M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, auteur de la question n° 1014, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

M. Cédric Vial. Madame la ministre, en 2018, le Gouvernement a, par ordonnance, clarifié les dispositions relatives aux conditions d’autorisation d’ouverture des officines de pharmacie dans les communes de moins de 2 500 habitants, par voie de création, de transfert ou de regroupement.

Ce texte a prévu des dispositions en faveur des territoires au sein desquels l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante. Les critères d’éligibilité de ces territoires devaient être définis par décret.

Les communes rurales étaient en attente de ce texte, assouplissement nécessaire pour les territoires.

C’était en 2018… Depuis lors, rien ! Nous sommes toujours en attente de ce décret.

Le Gouvernement a été, à de nombreuses reprises, interrogé sur sa date de parution, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Malgré les changements de ministre chargé de la santé, la réponse restait la même : le décret doit paraître le trimestre ou le semestre suivant…

Voici quelques exemples des réponses que nous avons reçues, ici, au Sénat, par les ministres successifs.

En réponse à une question écrite du mois de janvier 2020, le ministre annonce « une publication au premier semestre 2021 ».

En réponse à une question orale du mois d’octobre 2021, il est indiqué que « la publication pourrait intervenir au cours du premier semestre 2022 ».

En réponse à une question écrite du mois de juillet 2022, il est indiqué que « la publication est prévue pour le début de l’année 2023 ».

En réponse à une question écrite du mois d’octobre 2022, la publication est annoncée « pour le premier trimestre 2023 ».

En réponse à une question écrite du mois de janvier 2023, il est annoncé que « la publication du décret est donc désormais prévue pour la fin d’année 2023 ».

Nous voilà en janvier 2024. Qu’en est-il, madame la ministre ? Vous semble-t-il normal que les parlementaires, comme l’ensemble des élus du territoire, aient l’impression que l’on se moque d’eux ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie de prendre connaissance de la réponse que ma collègue ministre de la santé, qui ne pouvait pas être présente ce matin, m’a chargée de vous transmettre.

Le code de la santé publique prévoit, en effet, qu’un décret doit déterminer les conditions de définition des territoires au sein desquels l’accès au médicament pour la population n’est pas assuré de manière satisfaisante.

Le maillage officinal est aujourd’hui globalement satisfaisant : au 1er janvier 2023, on comptait 20 142 officines sur l’ensemble du territoire, ce qui correspond à trente officines pour 100 000 habitants.

Au sein des territoires identifiés comme fragiles, le maillage des officines pourra être renforcé grâce à des aides financières en vue de favoriser le maintien ou l’installation d’une officine ou grâce à un assouplissement des règles encadrant les autorisations de transfert et de regroupement.

Cet aménagement contribuera notamment au renforcement du maillage des officines dans les communes de moins de 2 500 habitants, car elles auront la possibilité d’être regroupées avec des communes contiguës afin qu’une officine soit autorisée à y ouvrir.

Je sais combien cet assouplissement est attendu par les élus des communes rurales, ce que vous venez très justement et très légitimement de rappeler, monsieur le sénateur. Et j’entends votre impatience.

Le projet de décret que vous mentionnez dans votre question est en cours d’élaboration et a été soumis pour consultation aux représentants de la profession et des caisses de sécurité sociale. Ces consultations prennent du temps, mais elles sont essentielles. À cet égard, je veux vous assurer de la détermination de la ministre du travail, de la santé et des solidarités à publier le plus rapidement possible ces textes, une fois que celles-ci seront terminées.

Elle réunira d’ici à la fin du mois les agences régionales de santé (ARS) pour réaliser un point d’étape sur la rédaction de ce décret. L’objectif partagé est d’aboutir à une méthodologie plus claire et plus adaptée aux enjeux du maillage officinal.

M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour la réplique.

M. Cédric Vial. Je constate, madame la ministre, que vous perpétuez la tradition des vœux pieux… Je crois donc comprendre que ce décret sera pris au cours du présent semestre.

Cela fait maintenant sept ans que ce texte est soumis à consultation ! Dans notre pays, c’est le Parlement qui fait la loi. Ce ne sont pas les lobbies ! Aujourd’hui, un lobby s’oppose à la sortie de ce décret. Il est là question non pas d’un pansement Urgo sur une jambe de bois, mais d’une attente de nos territoires. Madame la ministre, j’espère que ce gouvernement prendra la chose au sérieux.

Je le répète, dans notre pays, c’est le Parlement qui fait la loi.

fermeture de l’hôpital bichat

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, auteur de la question n° 909, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

M. Ian Brossat. Madame la ministre, ma question porte sur le projet d’hôpital Grand Paris Nord. Né en 2013, il vise en réalité à fusionner deux hôpitaux : l’hôpital Bichat, situé dans le XVIIIe arrondissement de Paris et l’hôpital Beaujon, situé dans les Hauts-de-Seine, votre terre d’élection.

Ce projet se présente comme une grande innovation. En réalité, il se traduira par la fermeture de 300 lits d’hospitalisation. Ce sont ainsi 30 % des capacités d’hospitalisation de ces deux hôpitaux, l’hôpital Bichat et l’hôpital Beaujon, qui seraient purement et simplement rayées de la carte.

Ce projet est d’autant plus inquiétant qu’il se situe dans le nord-est parisien, dans une des zones les plus carencées d’Île-de-France : on y compte trois lits pour mille habitants, contre, en moyenne, quatre lits pour mille habitants dans la région.

Par conséquent, ce projet a très légitimement suscité de nombreuses inquiétudes parmi les soignants et les patients, à tel point qu’il a maintenant du plomb dans l’aile. En effet, la cour administrative d’appel a décidé de le suspendre pour vice de procédure et que l’enquête publique a été relancée – elle reprendra le 29 janvier.

Ma question est simple : précisément parce qu’il se traduira par la perte de 300 lits d’hospitalisation, que rien ne justifie, allez-vous enfin remettre à plat ce projet ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser la ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui, ne pouvant être présente ce matin, m’a chargée de vous répondre.

Ce nouvel hôpital représente un investissement de plus de 1,3 milliard d’euros. Il offrira des conditions d’accueil pour les patients et d’exercice pour les professionnels de santé sans commune mesure avec ce qu’elles sont aujourd’hui à Bichat et Beaujon.

La construction du campus hospitalo-universitaire Saint-Ouen Grand Paris Nord à l’horizon 2028 devrait permettre d’accueillir une maternité d’une capacité de 2 000 naissances par an, en remplacement des maternités de Bichat et de Beaujon.

Ce projet permettra de rééquilibrer géographiquement l’offre de maternité en faveur de la Seine-Saint-Denis, sans déstabiliser l’offre de soins du territoire.

Dans tous les cas, l’implantation de ce nouvel établissement ne déstabiliserait pas l’offre de soins en maternité, puisque les autres maternités du territoire seraient capables d’absorber le solde des naissances.

Sans même tenir compte des rehaussements capacitaires de la maternité de l’hôpital Lariboisière et du pôle femme-enfant de l’hôpital Avicenne, le solde des 1 373 accouchements résultant de ce projet de centre hospitalier universitaire serait absorbé sans trop d’impact pour les maternités, dont le taux d’occupation est de 75 %.

Pour toutes les questions relevant de la déclaration d’utilité publique, le ministère du travail, de la santé et des solidarités a bien entendu connaissance des démarches judiciaires en cours et les suit avec attention.

Nul doute que l’agence régionale de santé et l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) en tiendront compte dans la sécurisation juridique du projet.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour la réplique.

M. Ian Brossat. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse ; pour autant, elle n’est pas satisfaisante.

Je le répète : ce projet de fusion se traduira par la suppression de 300 lits d’hospitalisation dans un territoire qui en manque cruellement, un territoire qui plus est populaire.

On ne peut pas, d’un côté, avoir un Président de la République qui déclare que la santé est une priorité pour lui et, d’un autre côté, supprimer 300 lits d’hospitalisation dans ces quartiers populaires.

avenir de la filière hydrolienne

M. le président. La parole est à M. Sébastien Fagnen, auteur de la question n° 1003, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Sébastien Fagnen. Madame la ministre, à l’heure où l’énergie n’a plus de ministère de plein exercice et où le projet de loi sur la souveraineté énergétique ne donne malheureusement aucune visibilité de volume pour les énergies renouvelables, il est plus que jamais nécessaire de s’interroger sur le soutien de l’État à la filière hydrolienne et sur la traduction des annonces du Président de la République aux Assises de l’économie de la mer, à Nantes, le 28 novembre dernier.

Si le Gouvernement souhaite une relance forte du nucléaire, les nouvelles capacités nucléaires ne seront pas connectées avant 2035.

En parallèle du soutien à la filière électronucléaire et en vue de pleinement décarboner le mix énergétique, il est indispensable d’accélérer dès à présent le développement massif des énergies renouvelables, notamment marines, comme le recommande le rapport Futurs énergétiques 2050 de RTE (Réseau de transport d’électricité).

Après l’échec d’OpenHydro en 2018, faute d’un soutien clair et franc de l’État à la filière, l’annonce du soutien financier à hauteur de 65 millions d’euros à la ferme pilote hydrolienne manchoise FloWatt était inespérée. En effet, l’énergie hydrolienne était encore laissée pour compte dans le cadre de la précédente programmation pluriannuelle de l’énergie malgré les deux courants puissants et très prometteurs que l’on rencontre au raz Blanchard, à la pointe du Cotentin, et dans le passage du Fromveur, dans le Finistère.

La stratégie de développement de la filière hydrolienne repose sur la nécessaire visibilité de développement commercial à court terme, condition indispensable aux investissements, donc à la baisse des coûts de cette nouvelle filière industrielle française prometteuse.

Il s’agirait pour l’État de lancer dès à présent des appels d’offres commerciaux, sans attendre les mises en service des fermes pilotes. C’est d’ailleurs ainsi qu’a été appréhendé le développement de l’éolien flottant.

Attendre serait néfaste pour l’ensemble de la filière et pour la société HydroQuest elle-même, à l’origine de FloWatt. En effet, cela impliquerait une possible rupture d’activité et de charge de plusieurs années entre le moment de la livraison des hydroliennes de la ferme pilote en 2026 et le moment où la société serait susceptible d’être lauréate d’un projet commercial en France.

Ces défis et les difficultés rencontrées par la filière hydrolienne n’ont pas empêché la Grande-Bretagne de la développer de manière extrêmement volontariste.

Madame la ministre, le Gouvernement va-t-il s’engager à lancer rapidement des appels d’offres commerciaux, afin que la filière industrielle française de l’hydrolien devienne enfin une réalité ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui, ne pouvant être présent ce matin, m’a chargée de vous répondre.

Les différentes sources d’énergies renouvelables sont complémentaires et ont vocation à contribuer, chacune selon son potentiel, à l’atteinte de nos objectifs de lutte contre le réchauffement climatique et de souveraineté énergétique.

À ce titre, les nouvelles énergies marines présentent un potentiel que nous intégrons pleinement dans nos réflexions sur notre prochaine stratégie énergétique.

La France a été pionnière dans l’exploitation de l’énergie des marées, avec l’usine marémotrice de la Rance, première installation au monde à produire de l’électricité à partir de l’énergie des marées à une échelle industrielle.

Cependant, une telle installation présente aussi des inconvénients, par exemple l’ensablement progressif de la Rance, qui nécessite des interventions et des travaux réguliers.

La stratégie offshore de la Commission européenne, publiée au mois de novembre 2020 a fixé l’objectif de 40 gigawatts de capacité d’énergie océanique hors éolien en mer et de 300 gigawatts d’éolien en mer dans l’Union européenne d’ici à 2050.

Concernant l’hydrolien en mer, la France, par ses courants marins, notamment ceux du raz Blanchard et du passage de Fromveur, présenterait un potentiel maximum estimé entre 3 et 5 gigawatts. Pour autant, par rapport à d’autres énergies comme le solaire ou l’éolien terrestre et en mer, cette technologie reste à un stade de développement amont et doit encore poursuivre sa montée en maturité, en particulier afin de réduire ses coûts par rapport à d’autres énergies renouvelables.

Le Gouvernement a décidé l’été dernier de soutenir la ferme pilote hydrolienne de 17,5 mégawatts de FloWatt, témoignant ainsi son soutien à la filière marine renouvelable et son souhait d’accompagner son développement.

Dans cette perspective, le Gouvernement travaille actuellement pour que la prochaine politique pluriannuelle de l’énergie intègre le lancement de premiers appels d’offres commerciaux hydroliens, sous réserve d’une baisse des coûts de la technologie.

Cette orientation figure dans le document mis en consultation à la fin de l’année dernière sur la stratégie française pour l’énergie et le climat.

difficultés de la filière industrielle des chaudiéristes biomasse français

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, auteure de la question n° 1006, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Audrey Linkenheld. Madame la ministre, ma question porte également sur une filière industrielle qui nous semble une composante importante de la décarbonation de notre économie : la filière industrielle biomasse, en particulier celle des chaudiéristes biomasse.

Cette filière, qui emploie, directement et indirectement, 450 000 personnes, est aujourd’hui fragilisée par les conséquences de la guerre en Ukraine, par exemple pour accéder à ses fournisseurs et aux routes commerciales.

Elle est également fragilisée par des difficultés d’accès à des dispositifs d’aide et d’accompagnement à la rénovation énergétique mis en place par l’État, rénovation énergétique elle-même évidemment indispensable face aux changements climatiques.

Au mois de décembre dernier, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) a en effet annoncé une baisse des financements pour l’installation de chauffages fonctionnant au bois et une baisse de 30 % du forfait MaPrimeRénov’, à partir du mois d’avril 2024. Or les systèmes de chauffage biomasse, notamment les chaudières, qui font office de chauffage principal, et non pas de chauffage d’appoint, sont une solution de remplacement intéressante pour certains ménages, contrairement au fioul ou à l’électricité. Pour autant, ils se trouvent aujourd’hui fragilisés.

J’interroge donc le Gouvernement sur les raisons de la baisse de ce financement pour les chauffages fonctionnant au bois et les mesures qu’il entend prendre pour soutenir une filière qui nous semble importante.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, je vous prie d’excuser le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui, ne pouvant être présent ce matin, m’a chargée de vous répondre.

Le chauffage domestique au bois constitue, d’une part, l’une des principales sources actuelles de chaleur renouvelable, d’autre part, la principale source d’émissions de particules fines.

Malgré une amélioration progressive depuis plusieurs décennies, la qualité de l’air en France reste un enjeu essentiel pour la santé publique.

C’est pour assurer son déploiement adapté, afin tant de développer une ressource énergétique renouvelable que d’encadrer une source majeure d’émission de particules fines, que le plan d’action pour un chauffage domestique au bois plus performant est en cours de déploiement depuis la fin de 2021.

Les aides au renouvellement des appareils de chauffage au bois déployées à l’échelon national sont maintenues en 2024.

Concernant les fonds air-bois, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a lancé un nouveau cycle d’appels à projets pour aider les collectivités à étudier, puis à mettre en place un fonds d’aide pour accélérer le renouvellement d’appareils de chauffage domestique au bois peu performants.

Les aides MaPrimeRénov’ sont maintenues en 2024, mais réduites de 30 % à compter du deuxième trimestre. L’objectif est de ne pas favoriser le chauffage au bois au détriment des pompes à chaleur.

Il est primordial que MaPrimeRénov’ puisse continuer à soutenir l’installation d’appareils très performants de chauffage aux granulés ou au bois. Cela permet de décarboner les bâtiments en remplaçant les équipements fioul ou gaz sans impact pour le système électrique.

Sous l’impulsion de la politique du Gouvernement, le marché des chaudières biomasse est passé de 10 000 chaudières par an en 2018 à 42 000 en 2022. Cela permet de réduire les émissions de particules grâce au remplacement d’appareils existants alimentés à la biomasse.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour la réplique.

Mme Audrey Linkenheld. Madame la ministre, je connais bien le dispositif du fond air-bois pour l’avoir moi-même instauré avec le soutien de l’Ademe dans la Métropole européenne de Lille, lorsque j’étais, voilà quelques mois encore, vice-présidente chargée du climat. J’y suis donc favorable.

Néanmoins, reconnaissez qu’il est paradoxal de développer, d’un côté, ces fonds air-bois pour le remplacement d’un certain nombre d’équipements, d’un autre côté, de réduire, comme vous l’avez reconnu, les aides MaPrimeRénov’ réservées aux chaudières à bois.

Les inquiétudes de la filière restent donc malheureusement entières.

M. le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et renforcement de l’accompagnement des élus locaux

Débat organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, sur la mise en application de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.

Je vous rappelle que, dans ce débat, le Gouvernement aura la faculté, s’il le juge nécessaire, de prendre la parole immédiatement après chaque orateur pour une durée de deux minutes ; l’orateur disposera alors à son tour du droit de répartie, pour une minute.

Monsieur le ministre, vous pourrez donc, si vous le souhaitez, répondre après chaque orateur, une fois que celui-ci aura regagné sa place dans l’hémicycle.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Cécile Cukierman, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette nouvelle année, qui voit chacune et chacun d’entre nous sillonner son département pour honorer les invitations qu’il reçoit à l’occasion des vœux, nous sommes de plus en plus souvent interpellés à propos du « zéro artificialisation nette » (ZAN). C’est donc de ce sujet capital pour l’avenir de nos communes que les élus de notre groupe souhaitent débattre.

Sous cet acronyme – ZAN – qui s’impose à nous tous se cache en réalité l’avenir de la construction de logements et du développement économique dans la France rurale et périurbaine.

Sous cet acronyme, ce qui se joue, c’est l’attractivité de nos territoires et l’avenir de ceux qui y vivent.

Sous ce nom de « zéro artificialisation nette » s’impose aussi à nous l’impérieuse nécessité de préserver la biodiversité, nos espaces verts et nos espaces agricoles.

Mais une politique publique, particulièrement pour ce qui concerne la transition écologique et sociale, ne saurait être efficace en opposant l’impératif écologique au besoin de logements. L’un n’ira pas sans l’autre : c’est en se libérant de certains dogmatismes que nous réussirons à relever les défis de demain.

Mes chers collègues, ne l’oublions pas : au terme du processus législatif qui – j’y reviendrai – nous a conduits à voter, ici, à une quasi-unanimité, le texte que nous appelons communément loi ZAN, se trouvent les élus locaux. Ces derniers sont en effet chargés de mettre en application les objectifs de la loi Climat et résilience.

C’est à ces élus locaux que je pense. Lors du dernier congrès des maires, un point d’information visant à décrypter les modalités d’application de l’objectif de « zéro artificialisation nette » a fait salle comble. Nous le voyons bien : face à la complexité du dispositif, les élus continuent d’exprimer leur perplexité, alors même qu’ils devront très rapidement le décliner dans leurs documents de planification.

La loi du 20 juillet 2023, dont je salue le rapporteur au Sénat, Jean-Baptiste Blanc, apporte un certain nombre d’adaptations. Elle se fonde notamment sur les remontées de terrain – ceux qui ont siégé au sein de la commission spéciale chargée d’examiner ce texte sont bien placés pour le savoir.

Malgré tout, le ZAN continue d’effrayer dans nos territoires. Les échéances sont pourtant connues : il va falloir diviser par deux la consommation d’espaces naturels agricoles et forestiers (Enaf) sur la période 2021-2031 par rapport à la décennie précédente, avant l’atteinte du « zéro artificialisation nette » à l’horizon 2050.

Certes – nous en conviendrons tous ici –, la loi du 20 juillet dernier a apporté certains correctifs. Je pense à la valorisation des efforts de renaturation dès la décennie 2021-2031, ou encore à la définition d’un nouveau calendrier pour l’inscription des objectifs dans les documents de planification et d’urbanisme.

Permettez-moi de rappeler brièvement ces échéances : on a retenu la date du 22 novembre 2024 pour la déclinaison des objectifs et de la trajectoire ZAN dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) et autres schémas régionaux ; celle du 22 février 2027 pour la compatibilité des schémas de cohérence territoriale (Scot) aux objectifs régionaux ; et la date du 22 février 2028 pour la compatibilité des plans locaux d’urbanisme (PLU), plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) et cartes communales aux objectifs régionaux.

En outre, je ne saurais oublier l’apport de la garantie rurale, ou surface minimale d’un hectare pouvant être consommée par chaque commune dotée d’un document d’urbanisme avant le mois d’août 2026, dès lors que ce document est au moins prescrit.

On ne saurait en déduire que toutes les communes utiliseront ce droit et qu’elles artificialiseront demain ce qu’elles n’ont pas artificialisé hier. En revanche, elles garderont la possibilité et, donc, l’espoir d’accueillir un équipement, une construction nécessaire au dynamisme et à la vitalité du territoire.

Mes chers collègues, j’ai eu à cœur de le répéter pendant toute la période de la campagne sénatoriale : si elle demeure incomplète, la loi du 20 juillet 2023 a eu le mérite de ne pas laisser se refermer définitivement la porte.

Au cours des mois à venir, nous devrons retravailler ce sujet. Nous devrons ajuster les mesures prises, afin de répondre au mieux aux attentes de ceux qui font vivre la démocratie partout sur le territoire national.

Les élus locaux, tout particulièrement les maires des communes rurales, sont dans l’attente : ils voient bien que les dispositifs en vigueur ne prennent pas suffisamment en compte leurs spécificités et les aspirations des habitants.

Ne laissons pas croire à ces élus qu’il existe une France à deux vitesses, la France urbaine, dotée d’une ingénierie suffisante, et la France rurale, qui n’en dispose pas – c’est aussi cela, la réalité.

Monsieur le ministre, votre gouvernement doit entendre cette inquiétude. Ce que demandent les maires, que nous rencontrons tous ici, c’est de l’ingénierie, des moyens pour concevoir et mettre en œuvre tout ce qui découle des nouvelles directives. Ils ne souhaitent en aucun cas que l’État agisse à la place des élus.

Les intercommunalités et les communes ont aujourd’hui le sentiment d’être éloignées de ce qui se passe. Or il est illusoire de croire que nous pourrons répondre aux besoins par la seule réhabilitation du bâti existant. Nous aurons besoin de construire demain encore, mais pas n’importe comment ou n’importe où.

Dans les années à venir, nous devrons encore travailler, pour faire face à la nécessité d’adapter nos territoires au changement climatique et aux besoins de création d’emplois et de logement dans les communes, petites ou moyennes, situées loin des métropoles.

À ce titre, les friches représentent un potentiel considérable : si, dans les grandes agglomérations, la densité impose déjà une reconstruction de la ville sur elle-même, dans la France périurbaine et rurale, les sites en perdition ne demandent qu’à être recyclés.

Nous en sommes convaincus : s’atteler à la mutation de ces friches, c’est satisfaire des besoins en matière de foncier. Réemployer les surfaces déjà artificialisées, c’est aussi écouter, considérer et respecter ces territoires et leurs habitants ; et, en matière d’écologie, c’est tout simplement faire preuve de bon sens.

Pour que nous soyons à la hauteur de nos ambitions, monsieur le ministre, il faut que l’État s’engage davantage aux côtés des communes et intercommunalités, tout en leur laissant de la place : les acteurs territoriaux doivent avoir le droit de décider, d’aménager et d’ajuster. Ils ne sauraient se contenter de subir des directives venues de Paris, sans prise en compte des réalités du terrain. Laissons faire le bon sens, et évitons de provoquer une avalanche normative, à l’opposé même de l’initiative locale.

Vous savez combien je suis attachée au principe de libre administration. Pour relever le défi du ZAN, nos élus doivent garder des marges de manœuvre sur le territoire. Ils sauront respecter le cadre qui leur est assigné, d’autant que, dans l’ensemble de notre pays, nos concitoyens souhaitent que l’environnement soit respecté.

Enfin, si les trois décrets parus en décembre dernier, relatifs respectivement à la territorialisation des objectifs de la loi ZAN, à la classification des zones artificialisées et à la commission de conciliation sur l’artificialisation des sols, ont pu éclairer plusieurs points, les élus locaux attendent encore un certain nombre de réponses.

Je forme le souhait que ce débat leur permette d’obtenir davantage de précisions, qu’il pointe les nombreux manques et incongruités déplorés, et que nous relevions ensemble le défi social et environnemental auquel sont confrontées l’ensemble de nos communes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – MM. Christian Bilhac et Vincent Louault applaudissent également.)