M. Jacques Grosperrin. Très bien !
Mme Anne Ventalon, rapporteure. Mais urgence ne veut pas dire précipitation : la concertation de l’ensemble des acteurs est incontournable.
Je tiens à le réaffirmer avec force : la commission de la culture et le Sénat se tiennent aux côtés de l’ensemble des acteurs pour améliorer le quotidien des quelque 478 000 élèves en situation de handicap et de leur famille, mais aussi celui de leurs enseignants et de leurs camarades de classe.
C’est à ce prix que nous garantirons à chaque élève le même droit à la scolarité, donc à l’égalité des chances. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier M. Vial de me donner l’occasion d’évoquer les élèves en situation de handicap, ainsi que celles – j’insiste sur le terme « celles », car ce sont le plus souvent des femmes – et ceux qui les accompagnent au quotidien.
Prenons un peu de recul. Notre politique éducative est aujourd’hui confrontée à un véritable défi historique. Elle a déjà relevé celui de la scolarisation de tous les enfants de 3 ans à 17 ans. À présent, notre responsabilité commune est de scolariser tous les élèves de la maternelle au lycée en tenant compte de leurs singularités et de leurs besoins éducatifs particuliers.
Ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le sénateur Vial, votre proposition de loi permet de régler de manière simple des problèmes complexes. Je souhaite insister sur ce point. Nos concitoyens attendent de nous que nous puissions trouver le chemin le plus court entre un problème donné et sa solution. Et votre proposition de loi s’inscrit indiscutablement dans cette perspective.
Notre école doit relever différents défis : la qualité de l’enseignement ; les relations entre les élèves et les professeurs, ainsi qu’entre les élèves ; l’environnement scolaire ; enfin, l’accueil de tous les enfants, y compris des enfants en situation de handicap.
Accueillir chaque enfant tel qu’il est, cela implique de changer notre regard sur la vulnérabilité, en particulier la vulnérabilité éducative, qui, si elle peut avoir plusieurs facettes, est particulièrement douloureuse quand elle résulte d’un manque éducatif. Quand on ne dispose pas des mêmes chances à l’école, on ne dispose pas des mêmes chances dans la vie ! Et laisser des élèves en situation de handicap sur le bord du chemin scolaire, c’est ajouter une vulnérabilité à une autre. C’est une double peine, et c’est surtout une injustice ! Ces enfants ont le droit, comme tous les autres, de trouver leur voie, d’avoir une scolarité sereine, en vue d’une insertion plus facile.
L’accueil des enfants en situation de handicap à l’école est une question incontournable.
Il y a aujourd’hui près de 35 % d’élèves en situation de handicap de plus qu’en 2017. Logiquement, le nombre d’AESH a augmenté de plus de 40 %. Nous assistons à une progression constante du nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire. Entre 2004 et 2022 – vous faisiez allusion tout à l’heure à la loi de 2005, monsieur le sénateur Vial –, le nombre d’élèves est passé de 134 000 à 430 000, soit une hausse de 220 %. Très concrètement, cela signifie qu’AESH est devenu, en termes d’effectifs, le deuxième métier de l’éducation nationale.
C’est pour reconnaître le rôle essentiel de ces personnels dans l’école inclusive que notre gouvernement a, je le rappelle, revalorisé leur salaire, avec une progression moyenne de 26 % – en valeur absolue, cela représente 200 euros nets de plus par mois – entre août 2021 et janvier 2024.
Nous sommes évidemment toujours en phase avec les objectifs de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Votre proposition de loi, qui vise à renforcer la lisibilité des modalités de gestion des AESH, peut – Mme la rapporteure l’a souligné – constituer un premier pas. Mais elle doit nécessairement s’accompagner d’une réforme de plus grande ampleur sur les modalités de prescription, ce qui suppose une concertation avec tous les acteurs concernés.
Garantir la continuité de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur toute la journée d’école est une nécessité pour permettre une scolarité sereine et efficace. C’est aussi un pas supplémentaire en direction de l’inclusion.
Il ne peut pas y avoir de service public en pointillé. C’est la continuité du service public qui suscite la confiance. Et c’est la confiance qui est à la base de tout parcours scolaire digne de ce nom !
Je vous remercie, monsieur le sénateur, de cette initiative. Par son efficacité, elle favorisera le bien-être et la réussite de tous les élèves dans leur diversité, ce qui est précisément le cœur de l’action du Gouvernement pour l’école.
Pour ma part, je reste déterminée à participer à la construction d’une école inclusive juste et exigeante pour tous. Cette ambition rejoint une conviction profonde : la réussite n’est pas qu’une question de résultats. Il n’y a pas de réussite sans sérénité !
Il est de notre devoir de proposer cette école de l’épanouissement et d’assurer la sérénité nécessaire à chacun de nos élèves. Si de nombreux sujets peuvent nous diviser, celui du bien-être et de l’épanouissement des élèves ne peut que nous rassembler.
Plus largement, ce combat pour une société inclusive me tient particulièrement à cœur. Il est au centre des préoccupations de mon ministère, dont l’action s’exerce des premiers aux derniers jours de la vie. Nous accompagnons ainsi l’ensemble des personnes vulnérables, quelles que soient les épreuves qu’elles traversent, et nous valorisons tous les métiers.
Le soutien aux personnes en situation de handicap sera donc l’une de nos priorités absolues. Nous le savons, le chemin vers une école pleinement inclusive est encore long, mais nous avançons dans la bonne direction.
Madame la rapporteure, cette proposition de loi n’est qu’une première étape. Vous avez souligné l’élément clé que représente le financement de l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Il sera, demain, assuré par l’État à 100 %.
M. Jacques Grosperrin. Très bien !
Mme Catherine Vautrin, ministre. Le Gouvernement adoptera sur ce texte une position de sagesse particulièrement bienveillante. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme de l’école doit être la mère de toutes les batailles, et l’école inclusive en fait partie intégrante.
Si la création de 4 500 postes d’AESH est une disposition significative du projet de loi de finances pour 2024, les problèmes relatifs à l’emploi des accompagnants des élèves en situation de handicap sont loin d’être réglés. Les raisons en sont multiples.
Premièrement, les AESH, qui sont souvent contraints d’enchaîner les contrats à durée déterminée, souffrent d’une instabilité professionnelle liée à leur statut.
Deuxièmement, leur rémunération est trop faible. Les AESH se voient en effet proposer majoritairement des contrats de vingt-quatre heures par semaine, soit la durée de scolarisation d’un élève de maternelle et de primaire.
Ce temps de travail, que conditionne le temps de scolarité, équivaut environ à 60 % d’un temps plein. Il explique une rémunération mensuelle de l’ordre de 800 euros par mois. Soulignons au passage que cette précarité concerne majoritairement des femmes, cette profession féminine étant à 90 %.
Troisièmement, je pointerai le manque de formation. En effet, une formation de soixante heures ne saurait suffire pour exercer la compétence professionnelle attendue de la part d’un AESH.
Cependant, la présente proposition de loi ne prétend pas traiter le sujet de l’école inclusive ni même celui du statut des AESH, dans leur exhaustivité. Au fond, elle tend à résoudre un problème qui découle d’un cadre réglementaire traitant de manière différenciée le temps méridien et le temps périscolaire.
Les AESH sont désormais en nombre – vous avez bien voulu le rappeler, madame la ministre –, la deuxième catégorie de l’éducation nationale, après celle des enseignants.
Les collectivités locales, les communes et les AESH eux-mêmes attendent des clarifications. Ils réclament l’élaboration d’un cadre général cohérent. Or nous ne parviendrons pas à régler ce problème par des bricolages successifs.
Nous avons, tout d’abord, des classes Ulis. Leur cadre de compétence se trouve exclusivement placé sous l’autorité de la commune qui les abrite, alors même que ces classes accueillent parfois des élèves des communes voisines.
Nous avons, ensuite, des rectorats, qui consentent des mises à disposition de ces agents, mais qui les refacturent aux communes.
Nous avons, enfin, un vide juridique – cela vient d’être rappelé – pour ce qui concerne les établissements privés sous contrat.
Le texte que l’on nous propose d’adopter constitue donc un moyen simple de régler une situation confuse, en permettant à l’État de prendre en charge l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps méridien. Il ne doit être néanmoins que la première étape d’un débat de fond.
Dans le travail d’exploration qu’elle a bien voulu conduire au nom de notre groupe politique, notre collègue Michelle Gréaume est allée plus loin, en proposant de financer les AESH sur l’ensemble du temps passé au sein de l’institution scolaire.
Il faudra régler également la question du statut des AESH, qui aspirent à être intégrés dans la catégorie B de la fonction publique.
Considérant toutefois que ce texte comporte, en l’état, une disposition simple de nature à résoudre un problème concret, nous le voterons.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE votera ce texte. Nous saluons en effet la proposition de Cédric Vial, ainsi que le travail de Mme la rapporteure Anne Ventalon, visant à proposer une solution à la situation ambiguë des élèves requérant un accompagnement par AESH sur le temps méridien.
Les auditions ont révélé des disparités d’accompagnement – entre les communes et selon le type d’enseignement, public ou privé – qui contreviennent à l’égalité de traitement à laquelle ont droit les élèves en situation de handicap, quel que soit leur lieu d’habitation ou de scolarisation. Cela n’est pas acceptable.
Selon une sagesse africaine, il faut tout un village pour éduquer un enfant, quand une sagesse rurale bien de chez nous dit : « Chacun son métier, et les vaches seront bien gardées ». (Sourires au banc des commissions.) Madame la ministre, il est temps de remettre de l’ordre et de placer l’intérêt des enfants au centre de nos préoccupations, plutôt que de se perdre dans des polémiques de compétences.
Que l’État, par l’éducation nationale, reste le maître de l’enseignement.
Que les communes continuent à assurer l’accueil, l’entretien des locaux, le recrutement des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem) et l’organisation du temps périscolaire avec leurs intervenants et leurs associations locales.
Que les départements, enfin, par leurs compétences, assument le médico-social, tout le médico-social.
La protection maternelle et infantile (PMI) examine et dépiste les handicaps jusqu’à l’âge de 6 ans. Expliquez-moi, madame la ministre, quelle plus-value apporte une médecine scolaire famélique en effectifs en prenant le relais dans le suivi des enfants après 6 ans ?
La santé, ce n’est pas que la médecine. C’est aussi le bien-être physique, psychique et social des individus, auquel le sanitaire ne contribue qu’à hauteur de 20 %.
La santé scolaire a davantage besoin de psychologues et d’assistantes sociales que de médecins et d’infirmiers pour dispenser des soins.
Les MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, ont pour mission d’évaluer les besoins d’accompagnement par les AESH des élèves en situation de handicap. Donnons donc aux départements la pleine compétence dans ce domaine. Confions-leur le recrutement et la rémunération des AESH, avec une compensation financière de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et une péréquation entre départements – cela se fait dans le domaine social –, ainsi que par l’État.
Cette répartition claire des tâches entre l’éducation nationale, les départements, les communes et même les régions pour l’orientation et les stages fonctionne déjà dans les cités éducatives ; bientôt, elle s’appliquera dans les territoires éducatifs ruraux, ces fameux TER qui n’arrivent pas à très grande vitesse ! (Sourires.) Adoptons donc, pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap, cette méthode qui fait ses preuves.
Le temps méridien n’est pas un temps anodin : la cantine est nécessaire pour les enfants des familles précaires, et nous pouvons, d’ailleurs, saluer l’engagement des collectivités en matière de tarification sociale.
Surtout, l’éducation à l’équilibre alimentaire doit être une priorité, au même titre que l’activité physique quotidienne, si nous voulons combattre l’épidémie d’obésité et de diabète qui deviendra bientôt un fardeau considérable pour notre société.
Enfin, madame la ministre, ne laissez pas votre collègue de l’éducation nationale gérer des situations à la fois douloureuses pour les élèves en situation de lourd handicap, perturbantes pour les autres élèves de leur classe et épuisantes pour le corps enseignant. Ce dernier doit composer avec des élèves porteurs de handicaps trop lourds, qui relèvent d’instituts médico-éducatifs (IME), mais qui, par manque de places en IME, sont condamnés à être scolarisés en classe ouverte.
Ces situations ne sont pas tenables et risquent de remettre en question l’école inclusive. Celle-ci est un beau projet, qui requiert néanmoins les moyens de ses ambitions.
La présente proposition de loi le rappelle. Si j’ai semblé élargir son objet initial, c’est qu’il est urgent, madame la ministre, de prendre ce sujet à bras-le-corps. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.
Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en nous dotant d’un nouveau texte visant à favoriser l’inclusion de nos élèves, nous faisons un pas de plus vers une école toujours plus inclusive. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Cette proposition de loi visant la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien est la traduction législative de l’une des recommandations du rapport d’information Modalités de gestion des AESH, pour une école inclusive de notre collègue Cédric Vial, que le groupe RDPI et moi-même saluons.
Cette démarche s’inscrit par ailleurs dans la logique de la promesse formulée par le Président de la République au sujet des AESH lors de sa campagne électorale en 2022.
Le présent texte contient des dispositions importantes pour trois acteurs : les élèves en situation de handicap, les accompagnants d’élèves en situation de handicap et les collectivités territoriales.
Ayant beaucoup travaillé sur ce sujet au sein du réseau de l’enseignement français à l’étranger, je tiens tout d’abord à souligner l’avancée que comporte ce texte pour les élèves. En effet, dès lors que la prise en charge des AESH sur le temps méridien n’est plus assurée ou qu’un élève est accompagné par un AESH différent sur les temps scolaire et méridien, une rupture intervient dans la continuité de l’accompagnement, qui est pourtant essentielle au bien-être des élèves concernés.
Dans d’autres cas, faute de prise en charge sur le temps méridien, les parents n’ont d’autre choix que de prendre le relais, avec tous les problèmes qui s’ensuivent.
Il arrive également que certains parents embauchent directement des AESH. Or, non seulement cette pratique représente un coût important pour les familles, mais elle échappe aux contrôles obligatoires habituellement réalisés par l’éducation nationale.
En ce qui concerne les AESH et leurs conditions de travail, le texte introduit une disposition simplifiant leur statut, l’État devenant leur unique employeur. Il permet également le lissage des emplois du temps, en ouvrant la possibilité de continuer à travailler pour l’éducation nationale sur le temps méridien.
Nous ne connaissons que trop bien les situations de précarité que peuvent rencontrer les AESH, et ce texte ne les résoudra pas toutes. Saluons tout de même cette avancée.
La proposition de loi a pour but premier de revenir à la prise en charge totale, par l’État, de l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers, comme c’était le cas avant la décision du Conseil d’État de novembre 2020. Ce dernier avait jugé en effet que la compétence de l’État en matière de prise en charge des situations de handicap ne devait porter que sur le temps scolaire.
C’est la raison pour laquelle la responsabilité qui incombait jusqu’alors à l’État s’est déportée sur les collectivités territoriales pour le premier degré et sur les départements et les régions pour le second degré. Cette situation a entraîné plusieurs conséquences, pour les AESH, pour les élèves en situation de handicap et pour les collectivités, qui ont dû assumer une charge financière supplémentaire.
Ainsi, le transfert de responsabilité entre l’État et les collectivités territoriales a pu créer une rupture d’égalité entre les élèves, dans la mesure où les situations de prise en charge diffèrent selon les communes. En effet, il est important de noter que, les communes n’exerçant habituellement pas de compétences en matière de handicap, cette nouvelle charge pouvait être difficile à assumer.
Pour conclure, je tiens à saluer de nouveau le travail de notre commission, ainsi que celui de Cédric Vial et de la rapporteure Anne Ventalon. Il a permis d’aboutir à des avancées rétablissant une forme de solidarité nationale, afin d’accompagner au mieux les élèves en situation de handicap au sein de notre école.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera ce texte. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un peu plus d’un an après l’adoption unanime de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation, je me réjouis que nous ayons de nouveau l’occasion d’aborder le sujet de l’inclusion scolaire au sein de cet hémicycle.
La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a consacré le droit à une scolarisation ordinaire – lui-même conforté par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qui a introduit la notion d’inclusion scolaire –, a profondément transformé la prise en compte du handicap dans notre paysage éducatif.
Depuis 2006, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a ainsi quadruplé, passant de 118 000 à 478 000 en 2023.
Cette concrétisation quantitative de la promesse de l’école inclusive – pour notre part, nous appelons souvent de nos vœux le passage à une logique plus qualitative – repose en grande partie sur les épaules des accompagnantes et accompagnants d’élèves en situation de handicap. Je devrais, d’ailleurs, insister sur le féminin, 93 % des AESH étant des femmes. C’est sur elles que repose la réussite de l’inclusion. Elles la portent à bout de bras.
J’ai à l’esprit la formule utilisée par une enseignante que nous avons auditionnée récemment. À bout de souffle comme beaucoup de ses collègues, elle disait : « Sans AESH, on ne tiendrait plus debout ».
Leur rôle d’appui auprès des élèves en situation de handicap étant indispensable et l’inclusion en milieu ordinaire ne reposant pas seulement sur le temps scolaire en lui-même, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise la prise en charge par l’État de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap sur le temps méridien.
Ce texte, qui concrétise l’une des recommandations de la mission d’information que Cédric Vial – je le salue – a menée sur les modalités de gestion des AESH, a le mérite de revenir à l’esprit des lois de 2005 et de 2013, ainsi qu’au paradigme qui était en vigueur jusqu’à la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020.
Cette décision, qui a dégagé l’éducation nationale de toute responsabilité dans le financement de l’inclusion sur le temps méridien, a créé des difficultés multiples, que ce soit pour les collectivités territoriales, pour les AESH ou pour les élèves. En effet, toutes les communes n’étant pas en mesure de financer l’emploi des AESH, des inégalités de prise en charge sont apparues entre territoires et entre établissements scolaires.
Dans le contexte budgétaire très contraint que nous connaissons aujourd’hui, la question est encore plus pressante.
En raison de la dualité des employeurs, les AESH eux-mêmes ont subi de nouvelles contraintes en matière d’organisation de leur temps de travail, au détriment, notamment, de leur temps de pause, pourtant obligatoire.
Enfin, les élèves en situation de handicap présentant des besoins d’accompagnement sur le temps méridien – selon les estimations, ils seraient entre 20 000 et 25 000 – ont été confrontés au risque d’une rupture d’accompagnement entre les temps scolaire et méridien, obligeant certains parents à prendre le relais et d’autres à recourir à des AESH privés, voire, dans les cas les plus complexes, à déscolariser leur enfant.
Prenant acte de la décision du Conseil d’État, un courrier du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse adressé aux recteurs et rectrices, le 4 janvier 2023, a formalisé les trois cas de figure envisageables pour les collectivités : soit la mise à disposition par l’éducation nationale des AESH volontaires aux collectivités, soit le recrutement direct d’AESH par la collectivité pour les heures relevant du périscolaire, soit le recrutement d’AESH en commun par l’État et les collectivités territoriales.
Si la mise à disposition, solution préconisée par le ministère, représente une avancée, son application sur le terrain se révèle complexe et très inégale.
Dans mon département de la Drôme, il m’a ainsi été indiqué que, à ce jour, l’ensemble des AESH intervenant sur le temps périscolaire étaient recrutés directement par les collectivités. Cette modalité ne règle d’ailleurs pas la question du coût de cette prise en charge pour les communes, qui reste le principal point d’achoppement.
Au regard des fortes contraintes liées à la situation actuelle, nous souscrivons pleinement, par conséquent, à l’objectif de cette proposition de loi.
Je tiens toutefois à partager avec vous quelques points d’alerte, madame la ministre.
Tout d’abord, quelle garantie avons-nous, tout d’abord, que cette nouvelle dépense, qui représente un coût d’environ 31 millions d’euros, ne se fera pas au détriment d’autres dépenses liées à l’inclusion scolaire ?
Ensuite, nous exprimons des réserves quant à la restriction de la prise en charge au seul temps méridien et non au temps périscolaire dans son ensemble. Ce dernier contribue pourtant pleinement à l’inclusion des élèves en situation de handicap.
Je m’interroge, d’ailleurs, sur les conséquences qu’aurait l’application de cette loi pour les AESH qui sont actuellement employés par les collectivités sur le temps méridien et d’autres temps périscolaires. Je crains que le problème de l’emploi des AESH sur le temps périscolaire ne se repose très rapidement.
Enfin, nous devons veiller à ce que ce transfert constitue bien une avancée pour les AESH et n’entraîne pas de nouvelles dégradations de leurs conditions de travail. Je pense notamment à leur niveau de rémunération, certaines communes étant plus généreuses que l’État. La logique du moins-disant ne doit pas prévaloir.
Plus largement, il nous faut réaffirmer l’urgence d’une réflexion plus globale sur l’organisation de l’école inclusive et sur le statut des personnels chargés de l’accompagnement humain.
En quelques années, les AESH sont devenus la deuxième catégorie de personnels de l’éducation nationale. Il est inacceptable qu’ils et elles continuent à exercer dans des conditions aussi précaires, avec un salaire mensuel toujours en deçà du seuil de pauvreté, sans prise en compte du temps de préparation et de formation nécessaire au bon exercice de leurs diverses missions.
Ce manque de considération nuit à l’attractivité de cette profession, comme en témoignent les nombreuses vacances de postes constatées sur le terrain.
Toutes et tous, nous avons pourtant conscience de l’ampleur du besoin, ne serait-ce que pour satisfaire les notifications d’accompagnement humain qui sont émises par les maisons départementales des personnes handicapées.
J’irai même plus loin : le ministère doit réfléchir à la mise en place de brigades de remplacement, qui manquent aujourd’hui cruellement. Je pense ainsi à l’exemple récemment porté à ma connaissance d’une AESH de mon département non remplacée pendant les dix semaines de son arrêt maladie. Des postes supplémentaires sont, là encore, nécessaires.
Il est plus que temps, pour le Gouvernement, de prendre à bras-le-corps le sujet de l’inclusion scolaire, trop souvent source de souffrance pour les élèves concernés, ainsi que pour les personnels de la communauté éducative.
Une seule boussole doit nous guider : la scolarisation dans les meilleures conditions possible des élèves en situation de handicap, à rebours de la logique de rationalisation budgétaire qui se cache derrière les pôles d’appui à la scolarité, heureusement censurés par le Conseil constitutionnel à la suite de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.
En gardant ces réserves à l’esprit, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis très heureux d’intervenir aujourd’hui en qualité de président de la commission des affaires sociales, mais aussi, pour quelques heures encore, en tant que président du groupe d’études Handicap de notre institution.
Je tiens en premier lieu à remercier et à féliciter notre collègue Cédric Vial, auteur de ce texte, qui reprend l’une des vingt recommandations du rapport de la mission d’information flash de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, publié en mai 2023. Je puis en témoigner : lorsque l’on porte un message avec conviction, en voir la traduction législative est essentiel. En même temps, c’est une source de satisfaction.
Je souhaite également féliciter notre rapporteure, Anne Ventalon, de la qualité de son travail.
Il était en effet nécessaire de légiférer, en raison de la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020 opérant un transfert de la charge financière de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap en dehors du temps scolaire, de l’État vers les collectivités territoriales.
Non seulement cette jurisprudence du Conseil d’État méconnaît l’esprit de la loi du 11 février 2005, qui veut que l’État, au nom de la solidarité nationale, mette en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants en situation de handicap, mais elle crée encore un grand nombre de difficultés financières, juridiques et organisationnelles quant à sa mise en œuvre pour l’ensemble des parties intéressées.
C’est pourquoi la clarification qu’apporte cette proposition de loi est bienvenue et souhaitable.
Permettez-moi de profiter de cette tribune pour évoquer de nouveau la situation des AESH sur notre territoire national.
Voilà un an, le Sénat examinait et adoptait une proposition de loi visant à lutter contre la précarité des AESH. Cette proposition de loi prévoyait notamment que les AESH puissent bénéficier d’un CDI à l’issue d’un certain nombre d’années de service, tout en rappelant à l’ensemble des acteurs qu’il était urgent d’ériger un véritable statut pour les AESH.
Malgré ces avancées, le métier reste complexe et peu attractif. Par conséquent, de nombreux élèves en situation de handicap ne peuvent bénéficier d’un accompagnement, faute de personnel, et cette situation est commune à l’ensemble des départements de notre territoire national.
Nous connaissons bien les causes de cette désaffection : faible rémunération, manque de formation ou encore complexité administrative.
Pour ma part, je plaide une nouvelle fois pour un véritable statut des AESH, mais également pour la création d’un service global des enfants en situation de handicap.
Même si cette proposition peut bouleverser les acteurs, notamment l’éducation nationale et les collectivités, il convient selon moi de mettre l’enfant au centre du dispositif et de prendre en considération son parcours de vie, une notion essentielle, d’une façon générale, dans la prise en charge du handicap.
Un jeune enfant en situation de handicap peut avoir besoin d’un accompagnement le matin, pendant l’accueil périscolaire – compétence communale ou intercommunale –, puis pendant le temps scolaire et la pause méridienne et, enfin, le soir, à la garderie. Ne serait-ce que pour ces trois moments, les acteurs compétents sont différents.
Toutefois, il peut également avoir besoin d’être accompagné au centre de loisirs, le mercredi ou pendant les vacances scolaires, ou dans ses activités sportives et culturelles.
En résumé, les moyens, les organisations et les financements sont multiples. Je vous invite donc, madame la ministre, à réfléchir à la mise en place d’un accompagnement global intégrant également les transports.
Finalement, nous traitons ce sujet par petits bouts. L’aspect que nous traitons aujourd’hui, organisationnel et financier, est essentiel, mais il ne règle en rien l’accompagnement des enfants en situation de handicap.
Je suis persuadé que nous pouvons faire mieux, à moyens financiers constants, et proposer un accompagnement de meilleure qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)