Mme la présidente. La parole est à M. Sebastien Pla. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Sebastien Pla. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour l’année 2024 est caractérisé par une augmentation historique, peut-on lire dans les communications du ministre. Nous ne pouvons que nous en réjouir, mais dites-moi, monsieur le ministre, quelle est, au juste, votre vision ?
Le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles me fait penser à l’Arlésienne : on en parle à longueur de temps, mais on ne le voit jamais arriver ! Il semblerait que même Aurélien Rousseau ait plus d’informations que les parlementaires à ce sujet !
Allez-vous simplement toiletter la dernière grande loi agricole, défendue par Stéphane Le Foll en 2014, ou bien aurez-vous le courage de réformer en profondeur un modèle à bout de souffle ?
Le temps presse et le monde agricole veut des réponses claires sur nombre de sujets : simplification administrative et normative, clarification des aides publiques, accès au foncier et à l’eau, transmission des exploitations, régulation des marchés, clauses miroirs, protection contre les aléas climatiques, économiques et sanitaires, obtention de prix rémunérateurs – autant de points qui appellent l’action d’une puissance publique forte, prompte à reconnaître et à promouvoir une véritable exception agricole à la loi du marché.
Ces derniers temps, beaucoup trop de textes en lien avec l’agriculture ont été examinés, à tel point qu’une brebis n’y retrouverait pas ses agneaux : lois Égalim 1, 2 et 3, réforme de l’assurance récolte, loi Climat et résilience, loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, Varenne de l’eau – et j’en passe. La réglementation en vient à devenir l’ennemie de l’action publique et surtout des paysans qui, chaque jour, subissent jusqu’à l’écœurement son extravagance et son incohérence.
Pendant que la technostructure s’évertue à construire des usines à gaz réglementaires, la ferme France dévisse. En vingt ans, nous sommes passés du second au cinquième rang des exportateurs mondiaux de produits agricoles et plus de la moitié de ce que l’on mange est importé.
Point positif, j’apprends que le Gouvernement fait marche arrière sur les redevances du plan eau et les redevances pour pollutions diffuses (RDP), comme pour le projet de relever les accises sur le vin présenté par Bruno Le Maire l’été dernier.
Parfois, je me demande si votre ministère n’est pas sous la tutelle de Bercy. Heureusement que Matignon arbitre du bon côté ! Je vous plains, monsieur le ministre, ce ne doit pas être facile tous les jours de négocier… (M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire manifeste son agacement.)
Oui, les agriculteurs ont raison de dire, en retournant symboliquement les panneaux d’agglomération, qu’on marche sur la tête. Ils sont au bord de la crise de nerfs, croulant sous les normes et l’inflation. Ils sont en plus taxés de tous les maux – pollution, empoisonnement… – par une minorité active d’intégristes ignorant le fonctionnement de la société rurale et qui, par leurs provocations, alimentent l’agribashing et le misérabilisme !
Je suis très en colère, car chaque jour un agriculteur se donne la mort par désespoir. C’est inacceptable ! J’habite et vis à la campagne ; je vois et partage la détresse de mes collègues agriculteurs et la colère du monde rural. Aussi, je me refuse à léguer aux futures générations une situation et une pression aussi irrationnelles.
Ensuite, j’insisterai sur les crises à répétition subies par un secteur viticole abîmé. Le mildiou et la sécheresse ne sont que les marqueurs visibles de l’ampleur du changement climatique affectant la ferme France, dont le nouveau système assurantiel, censé la protéger, est encore perfectible.
Il y a quinze jours, je me tenais aux côtés des 5 000 viticulteurs du sud de la France qui manifestaient leur désarroi à Narbonne. Il me semble que vous avez écouté leurs réclamations, puisque vous avez annoncé des aides bancaires et fiscales et que vous étudiez l’opportunité d’un arrachage différé. Comment, et surtout quand, comptez-vous financer ces mesures d’urgence ?
Monsieur le ministre, pas de feintes entre nous : les 20 millions d’euros du fonds d’urgence rattrapés in extremis à la fin de l’exercice 2023 n’y suffiront pas – on vous l’a dit et même écrit. Et quel est le lascar…
M. Sebastien Pla. … qui a eu l’idée géniale de l’adosser au régime de minimis agricole, balayant d’un revers de main un grand nombre d’exploitations ? (M. Antoine Lefèvre s’exclame.)
Prévoir un fonds qui ne sera pas accessible ne relève guère du bon sens paysan ; espérons que vous ne faites pas là qu’une simple opération de communication !
Je proposerai, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et avec l’appui du groupe d’études de la vigne et du vin du Sénat, l’inscription d’un fonds sanitaire viticole moins restrictif, doté de 60 millions d’euros.
Cela dit, des mesures d’urgence conjoncturelles indispensables sont aussi nécessaires, comme l’aide au stockage privé, l’aide aux entreprises de l’aval et l’accompagnement à la restructuration.
Monsieur le ministre, agissez avec nos partenaires européens des régions viticoles pour sortir du carcan de la règle des aides de minimis et de la moyenne olympique. Je sais que ce n’est pas simple, mais nous devons avancer sur ce sujet si nous voulons réussir la réforme de l’assurance récolte.
Enfin, au moment où la transition écologique cale et les productions bio ont du mal à trouver leur marché, nous vous proposerons un fonds d’urgence pour aider les trésoreries des agriculteurs bio, renforcer significativement les moyens alloués aux mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) et augmenter le montant de l’écorégime.
Les jeunes agriculteurs, quant à eux, méritent un coup de pouce : renforçons donc les crédits de l’aide complémentaire au revenu (ACJA).
Enfin, d’un point de vue sanitaire, nous vous proposerons la prise en charge à 100 % par l’État du coût de la vaccination contre la grippe aviaire et une aide pour lutter contre la maladie hémorragique épizootique (MHE).
Pour conclure, nous voterons votre budget,…
M. Sebastien Pla. … mais je vous incite vraiment à soutenir nos propositions. J’ai l’espoir que nous puissions avancer assez rapidement sur la loi d’orientation et d’avenir agricoles, qui est nécessaire.
Vous nous proposez un budget historiquement haut, monsieur le ministre, alors soyons au rendez-vous de l’histoire ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Cuypers. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser notre collègue Daniel Gremillet, qui ne pourra pas intervenir aujourd’hui à la tribune en raison d’un empêchement personnel.
Notre assemblée examine ce soir les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » dans un contexte de vives inquiétudes pour tous les acteurs de la ferme France.
En valeur absolue, les crédits de la mission sont en hausse de plus de 37 %. Nous nous en réjouissons, bien évidemment, même si nous souhaitons rappeler qu’il s’agit davantage d’un rattrapage que d’une vraie prise de conscience. Nous attendons que cette hausse se poursuive à l’avenir pour permettre à nos agriculteurs de relever les nombreux défis qui les attendent.
Ces défis, quels sont-ils ?
J’identifie tout d’abord l’impératif de vivre dignement, ce qui signifie mieux rémunérer le fruit du travail de nos agriculteurs via un système de négociations commerciales plus efficient et plus protecteur de la matière première agricole. Cela passe également par un effort déterminé de révision des normes et charges fiscales qui matraquent – et c’est là un moindre mot – encore trop largement le monde agricole.
Le deuxième impératif est celui d’une transition écologique concertée, accompagnée et décidée avec et pour les agriculteurs. Personne ne s’oppose à changer les pratiques, bien évidemment. Mais nous le répétons une nouvelle fois : pas d’interdiction sans solution. Autrement dit, pas d’interdiction du glyphosate sans solution de substitution, pas d’extinction du soutien au gazole non routier (GNR) sans compensation, pas de zéro artificialisation nette (ZAN) sans prise en compte des besoins du bâti agricole.
Monsieur le ministre, vous avez donné des signes d’ouverture. Je me réjouis notamment qu’un accord ait été trouvé entre votre ministère, Bercy et les syndicats pour compenser la fin de l’avantage fiscal sur le GNR. Nous aurons à l’évaluer d’ici quelques mois.
Nous sommes également satisfaits qu’une catastrophe ait pu être évitée à l’Union européenne sur le glyphosate, même si notre pays n’a pas brillé par son courage lors des votes. (M. Yannick Jadot s’exclame.)
Nous sommes en revanche bien plus préoccupés par les décrets d’application de la loi Climat et résilience sur l’avenir du bâti agricole. Rien ne dit que nos agriculteurs pourront continuer demain à construire les structures nécessaires à leur activité – je suis stupéfait que votre ministère n’ait pas été consulté à ce sujet.
Enfin, j’insisterai sur la compétitivité de notre agriculture. Nous aurons beau avoir les meilleurs produits agricoles au monde, si l’État ne s’organise pas pour défendre la France dans la compétition mondiale, nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer notre naïveté collective !
Le premier combat est celui de la cohérence et de la prudence. Monsieur le ministre, je lance un appel solennel qui, je le sais, est largement partagé dans cet hémicycle : renoncez à l’accord avec le Mercosur, à cette folie qui mettra en péril les efforts de nos agriculteurs et fragilisera durablement notre pays à l’international !
Le deuxième combat a trait au réarmement de nos politiques pour favoriser la compétitivité de notre agriculture. Cette année, grâce au travail de nos collègues Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou, le Sénat s’est prononcé très clairement en faveur de mesures concrètes. Dès lors, n’attendez plus pour inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, si nous voulons renforcer la compétitivité de notre agriculture, il nous faut assurer davantage de cohérence dans la conduite de nos politiques publiques. À cet égard, comment justifier la hausse envisagée de la RPD ?
La mobilisation des agriculteurs, de leurs syndicats et de nombreux parlementaires a permis de supprimer cette mesure il y a quelques jours au Sénat. La Première ministre a finalement renoncé à cette ponction injustifiée, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Cependant, la cohérence aurait commandé de ne jamais présenter un tel dispositif.
Autre point de vigilance : l’avenir de notre modèle agricole et de nos exploitations. D’ici 2030, un tiers des agriculteurs sera parti à la retraite. La question de la transmission des exploitations s’impose donc comme l’un des défis majeurs de la décennie ; aussi devons-nous le regarder en face avec courage.
Le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles est sans cesse reporté, alors que le monde agricole s’inquiète. Le rythme de travail, les charges et la juste rémunération sont autant de sujets de préoccupation pour les filles et fils d’agriculteurs, qui sont de plus en plus réticents à reprendre l’exploitation familiale.
La représentation nationale attend avec impatience le plan du Gouvernement qui permettra d’attirer des personnes compétentes vers ces beaux métiers et contribuera à dessiner le visage de la ferme France de demain.
Vous me permettrez enfin de dire un mot de nos forêts, chères à notre collègue Daniel Gremillet, qui a déposé un amendement à ce sujet. La forêt, c’est à la fois l’écologie, le bâtiment, l’aménagement du territoire et l’emploi. Notre pays est façonné par ses forêts, qui restent trop souvent un angle mort de nos politiques publiques.
Bien sûr, nous nous satisfaisons des améliorations apportées l’an dernier au fonctionnement de l’ONF, mais nous resterons très vigilants au sujet de cet opérateur trop longtemps malmené.
Mes chers collègues, vous le constatez, les défis sont nombreux et les inquiétudes vives. Tout ne se réglera pas avec des crédits supplémentaires, même s’ils sont attendus et nécessaires.
Le Sénat porte la voix des territoires, mais aussi celle des femmes et des hommes qui y travaillent, y sèment et y récoltent pour en tirer le meilleur pour l’ensemble de nos concitoyens et dans l’intérêt de notre nation.
Le groupe Les Républicains votera donc ces crédits, conscient cependant qu’ils n’apportent qu’une réponse parcellaire aux problèmes rencontrés par l’ensemble – je dis bien l’ensemble – du monde agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – MM. Christian Klinger, rapporteur spécial, et Vincent Louault applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans nos campagnes, l’agriculture demeure un pilier économique essentiel, créant des emplois, stimulant la croissance locale et préservant notre patrimoine naturel.
Toutefois, nos agriculteurs font face à des défis d’une ampleur sans précédent. Les fluctuations climatiques, les pressions économiques et les exigences croissantes en matière de durabilité mettent en danger leur activité et la pérennité de nos ressources alimentaires. Pensons que toutes ces difficultés amènent chaque jour deux agriculteurs à mettre fin à leur vie.
Lutter contre les effets néfastes de la stratégie européenne dite de la ferme à la fourchette, que Bruxelles tente d’imposer, menace gravement la souveraineté alimentaire des pays membres de l’Union européenne, comme l’ont montré plusieurs études volontairement ignorées par la Commission européenne.
Les baisses de production induites par ces règles environnementales pourraient provoquer jusqu’à 20 % d’augmentation des importations issues de pays non membres de l’Union européenne. L’impact social et environnemental de cette grave atteinte à notre souveraineté serait catastrophique.
Pour répondre à ces enjeux, le Gouvernement utilise l’effet d’annonce et la méthode des Shadoks, comme l’a souligné à juste titre la commission des affaires économiques : « Si la solution n’est pas adaptée à la situation, adaptez la situation à la solution. »
Il est impératif que nous, législateurs, soutenions nos agriculteurs, en promouvant des politiques agricoles durables et des investissements, par exemple, dans la mise en place de systèmes d’irrigation adaptés aux enjeux environnementaux, défi incontournable pour assurer l’avenir des productions agricoles.
Nous avons pour fil d’Ariane la sécurité alimentaire nationale et la mise en place du localisme. C’est pourquoi nous proposerons d’exclure l’agriculture des traités multilatéraux de libre-échange. Les produits agricoles ne sont pas des biens comme les autres, parce qu’ils sont liés à la santé humaine et qu’ils sont un élément essentiel de la souveraineté de la France. Notre agriculture ne doit plus être sacrifiée au nom d’un libre-échange déséquilibré qui nous conduit à importer des produits ne répondant pas aux normes de qualité françaises.
Le pragmatisme doit nous guider. C’est pourquoi nous sommes contre l’interdiction de produits phytosanitaires existants sans solutions de substitution efficaces. L’écologie punitive, prônée par certains, a fait son temps !
Nous sommes attachés à notre territoire, en Hexagone comme en outre-mer. C’est pourquoi la gestion de nos forêts, trésors naturels qui jouent un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique, doit être sécurisée.
Nous devons assurer la prospérité de nos agriculteurs, la préservation de nos forêts et le dynamisme de nos zones rurales. Nous avons la responsabilité, nous, législateurs, de tracer une voie durable pour l’agriculture, l’alimentation, les forêts et les affaires rurales, car elles sont inextricablement liées au bien-être de notre nation.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Louault.
M. Vincent Louault. Bravo, monsieur le ministre ! Jamais le budget n’aura autant augmenté ; une hausse de 38 % en autorisations d’engagement et de 23 % en crédits de paiement, c’est tout simplement spectaculaire !
Si certains agriculteurs peuvent apprécier le spectacle, tous aiment avant tout le réalisme et le pragmatisme. La planification écologique est largement servie par cette hausse ; nous ne voyons pas cela d’un mauvais œil, au contraire, car nous sommes habitués à la planification. Mais que recouvre-t-elle ?
Notre empirisme nous protège tant bien que mal contre les insécurités climatiques, sanitaires et budgétaires qui chamboulent régulièrement ce qui avait été planifié – quand planification il y a eu…
C’est le propre des agriculteurs que de faire avec les aléas de la nature, et c’est l’essence même de notre passion qui nous fait être en première ligne pour protéger nos terres et veiller sur l’environnement. Ne l’oublions jamais : sans la nature, nous ne sommes rien.
J’ai la chance d’être agriculteur et membre du groupe Les Indépendants – République et Territoires, où l’on aime les histoires qui ont du sens, celles qui donnent une vision, un cap, et tracent un destin commun. Je m’interroge, car nous attendons avec impatience le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles. Sera-ce une énième loi d’avenir, qui n’aura d’avenir que le nom ?
En 1961, le ministre de l’agriculture Edgard Pisani annonçait qu’il était grand temps de parvenir à installer dans ses services la pensée économique, mais aussi de penser à y installer la volonté commerciale. C’est désormais chose faite !
Aujourd’hui, il est grand temps de passer de la pensée à l’action. Il me semble que la hausse du budget en est un gage et j’espère que cela transpirera dans le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles.
Reconnaissons-le, l’agriculture doit aussi faire avec une inertie qui lui est propre. Depuis mon installation en 1994, je n’ai cessé de constater le vieillissement et la diminution dramatique des exploitations.
Sans sursaut, la fin sera brutale. On se réveille souvent quand il est trop tard : un paradoxe encore bien ancré dans l’ADN des agriculteurs, pourtant désormais habitués, comme je le disais, au grand mot de « planification ».
Je le concède, nous avons besoin d’être bousculés. Vous le savez, monsieur le ministre, le monde agricole est un monde de passionnés qu’il est difficile de faire bouger. Mais une fois convaincus, ils se révèlent d’une force d’entraînement redoutable. Or nous ne convaincrons pas ces femmes et ces hommes qui ont fait de leur passion un métier en les pointant du doigt, en les stigmatisant. Je sais que vous partagez ce constat, monsieur le ministre.
Les agriculteurs encaissent toujours et passent à la caisse chaque jour – verdissement, dépense brune, GNR, conditionnalité, et j’en passe –, pendant que Bercy brasse non pas du vent, ce que nous préférerions, mais une pression bien française, l’élevant au rang de meilleur brasseur de France de la taxe et de l’impôt !
Vous avez dans votre champ de compétences plus de 90 % des terres du territoire français, monsieur le ministre. Il est temps que le monde agricole reprenne les choses en main. L’agriculture doit mettre la pression, et non pas la subir, car la souveraineté de la France sans souveraineté alimentaire est un mirage. C’est de surcroît une rêverie de penser pouvoir mener toutes les transitions, écologique, environnementale et énergétique, sans les agriculteurs.
Et nous, nous ne voulons pas rêver, monsieur le ministre. Nous aspirons à de la lisibilité, à de l’efficacité et à du pragmatisme. Or je sais que vous en avez et je salue à ce sujet votre position sur les produits phytosanitaires : oui, partout où nous pouvons trouver des solutions de substitution, allons-y ! Mais quand il n’y a pas de solution, il ne peut pas y avoir d’interdiction dogmatique et péremptoire.
Nous souhaitons de l’innovation et de l’efficacité, avec plus de vision à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), plus de performance pour le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar), plus de simplification à l’Agence de services et de paiement (ASP) et à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), qui pondent des normes souvent absurdes et des documents de plusieurs centaines de pages.
La rue de Varenne est déjà la rue des usines à gaz. Ne devenez pas le premier producteur de contenus à base de cellulose de notre pays. Laissez-en pour nos vaches ! (Sourires.)
Alors, oui, nous serons au rendez-vous, monsieur le ministre, et vous le savez. Nous serons là pour travailler à vos côtés et bâtir la stratégie que ce ministère doit mener, avec tous les agriculteurs, toutes les agricultures, et pour les Français. Nous voterons les crédits de cette mission. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fargeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Daniel Fargeot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, grâce aux nouveaux moyens accordés à la planification écologique, les crédits de la mission que nous examinons aujourd’hui connaissent une hausse de 37 %, soit 1,5 milliard d’euros supplémentaires.
Gardons-nous cependant de crier victoire et méfions-nous des miroirs aux alouettes. En réalité, les crédits alloués à cette mission s’établissent au niveau des crédits consommés en 2023. L’effort de sincérité budgétaire, souligné par nos rapporteurs spéciaux, que je félicite pour leur travail, doit être salué.
Cet effort pourrait être poursuivi l’an prochain, en rassemblant l’ensemble des crédits du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire dans cette seule mission. Cela serait un gage de lisibilité de la loi de finances.
Je souhaite également remercier nos rapporteurs pour avis, notamment notre collègue centriste Franck Menonville, pour leur examen attentif des crédits et leurs propositions. Ils ont chacun rappelé les défis majeurs qui attendent notre modèle agricole et nos agriculteurs dans les années à venir.
N’en déplaise aux Cassandre, notre agriculture ne doit pas devenir marginale dans le modèle économique français à l’horizon 2040. Notre pays doit impérativement consolider sa souveraineté alimentaire, aujourd’hui fragilisée, et réduire sa vulnérabilité.
Comment, me demanderez-vous ? En soutenant durablement la compétitivité et la résilience de notre modèle agricole. Alors, oui, il faut concrètement mettre en musique le renouvellement des générations et passer du slogan politique à la réalité.
L’un des enjeux majeurs est bien de rendre accessible le foncier agricole pour les aspirants exploitants ou primo-entrants par des systèmes de portage que nous pourrions expérimenter. Il nous faut susciter des vocations et rendre de nouveau attractive la profession.
Le dur labeur et la vie d’engagement doivent être dignement récompensés par une juste rémunération, mais il faut aussi veiller à la compétitivité des produits français. Nous devons, à ce titre, nous appuyer sur les lois Égalim pour relever ce défi. Le principe de non-négociabilité des matières premières agricoles, défendu par le Sénat, doit être la pierre angulaire de notre action.
Au-delà de ces deux enjeux fondamentaux du renouvellement des générations et de la juste rémunération des agriculteurs, nous devons également être vigilants, monsieur le ministre, sur le risque de financiarisation de l’activité agricole.
L’examen récent au Sénat d’une proposition de loi permettant notamment de recourir à un groupement foncier agricole d’investissement privé me semble être une option intéressante pour limiter les dérives de certains spéculateurs financiers. Le foncier doit rester la propriété des agriculteurs et ne pas être un simple levier de diversification du portefeuille financier d’investisseurs privés aux préoccupations trop souvent éloignées du quotidien des agriculteurs.
Ne reproduisons pas des modèles économiques décorrélés de ce système productif nourricier des Français, dans ce secteur clé pour notre souveraineté alimentaire. Accompagnons les agriculteurs souhaitant céder leur patrimoine foncier, tout en garantissant la souveraineté alimentaire de la France. Je salue à cet égard le rôle primordial joué par nos sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) et nos chambres d’agriculture dans nos territoires. Faisons leur confiance !
Enfin, la prolongation du dispositif TO-DE pour une année supplémentaire est une bonne nouvelle. Sa pérennisation au-delà serait appréciée, mais je sais, monsieur le ministre, que vous connaissez fort bien nos attentes à ce sujet.
Pour conclure, j’y insiste, c’est maintenant que l’agriculture française doit prendre un nécessaire tournant pour anticiper les turbulences que la PAC pourrait subir en cas de nouveaux élargissements de l’UE.
C’est en ayant à l’esprit l’ensemble de ces enjeux, l’ensemble des défis du monde agricole, et la responsabilité qui est la nôtre que le groupe Union Centriste votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis, applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, notre agriculture fait face à de nombreux défis, qui sont chaque jour plus prégnants : dérèglement du climat, effondrement de la biodiversité, revenu agricole, mal-être des agriculteurs, concurrence déloyale conduisant à des importations, renouvellement des générations, attentes sociétales en matière de bien-être animal et de qualité de l’alimentation.
Devant ces enjeux, ce budget reste malheureusement largement insuffisant sur de nombreux plans.
S’agissant de l’installation-transmission, le flou total règne sur la mise en œuvre du fonds Entrepreneurs du vivant. En parallèle, le Gouvernement choisit d’abaisser l’aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs et refuse d’abonder les financements du programme d’accompagnement à l’installation-transmission en agriculture (AITA). On se retrouve avec des promesses incertaines de financements nouveaux et un refus de soutenir des actions à l’efficacité avérée.
Sur le volet mal-être agricole, nous saluons le renforcement du crédit d’impôt pour remplacement, que nous défendons depuis plusieurs années, mais il nous faut aller plus loin : le reste à charge est encore trop élevé pour en garantir l’accès à tous les agriculteurs.
Nous considérons également que ce PLF peut contribuer à aggraver les risques psychosociaux, avec des dispositifs misant sur le « toujours plus » d’investissements : les liens sont connus entre suréquipement, agrandissement, endettement et fragilité des exploitations, dans un contexte de crises et d’aléas croissants.
Sur la transition agroécologique, la création d’une action « Planification écologique » envoie un signal positif. Cependant, ce budget est problématique à plusieurs égards.
Tout d’abord, comme la commission l’a souligné, il est souvent impossible de comprendre comment ces lignes seront affectées. Ces nouveaux budgets aux contours flous, dont on peut douter de l’efficacité future, sont abondés de centaines de millions d’euros, et ce alors que des outils essentiels de la transition qui ont fait leurs preuves sont sous-financés malgré des alertes venant de tous les bords politiques.
Sans surprise, je commencerai ici par les mesures agroenvironnementales et climatiques. Nous ne pouvons pas comprendre la réaction du Gouvernement qui, face à une augmentation du nombre d’agriculteurs volontaires pour entrer dans le dispositif – c’est très positif ! –, refuse de s’engager clairement pour abonder l’enveloppe prévue à hauteur de cet élan.
Nous pensons aussi, bien sûr, à l’agriculture biologique. Que ce soit pour les mesures d’urgence, la communication ou l’écorégime, les financements prévus sont insuffisants pour soutenir ce modèle agricole, pourtant le plus à même de répondre aux enjeux de transition.