Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le secteur des patrimoines est, plus encore que les autres, particulièrement affecté par la crise énergétique, l’augmentation du prix des matières premières et l’inflation.
C’est pourquoi la commission de la culture se réjouit que les crédits de l’État en faveur des patrimoines progressent une nouvelle fois l’année prochaine ; même si cet effort financier ne compensera pas la hausse des coûts, il permettra d’en atténuer les effets et d’inscrire la protection du patrimoine dans la durée.
Toutefois, sans nier la nécessité des grands projets du centre Pompidou et des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, la commission de la culture s’inquiète de la faiblesse des marges de manœuvre qui subsisteront pour les chantiers à mener au cours des années à venir dans les territoires, chantiers essentiels à leur développement et à leur attractivité.
Il est vrai que l’État contribue aussi de plus en plus, par des leviers fiscaux, à stimuler la générosité publique en faveur de la cause du patrimoine. La commission de la culture se félicite des mesures prises en faveur du patrimoine religieux des petites communes après les alertes lancées voilà un an et demi par nos collègues Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias. Nous serons très attentifs à leur mise en œuvre et nous espérons que le volet « ingénierie » de ces mesures pourra être complété, tant il s’agit d’un enjeu crucial pour les collectivités, très démunies dans ce domaine.
La commission est en effet convaincue que c’est en accompagnant mieux les collectivités sur le plan technique que nous pourrons franchir un nouveau cap en matière de préservation du patrimoine. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous plaidons avec ardeur pour le renforcement des effectifs des services déconcentrés de l’État chargés du patrimoine.
Néanmoins, le besoin d’ingénierie des collectivités ne se limite pas à la problématique du patrimoine religieux. Prenons deux exemples.
Le premier a trait à l’entretien du patrimoine. Comment expliquer que les crédits destinés à l’entretien des monuments qui n’appartiennent pas à l’État soient sous-consommés, alors qu’un entretien plus régulier de nos monuments profiterait à nos finances publiques à moyen terme ? Est-ce lié à un problème de moyens humains ou à un déficit de pédagogie ?
Le second est relatif à la rénovation énergétique du bâti ancien : malgré quelques progrès visant à mieux conjuguer l’urgence de la rénovation thermique avec la préservation du patrimoine, beaucoup reste encore à accomplir dans ce domaine. La commission est convaincue de la nécessité d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) spécifique et considère que les collectivités devraient être mieux accompagnées pour identifier le bâti à préserver, afin de l’intégrer dans leurs documents d’urbanisme. Elle regrette, de ce fait, le niveau modeste des crédits de l’action n° 02 « Architecture et sites patrimoniaux » et déplore qu’aucune aide financière ciblée sur la problématique de la rénovation énergétique n’ait été encore mise en place.
J’en viens, pour finir, à la question de l’archéologie préventive. La revalorisation des subventions des opérateurs, en particulier des services d’archéologie des collectivités territoriales, n’est pas à la hauteur de l’explosion des coûts de réalisation des diagnostics, alors même que la redevance d’archéologie préventive rapporte bien plus à l’État que ce que celui-ci reverse aux services des collectivités et à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
Mme la présidente. Il faut conclure.
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis. Aussi, madame la ministre, nous vous demandons d’ouvrir des négociations avec les collectivités afin de réviser le barème d’indemnisation.
Mme la présidente. Veuillez conclure !
Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis. Sous ces réserves, la commission de la culture a émis un avis favorable sur les crédits du programme 175 « Patrimoines ». (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de la culture se réjouit que l’État maintienne en 2024 son effort en faveur de la création ainsi que de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture.
Malgré la reprise de leur fréquentation, les établissements culturels restent dans une situation très fragile. La commission estime qu’il est urgent de restaurer leurs marges artistiques, faute de quoi la diversité culturelle, l’animation des territoires et l’accès à la culture de nos concitoyens pourraient être rapidement menacés. À cet égard, nous espérons que le plan Mieux produire, mieux diffuser permettra de répondre effectivement à l’enjeu et portera rapidement ses fruits.
En ce qui concerne le budget de la création, trois sujets nous préoccupent. Il y a d’abord la situation des scènes de musiques actuelles, à propos de laquelle nous vous présenterons un amendement. Ensuite, les festivals se trouvent dans une situation délicate, compte tenu des incertitudes causées par l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Enfin, les arts visuels sont encore trop faiblement soutenus en comparaison de leurs besoins réels, compte tenu de leur sous-dotation depuis des années ; ce sujet fera également l’objet d’un amendement de la commission.
En ce qui concerne la transmission des savoirs, la commission salue les efforts consentis pour les écoles nationales supérieures d’architecture ; cela traduit un réel progrès, même si celui-ci doit être complété.
Nous sommes en revanche très inquiets de la situation des écoles territoriales supérieures d’art ; nous présenterons un amendement à leur sujet. Un tiers de ces écoles pourraient finir l’année en déficit – certaines sont même menacées de fermeture –, avec des conséquences graves pour leur fonctionnement et pour l’accès des étudiants aux écoles d’art dans les territoires. S’il est vrai que ces écoles relèvent d’abord des collectivités territoriales, l’État doit se trouver aux côtés de celles-ci pour les aider à traverser cette crise. Chaque fermeture d’école entraîne une diminution des débouchés pour nos jeunes dans l’enseignement supérieur et le maillage territorial et l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur s’effritent.
Soyons cohérents avec la priorité accordée à la jeunesse en matière de démocratisation culturelle. Le pass Culture n’atteindra ses objectifs que s’il peut s’appuyer sur l’existence d’une offre culturelle solide et diversifiée dans l’ensemble des territoires. Rappelons-nous que ce dispositif est un outil et non une politique. Pour qu’il soit pleinement opérationnel, il faut le compléter par de la médiation culturelle, travailler de concert avec les collectivités au développement et à la valorisation des offres culturelles de proximité, et améliorer l’articulation de son volet collectif avec l’ensemble de la politique d’éducation artistique et culturelle, afin qu’il contribue à renforcer celle-ci sans s’y substituer. À ce titre, il nous semblerait utile que la société par actions simplifiée (SAS) pass Culture soit intégrée à la liste des opérateurs de l’État, afin d’améliorer notre contrôle sur son fonctionnement.
Comparée à l’effort pour l’accès à la culture des jeunes, la politique de démocratisation culturelle dans les territoires nous paraît manquer de vision stratégique.
Mme la présidente. Il faut conclure.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. À terme, nous demanderons une évaluation du fonds d’innovation territoriale.
Mme la présidente. Veuillez conclure !
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. Je conclus, madame la présidente.
Sous réserve de l’adoption des amendements présentés par la commission de la culture, celle-ci est favorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous réjouir de la hausse des crédits de la mission « Culture ». Certains dispositifs sont prometteurs ; espérons que ce ne soient pas des trompe-l’œil. Toutefois, comme je l’ai déjà souligné voilà un an, le risque est que cette hausse soit neutralisée par l’inflation, alors que nous assistons au déploiement de dispositifs ambitieux.
En premier lieu, il y a bien sûr la question du patrimoine. En la matière, le soutien de l’État est indispensable. Ce n’est pas seulement le patrimoine immobilier qui est en jeu, c’est bel et bien notre identité ; on le voit avec la cathédrale Notre-Dame de Paris et avec tous les lieux qui font notre fierté.
Au-delà de celui de l’État, notre patrimoine est aussi constitué du patrimoine des collectivités locales. Le patrimoine de proximité à protéger est détenu à 94 % par les collectivités ou par des propriétaires privés, qui doivent être soutenus. Aidons-les en mobilisant des crédits pour leurs projets. Il y a de nombreuses demandes sur le terrain, mais les soutiens sont encore limités et l’on a des difficultés à articuler les dispositifs entre eux. Réfléchissons à une synergie entre toutes les aides, c’est indispensable.
La politique patrimoniale doit être plus ambitieuse et toucher tous nos territoires. Madame la ministre, il existe, hélas ! un déséquilibre territorial imparfaitement corrigé et il y a trop de disparités criantes. Nos communes, en particulier les communes rurales, sont encore trop peu aidées. Comment mieux les soutenir ? Comment renforcer le fonds incitatif et partenarial ? Comment mieux le faire connaître ?
Ensuite, entretenir le patrimoine exige une aide efficace à l’ingénierie. Ce soutien au patrimoine passe aussi par les directions régionales des affaires culturelles (Drac) et les unités départementales de l’architecture et du patrimoine (Udap), qui doivent être renforcées. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour aider durablement nos Udap, qui sont confrontées à des difficultés de recrutement et à un manque de moyens ?
Je me réjouis que les fonds prélevés dans le cadre d’une collecte réalisée sous l’égide de la Fondation du patrimoine soient affectés à l’aide à l’ingénierie à destination des petites communes ayant la maîtrise d’ouvrages de biens à restaurer. Ces exemples sont à multiplier. Le loto du patrimoine doit inspirer d’autres initiatives.
Je souhaite évoquer maintenant notre patrimoine religieux. La question de la restauration des églises reste prégnante. Pouvons-nous accepter de voir 15 % de nos clochers en situation fragile, voire en grand péril ? Le « blanc manteau d’églises », dont parle le chroniqueur médiéval, est aujourd’hui menacé. Sans oublier le nécessaire soutien public, il faut encourager, encore et encore, la diversification des financements, dans le prolongement des solutions proposées par mes collègues Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias dans leur rapport d’information.
Dans le domaine de l’expertise patrimoniale internationale, notre savoir-faire jouit d’une image d’excellence, grâce à la formation développée dans nos structures – nos écoles d’art, l’Institut du patrimoine et tant d’autres que je ne peux citer –, à la renommée de nos établissements, comme le Louvre, ou encore à notre ingénierie culturelle, comme l’illustrent le Louvre Abou Dhabi ou le chantier culturel et touristique d’Al-Ula. C’est un précieux atout. Toutefois, si la France est abondamment sollicitée, elle est également concurrencée.
Par conséquent, comment rendre cette expertise patrimoniale plus efficace ? Dans notre rapport d’information sur la question, ma collègue Catherine Morin-Desailly et moi-même avions envisagé des solutions, comme le soutien aux chantiers archéologiques. C’est une vitrine importante. Notre action patrimoniale ne doit pas être considérée comme un enjeu subalterne ; c’est pour nous un instrument de puissance, qui tient presque du hard power.
En ce qui concerne le spectacle vivant et les festivals, un point de vigilance s’impose, en particulier sur le sujet du rééquilibrage entre une politique de l’offre et une meilleure diffusion des crédits. Si le spectacle vivant est bel et bien de retour et que le public est de nouveau présent, il faut donner des garanties et une meilleure visibilité aux différents acteurs. La situation des scènes de musiques actuelles est inquiétante, la rapporteure l’a souligné. Les marges artistiques se réduisent et les charges augmentent. Nous restons évidemment ouverts à l’accompagnement différencié que vous avez proposé, mais nous serons très vigilants quant à son financement.
Nous saluons cependant différentes mesures, comme la revalorisation du fonds festivals, mais aussi les mesures d’accompagnement spécifiques au contexte de l’année 2024, car les inquiétudes s’accroissent à l’approche des jeux Olympiques et Paralympiques. Madame la ministre, nous avons besoin de signes forts : les organisateurs redoutent des annulations de dernière minute en raison de mobilisations destinées à assurer la sécurité des Jeux. Nous serons attentifs à l’indemnisation des festivals qui auront subi des pertes de recettes en raison des Jeux, sans engendrer, je l’espère, un excès de bureaucratie et de frustrations.
Le modèle économique des festivals, déjà fragilisé par la crise sanitaire, est en jeu. Je me permets donc, madame la ministre, de relayer de nouveau les appréhensions des organisateurs. Toutefois, tout ne doit pas être à la seule charge des pouvoirs publics ; aussi, comment peut-on aider les festivals à repenser leur organisation et leur financement ? J’aimerais connaître votre ambition sur ce sujet, car cette réflexion doit être partagée avec les acteurs de ce secteur.
Il y a enfin l’accès à la culture, enjeu capital, en particulier pour les jeunes. L’accès à la culture reste toujours délicat. Je ne veux pas d’une génération sacrifiée.
Je me réjouis de l’extension du pass Culture à de nouveaux publics ; veillons à ce que les usages de ce dispositif profitent bien à ce que la France produit dans le domaine culturel. Évitons d’encourager un usage consumériste de la culture et de réduire le pass à une plateforme d’achats.
Qu’en est-il des autres pratiques, comme l’éducation artistique et l’accès au patrimoine ? Il est indispensable de concevoir un volet d’accompagnement pour le pass Culture, car les offres culturelles sont trop dispersées ; et je ne parle pas des artistes qui renoncent, et c’est compréhensible, à être référencés, en raison de la bureaucratie excessive…
Alors que des crédits importants sont mobilisés, comment faire en sorte que le pass Culture puisse réellement et efficacement entraîner des usages, sans recourir à la politique du carnet de chèques ? Comment faire en sorte qu’il soit un outil d’excellence, qui révèle des vocations et de futurs talents ?
Je ne voudrais pas réitérer ces remarques l’année prochaine,…
Mme la présidente. Veuillez conclure.
Mme Else Joseph. … donc, comment résoudre les difficultés que je viens de souligner, madame la ministre ?
En responsabilité, nous voterons pour les crédits de la mission, qui, malgré tout, apportent des améliorations et une certaine ligne directrice. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos. (MM. Vincent Louault et Martin Lévrier applaudissent.)
Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les aides exceptionnelles accordées aux acteurs de la culture pendant la crise sanitaire ont permis à ces derniers de surmonter tant bien que mal leurs difficultés. L’État et le Parlement se sont fortement mobilisés aux côtés des artistes. Deux ans plus tard, nous pouvons nous en féliciter.
Néanmoins, de nouvelles menaces, liées à la crise énergétique, planent aujourd’hui sur les acteurs culturels. Nombre de structures sont confrontées à des charges fixes en forte augmentation. Dans ces conditions, leur capacité à mener à bien leurs activités de création et de diffusion est fortement compromise. Un véritable risque pèse sur la programmation et l’emploi dans la filière culturelle, avec toutes les conséquences que cela impliquerait du point de vue de l’animation culturelle des territoires et de l’accès à la diversité artistique.
Les établissements labellisés sont tout particulièrement fragilisés par la crise inflationniste. C’est le cas des scènes de musiques actuelles et du secteur des arts visuels, qui sont en train de connaître une véritable dévitalisation. Les soutenir plus fortement, comme le propose la commission de la culture au travers de plusieurs amendements sur cette mission, est une nécessité absolue.
L’effort budgétaire de l’État en faveur de la création et de la diffusion artistiques en 2024 est certes louable, mais je crains que les financements proposés dans ce projet de loi de finances ne soient pas à la hauteur des enjeux. Ils ne permettront pas de compenser comme il conviendrait la hausse généralisée des coûts subie par les structures.
En ce qui concerne la démocratisation de la culture, nous devons nous réjouir du succès du pass Culture, qui permet à de nombreux jeunes de la France entière d’accéder aux biens culturels de leur choix. Toutefois, prenons garde d’en faire simplement un chèque de consommation à partir des goûts arrêtés à l’âge de 18 ans.
Ce dispositif doit aussi favoriser le développement des pratiques culturelles des jeunes. C’est pourquoi je me félicite de la part mutualisée qui est allouée aux collégiens ; je regrette simplement que beaucoup de professeurs ne soient pas assez accompagnés par des formations en éducation artistique et culturelle pour mener des projets intéressants. Permettez-moi également, madame la ministre, de vous alerter sur le manque d’accessibilité de certaines pratiques pour nos élèves atteints de handicap.
Le programme « Patrimoines » est, quant à lui, particulièrement bien doté dans le projet de loi de finances pour 2024, avec 1,2 milliard d’euros en crédits de paiement. Cela représente une augmentation de 8 %, que je tiens à saluer. Une part non négligeable de ces crédits est destinée au financement de grands projets d’investissement, certains en dehors de Paris, comme la restauration du grand cloître de l’ancienne abbaye de Clairvaux ou de la cathédrale de Nantes, d’autres en Île-de-France, comme la rénovation du centre Pompidou ou l’extension du site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine. Nos rapporteures pour avis se sont émues du fait que la quasi-totalité des crédits ouverts en autorisations d’engagement soit destinée à des projets situés dans le périmètre de la région capitale. Il s’agit pour elles d’un point de vigilance ; pour ma part, en tant que Francilienne, je m’en réjouis… (Sourires.)
S’agissant de projets de moindre ampleur, plusieurs sites essonniens remarquables ont pu être accompagnés par la mission Patrimoine confiée à Stéphane Bern, déployée par la Fondation du patrimoine et soutenue par les services du ministre de la culture : le parc Boussard à Lardy en 2020, le château de Montagu à Marcoussis en 2021, la chapelle Saint-Blaise-des-Simples à Milly-la-Forêt en 2022 et les kiosques du centre hospitalier de Bligny à Briis-sous-Forges en 2023.
Je souhaite par ailleurs évoquer le patrimoine religieux de nos petites communes rurales, un sujet qui m’est cher.
Dans le droit fil du rapport d’information de nos collègues Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon, le Président de la République a décidé un plan d’action ambitieux destiné à accélérer la restauration et l’entretien de ces édifices au cœur de nos villes et de nos villages, qui constituent une part de l’âme de la France. Le présent projet de loi accompagne cet élan avec le relèvement du taux du crédit d’impôt accordé aux particuliers. C’est une excellente mesure.
Enfin, nous savons que la prévention face au changement climatique passe à la fois par la réduction de notre consommation d’énergie et par l’amélioration de ce que nous appelons désormais la performance environnementale des bâtiments. La transition écologique du bâti ancien à préserver représente un défi tout particulier, dans la mesure où il s’agit de rénover ce bâti sans porter atteinte à sa valeur patrimoniale.
Je soutiens pleinement notre rapporteur pour avis, qui a déposé un amendement portant sur l’extension aux travaux intérieurs réalisés à des fins de rénovation énergétique l’avantage fiscal lié au label délivré par la Fondation du Patrimoine, qui est actuellement limité aux travaux extérieurs.
La culture est le creuset du vivre-ensemble. Les défis à relever sont immenses tant les liens sociaux semblent se déliter au sein de notre société. J’appelle donc de mes vœux une mobilisation collective pour favoriser l’accès de tous les Français à la culture et à la création, dans tous les territoires. Madame la ministre, nous vous accompagnerons dans cette voie.
Pour ces différentes raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Nicole Duranton applaudit également.)
Mme Sonia de La Provôté. Madame la ministre, avant toute chose, je tiens à dire que nous nous réjouissons de l’augmentation sensible du budget de la culture.
Toutefois, une analyse plus fine des répartitions et des choix s’impose. En effet, si l’on peut se féliciter du retour du public aux spectacles, qui sont presque revenus à l’étiage d’avant la covid-19, le contexte inflationniste affecte fortement les structures et les équipes et va jusqu’à perturber les programmations des saisons et des festivals. Tout coûte plus cher et la variable d’ajustement réside dans la marge artistique. Or la compensation incomplète, par ce budget pourtant en hausse, des surcoûts subis colmate difficilement les brèches d’un système dont la résistance s’émousse, sapant les bases d’un réseau culturel construit depuis tant d’années pour assurer la diversité de l’offre, des acteurs et des structures, une diversité vitale, qui apporte un ailleurs et d’autres possibles à tous les publics.
Ce budget est dit « de transformation et de transition », mais il nous semble que l’urgence est surtout à la sécurisation. On ne transforme bien que ce qui est solide, sous peine de perdre plus en efficacité et en efficience que ce l’on gagne par ailleurs.
Ainsi, dans le secteur de la création, l’effort budgétaire de 3,1 % ne permettra pas aux structures concernées de faire face à l’envolée des dépenses fixes, au détriment des marges artistiques. Tout l’écosystème est touché, car cette alerte vaut aussi pour les collectivités, qui assument majoritairement le financement, dans un contexte pourtant rude. Elle vaut aussi pour les festivals, dont le lien avec ces établissements engendre une émulation culturelle fructueuse sur leur territoire d’attache. Nombre d’entre eux sont compromis par cette situation.
Le nouveau plan Mieux produire, mieux diffuser constituerait la réponse aux difficultés du secteur, car il serait « transformant ». L’État mise sur un effet de levier des crédits, espérant une contribution équivalente des collectivités, dont la situation financière est pourtant, je le répète, peu enviable. Le Gouvernement attend de cette mesure une économie de 10 millions d’euros des établissements. C’est un pari ambitieux, d’autant qu’il reste à engager un important travail de coopération entre État et collectivités. À suivre, donc ; rationaliser, oui, mais pour renforcer les marges artistiques.
Mêmes maux, mêmes effets ; autre point d’alerte : les scènes de musiques actuelles, qui peinent à s’équilibrer, au détriment du soutien à l’émergence des artistes. La commission de la culture propose un amendement visant à garantir un plancher minimal revalorisé de la part de l’État ; nous comptons sur votre soutien.
Enfin, comme tous les ans, nous déplorons la place réduite réservée aux arts visuels dans ce budget. Pourtant, ils sont très présents dans nos territoires, au travers des dispositifs de monstration, des expositions, des résidences et des échanges nombreux entre les artistes et tous les publics. Ce secteur a un besoin vital d’être mieux structuré, avec un observatoire réel des pratiques, mais cela a un coût. Or seulement 10 % des crédits du plan Mieux produire, mieux diffuser leur sont consacrés. Nous soutenons la proposition de la commission visant à augmenter cette aide, en écho à leur rôle majeur, à l’échelon tant local que national.
Pour le programme 361, le Gouvernement propose un accroissement de l’accompagnement des établissements d’enseignement supérieur. En effet, ces derniers, exposés aux mêmes difficultés que les autres structures culturelles, voient leurs moyens renforcés pour faire face à l’inflation et investir dans la rénovation des équipements.
Les écoles nationales d’architecture sont dotées de 15 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement et de 5 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement. C’est une bonne nouvelle, en attendant une future stratégie nationale pour l’architecture.
C’est un premier pas pour accompagner des métiers en pleine évolution et qui sont nécessaires aux élus locaux : les besoins de formation, notamment de formation continue, croissent de manière exponentielle et les pratiques sont transformées radicalement par la transition écologique.
En revanche, la situation des trente-trois écoles territoriales supérieures d’art est, pour le coup, inquiétante : près d’un tiers d’entre elles finiront l’exercice 2023 en déficit. Bien que financées en moyenne à 80 % par les collectivités territoriales, elles remplissent des fonctions nationales. Comme cela est indiqué dans le rapport de Pierre Oudart, elles « n’ont jamais été, depuis près de quinze ans, vraiment défendues sur le plan budgétaire au sein de l’appareil d’État ». Ce budget doit traduire le renforcement du soutien apporté à ces écoles ; tel est l’objet d’un amendement de la rapporteure pour avis, qui est soutenu par le groupe Union Centriste.
J’en viens à la démocratisation culturelle, dont le budget est dominé – le mot est faible – par le pass Culture. Si ce dispositif évolue dans le bon sens, avec l’élargissement de sa part collective dans le cadre scolaire, il n’en reste pas moins un outil de l’éducation artistique et culturelle et ne saurait constituer une politique en soi.
Pour tous les acteurs de la culture, il est le symbole du fait que là où il y a une volonté politique, il y a un budget… En effet, depuis sa création, son budget croît de façon audacieuse, pour ne pas dire insolente, alors qu’il peine encore à faire ses preuves : dans sa dimension individuelle, le pass reste une plateforme d’achat, une offre sans médiation. Quant à sa part collective, elle bouleverse l’éducation artistique et culturelle, sans la remplacer. Entre difficultés de référencement pour les acteurs historiques et vision consumériste de cette éducation, ce projet ne bénéficie pas pour le moment d’une véritable construction s’inscrivant dans le temps long. Bref, le compte n’y est pas…
Pour terminer, abordons le budget du programme « Patrimoines », qui connaît une croissance substantielle. Pourtant, il creuse, en quelque sorte, les failles des budgets précédents. Nous attendons encore un ministère stratège en matière de patrimoine. Le fait d’orienter presque tout sur les opérateurs et le patrimoine classé ou inscrit de l’État n’exonère pas d’avoir une vision globale et d’accompagner le reste.
Prenons en exemple l’un des objectifs phares du ministère : les églises et les bâtiments cultuels présents dans toutes nos communes. Dans leur excellent rapport, nos collègues Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias avaient identifié ces bâtiments comme prioritaires et nécessitant un plan global d’accompagnement. Qu’en est-il ressorti ? Le loto du patrimoine, la collecte de dons par la Fondation du patrimoine et, en cas de besoins complémentaires pour un édifice communal, la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux) et la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local), bref des crédits d’un autre ministère. La réponse se trouve donc largement en dehors du ministère de la culture…
En ce qui concerne la dimension paysagère du patrimoine et la politique de sites patrimoniaux remarquables, on n’observe pas d’évolution. Je rappelle pourtant le sujet des éoliennes et des panneaux photovoltaïques, qui peuvent nuire à la préservation des paysages. Il appartient au ministre d’être vigilant à cet égard.
J’en viens au DPE. On peine à voir ses critères évoluer en faveur du patrimoine. Notre rapporteur pour avis, Sabine Drexler, en a fait un combat sans relâche ; nous la soutenons. C’est bien au ministre de la culture de remporter cette bataille et d’alerter sur la perte irréparable que constitue la disparition d’huisseries anciennes et de boiseries au profit de matériaux modernes plus isolants.
Je termine par les crédits d’entretien, essentiels pour éviter les atteintes graves au bâti. Les crédits dans ce domaine ne bougent pas, malgré nos alertes répétées des dernières années. Pis, il y a une forte sous-consommation des crédits destinés aux monuments historiques n’appartenant pas à l’État. Madame la ministre, il faut suivre attentivement ces crédits et renforcer les effectifs des Udap et des Drac, afin que la veille soit assurée et que les conseils utiles soient donnés aux maires.
Ce budget en hausse si manifeste dans un contexte de disette budgétaire mérite évidemment notre soutien. Pour autant, il devrait également être le support du combat en faveur de la diversité culturelle et de son expression large et incontournable dans tous les territoires. Ce combat passe par le renforcement du soutien apporté à la politique culturelle des collectivités locales, soutien quasi absent de ce budget. Rappelons tout de même que la décentralisation de la culture est aussi un enjeu de sobriété énergétique. Il s’agit de coconstruire, de « cochoisir », de codécider, de faire mieux ensemble !
Il n’y a pas de futur dans une société sans culture. C’est pourquoi le groupe UC votera pour ce budget. Néanmoins, j’y insiste, il appelle également de ses vœux un projet commun entre nos territoires et un ministère qui oserait enfin grandir, franchir les frontières et évoluer hors de ses murs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)