffre d’affaires. Les dispositifs de soutien seront élargis aux mareyeurs, qui ne doivent pas être oubliés. Nous avons également engagé un dialogue avec les collectivités territoriales qui, la plupart du temps, ont la responsabilité des ports, et nous prévoyons la mise en œuvre de mesures de chômage partiel pour les criées.
Nous garantissons bien sûr l’équité à nos pêcheurs par l’activation de l’article 13 du règlement relatif à la politique commune de la pêche, qui nous permet d’interdire aux navires non français de pêcher dans le golfe de Gascogne. Nous nous assurons du respect de cette interdiction grâce aux contrôles que nous effectuons avec l’appui de bâtiments de la marine nationale, avec l’accord du ministre des armées et sous l’autorité du Premier ministre. Telles sont les mesures que nous prenons, madame la sénatrice.
En matière de pêche, notre souveraineté alimentaire n’est, hélas ! qu’un concept. Quelque 70 % du poisson qui est consommé dans notre pays provient de l’étranger.
La sidération provoquée par cette fermeture spatiotemporelle doit nous amener, dès la fin de la période concernée, soit dès le début du mois de mars, à réfléchir avec les pêcheurs aux enjeux que sont la soutenabilité de la pêche, la souveraineté alimentaire et la question d’un juste revenu, ainsi qu’aux moyens de concilier dans un an, mais aussi dans deux ans, non pas des injonctions contradictoires, mais des nécessités additionnelles. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – MM. Vincent Louault et Louis Vogel applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Ce n’est pas en interdisant aux pêcheurs français de pêcher que nous améliorerons notre balance commerciale, monsieur le ministre !
Il y a urgence à prendre des mesures, mais aussi à nous doter d’une véritable stratégie à moyen et à long termes et d’un capitaine pour la porter. La filière de la pêche est en train de couler et nous sommes responsables de ce naufrage. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
transport des céréales sur la seine pendant les jeux olympiques
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Monsieur le Premier ministre, le 26 juillet prochain, nous aurons l’honneur d’inaugurer les jeux Olympiques à Paris sur la Seine. D’un claquement de doigts, on fermera donc le fleuve à toute navigation. Après tout, les touristes peuvent se passer de bateaux-mouches !
Mais ce que la mairie de Paris, la préfecture, les ministères concernés et le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques n’ont absolument pas anticipé, c’est que 60 % des flux permettent d’acheminer 600 000 tonnes de céréales, de biocarburant et d’autres marchandises vers le plus grand port céréalier d’Europe qu’est le port de Rouen.
Une solution a bien été proposée par la haute administration : elle consiste à décaler les moissons et les récoltes ! Pour un peu, la technocratie nous proposerait de décaler l’été ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Quelles réponses concrètes le Gouvernement entend-il apporter à ces difficultés, qui pourraient porter le coup de grâce à nos agriculteurs dans cette période de crise majeure ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Cuypers, le déroulement de la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques sur la Seine, le 26 juillet prochain, sera une première, car aucune autre n’a été organisée hors d’un stade ni sur un fleuve. Son organisation impose de prendre des mesures pour tenir compte de ce cadre très singulier.
La fermeture à la navigation de la Seine est nécessaire, avant la cérémonie, pour effectuer le déminage des ponts, des quais et des bateaux, ainsi que pour monter le décor du spectacle.
Une concertation approfondie a été engagée par le préfet de la région Île-de-France avec l’ensemble des personnes concernées,…
M. Jean-François Husson. Pour décaler l’été ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. … non pas pour décaler les moissons, les récoltes ou l’été, mais pour trouver, avec les représentants des céréaliers, des solutions aux demandes qui ont été formulées.
Premièrement, la durée de la période de fermeture du fleuve à la navigation avant la cérémonie a déjà été réduite de huit à sept jours (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) et un travail d’optimisation se poursuit en liaison avec toutes les parties prenantes.
Deuxièmement, la demande faite à Voies navigables de France d’allonger les horaires d’ouverture des écluses est d’ores et déjà satisfaite.
Troisièmement, les premiers résultats sur l’identification de zones de stockage supplémentaires en aval et en amont de la zone fermée à la navigation, obtenus en lien avec Haropa, ont été transmis à la profession.
Quatrièmement, il fallait un point d’entrée unique auprès des autorités pour résoudre les difficultés éventuelles qui interviendront pendant les jeux. Cette demande aussi est satisfaite.
Cinquièmement, concernant les préjudices que l’on pourrait constater, une méthode de travail a été définie pour en assurer le traitement.
Les épreuves qui se dérouleront sur la Seine – je pense à la natation ou au triathlon – ne poseront pas de difficultés aux céréaliers puisque les bateaux pourront circuler tous les jours après le 26 juillet.
M. Rachid Temal. Ah !
M. Jean-François Husson. Ils nageront entre les péniches.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que les conséquences de l’organisation des jeux sur le quotidien de nos concitoyens et sur la vie économique de notre pays font l’objet de toute notre attention. Nous les prenons en compte et nous veillons à en atténuer le plus possible les effets. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Alors là…
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour la réplique.
M. Pierre Cuypers. Madame la ministre, j’entends ce que vous dites, mais les jeux Olympiques auront lieu dans cinq mois et, en réalité, notre souveraineté alimentaire et énergétique est encore une fois menacée. Elle est fragilisée dans un contexte de colère et de contestation : les agriculteurs et l’ensemble des filières en ont ras le bol !
Par conséquent, un arrêt complet de la navigation du 18 au 27 juillet prochains serait une erreur fatale, même si je peux comprendre que trois jours de fermeture soient nécessaires pour le déminage et pour le montage des installations.
En outre, il nous a été dit que les autorités refusaient la circulation fluviale, même partielle, par peur d’accidents sur les décors lors du montage et des cérémonies. Il ne faut tout de même pas prendre les bateliers pour des marins d’eau douce. (Sourires.)
Madame la ministre, si la navigation est interdite, cela représentera une perte de plus de 500 millions d’euros pour les filières françaises. Comprenez bien que chaque jour de retard supplémentaire prendrait des proportions exponentielles.
Vous savez aussi que nous sommes, en France, les stockeurs de nos clients africains, indiens ou égyptiens, et que si nous ne les livrons pas, les conséquences humaines seront dramatiques.
Madame la ministre, il est impératif – j’y insiste – de trouver une solution viable dans les quinze prochains jours pour que les filières puissent s’organiser. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
financement de la ligne ferroviaire lyon-turin
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin revêt une importance capitale pour l’avenir du réseau ferroviaire européen. En reliant stratégiquement Lisbonne à Kiev, elle contribuera à la réduction des émissions de CO2 et permettra d’écarter chaque année un million de poids lourds des routes, notamment dans les vallées alpines. Elle répond également à l’urgence du désengorgement de l’Est lyonnais, aujourd’hui saturé.
D’ici à 2032, le tunnel de base international sera achevé. Fort de ses 57,5 kilomètres, il sera le plus long tunnel ferroviaire au monde.
L’Italie s’est engagée à fournir 60 kilomètres d’accès. Qu’en est-il de la France ? Ses hésitations risquent de faire dérailler le projet, car le financement de l’étude des 150 kilomètres d’accès français n’est toujours pas bouclé.
Pourtant, l’échéance cruciale du 30 janvier approche à grands pas, qui correspond à la date limite pour la demande de subventions auprès de l’Union européenne. Celles-ci permettraient de financer 50 % des études.
Des élus de toutes les sensibilités politiques tirent le signal d’alarme depuis longtemps. Mais les tentatives pour trouver le reste du financement par l’État et les collectivités territoriales ont de nouveau échoué lors de la réunion du 18 janvier dernier : il manque encore 40 millions d’euros.
Devant l’urgence de la situation, nous ne pouvons que regretter l’absence d’un ministre des transports et les atermoiements de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Mais cela ne doit en aucun cas compromettre l’obtention de ces financements indispensables.
Monsieur le ministre, la France va-t-elle rester à quai ? Va-t-elle renier sa parole et rater son rendez-vous avec l’Europe et ses territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Blatrix Contat, la liaison Lyon-Turin est d’une importance majeure non seulement pour favoriser le report modal de la route vers le ferroviaire, mais aussi pour diminuer la pollution dans les vallées alpines et pour développer les liens entre nos pays.
La date du 30 janvier prochain est bien évidemment inscrite dans mon agenda – elle l’était déjà avant le dernier remaniement ministériel –, puisque c’est celle à laquelle nous devrons notifier à la Commission européenne le bouclage de la partie française des financements prévus pour les études en vue de l’aménagement des accès alpins et du raccordement au contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise.
Laissez-moi vous donner quelques chiffres : 220 millions d’euros, tel est le coût global de ces études extrêmement ambitieuses que nous devons mener pour réaliser l’ensemble des raccordements. L’Union européenne les financera à 50 %, soit à hauteur de 90 millions d’euros puisqu’il faut tenir compte de la part non éligible de 38 millions d’euros. Pour faire simple, il faut donc encore trouver 130 millions d’euros.
Très rapidement, l’État s’est engagé à financer 50 % de la somme non subventionnée par l’Europe, soit un montant de 65 millions d’euros. Sur les 65 millions d’euros restant, les collectivités territoriales apporteront 25 millions d’euros.
M. Yannick Jadot. Et 30 milliards d’euros derrière !
M. Christophe Béchu, ministre. Le delta est donc, comme vous venez de le dire, de 40 millions d’euros.
Compte tenu du montant de ce delta, la contribution de la région Auvergne-Rhône-Alpes, à hauteur de 13 millions d’euros, nous semble faible, surtout si l’on considère la capacité financière de la région et les retombées économiques qui sont attendues.
M. Loïc Hervé. Il suffirait de passer un coup de téléphone !
M. Christophe Béchu, ministre. Vous dites que les discussions ont échoué ; je dirai plutôt, sans plaisanterie aucune, qu’elles n’ont pas abouti. En effet, il est impossible d’envisager que la négociation du 30 janvier prochain puisse échouer. Ce qui se joue, c’est non pas un bouclage financier, mais la réalisation d’un projet qui nous permettra de bénéficier de subventions massives de la part de l’Union européenne. Grâce à lui, nous pourrons porter une ambition écologique concrète, qui ne sera pas seulement de papier. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. Loïc Hervé. Trouvez une solution, enfin !
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour la réplique.
Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le ministre, il est impératif de réussir cette étape pour éviter une gabegie, c’est-à-dire un tunnel sans train ou fonctionnant à la moitié de sa capacité.
M. Loïc Hervé. Évidemment !
Mme Florence Blatrix Contat. Ce serait un échec pour la décarbonation des transports. Ce serait l’échec de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Loïc Hervé et Laurent Somon applaudissent également.)
violences envers les maires et les pompiers
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le ministre, caillassage de pompiers à Mantes-la-Jolie, agressions d’enseignants à Angoulême, policiers de la brigade anticriminalité (BAC) assaillis à Marseille : plus que jamais, la crise de l’autorité sévit dans notre République.
Les agressions contre les sapeurs-pompiers ont augmenté de plus de 30 % depuis 2020. En ce qui concerne les enseignants, pour avoir exercé ce métier, je sais l’ampleur de la crise des vocations qui touche la profession. Aujourd’hui, enseigner, ce n’est plus seulement dispenser un savoir à la jeune génération, cela consiste aussi à préserver sa liberté d’expression face aux menaces verbales et physiques.
Enfin, que dire des policiers et des gendarmes, dont les démissions se comptent par milliers chaque année compte tenu du manque de reconnaissance, de moyens et de respect pour leur action au service de tous.
Je n’oublie pas non plus les élus locaux, dont le mandat tend à être un engagement civique. Eux aussi sont trop souvent menacés, désormais, dans leur intégrité physique. Je tiens à rappeler que le Sénat a voté à l’unanimité, en octobre dernier, la proposition de loi de la majorité sénatoriale renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires. Le volet pénal de ce texte prévoit notamment d’aligner les peines encourues sur le régime existant pour les dépositaires de l’autorité publique.
Toutes ces professions font l’honneur de la France et si les vocations de ceux qui les exercent sont différentes, leurs maux ont une même racine, à savoir le rejet croissant de l’autorité de l’État par une partie de la population.
Je vous poserai deux questions, monsieur le ministre. Tout d’abord, à quelques mois des jeux Olympiques, comment le Gouvernement compte-t-il empêcher que n’aient lieu des incidents plus graves encore ? Ensuite, quand nos élus locaux pourront-ils bénéficier de la protection renforcée que le Sénat leur a accordée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)