Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. L’objectif soulevé par la presse dans le cadre de cet échange est louable, mais le code de l’environnement prévoit que les obligations décrites ne s’appliquent qu’aux « véhicules acquis ou utilisés dans le cadre des marchés publics et des contrats de concession ».

Il faudra peut-être préciser ce point dans les décrets d’application de la loi, si le texte prospère, mais cet amendement me semble satisfait.

Il me semble que l’on pourrait se dispenser de cet amendement, mais le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée pour déterminer si cette précision est nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Fernique, rapporteur. Cette question devra donc être ajustée lors de la navette. Il est néanmoins important de rassurer les AOM, afin qu’elles n’aient pas le sentiment que choisir de recourir à ce dispositif pourrait conduire à aggraver leurs charges.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 1er bis (nouveau)

Dans un délai de trois ans à compter de la publication du décret prévu au V de l’article L. 1113-2 du code des transports, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation du dispositif prévu au même article L. 1113-2. Ce rapport comporte notamment des éléments relatifs :

1° Au nombre d’autorités organisatrices de la mobilité, d’associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général, de concessionnaires automobiles et de centres de traitement de véhicules hors d’usage ayant pris part au dispositif ;

2° Au nombre de véhicules mis en location ;

3° Au nombre et aux catégories de personnes ayant bénéficié du dispositif.

Il évalue l’impact environnemental et sanitaire du dispositif. Il évalue également la pertinence des critères d’éligibilité définis pour les véhicules et les bénéficiaires et l’opportunité d’une évolution de ces critères et des modalités de mise en œuvre du dispositif.

Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par M. Fernique, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

usage

insérer le mot :

agréés

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Fernique, rapporteur. Cet amendement vise à apporter la précision rédactionnelle que nous évoquions tout à l’heure, afin de clarifier que les centres VHU concernés doivent être agréés. Nous l’avons vu, ce point devra peut-être être ajusté lors de la navette.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Clément Beaune, ministre délégué. Je ne rouvre pas cet éminent débat technique… Une précision factuelle réconciliera peut-être le rapporteur et le Gouvernement : le décret dont je parlais précédemment a modifié le code de l’environnement et non celui de l’énergie, mais sa logique était bien de supprimer cet agrément. Ce point pourra cependant être ajusté lors de la navette.

Le Gouvernement s’en remet de nouveau à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par M. Buis, Mmes Havet et Phinera-Horth, MM. Omar Oili, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment la possibilité pour les véhicules exclus du dispositif d’y être intégrés lorsqu’ils ont fait l’objet d’un rétrofit électrique ou hybride rechargeable

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement d’appel vise à appeler l’attention sur la nécessité de travailler au développement du rétrofit. Je remercie le rapporteur de son amendement n° 7 qui intègre notre demande ; je retirerai donc mon amendement.

Je profite toutefois du temps de parole qui m’est alloué pour insister sur la nécessité de développer la filière rétrofit en France.

Dans le débat sur le verdissement du parc automobile, il est souvent fait référence au poids et aux émissions de carbone dues à la production du véhicule. Le rétrofit constitue un élément de réponse à ces deux problématiques – c’est une évidence.

J’ajoute qu’au-delà des considérations purement techniques nos concitoyens peuvent éprouver un lien affectif avec leur véhicule, avec lequel ils se sont constitué des souvenirs forts. Pour certains, c’est la voiture de leur grand-mère, celle qui leur a servi le jour de leur mariage ou encore la première voiture qu’ils ont achetée et qu’ils voudraient transmettre.

Le rétrofit leur permet de mettre à jour leur véhicule sans en perdre ni le cachet ni les souvenirs : on garde sa petite Clio pour que ses petits-enfants puissent un jour l’utiliser pour partir en vacances. (Sourires.)

Le rétrofit n’est pas toujours accessible d’un point de vue financier. C’est pourquoi il doit y avoir une impulsion publique, mais elle doit aller de pair avec une structuration sérieuse de la filière, permettant d’engendrer des économies d’échelle et de faire entrer le rétrofit dans les options envisageables par le plus grand nombre de Français.

Mme la présidente. Si je comprends bien, mon cher collègue, vous parlez de la Clio de Simone ! (Sourires.)

L’amendement n° 5 est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.

(Larticle 1er bis est adopté.)

Article 2

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les mesures permettant de soutenir et favoriser le développement du rétrofit en faveur du déploiement de services de mobilités solidaires, notamment de location de véhicules à destination de personnes en situation de précarité sociale par le biais d’associations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général mentionnées aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts, agissant pour les mobilités solidaires. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 1er bis (nouveau)
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Au terme de l’examen de cette proposition de loi, je souhaite remercier ses auteurs, ainsi que son rapporteur, pour le travail qu’ils ont réalisé. Nous allons faire un pas significatif pour favoriser le réemploi des véhicules au bénéfice des mobilités solidaires.

Les demandes émanant du terrain étaient nombreuses. Je le vois dans l’Yonne, par exemple, où Mobil’éco, une association formidable, a mis en place depuis vingt ans un service non seulement de transports solidaires et de location de véhicules, mais aussi d’auto-école à vocation sociale. Les responsables de cette structure m’ont fait part de leur souhait de voir le dispositif avancer. C’est chose faite, ce soir, au Sénat.

Il est nécessaire – j’y insiste, monsieur le ministre, tant les attentes sont importantes – d’obtenir assez rapidement l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour que nous puissions changer la vie des gens à une échéance pas trop éloignée.

Je profite de cette prise de parole pour saluer – vous l’avez compris – l’action conduite dans le département de l’Yonne par René Cornet, Patricia Flavin, Jean-Luc Klein et Stéphane Perennes, présidents successifs de Mobil’éco, et par tous les bénévoles et salariés qui, au quotidien, se battent contre l’enclavement de nos zones rurales.

C’est pourquoi je voterai avec enthousiasme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je suis également très favorable à cette proposition de loi. En milieu rural, de nombreux retraités n’ont pas beaucoup de revenus et éprouvent des difficultés à acquérir une voiture. Il est donc important de ne pas mettre à la casse des véhicules qui peuvent encore rouler.

Cette proposition de loi est, à mes yeux, tout à fait importante ; aussi, je remercie ses auteurs. Ces mesures apporteront un plus, surtout en milieu rural.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Fernique, rapporteur. Permettez-moi simplement, madame la présidente, de saluer le remarquable travail des deux administratrices qui, avec ma collaboratrice, m’ont épaulé. Elles ont efficacement contribué à faire de cette très bonne proposition de loi de Joël Labbé un excellent texte, bon pour le vote et bon surtout pour être transmis à l’Assemblée nationale !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Clément Beaune, ministre délégué. Il est réconfortant, ces temps-ci, de passer un peu de temps au Sénat, je dois le reconnaître… (Rires.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Cela réconcilie avec la démocratie !

M. Clément Beaune, ministre délégué. Je vous remercie très sincèrement pour cette proposition de loi. Je salue de nouveau ses auteurs, particulièrement Joël Labbé qui est présent en tribune, et le sénateur Fernique, avec l’équipe duquel j’ai eu l’occasion d’échanger ces dernières semaines pour trouver une voie de passage.

Je tiens vraiment à vous exprimer ma reconnaissance. En effet, il me semble normal – c’est cela la démocratie ! – d’avoir des différends : nous ne pouvons pas toujours être pleinement d’accord, y compris sur les questions de transition écologique.

Néanmoins, il me semble aussi très positif que nous prenions acte ensemble du fait que la voiture, que nous l’aimions ou pas, reste le mode de transport de nombre de nos compatriotes. Dans ces conditions, il est important d’adopter des dispositifs qui permettent à la fois de dépolluer des véhicules – même si la décarbonation n’est pas parfaite, cela représente déjà un progrès sur le chemin de la baisse globale des émissions de CO2 – et d’accompagner les Français les plus modestes.

Comme je vous l’ai précisé, si la plume avait été tenue par le Gouvernement, le dispositif aurait sans doute été davantage ciblé. J’ai essayé de vous en convaincre, avec un succès que je qualifierai de modéré… (Sourires.) Néanmoins, nous aurons au cours de la navette parlementaire – c’est le jeu démocratique ! – d’autres occasions de débattre et de préciser le texte.

En signe de soutien au principe de cette proposition de loi et au travail qui a été réalisé en commission avec un sens de l’unanimité qui est rare et précieux, je veux ici soutenir ce texte,…

M. Clément Beaune, ministre délégué. … même s’il me semble que certaines améliorations sont encore nécessaires. Il est important d’envoyer ce signal. Merci à tous pour cette avancée constructive ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à favoriser le réemploi des véhicules au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 99 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 341

Le Sénat a adopté à l’unanimité. (Bravo ! et applaudissements.)

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à saluer la présence dans les tribunes de l’auteur de cette proposition de loi, Joël Labbé, et à remercier le rapporteur Jacques Fernique, ainsi que le ministre. Il est important maintenant que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Au-delà de l’unanimité qui s’est fait jour au sein de la commission comme dans l’hémicycle, nous pouvons mettre en avant le sérieux de nos débats. La démocratie sort grandie de tels échanges sereins et constructifs, même si naturellement des désaccords subsistent entre nous. Il m’importe de souligner ce point qui, je l’espère, trouvera un écho dans d’autres instances. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi  visant à favoriser le réemploi des véhicules, au service des mobilités durables et solidaires sur les territoires
 

7

Candidatures à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

8

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études
Discussion générale (suite)

Allocation autonomie universelle d’études

Rejet d’une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l'instauration d'une allocation autonomie universelle d'études
Article unique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité de la jeunesse par l’instauration d’une allocation autonomie universelle d’études, présentée par Mme Monique de Marco et plusieurs de ses collègues (proposition n° 15, résultat des travaux de la commission n° 179, rapport n° 178).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Monique de Marco, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Monique de Marco, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à 16 ans, les jeunes Français sont jugés aptes à travailler ; à 17 ans, ils peuvent s’engager dans l’armée ; à 18 ans, ils acquièrent le droit de vote. Pour autant, tout au long de leurs études, ils sont considérés économiquement comme des personnes mineures : leur rattachement au foyer fiscal parental est de principe.

Soit les revenus de leur famille sont jugés insuffisants et ils peuvent prétendre à une bourse d’études, soit, comme 63 % des étudiants à l’heure actuelle, leur famille est modeste, mais pas assez pauvre… Dans ce cas, point de solidarité nationale ! Dès lors, l’aide de leurs ascendants constitue en moyenne 42 % de leurs ressources.

Depuis la crise du covid-19, la situation économique et sociale des étudiants s’est indéniablement dégradée. Le rapport sénatorial d’information Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu davenir pour lÉtat et les collectivités le soulignait déjà dès 2021.

En 2023, selon l’Union nationale des étudiants de France (Unef), 43 % des étudiants sautent un repas par jour. Certains d’entre eux sont logés dans des campings, faute de logements abordables. Quelque 26 % vivent sous le seuil de pauvreté et 40 % doivent exercer une activité professionnelle en parallèle de leurs études.

Sur tout le territoire, ce constat est une réalité. La précarité de la jeunesse augmente et les familles ne sont plus en mesure de soutenir les étudiants. Nous ne pouvons l’accepter ! Un consensus se forme dans la société civile pour l’instauration d’une allocation autonomie universelle sur le modèle des allocations d’études au Danemark ou en Suède. Elle viendrait remplacer le dispositif actuel des bourses, dont nous connaissons les limites : faible progressivité, effets de seuils, etc.

Dans une tribune publiée en mars 2022, l’économiste Philippe Aghion écrivait : « Un revenu universel de formation serait de nature à promouvoir l’autonomie des jeunes, en leur donnant les moyens d’agir et de décider de leur avenir. »

C’est aussi une option retenue par l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche dans son rapport de juillet 2023 Le réseau Cnous-Crous : points forts, points faibles et évolution possible du modèle, dont les auteurs proposent une révolution du système.

En septembre dernier, quatorze présidents d’université se sont dits favorables à cette revendication étudiante historique. Mes chers collègues, c’était d’ailleurs l’objet d’une proposition de loi de Raymond Cayol, député du Mouvement républicain populaire (MRP), déposée en 1950 !

Mercredi dernier, je suis intervenue devant la commission des affaires sociales pour tenter de convaincre la majorité sénatoriale de l’importance de ce texte pour notre jeunesse.

J’y ai dit mon ouverture et ma volonté de faire avancer ce sujet au-delà des clivages droite-gauche. En effet, après des années de pandémie, de guerre et d’inflation, notre devoir collectif est de mettre à l’ordre du jour des réformes porteuses d’espoir et ambitieuses, comme celle de cette allocation autonomie universelle d’études pour tous les jeunes, étudiants et apprentis, que nous vous proposons aujourd’hui.

Malheureusement, je ne suis pas parvenue à convaincre : la commission a rejeté le texte sans permettre à notre rapporteure de l’amender. Le travail de cette dernière a pourtant montré des voies d’améliorations possibles par la modulation du montant en fonction des conditions et du lieu d’hébergement. Le groupe écologiste a déposé des amendements tirés de ses observations afin que nous puissions tous en débattre.

Je regrette que la décision ait été prise, de manière abusive à mon sens, de les déclarer irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution : cela nous prive du débat sur l’instauration d’un capital de mensualités ou sur la possibilité de transformer notre proposition en une expérimentation pour les collectivités volontaires. Ces amendements allaient pourtant dans le sens d’une rationalisation des dépenses. Peut-être parviendrons-nous un jour à un accord ?

Deux arguments principaux ont été avancés au sein de la commission des affaires sociales, sur lesquels je reviens ici.

Le premier argument est celui de la responsabilité des parents. Il est vrai que la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a modifié l’article 371-2 du code civil. Elle y a introduit une formule de la Cour de cassation selon laquelle l’« obligation » de contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants « ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur ».

Ce texte était issu d’une proposition de loi, présentée par Jean-Marc Ayrault et enrichie par le Sénat sous la présidence de Christian Poncelet, et la disposition que j’ai citée avait été introduite pour adapter le régime de l’autorité parentale au nombre grandissant de séparations. Elle n’a jamais eu vocation à résoudre la question du financement des études supérieures.

En réalité, cette obligation parentale découle de l’obligation d’entraide familiale codifiée en 1804, tout comme l’obligation alimentaire des enfants envers leurs parents ou autres ascendants présente dans l’article 205 du code civil. Il me semble que personne dans cette assemblée ne proposerait la suppression de l’allocation de solidarité aux personnes âgées au motif que notre droit prévoit une obligation alimentaire des enfants envers leurs parents vieillissants… La solidarité nationale devrait couvrir tous les âges de la vie.

Pourtant, au terme de raisonnements alambiqués et asymétriques, la tranche d’âge 18-25 ans est la seule de la population majeure qui ne bénéficie d’aucun minimum social. Sur les vingt-sept États membres de l’Union européenne, notre pays est le seul, avec Chypre et l’Espagne, à ne pas avoir étendu à cette tranche d’âge le bénéfice total du revenu de solidarité active.

Finalement, que suggère ce genre d’arguments ? Que les jeunes précaires devraient engager des procédures judiciaires contre leurs parents en incapacité de financer leurs études ?

Le second argument est celui du coût de la mesure. Certes, celle-ci est ambitieuse et nous ne cherchons pas à minimiser ce point. En mars 2022, pour une allocation de 890 euros, Philippe Aghion évaluait son coût net à 4,5 milliards d’euros.

Dans notre proposition, nous avons retenu un montant mensuel plus ambitieux, équivalent au seuil de pauvreté, c’est-à-dire à 67 % du Smic, soit environ 1 100 euros. Cette somme correspond à la rémunération maximale des apprentis de 25 ans, qui sont aussi concernés par l’allocation. Dans leur cas, elle viendrait compléter les revenus d’apprentissage. En début de formation, je rappelle que ces derniers s’élèvent seulement à 373 euros.

Le coût brut des mesures contenues dans notre proposition de loi s’élèverait donc, selon les calculs de la rapporteure, à 30 milliards d’euros. Il faut y retrancher les bourses existantes et les aides personnalisées au logement (APL), mais également la demi-part de quotient familial et les réductions d’impôt pour pensions alimentaires, lesquelles bénéficient essentiellement aux familles d’étudiants les plus riches. Le coût net serait donc proche de 24 milliards d’euros ; en effet, tous ces dispositifs représentent 6 milliards d’euros.

L’allocation pourrait aussi être financée par la refonte de la politique d’apprentissage, en dirigeant les crédits directement vers les apprentis, comme le propose d’ailleurs Philippe Aghion. La Cour des comptes a évalué le coût de cette politique à 16,8 milliards d’euros, versés aux entreprises et aux centres de formation en 2022. Un rapport de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires sociales (Igas) a montré les limites de ces dispositifs non soutenables.

Des marges de manœuvre existent donc !

Comme je l’ai déjà souligné en commission, s’ajouteraient d’autres retombées pour l’économie française par un effet multiplicateur du fait du renforcement du pouvoir d’achat de la tranche d’âge en question. Nous y voyons aussi un investissement public dans notre jeunesse et dans son éducation pour développer ce que certains économistes, comme Gary Becker, appellent le « capital humain ».

Ce coût est à mettre en perspective des dépenses sociales en faveur d’autres tranches d’âges, comme l’allocation personnalisée d’autonomie pour les plus âgés, chiffrée à 6,5 milliards d’euros. Il y a là une vraie question de solidarité intergénérationnelle.

Nos jeunes subissent depuis le covid-19 une aggravation de leurs conditions de vie et des perspectives assombries. Il faut leur insuffler de l’espoir et leur réaffirmer notre considération et nos souhaits de réussite. C’est le sens de cette proposition de loi.

J’espère encore réussir à vous convaincre. Il n’est jamais trop tard ! Ce serait le point de départ d’un travail collectif qui serait enrichi par une double lecture dans les deux chambres.

À ceux qui doutent encore, je leur demande sans malice : quelle autre solution proposez-vous ? Je n’en vois aucune ! L’engagement de la responsabilité des parents devant le juge n’est pas évidemment souhaitable, pas plus que le recours massif aux prêts étudiants. De fait, aux États-Unis, les autorités ont souhaité annuler une partie de la dette étudiante américaine pour éviter une deuxième crise des subprimes.

L’allocation autonomie universelle d’études me paraît la seule option durable et valable. C’est pourquoi je remercie le président du Sénat, M. Larcher, d’avoir saisi le Conseil économique, social et environnemental de cette proposition de loi. J’espère que l’avis qui devrait être rendu dans le premier trimestre 2024 permettra de faire avancer cette idée.

Pour terminer, je remercie la rapporteure, Anne Souyris, pour son travail et mes collègues Antoinette Guhl et Mathilde Ollivier, qui se sont engagées à porter cette proposition de loi en faveur de la jeunesse. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. Ahmed Laouedj applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Anne Souyris, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, accorder une rémunération aux étudiantes et aux étudiants durant leurs études, voilà la mesure que défendit le chrétien-démocrate Raymond Cayol devant l’Assemblée nationale en 1947 au nom « de la valeur personnelle de l’étudiant, de sa qualité présente [et] du travail qu’il poursuit ».

Soixante-seize ans plus tard, c’est dans cette filiation que s’inscrit notre collègue Monique de Marco au travers de cette proposition de loi. Celle-ci répond à un constat partagé par l’ensemble des acteurs du monde de l’enseignement supérieur : le système de bourses sur critères sociaux, qui a été préféré au salaire étudiant en 1955, est à bout de souffle. En effet, il ne parvient plus à répondre ni au poids des inégalités sociales dans l’enseignement supérieur ni à l’accélération de la précarisation des étudiants et des apprentis.

La question de la précarité étudiante et des apprentis a connu une forte visibilité lors des périodes de confinement. Privés de la possibilité d’exercer un emploi rémunéré en parallèle de leurs études, de nombreux étudiants ne pouvaient plus subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Pour répondre à cette détresse, l’aide alimentaire s’est renouvelée en multipliant les épiceries solidaires, moins stigmatisantes, et en se rapprochant des lieux d’études.

Pourtant, les statistiques dont nous disposons semblent indiquer que la crise sanitaire tout comme l’inflation des prix des denrées alimentaires ont révélé la précarité plutôt qu’elles ne l’ont créée. Ainsi, en 2020, déjà 24 % des étudiants et des étudiantes déclaraient rencontrer des difficultés financières importantes, contre 29 % à l’heure actuelle selon l’Observatoire de la vie étudiante.

La rentrée 2023 a de surcroît vu la crise du logement frapper les étudiants et les apprentis en s’étendant aux petites surfaces locatives de villes jusqu’alors épargnées, telles qu’Angers, Rennes ou Niort.

Derrière cette précarité matérielle, les professionnels de la santé que nous avons entendus insistent également sur les risques psychologiques liés à l’exclusion et à l’isolement social. La saturation du dispositif de soutien Santé psy étudiant dans de nombreuses universités ainsi que la hausse inquiétante de tentatives de suicide chez les jeunes depuis la fin de la crise sanitaire de la covid-19 témoignent de cette réalité.

Les inégalités socio-économiques accentuent ces défis, affectant particulièrement les étudiants issus de milieux défavorisés. C’est pourquoi le système de bourses de l’enseignement supérieur accorde une aide complémentaire aux familles d’étudiants confrontés à des difficultés matérielles qui ne leur permettent pas d’entreprendre ou de poursuivre des études supérieures.

Bénéficiant à plus de 780 000 étudiants par an, pour un budget de 2,6 milliards d’euros, ces bourses s’échelonnent de 1 450 euros à 6 300 euros annuels selon les ressources de la famille. Leur gestion est confiée aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), qui proposent aussi une offre de restauration à tarif modéré à destination des étudiants – celle-ci a été récemment adaptée aux zones rurales grâce à la loi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dite loi Levi, qui était d’initiative sénatoriale – et des places d’hébergement universitaire.

Pour autant, le système de bourses fait l’objet de critiques unanimes et croissantes au sein même de l’administration du fait de sa complexité et de son incapacité à répondre à la précarisation, notamment celle d’une partie des enfants de la classe moyenne. Le fonctionnement par échelons, les effets de seuils qu’il a longtemps provoqués tout comme l’important taux de non-recours sont souvent soulignés. Avant toute chose, la revalorisation annuelle paraît largement insuffisante pour couvrir les besoins les plus sommaires des étudiants.

Les syndicats étudiants entendus, y compris les plus modérés, insistent également sur la méconnaissance de l’idée d’autonomie à laquelle conduit ce système. Quel message envoyons-nous à notre jeunesse, en définissant l’éligibilité d’un étudiant à une bourse par rapport aux revenus de ses parents jusqu’à ses 25 ans ? Cela est d’autant plus étonnant que l’intéressé peut être en rupture avec sa famille, travailler pour subvenir seul à ses besoins, voire être l’aidant de ses ascendants.

La proposition de loi a donc pour objet de répondre à l’impasse à laquelle est confronté le système des bourses, en lui substituant une allocation autonomie universelle d’études. Certes, cette solution peut, de prime abord, sembler radicale, mais elle est soutenue par des économistes, des présidents d’université et des intellectuels peu susceptibles de complaisance pour le grand soir !

Une telle allocation fait par ailleurs l’objet, dans des termes comparables, d’un consensus transpartisan depuis des décennies dans des pays tels que le Danemark ou la Suède, qui y voient d’abord une manière de responsabiliser les étudiants et les apprentis et de récompenser leur assiduité.

L’article unique de la proposition de loi crée une allocation universelle au bénéfice de l’ensemble, d’une part, des étudiants du supérieur de 18 à 25 ans, d’autre part, des élèves de la formation professionnelle. Cette allocation est fixée au niveau du montant net du salaire minimum pour un apprenti de plus de 21 ans en dernière année d’apprentissage, soit 1 078 euros par mois en 2023.

Ce montant, qui peut paraître important, est à mettre en perspective, d’une part, avec les ressources moyennes cumulées d’un étudiant en France, qui sont de 1 128 euros net par mois, d’autre part, avec le fait que cette allocation universelle se substituerait intégralement aux aides non servies par les Crous dans le droit existant. Il s’agit notamment des aides personnalisées au logement et des avantages fiscaux consentis aux foyers de rattachement des étudiants sous forme de crédit d’impôt et de demi-part fiscale, dont le coût total avoisine les 6 milliards d’euros par an.

Par ailleurs, cette allocation n’est pas dénuée de conditions. En plus d’être inscrits dans un établissement éligible à la perception d’une bourse, l’étudiant comme l’apprenti doivent faire preuve d’assiduité, être autonomes financièrement et ne pas cumuler une situation d’emploi. Ces conditions permettent ainsi que les concernés se consacrent pleinement à leur réussite académique ; à défaut, l’allocation leur serait suspendue.

En revanche, les services des Crous, notamment la restauration universitaire et le logement, seraient maintenus pour les étudiants titulaires de l’allocation, de même que les aides spécifiques proposées par les collectivités territoriales.

Une telle aide universelle semble emporter de nombreux avantages.

Premièrement, l’universalité répond à la problématique de non-recours aux droits, qui conduit trop souvent à des abandons d’études faute de connaissance du système de bourses.

Deuxièmement, les statistiques dont dispose l’administration semblent indiquer que de nombreux étudiants et apprentis sont dans une situation précaire sans pour autant être éligibles aux bourses sur critères sociaux, principalement dans la classe moyenne, lorsque les études sont faites loin du foyer parental.

Troisièmement, un système universel permettrait d’encourager l’émancipation des étudiants, en considérant leurs besoins indépendamment de la situation matérielle de leurs parents. Plus largement, un parallèle peut être esquissé avec d’autres âges de la vie – ma collègue Monique de Marco l’indiquait – pour lesquels la prise en charge par la collectivité ne pose plus question. Pour quelle raison la jeunesse, période de vulnérabilité accrue s’il en est, est-elle renvoyée aux seules solidarités familiales ?

Reste la question du coût, non négligeable, puisque les auditions ont permis d’estimer qu’un investissement annuel de 25 milliards d’euros serait nécessaire. Cependant, compensé en partie par la demi-part fiscale et par l’arrêt d’autres prestations telles que les APL, ce coût est aussi à appréhender comme un investissement en capital humain. Il doit permettre de former les travailleurs nécessaires pour relever les défis auxquels nous sommes collectivement confrontés dans les domaines de l’industrie, de la transition environnementale, de la santé ou du numérique par exemple.

Certains rétorqueront qu’une aide universelle n’est pas redistributive, mais les travaux d’économistes qui font référence soulignent que l’universalité peut, au contraire, selon le mode de financement retenu, être une source de redistribution et même de réduction des inégalités sociales, bien mieux que les bourses, car n’oubliant personne.

La proposition de loi est prometteuse et nécessite certainement un débat nourri pour préciser certains éléments. Les auditions ont notamment permis de souligner l’intérêt qu’il y aurait à remplacer la condition d’âge par un quota de mois d’allocation afin de responsabiliser les étudiants et les apprentis et de leur donner la possibilité de construire des parcours plus proches du monde de l’entreprise avec de nombreux stages.

Le niveau de l’allocation pourrait également être discuté et donner lieu à une modulation selon la situation de l’étudiant au regard de la cohabitation ou non avec ses parents.

Par ailleurs, un tempérament pourrait être introduit concernant le non-cumul avec un travail salarié afin de permettre des activités de tutorat ou des expériences professionnelles dans une limite raisonnable à définir.

Enfin, une adaptation territoriale pourrait être introduite afin de répondre à la diversité des conditions de vie suivant les localités, notamment pour les outre-mer. De telles évolutions feraient honneur au travail parlementaire et permettraient d’adapter l’allocation proposée aux réalités que nous rencontrons dans nos territoires.