M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Pierre Médevielle, vous évoquez la situation des agriculteurs et celle des pêcheurs ; la seconde partie de votre question justifie que je vous réponde, compte tenu des responsabilités que j’ai été amené à assumer ces derniers jours et du fait que je suis l’interlocuteur de ces professionnels.
Je n’insisterai pas sur le sujet de l’agriculture ; Marc Fesneau a répondu sur ce sujet.
Vous avez évoqué l’attente d’une mesure. Nous attendons de recevoir, au cours de cet après-midi, les revendications précises des agriculteurs. Le sujet du GNR n’est pas le seul ; il y en a manifestement d’autres.
L’examen que nous devrons faire de ces revendications sera minutieux et ne portera pas seulement sur les mesures à prendre. Il s’agira aussi d’éviter de manquer de considération à l’égard de nos interlocuteurs, ce qui procéderait des mots que nous emploierions, ou de manifester une forme d’hypocrisie écologique consistant à continuer à appliquer des normes à ceux qui produisent ici, et non pas aux producteurs étrangers qui veulent faire venir leurs produits dans notre pays.
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Christophe Béchu, ministre. Nous devons être capables de suivre la même logique pour ce qui concerne la pêche.
Pourtant, le point de départ de la colère, en l’occurrence, est très différent : il s’agit, vous l’avez dit, d’une décision du Conseil d’État datant du mois de décembre dernier et rendue à partir d’une réalité qui n’est pas contestable, à savoir le nombre des dauphins, appartenant donc à une espèce menacée, qui se sont échoués sur les plages. Selon les spécialistes, avec 1 482 dauphins échoués lors de la seule période hivernale, c’est la survie de l’espèce des dauphins communs et des marsouins communs qui est en jeu. (M. Pierre Médevielle le conteste.)
Dès lors, une position de compromis, visant à mettre en place un dispositif de conciliation et prévoyant des dérogations, avait été prise. Le Conseil d’État a annulé ces dérogations, dans un délai trop bref pour que nous puissions faire autre chose que d’appliquer strictement cette mesure.
J’ai rencontré le « patron » des pêcheurs il y a quelques jours et je dialogue de façon constante avec ces professionnels. Nous envisageons une batterie de mesures.
Tout d’abord, nous garantissons en urgence des indemnisations, pour que personne ne reste sur le carreau. Ensuite, nous prenons des mesures d’équité, pour éviter que des navires non français ne viennent pêcher dans nos eaux. Enfin, nous mettons en place des mesures de contrôle.
J’aurai l’occasion de revenir sur ce sujet en répondant à une prochaine question d’actualité. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. Pierre Médevielle. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.
De grâce, ne laissons pas la situation s’envenimer : le temps des réponses concrètes est arrivé ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
crise agricole (ii)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, Alexandra et Camille sont décédées hier. Le monde paysan, dont je suis, les pleure, et la France est en deuil. Au nom des membres de mon groupe, j’exprime toute notre compassion à leur famille.
Elles sont mortes en défendant le métier d’agriculteur et notre agriculture, l’une des plus sûres au monde. Dans ce contexte de tristesse et de colère, la décence s’impose à nous. Stop à la politique politicienne !
Ce mal-être, on le connaît depuis longtemps. Le rapport d’information que j’ai cosigné avec notre ancienne collègue Françoise Férat en 2021 en pointait les causes multifactorielles.
Nous ne découvrons pas le problème du revenu : une majorité des agriculteurs gagne 4,80 euros de l’heure. Est-ce décent quand le Smic est à 11,65 euros ?
Nous ne découvrons pas le problème de la surtransposition des normes, de la lourdeur administrative, du dénigrement de nos paysans par une minorité – une minorité, j’y insiste, car 85 % des Français aiment les agriculteurs et considèrent qu’ils jouent un rôle majeur dans leur alimentation.
Soyons dignes, n’opposons pas une agriculture contre une autre. Cette diversité, c’est notre richesse et notre force.
Notre agriculture doit s’adapter aux clauses environnementales, mais sans jamais déséquilibrer l’économie. Ces mutations prennent du temps, et il ne faut pas qu’elles créent une concurrence déloyale. Les politiques publiques doivent être pensées avec, par et pour les agriculteurs.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé davantage de contrôles pour l’application de la loi Égalim. C’est un minimum que de faire appliquer les lois ! Mais comment le faire, et avec quels moyens pour la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), entre autres ?
Vous êtes d’accord avec l’objectif de simplification ; nous aussi. Comment entraîner l’administration dans cette voie, à l’heure où le conseil a été remplacé par la défiance et le contrôle ?
Je serai auditionné demain au Parlement européen, à Bruxelles, sur le mal-être des agriculteurs. Je réaffirmerai l’obligation des clauses miroirs. Comment convaincre vos homologues sur cet objectif que nous défendons tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Cabanel, vous êtes agriculteur, et nous avons souvent échangé sur ces questions. Par ailleurs, je m’associe à l’hommage que vous avez rendu aux deux victimes de l’événement tragique qui s’est produit en Ariège.
Il est vrai que les sujets que vous évoquez ne sont pas tout à fait nouveaux.
Le premier point que je veux évoquer est l’accélération des procédures. Pour ce qui concerne l’eau, les bâtiments d’élevage ou un certain nombre d’investissements engagés et d’initiatives prises par les agriculteurs, il n’est pas acceptable que les procédures durent trois, cinq, sept ou même dix ans…
Au fond, ces procédures sont utilisées non pas pour s’assurer du bon droit ou prévenir un certain nombre de risques, mais pour empêcher – certains l’assument – que les projets puissent naître. Cette question de la durée est un élément important, sur lequel il faut nous pencher.
Le deuxième point, c’est la cohérence. On ne peut pas à la fois demander à un éleveur d’agrandir son élevage pour assurer le bien-être de ses animaux et en même temps lui imposer une procédure qui, par sa longueur et sa lourdeur, l’empêcherait d’agrandir son élevage. On ne peut demander à un agriculteur de maintenir le pastoralisme – nous en avons débattu la semaine dernière – et ne pas trouver les voies et moyens pour répondre aux difficultés que pose la prédation du loup.
Sur tous ces sujets, il nous faut mettre fin aux incohérences et aux injonctions contradictoires auxquelles les agriculteurs, dans la diversité de leurs métiers, sont confrontés.
Le troisième point, c’est la nécessité de répondre aux crises. Dans votre région, monsieur le sénateur, nous avons commencé à le faire, notamment pour ce qui concerne la crise de la maladie hémorragique. Le Gouvernement a déjà mis des moyens sur la table, ainsi que des éléments complémentaires pour rassurer les viticulteurs, notamment.
Il nous faut également travailler sur les transitions. Certains territoires, singulièrement le vôtre, monsieur le sénateur, sont en grande difficulté du fait du dérèglement climatique ou de leur modèle agricole.
Nous avons mis 200 millions d’euros sur la table dans le cadre du budget pour 2024 pour accompagner ces transitions. Il faut non seulement investir, mais aussi faire évoluer les modèles d’agriculture.
Il nous faut enfin travailler, à l’échelon européen, sur les clauses miroirs, mais d’abord et avant tout, prévenir, avec nos partenaires européens, la création de normes qui entravent les capacités de production européennes. Sans cela, nous n’y arriverons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
mobilisation des agriculteurs (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques jours, le mouvement agricole qui a émergé en Europe il y a plusieurs semaines prend de l’ampleur en France, où il a malheureusement été terriblement endeuillé.
Il existe non pas un malaise, mais des malaises dans le monde agricole, tant les différences entre les régions et les filières peuvent être importantes.
Ces malaises s’expliquent bien sûr par des éléments conjoncturels, comme les aléas climatiques et sanitaires ou la situation en Ukraine, mais aussi, monsieur le ministre, par l’incapacité d’un exécutif, qui, après plus de six ans au pouvoir, semble être davantage le spécialiste des réponses d’urgence que le porteur d’un véritable projet. Nous le constatons encore avec le énième report du projet de loi d’orientation en faveur du renouvellement des générations en agriculture, dont le contenu actuel est en deçà des attentes des agriculteurs.
Aujourd’hui, face à cette mobilisation, il importe que nous ne nous trompions pas de diagnostic, mes chers collègues. À l’heure où les géants de l’agroalimentaire s’opposent dans une guerre des prix toujours plus forte et dont les agriculteurs sont toujours les grands perdants, la crise est avant tout économique.
Et ce n’est pas en cédant au lobby agro-industriel sur l’abaissement des normes ni en revenant sur les avancées environnementales du Pacte vert européen que nous répondrons à la situation. Il est au contraire plus que temps d’accompagner le monde agricole dans cette indispensable transition.
Pour cela, rémunérons l’ensemble des services environnementaux rendus par les agriculteurs, retravaillons les aides de la politique agricole commune (PAC), agissons pour une loi foncière qui permette l’installation et la transmission et encourageons l’agroécologie, qui se développe depuis 2014.
Il faut bien sûr également reprendre la main sur la régulation des prix. À cet égard, les lois Égalim ont été des échecs. Seuls un travail à l’échelon européen et un encadrement des traités de libre-échange permettront de reprendre la main sur la régulation des prix.
Ma question est simple et sincère, monsieur le ministre : comment comptez-vous engager cette indispensable évolution de notre modèle agricole ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Tissot, ne voyant pas malice à toutes les questions qui me sont posées, y compris par vous, je m’efforcerai de vous répondre.
Vous dites que les problèmes sont divers. N’éludez pas les questions relatives à la simplification et aux normes pour autant, car elles comptent parmi les problèmes qui sont posés sur la table. Ne voir qu’un pan du sujet serait faire erreur, me semble-t-il.
Vous me demandez ce qu’a fait le Gouvernement. Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, mais je n’ai pas entendu un seul agriculteur souhaiter que l’on revienne sur les lois Égalim. Les agriculteurs nous demandent au contraire d’aller plus loin et de vérifier que ces lois sont appliquées. Or je rappellerai que c’est ce gouvernement, et pas un autre, monsieur Tissot, qui a fait ces lois. Telle est la vérité !
Vous me demandez ensuite d’accompagner les agriculteurs dans les transitions. Mais qui, sinon ce gouvernement, a mis les moyens pour accompagner ces transitions, y compris pour ce qui concerne les produits phytosanitaires ? Vous avez pour votre part soutenu un gouvernement qui a interdit les néonicotinoïdes sans allouer un sou à la recherche de produits de remplacement. Le résultat est que l’on s’est trouvé dans une impasse. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Ma collègue ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et moi-même avons mis les moyens : 250 millions d’euros ont été consacrés à la recherche de produits alternatifs.
Les transitions se feront non pas à coups de déclamations et de déclarations, mais avec des moyens, monsieur le sénateur. Sans moyens, nous n’y arriverons pas ! Tel est l’objet de la création d’un fonds de souveraineté alimentaire et de transition écologique.
Nous devons enfin travailler à l’échelon européen, en nous efforçant de ne pas opposer les modèles, car nous sommes une puissance exportatrice qui doit également satisfaire ses besoins domestiques. Il nous faut donc mener ces travaux à l’échelon européen tout en continuant de travailler sur les transitions et sur la suite des lois Égalim.
S’il nous faut certes aller plus loin – je vous rejoins sur ce point, monsieur Tissot –, je ne peux pas laisser dire que nous n’aurions rien fait. Ce gouvernement a au contraire beaucoup avancé tant sur la rémunération que sur les transitions.
Je vous propose d’essayer d’aller plus loin et plus vite, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour la réplique.
M. Jean-Claude Tissot. Je vous prends au mot, monsieur le ministre : allons plus loin ! Telle est la raison pour laquelle le président de notre groupe a proposé aujourd’hui même au président du Sénat la création d’une commission d’enquête sur la construction du revenu agricole. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
moyens de l’enseignement
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, l’enseignement privé sous contrat perçoit près de 13 milliards d’euros de subventions publiques, qui représentent 75 % de son budget total.
La Cour des comptes a dénoncé les défaillances de votre ministère dans le contrôle de l’utilisation de cet argent public, madame la ministre. Elle alerte aussi sur l’accroissement des disparités sociales entre les établissements privés et publics.
Les dérives d’un établissement privé parisien, que je ne nommerai pas pour vous permettre de me répondre, madame la ministre, ont révélé que certains de ces établissements ne respectent pas leurs obligations légales et leur contrat d’association.
Certains de ces établissements ne respectent pas la liberté de conscience des élèves et des professeurs.
Certains acceptent en leur sein des enseignements contraires à la laïcité et aux valeurs de la République.
Certains laissent libre au cours à des propos contre la contraception, l’avortement et l’homosexualité et séparent les filles et les garçons.
Certains refusent d’organiser la vaccination contre le papillomavirus ou la journée d’hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard, nos martyrs de la laïcité.
Certains ne respectent pas les principes de Parcoursup.
Enfin, certains choisissent de ne scolariser que les enfants des familles les plus favorisées et n’acceptent pas les élèves en situation de handicap.
M. Max Brisson. Caricature !
M. Pierre Ouzoulias. Alors que le Président de la République fait du réarmement civique de la Nation la priorité du Gouvernement, des établissements subventionnés par l’État organisent un séparatisme social et scolaire.
Madame la ministre, il faut mettre fin à toutes ces dérives. On ne peut accepter que deux jeunesses vivent dans des mondes qui s’ignorent. L’école doit être le cœur du projet républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Monsieur le sénateur Ouzoulias, depuis quelques jours, j’entends parler de ce séparatisme scolaire au profit de l’école privée.
Je le redis, n’opposons pas l’école publique et l’école privée, qui concourent ensemble au service public de l’enseignement. (Vives protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Hussein Bourgi. C’est la réalité ! Ouvrez les yeux !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. En parlant pour le privé de séparatisme scolaire, vous stigmatisez les choix de millions de parents, monsieur le sénateur. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Je suis très claire : la République ne tolère aucun séparatisme, encore moins à l’école, encore moins entre ses enfants.
Les règles qui s’appliquent aux établissements privés sont celles de la République, et je serai intransigeante sur le respect de la laïcité comme sur celui de la liberté de l’enseignement. (M. Hussein Bourgi s’exclame.)
Nous contrôlons sur le plan pédagogique les enseignements de ces établissements et nous travaillons aussi pour que toutes les écoles soient engagées au service de l’égalité des chances, ce qui, oui, implique de progresser en matière de mixité sociale et scolaire.
Plusieurs expérimentations ont été engagées en ce sens. À titre d’exemple, toute nouvelle ouverture de dispositifs dits d’excellence, comme les sections internationales, est désormais soumise à ce critère de mixité sociale.
Pour les dispositifs de soutien comme « Devoirs faits », nous posons cette obligation et nous privilégions l’école publique, que nous dotons des moyens adéquats.
Un protocole a par ailleurs été signé avec le secrétariat général de l’enseignement catholique, lequel prévoit des mesures très concrètes en faveur de la mixité. L’ensemble de ces établissements seront associés à cette démarche.
Ne faisons pas de procès d’intention. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Jugez-moi sur mon action de ministre. Jugez-moi sur mon ambition pour l’école publique. Jugez-nous sur nos résultats au service de l’égalité des chances et de la réussite de toutes les écoles et de tous les enfants de ce pays. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Max Brisson. Oh non…
M. Pierre Ouzoulias. De nombreux établissements privés sont toutefois aujourd’hui hors la loi. Vous devez impérativement exercer pleinement votre mission de contrôle, pour l’intérêt de toute la République. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, lors de vos vœux aux acteurs économiques, vous avez fait part, recyclant ainsi une idée déjà évoquée auparavant, de votre intention de procéder à un désendettement accéléré de la France,…
M. Albéric de Montgolfier. Vaste programme !
M. Jean-François Husson. … en réponse, je pense, à la dérive continue de nos finances publiques et à la croissance irrémédiable de notre dette publique.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, selon quelle méthode vous comptez procéder et nous préciser tant le calendrier que le contenu de votre plan d’action ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Rachid Temal. Et avec quelle croissance ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. (« Ah ! » sur de nombreuses travées.)
Monsieur le ministre, mes collègues semblent heureux de vous entendre ! (Sourires.)
M. Rachid Temal. Bienvenue au Sénat !
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Je suis pour ma part toujours heureux lorsque je suis au Sénat, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)
Mme Sophie Primas. Répondez à la question !
M. Bruno Le Maire, ministre. J’ai envie de vous retourner la question, monsieur Husson, car au-delà des méthodes et des plans de désendettement et de réduction des déficits, il faut prendre des décisions.
M. Jean-François Husson. Vous n’allez pas être déçu !
M. Bruno Le Maire, ministre. Or je dois dire que je suis un peu perdu face à l’attitude des Républicains.
Nous venons d’annoncer des milliards d’euros d’économies : nous avons eu pour cela le courage de rétablir une partie de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et de sortir progressivement du bouclier tarifaire sur l’électricité. Nous avons tenu parole : comme nous l’avions annoncé, nous prenons les décisions nécessaires pour rétablir les finances publiques.
J’aimerais dans ce cadre pouvoir compter sur l’engagement ferme et uni des Républicains, mais il faudrait pour cela que vous accordiez vos violons avec vos amis députés, monsieur le sénateur !
M. Jean-François Husson. Ne nous jouez pas de la mandoline !
M. Bruno Le Maire, ministre. En décembre dernier, Olivier Marleix, président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale…
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Vous êtes au Sénat !
M. Bruno Le Maire, ministre. … déposait un amendement au projet de loi de finances pour 2024 visant à rétablir la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité à 32 euros le mégawattheure, soit son niveau d’avant la crise.
Mme Sophie Primas. Mais vous, que faites-vous ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Tout en saluant l’effort d’économie qu’il proposait, j’ai indiqué à M. Marleix qu’il était trop tôt et qu’il convenait de rétablir cette taxe de manière plus progressive, comme nous proposions de le faire.
Mais un mois plus tard, le même Olivier Marleix, toujours président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale (« Vous êtes au Sénat ! » sur les travées du groupe Les Républicains.), déclarait qu’il fallait surseoir au rétablissement de la TICFE. Où est la cohérence des Républicains ?
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe Les Républicains, où habitez-vous ? Au Sénat ou à l’Assemblée nationale ? (« Au Sénat ! » sur les travées du groupe Les Républicains.)
François-Xavier Bellamy, votre candidat aux élections européennes, emboîte le pas au président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale et nous demande de surseoir à cette décision courageuse, qui permettra de réaliser 9 milliards d’euros d’économie.
J’estime que quand on est perdu, la seule solution est de s’en remettre à la sagesse du président du Sénat, Gérard Larcher (Rires.), qui, le mardi 23 janvier, déclarait sur France Info que l’abaissement de la TICFE de 32 euros à 1 euro ayant un coût de 9 milliards d’euros, il était indispensable de rétablir cette taxe.
Je vous remercie, monsieur le président. Nous avons suivi votre recommandation ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC. – M. Franck Montaugé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.
M. Jean-François Husson. Vous accumulez les déclarations contradictoires et non suivies d’effets, monsieur le ministre.
Au-delà de la magie du verbe, l’ardoise, elle, n’est pas magique. Elle est même, au goût des Français, particulièrement salée !
Depuis 2017, et alors que vous êtes à la tête de Bercy de façon ininterrompue depuis lors, monsieur le ministre, la France est devenue le bonnet d’âne de l’endettement en Europe. Alors que six pays étaient derrière la France en 2016, Eurostat indique que, depuis, Chypre, la Belgique, l’Espagne et le Portugal nous ont relégués en queue de peloton.
M. Rachid Temal. Même Chypre !
M. Jean-François Husson. Seules la Grèce et l’Italie sont encore plus endettées que la France.
Vous dites vouloir accélérer le désendettement, mais vous n’avez jamais commencé à le faire. Vous contribuez au contraire à l’accélération du déclassement de la France, monsieur le ministre.
Comment en effet parler de souveraineté quand la dette est passée de 33 000 euros par Français en 2016 à près de 50 000 euros par Français en 2023 ? Comment pouvez-vous tenir ces propos avec une telle assurance quand vous et la majorité à laquelle vous appartenez aurez bientôt fait du service de la dette le premier poste de dépenses de l’État, devant l’éducation nationale ? Vous abusez les Français ! Vous vous en moquez, comme vous vous moquez du Parlement !
Pendant des mois, vous avez été l’apôtre des économies et du dialogue avec le Parlement, à qui vous demandiez de proposer des économies. Au Sénat, nous avons fait mieux : nous avons voté 7 milliards d’euros d’économies.
M. Max Brisson. Très bien !
M. Jean-François Husson. Mais vous, inflexible, n’en avez accepté aucune ! Zéro ! Rien ! Pas même un euro symbolique ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.) Empêché à l’Assemblée nationale, faute de majorité, vous déniez au Sénat la possibilité de proposer des économies.
Je vous le dis, monsieur le ministre, ce double langage sur l’endettement de la France et sur le Parlement, ça suffit ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
situation de l’hôpital public
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, dès sa prise de fonctions, le Premier ministre a fait une annonce spectaculaire : 32 milliards d’euros supplémentaires pour le système de santé.
Cette annonce a suscité de grandes attentes et mérite des éclaircissements. Qu’en est-il exactement ? S’agit-il vraiment de 32 milliards d’euros supplémentaires ou bien des 31,5 milliards d’euros déjà engagés au titre de la loi de programmation des finances publiques ?
Je crains qu’il ne s’agisse que d’un recyclage de crédits déjà alloués, autrement dit d’un flop. Si tel était le cas, il ne ferait qu’accroître la déception et le désarroi des personnels soignants, auxquels je tiens à rendre hommage.
La santé mérite mieux que des « coups de com’ ». Les Français sur tous les territoires sont préoccupés par l’accès aux soins. La médecine de ville et les hôpitaux font face à une pénurie alarmante de médecins et de personnels soignants.
Il ne se passe pas une semaine sans qu’une manifestation réunisse des milliers de soignants, d’usagers, d’élus, que ce soit à Guingamp, à Lannion, à Pontivy ou à Carhaix. Partout en France s’exprime la détresse face au risque avéré d’accoucher sur les routes ou de ne plus être pris en charge pour un accident vasculaire cérébral (AVC). La perte de chance et la prise en charge tardive sont dénoncées par tous les médecins.
Quelle est votre stratégie pour garantir l’accès aux soins à tous et partout ? Vous allez probablement me répondre que cette stratégie passe par les mesures prises par vos prédécesseurs et évoquer le Ségur de la santé, qui a permis des mesures d’urgence nécessaires, mais insuffisantes face à l’effondrement de notre service public.
Le Premier ministre a appelé à transformer le financement de l’hôpital de manière plus intelligente. Nous sommes impatients de connaître vos propositions concrètes, que lui-même qualifie d’« intelligentes », madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)