M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 982, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Annick Billon. Monsieur le ministre, selon une étude indépendante à paraître, menée en lien avec un laboratoire de recherche océanique, plus de cent zones de munitions conventionnelles et chimiques immergées ont été recensées sur l’ensemble du littoral français : 18 décharges d’explosifs immergées, 59 zones de dépôt et 29 épaves contenant des munitions.
Ces dernières sont issues, pour la plupart, de largages opérés au lendemain des deux conflits mondiaux dans l’océan et dans des lacs. S’y ajoutent des stockages opérés jusqu’au début des années 2000.
L’ensemble des échantillons d’eau et de sédiments prélevés sur sites ont été testés positifs aux explosifs, révélant des taux inédits de TNT et de ses dérivés, de tétryl, de RDX et d’autres substances nocives.
Le 22 octobre 2020, en réponse à une question que je lui avais adressée, le ministère de la transition écologique avait avancé que, faute d’étude scientifique précise, les risques étaient difficiles à évaluer, que les stocks étaient globalement moins dégradés qu’on ne pouvait le craindre et qu’aucune recommandation concrète ou engageante n’avait été prise. En d’autres termes, votre ministère estimait que la prise en charge de cette pollution potentielle n’était pas une priorité.
Preuve est faite aujourd’hui que les munitions immergées représentent une réelle menace écologique, lourde de conséquences humaines, environnementales, économiques et sanitaires. Quelles actions le Gouvernement va-t-il mettre en œuvre, rapidement, pour débarrasser les fonds marins de ces bombes environnementales à retardement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice Annick Billon, je suis particulièrement sensible à votre question, car le littoral dunkerquois est concerné au premier chef par ces problématiques. On y trouve notamment des munitions de la Première Guerre mondiale.
L’État est parfaitement conscient de l’enjeu lié aux munitions immergées. C’est précisément pourquoi il y consacre des travaux interministériels, échelonnés sur plusieurs années.
Ces travaux visent, d’une part, à nous doter d’une cartographie précise des zones concernées et de la nature des munitions immergées, d’autre part, à recueillir des informations scientifiques fiables, y compris auprès des autres pays qui sont confrontés aux mêmes problématiques, qu’il s’agisse de l’évolution des munitions dans l’eau de mer ou du comportement de leur contenu en cas de fuite. Je le répète, la France n’est pas le seul État concerné par ce problème.
Parallèlement, une réflexion sur la modélisation du vieillissement de ces objets a été engagée. Le cas échéant, elle sera corrélée aux observations qui pourront être pratiquées in situ. Puis, une fois les potentielles zones à risques identifiées, l’opportunité de mettre en place une surveillance environnementale ponctuelle sera étudiée afin de détecter d’éventuels indices de pollution.
En conséquence, l’État est intéressé par toute étude visant à améliorer la connaissance du comportement des munitions immergées dans le temps. Il pourra ainsi alimenter les travaux interministériels et, in fine, adapter les dispositifs de protection civile et environnementale existants.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
En tant que sénatrice de la Vendée et à titre personnel, je suis particulièrement engagée sur ces sujets – la question que je mentionnais date de 2020. Je serai donc très attentive aux travaux gouvernementaux que vous annoncez.
Au total, quatre sites ont été identifiés dans le département dont je suis l’élue. Vous envisagez d’établir une cartographie, mais un cabinet indépendant l’a déjà dressée. (Mme Annick Billon présente une carte.) Je vous conseille de vous inspirer de ces travaux : vous gagnerez ainsi du temps.
J’y insiste, nous sommes face à une urgence à la fois environnementale et sanitaire. (M. Michel Canévet acquiesce.) Ces épaves et ces munitions sont là depuis des années, voire des décennies. Les mesures effectuées par le cabinet indépendant que j’évoquais démontrent leur dangerosité.
M. le président. Merci, ma chère collègue.
Mme Annick Billon. Merci de vous emparer très vite de ce sujet.
application de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, auteur de la question n° 946, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la biodiversité.
M. Michaël Weber. Depuis 2016, année du vote de la loi pour la reconquête de la biodiversité, j’ai l’honneur de présider la Fédération des parcs naturels régionaux (PNR) de France.
Les PNR, qui représentent 17 % du territoire français, sont engagés pour la préservation des patrimoines naturels et culturels.
Monsieur le ministre, dans le cadre de cette mission, j’ai constaté que de nombreux projets financés par l’État et l’Europe via le programme Life sont depuis des années totalement bloqués. Comment expliquer cet état de fait, qui va à l’encontre des engagements pris et même des lois votées ?
Ainsi, l’autorisation de défrichement sans compensation pour des projets écologiques prévue par la loi de 2016 n’a, à ce jour, pas reçu de décret d’application. Cette disposition est pourtant essentielle à la mise en œuvre de travaux écologiques.
Les milieux ouverts, tels que les landes, les tourbières, les prairies et les terres arbustives, ont une valeur écologique exceptionnelle. C’est peut-être contre-intuitif, mais le reboisement les condamne à s’appauvrir.
Pour maintenir ces espaces ouverts et sauvegarder la biodiversité inféodée à ces milieux, la dérogation à la compensation liée à la procédure de défrichement, prévue par la loi pour la reconquête de la biodiversité, est indispensable.
Comment expliquer l’absence de décret d’application, sept ans après le vote de la loi ? J’ai la conviction que cette paralysie administrative a pour origine une obstruction politique. À en croire une rumeur, c’est le ministère de l’agriculture qui bloquerait sciemment la publication de ce décret.
Aussi, je m’interroge. De fait, dans de nombreux cas, les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) refusent d’appliquer la loi pour la reconquête de la biodiversité, faute de décret.
Je vous demande de faire toute la lumière sur cette inertie administrative, qui prive d’efficacité un texte salvateur pour nos écosystèmes.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Michaël Weber, la mosaïque paysagère de nos espaces naturels est une composante de la biodiversité. Vous l’avez souligné : en ouvrant des espaces dans des zones qui se boisent naturellement ou ont été boisées il y a longtemps, on offre des services écosystémiques importants. On participe même à la restauration des écosystèmes.
Aussi, la loi pour la reconquête de la biodiversité a prévu des dispositions pour articuler défrichement et protection de la forêt.
Il s’agit en effet de concilier deux approches : alors que nos forêts sont menacées par le changement climatique, la loi prévoyait de faciliter le défrichement. Ce paradoxe apparent a nécessité de longues discussions pour aboutir à un projet de décret équilibré qui sera soumis au Conseil d’État au tout début de l’année 2024. Vous voyez que je fais taire les rumeurs ! (Sourires.)
Ce décret s’inscrira dans un cadre renouvelé de la gestion forestière. Non seulement les seuils de gestion durable seront modifiés pour la forêt privée, mais les schémas régionaux de gestion sylvicole (SRGS) seront intégralement renouvelés et un plan ambitieux de renouvellement forestier sera mis en œuvre.
Enfin, ce décret viendra renforcer les outils dont les acteurs des territoires disposent d’ores et déjà pour s’engager pleinement dans les projets de restauration des écosystèmes, dont la stratégie nationale pour la biodiversité a fixé l’ambition. À cet égard, les zones humides feront l’objet d’un effort particulier.
M. le président. La parole est à M. Michaël Weber, pour la réplique.
M. Michaël Weber. Monsieur le ministre, je me réjouis de cette annonce. Nous serons évidemment très attentifs à la rédaction de ce décret, qui, je le répète, est attendu avec impatience.
assurances des communes
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 861, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Céline Brulin. Une à une, nos communes voient leur contrat d’assurance résilié ; non seulement leurs cotisations augmentent brutalement, mais les conditions de prise en charge sont modifiées sans négociation, assorties de franchises hors de prix. Leurs appels d’offres ne trouvent plus de réponse et le quasi-monopole de deux compagnies permet aux assurances de proposer des tarifs exorbitants, que les communes ne peuvent plus refuser.
On le constate dans mon département de Seine-Maritime comme ailleurs. Les communes de Maromme, Saint-Étienne-du-Rouvray et Petit-Quevilly sont touchées, à l’instar de Bierville. Cette commune rurale de 300 habitants a vu son contrat résilié ; elle a dû batailler pour obtenir un nouveau contrat, dont les primes sont de 50 % plus élevées que celles du précédent.
Les compagnies d’assurances justifient ces augmentations par des risques de sinistralité trop élevés à la suite des émeutes, ou encore par les différentes catastrophes naturelles liées au changement climatique. L’assurance des collectivités territoriales ne pèse pourtant pas si lourd : elle ne représente que 1 % à 2 % du chiffre d’affaires des compagnies d’assurances.
Face à cette situation, les communes se trouvent totalement démunies. Certaines d’entre elles en sont réduites à s’auto-assurer, alors même que leurs obligations légales assurantielles se sont accrues depuis 2019.
La mission sur l’assurabilité des collectivités territoriales doit remettre son rapport au printemps prochain. Mais, d’ici là, il me semble important d’apporter des solutions de court terme à toutes ces communes en difficulté.
De même, il est nécessaire de protéger nos communes face aux résiliations brutales, d’encadrer les tarifs des cotisations et de veiller à une prise en charge élargie des sinistres couverts au titre des catastrophes naturelles.
Enfin, l’assurabilité des collectivités territoriales doit faire l’objet d’une réflexion à part entière. Je rappelle que nos collectivités concourent au service public, tout en aménageant le territoire au bénéfice de tous.
Monsieur le ministre, une lourde responsabilité pèse sur les épaules de nos élus locaux : nous ne pouvons pas les laisser seuls face à ces difficultés.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Madame la sénatrice Céline Brulin, je ne puis que confirmer le constat que vous dressez.
Cette situation résulte notamment de l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des événements climatiques en France métropolitaine et dans les outre-mer ; nous en avons encore eu la preuve récemment, y compris dans ma région. Elle se traduit par une hausse importante et durable des coûts d’indemnisation des pertes matérielles des communes, laquelle pousse certains assureurs à se retirer du marché de l’assurance des collectivités territoriales.
Afin de contribuer à l’instauration d’un climat de confiance entre collectivités territoriales et assureurs, le Gouvernement a annoncé à la fin du mois de septembre dernier la conclusion d’un accord avec les assureurs. Le recours à la médiation de l’assurance, intervenant comme un médiateur conventionnel, doit ainsi être généralisé pour les litiges portant sur les contrats d’assurance des collectivités.
En outre, le Gouvernement vient d’annoncer le lancement d’une mission d’expertise afin de définir et de proposer des solutions concrètes et pérennes pour faciliter l’assurance des collectivités territoriales. Cette mission remettra ses conclusions au deuxième trimestre de 2024.
Par ailleurs, la mission sur l’assurabilité des risques climatiques, lancée en mai dernier par mes collègues Dominique Faure, Bruno Le Maire, Christophe Béchu et Thomas Cazenave, s’inscrit pleinement dans le cadre de la recherche de solutions aux difficultés assurantielles rencontrées par les collectivités.
Elle a pour rôle de dresser un état des lieux des recommandations sur l’évolution du système assurantiel français face aux enjeux posés par le dérèglement climatique, afin de garantir l’assurabilité des particuliers, des entreprises et des collectivités. La mission formulera ses recommandations d’ici décembre 2023.
Madame la sénatrice, soyez assurée que le Gouvernement restera extrêmement vigilant pour faciliter les modalités d’accès à l’assurance des collectivités.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je ne doute pas que ces missions aboutiront à des préconisations intéressantes, mais je vois que les compagnies d’assurances se font entendre dans ce débat et formulent un certain nombre d’exigences : je pense que la puissance publique, l’État notamment, devrait en faire autant, afin que le système soit beaucoup moins injuste qu’aujourd’hui.
éligibilité des dépenses de travaux dans les gîtes communaux au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, auteur de la question n° 934, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le ministre, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur l’éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) des dépenses de travaux réalisés dans les gîtes ruraux communaux.
La loi de finances pour 2021 a instauré l’automatisation du calcul du FCTVA, qui s’opère désormais à partir des imputations comptables des dépenses des collectivités locales. Cela a permis de réduire sensiblement les délais pour bénéficier du dispositif, mais a néanmoins exclu certaines dépenses jusque-là éligibles.
Dans mon département de la Mayenne, la commune de Saint-Pierre-sur-Erve, qui est au demeurant une petite cité de caractère, n’a pas pu disposer du FCTVA pour un projet de travaux dans son gîte : c’est particulièrement regrettable !
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, j’ai déposé un amendement tendant à revenir sur la liste des exceptions fixée par le code général des collectivités territoriales (CGCT), mais il n’a finalement pas été retenu.
La compensation financière qu’offre le FCTVA est essentielle au développement des collectivités locales, notamment dans le cadre de la promotion et de la préservation de leur patrimoine. En effet, les gîtes communaux permettent de faire vivre le tourisme et l’économie des communes rurales ; ils contribuent aussi à la redynamisation des centres-bourgs et des villages, auxquels nous sommes si attachés dans cette haute assemblée.
Le Gouvernement envisage-t-il de revenir par voie réglementaire sur la liste des exceptions fixée par le CGCT, en y ajoutant les dépenses liées aux travaux dans les gîtes communaux ? Si tel n’est pas le cas, je souhaite connaître les dispositifs qu’il compte mobiliser pour soutenir les communes rurales qui, j’y insiste, contribuent à l’économie touristique de nos territoires et renforcent leur attractivité.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Chevrollier, vous l’avez rappelé au début de votre propos : la loi de finances pour 2021 a instauré l’automatisation du calcul du FCTVA, qui s’opère désormais à partir des imputations comptables des dépenses des collectivités. Cela a permis de réduire sensiblement les délais pour bénéficier du dispositif.
En matière de création et d’aménagement des gîtes ruraux, c’est un régime spécifique qui s’applique aux dépenses réalisées avant le 1er janvier 2021 : les communes pouvaient bénéficier d’attributions du FCTVA pour leurs dépenses d’investissement, sous réserve qu’elles ne puissent pas déduire la TVA par voie fiscale et que les gîtes ne soient pas loués plus de six mois par an.
Dorénavant, le FCTVA est automatisé et couvre toute dépense régulièrement enregistrée sur l’un des comptes éligibles, dont la liste est fixée par l’arrêté du 30 décembre 2020, sous réserve qu’elle ne soit pas assujettie à la TVA.
Les dépenses relatives à la construction ou à l’aménagement des gîtes ruraux doivent être enregistrées sur le compte n° 2132 « Immeubles de rapport », lequel n’a pas été retenu dans l’assiette d’éligibilité au FCTVA. Néanmoins, lorsque ces dépenses sont enregistrées sur le compte n° 2313 « Constructions », intégré aux immobilisations en cours, elles peuvent ouvrir au bénéfice du FCTVA, notamment lorsque le bien n’est pas achevé. Cela s’explique par le fait que ce compte n’est pas subdivisé entre bâtiments publics et immeubles de rapport.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Je vous remercie de ces précisions très techniques, monsieur le ministre. Il est vrai que nos élus ont besoin de soutiens financiers, qui se matérialisent par divers dispositifs. Il leur faut notamment un accompagnement adapté afin de pouvoir utiliser pleinement le FCTVA. Nous prônons la simplification et la stabilité des dispositifs pour améliorer leur maîtrise par nos élus et assurer l’efficacité des politiques publiques.
progressivité des tarifs de l’eau
M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, auteur de la question n° 928, transmise à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Hervé Reynaud. Monsieur le ministre, face aux sécheresses à répétition qui ont frappé mon département de la Loire, la finalisation du schéma directeur d’alimentation en eau potable de Loire Forez agglomération, assurée sous la gouvernance du maire de Montbrison, Christophe Bazile, a permis de mettre en œuvre les travaux les plus urgents dès 2023 afin de sécuriser la distribution de l’eau.
Les agriculteurs ne bénéficiant pas de l’eau du canal du Forez, qui est un très gros pourvoyeur, restent très tributaires du réseau public d’eau potable pour maintenir leur activité ; il en va de même des établissements médico-sociaux.
L’agence de l’eau Loire-Bretagne va conditionner l’attribution des subventions à la collectivité compétente à l’application d’une progressivité des tarifs. L’objectif est louable, puisqu’il s’agit de réduire les consommations d’eau, donc les prélèvements.
De ce fait, la dégressivité du tarif de l’eau pratiquée dans beaucoup de communes de montagne, afin de ne pas pénaliser les agriculteurs, ne peut être maintenue par Loire Forez agglomération au risque de perdre les subventions de l’agence de l’eau Loire-Bretagne. Or ces subventions sont essentielles, voire vitales au financement du budget annexe « Eau potable ».
Cette décision va avoir pour conséquence une augmentation forte et généralisée du prix de l’eau pour l’ensemble des usagers. Le risque serait également de voir se multiplier les recherches en eau et les forages privés.
Face à ce constat, il serait souhaitable qu’un dispositif approprié puisse s’appliquer à ces usagers, certes gros consommateurs en eau, mais dont l’activité pourrait être menacée par ces fortes hausses. J’ajoute que les collectivités pourraient, elles aussi, être pénalisées.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Reynaud, le plan Eau annoncé par le Président de la République repose sur un objectif structurant de sobriété : moins 10 % d’eau prélevée d’ici à 2030.
L’atteinte de cet objectif suppose une contribution, voire une mobilisation de l’ensemble des usagers de l’eau, y compris des agriculteurs. L’agence de l’eau Loire-Bretagne a mis en place des accords de résilience, qui ont pour objet de décliner territorialement le plan Eau.
L’agence de l’eau accompagne de façon prioritaire, et à des taux majorés, les collectivités ayant rencontré des difficultés d’approvisionnement en eau en 2022 ou en 2023. En contrepartie, les contrats reposent sur des engagements en matière de transferts de compétences au 1er janvier 2026, de fin des tarifs dégressifs et d’actions de la collectivité pour accompagner les particuliers ou les entreprises du territoire dans leurs efforts pour économiser l’eau.
J’en viens à Loire Forez agglomération. La collectivité exerce la compétence relative à l’eau potable depuis le 1er janvier 2020 et a mis en place une convergence tarifaire sans dégressivité à l’horizon 2026. Ainsi, l’accord de résilience entre l’agence de l’eau et l’agglomération ne fait pas mention d’un engagement supplémentaire en matière de tarification de l’eau. L’application progressive d’un tarif unique de l’eau non dégressif sur le territoire de Loire Forez agglomération est une décision antérieure.
Les difficultés rencontrées lors de la sécheresse de l’étiage 2022 ont entraîné des obligations de citernage et des restrictions d’eau.
L’accord porte sur le remplacement des canalisations fuyardes, les économies d’eau, les travaux de sécurisation et d’interconnexion des réseaux et la protection de captages. Le montant des travaux est établi à 5 438 000 euros, avec un soutien financier de l’agence de l’eau à hauteur de 2 924 000 euros.
Au-delà des investissements nécessaires, la sobriété de la consommation est importante pour préserver la ressource en eau : la fin de la dégressivité tarifaire a justement vocation à y contribuer.
M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud, pour la réplique.
M. Hervé Reynaud. Je vous remercie de la précision de votre réponse, monsieur le ministre. Il est vrai que ces sujets appellent souvent la formulation d’injonctions dites contradictoires, venant pénaliser des démarches qui se veulent vertueuses entre les collectivités et les acteurs agricoles en particulier, mais aussi entre les collectivités et des établissements médico-sociaux.
situation du collège rural de corlay
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, auteur de la question n° 882, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Ronan Dantec. En mars dernier, lors d’un déplacement dans la Nièvre, Mme la Première ministre, Élisabeth Borne, a affirmé la volonté du Gouvernement de « changer de méthode » sur l’évolution de la carte scolaire en milieu rural et de généraliser les territoires éducatifs ruraux (TER) d’ici à trois ans.
La fabrique du territoire scolaire est un exercice complexe d’aménagement qui se révèle vital pour l’avenir des territoires, surtout en milieu rural. Elle doit assurer, par un maillage riche et dense d’établissements, un équitable accès au service public de l’éducation.
À Corlay, commune des Côtes-d’Armor située en zone de revitalisation rurale (ZRR), la décision de fermer le collège public Pier An Dall à la rentrée prochaine, votée hier par le conseil départemental, a suscité une très forte opposition.
En effet, cette décision prise sans concertation ne se justifie ni pour des raisons économiques, car le projet de reconstruction d’un collège dans la commune voisine, située dans un bassin de vie différent, aurait un coût très important pour un établissement qui continuera de fonctionner malgré les sous-effectifs, ni pour des raisons pédagogiques, puisque le collège de Corlay enregistre en moyenne 94 % de réussite au brevet ces quinze dernières années.
Ses résultats sont parmi les meilleurs du département. Soulignons-le, monsieur le ministre : ils sont d’autant plus remarquables que l’indice de position sociale (IPS) du collège se situe largement sous la moyenne départementale.
En outre, les effectifs sont en hausse continue, particulièrement sur la période 2022-2035, avec des prévisions de croissance de 18 %.
Ainsi, ni le calendrier, ni la méthode, ni les raisons invoquées ne justifient cette décision de fermeture. L’État doit encore confirmer ce vote du conseil départemental, le préfet annonçant la publication de son arrêté en mars prochain.
Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, de soutenir la mise en place d’un moratoire sur la fermeture du collège public de Corlay et son inscription dans le réseau des TER.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Dantec, concernant l’enseignement public du second degré, l’article L. 213-1 du code de l’éducation précise : « [Le] conseil départemental arrête après avis du conseil départemental de l’éducation nationale, en tenant compte de critères d’équilibre démographique, économique et social, la localisation des établissements, leur capacité d’accueil, leur secteur de recrutement et le mode d’hébergement des élèves. »
En vertu du même code, le département a la charge des collèges : il en assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement.
Le conseil départemental des Côtes-d’Armor est donc compétent pour décider de l’éventuelle fermeture du collège Pier An Dall à Corlay, qui scolarise environ soixante-dix élèves depuis plusieurs années, avec un maximum de quatre-vingts élèves en 2020.
Dans les Côtes-d’Armor, pour l’année scolaire 2022-2023, 17,8 % des collégiens relèvent de la ruralité, soit un taux deux fois plus élevé qu’à l’échelle nationale. Dans les collèges ruraux du département, le nombre moyen d’élèves par division est de 22,8, soit un taux d’encadrement beaucoup plus favorable que la moyenne des collèges ruraux à l’échelle nationale, établie à 24. Dans l’ensemble des collèges du département, le ratio d’élèves par division est de plus de 25.
Ce taux d’encadrement montre que les services de l’éducation nationale ont bien pris en compte les spécificités du milieu rural des Côtes-d’Armor.
La chambre régionale des comptes a mené une analyse du réseau des collèges et de sa gestion par le conseil départemental. Elle a conclu à la nécessité de fermer un ou deux collèges proches, ceux de Corlay et de Saint-Nicolas-du-Pélem, distants de 8 kilomètres, en raison de prévisions pessimistes concernant des effectifs déjà fragiles – ces derniers seront réduits de 30 % à moyen terme. (M. Ronan Dantec le conteste.)
En outre, l’analyse déplore des résultats en retrait, notamment aux épreuves écrites du diplôme national du brevet, un manque d’émulation, des écarts importants de parcours parmi les collégiens par rapport aux données départementales, de même qu’un mauvais état du bâti.
En conséquence, la chambre régionale des comptes propose d’orienter les élèves dans d’autres établissements situés à proximité, qui disposent de capacités d’accueil encore importantes.
Le conseil départemental a choisi de maintenir un des deux collèges, celui de Saint-Nicolas-du-Pélem, qui dispose d’une emprise foncière plus importante, permettant d’envisager une reconstruction en site occupé conformément à l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN). L’établissement qui a vocation à y être reconstruit est donc appelé à devenir le collège du territoire.
élections dans les communes de moins de 1 000 habitants