Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec un montant total de 32 milliards d’euros de crédits de paiement proposés en 2024, la mission « Recherche et enseignement supérieur » est la quatrième mission du budget général. Il s’agit également d’une mission dynamique, dont le budget global devrait augmenter de 3 % cette année.
Cette dynamique est un signal important au regard de la situation dégradée de nos finances publiques, alors que le déficit du budget général est évalué à 138 milliards d’euros pour l’année 2024.
Après avoir laissé ma corapporteure évoquer dans le détail les questions qui concernent la vie étudiante et le budget des universités, je vais me concentrer sur les programmes budgétaires qui financent la recherche publique dans notre pays.
Pour commencer, je tiens à rappeler l’importance qu’a revêtue l’adoption de la loi de programmation de la recherche au mois de décembre 2020. Alors que le monde de la recherche publique traversait une période d’incertitude nourrie par un phénomène de désinvestissement progressif, il était indispensable de réaffirmer notre ambition comme acteur majeur de la recherche à l’échelle européenne et mondiale.
Cette réaffirmation a été à la fois l’objectif et l’enjeu du débat parlementaire qui s’est tenu à la fin de l’année 2020 autour de l’adoption de cette programmation pluriannuelle. Le texte adopté a adressé un signal fort de soutien aux communautés de recherche : la représentation nationale a ainsi pris l’engagement de financer la recherche publique à la hauteur de nos ambitions.
Il est nécessaire d’avoir ces éléments en tête lorsque nous examinons chaque année les projets de loi qui mettent en œuvre, depuis 2021, la programmation que nous avons adoptée.
Dans le cadre de notre examen des crédits des programmes finançant la recherche publique, je voudrais attirer votre attention sur deux aspects saillants du budget qui nous est proposé.
En premier lieu, force est de constater que les montants inscrits dans la LPR sont respectés. Même si ces montants, comme j’y reviendrai, ne tiennent pas compte de l’inflation, ils correspondent à la trajectoire prévue par la programmation.
Par conséquent, les programmes de la recherche publique bénéficient d’une hausse de 540 millions d’euros en un an. Ces moyens supplémentaires correspondent pour plus de 60 % à l’exécution des mesures inscrites dans la LPR, dont notamment des mesures d’attractivité pour les chercheurs et le recrutement de nouveaux effectifs.
À cet égard, il convient également de saluer le redressement du taux de succès des candidatures déposées auprès de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui a été porté de 19 % en 2020 à 24 % en 2023 grâce à l’augmentation durable de ses crédits d’intervention.
Il faut saluer le fait que la feuille de route adoptée par le Parlement soit suivie année après année ; je salue également le choix de ne pas renoncer à ces dépenses de long terme, qui auront un effet positif sur notre croissance potentielle et notre prospérité économique.
Cependant, j’aimerais, en second lieu, tempérer cette appréciation au regard de la vitesse à laquelle la conjoncture a évolué depuis l’adoption de la LPR.
Dès son examen en première lecture au Sénat, la commission des finances, dont j’avais été désigné rapporteur pour avis, avait alerté sur les incertitudes pesant sur les hypothèses sous-jacentes à la programmation. Nous avions déjà estimé qu’une programmation sur une durée particulièrement longue – dix ans – risquait d’être remise en cause en cas de renversement de la conjoncture.
C’est pour cette raison que le Sénat avait insisté pour maintenir dans la loi une clause de revoyure tous les trois ans, afin de pouvoir actualiser la programmation et la mettre en cohérence avec l’évolution de son environnement. Or nous constatons aujourd’hui que, malgré l’engagement pris par le Gouvernement à l’époque, aucun exercice d’actualisation de la programmation n’est à l’ordre du jour.
Madame la ministre, pourriez-vous dire très nettement devant cette assemblée si le Gouvernement a l’intention ou non de respecter les dispositions de l’article 3 de la LPR ? Avez-vous l’intention de réaliser un exercice d’actualisation de la programmation ? Sous quelle forme ? À quelle échéance ?
Au regard de la hausse de l’inflation liée aux bouleversements géopolitiques intervenus depuis, j’estime que le risque que nous avions identifié en 2020 était fondé et que l’actualisation de la LPR est non seulement une obligation qui résulte de son article 3, mais aussi une nécessité pour préserver les ambitions initiales que la loi avait fixées.
Enfin, sans anticiper sur les remarques que formulera le rapporteur général, qui présentera un amendement sur la participation de la trésorerie du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à la consolidation publique, j’aimerais insister sur un enjeu commun à ces deux sujets : la sincérité du budget que nous votons annuellement.
Depuis plusieurs années, le Gouvernement nous explique que les hausses de coûts non compensées sont couvertes par les marges de trésorerie des opérateurs de la recherche publique.
Si ces opérateurs disposent de fonds de roulement qui leur permettent d’absorber plusieurs années successives de hausse des coûts de l’énergie, tant mieux ! Mais pourquoi ces marges de trésorerie ne figurent-elles pas dans la programmation initiale ?
L’un des enjeux de l’exercice d’actualisation législative de la LPR est de dresser un état des lieux de la trésorerie et du fonds de roulement des opérateurs.
M. Max Brisson. Absolument !
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. S’il existe une marge sur ce fonds de roulement, la bonne méthode consiste à ce qu’elle soit intégrée dans la programmation, plutôt que nous découvrions à chaque projet de loi de finances que le ministère prévoit de rogner cette trésorerie.
Tant que ces marges de trésorerie ne sont pas intégrées à la programmation, nous ne pouvons exercer un contrôle « à l’euro près », comme la situation actuelle des finances publiques l’exige. Voilà encore une bonne raison de procéder rapidement à l’actualisation législative de la LPR !
Comprenez que notre objectif, en tant que parlementaires, est non pas de réduire les moyens mis à la disposition des opérateurs de recherche, mais de nous assurer que les crédits que nous votons chaque année sont mis en face de besoins clairement identifiés.
La ponction de trésorerie proposée est sans incidence sur les dépenses programmées par le CNRS pour cette année et pour les années suivantes, et je veux réaffirmer clairement notre attachement aux objectifs fixés par la LPR.
Pour autant, si plusieurs années de sous-exécutions conduisent à accumuler des montants importants en trésorerie pour les opérateurs, il est légitime que la représentation nationale veille à la participation de ces opérateurs à la consolidation des comptes publics. Comme pour l’actualisation de la LPR, il s’agit d’un enjeu de clarté pour nos concitoyens et de sincérité dans le cadre du débat budgétaire.
Ce que nous demandons est simple : une programmation actualisée, conformément à la loi, et une vision claire sur la trésorerie des opérateurs, pour un débat éclairé.
Pour autant, et comme je l’indiquais en introduction de mon propos, dès lors que la progression du budget se poursuit conformément à la LPR, la commission a décidé d’adopter les crédits proposés pour la partie de la mission consacrée à la recherche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Garnier, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout comme le rapporteur spécial, je salue la conformité du budget 2024 à la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, dont notre collègue Laure Darcos était la rapporteure.
L’exécutif augmente en effet les crédits du programme 172, « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » de 347 millions d’euros par rapport à l’année passée.
Je salue donc le respect des engagements pris par le Gouvernement, tout en regrettant l’affaiblissement structurel de la recherche française. La crise du covid-19 et l’absence de découverte française d’un vaccin ont d’ailleurs joué un rôle d’électrochoc et de révélateur de l’état de la recherche en France.
Alors que les dépenses de recherche augmentent dans les autres grandes nations scientifiques, elles stagnent chez nous à 2,2 % du PIB. Ce taux diminue même légèrement entre 2021 et 2022. Pour mémoire, il est de 2,8 % aux États-Unis et de 3 % en Allemagne, où l’objectif est d’atteindre 3,5 %. Chez nos voisins, le financement public de la recherche a dépassé les 1 % du PIB, quand nous restons sous la barre de 0,8 %.
Au-delà de la sphère biomédicale, c’est bien la souveraineté de la France qui est en jeu. Le financement de notre recherche, qu’elle soit publique ou privée, souffre d’un véritable millefeuille organisationnel.
Madame la ministre, vous nous avez assuré que le financement des récentes mesures salariales par les fonds de roulement des établissements de recherche serait strictement limité au budget 2024. Il est évident que cette mesure, mal accueillie au sein des organismes de recherche, ne saurait être pérenne.
Alors que nous attendons toujours les annonces relatives à l’installation des nouvelles agences de programme, celles-ci ne sauraient se contenter de n’être que le nouveau nom des alliances thématiques de recherche. Ces nouvelles agences devront être au service d’une volonté politique d’axer la recherche sur certains enjeux saillants, à l’instar de ce qu’ont initié les programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR).
Je terminerai mon propos en évoquant la féminisation des métiers de la recherche, pointée dès 2020 par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Trois ans plus tard, seulement 29 % des chercheurs français sont des femmes.
Ayant été rapporteure de la loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, je constate que le plafond de verre demeure très présent dans la recherche française.
Avec le nouveau baccalauréat, cette tendance pourrait encore se renforcer. Dès lors, il était urgent de réintroduire les mathématiques dans les matières obligatoires de la classe de première.
Ces observations faites, compte tenu du respect de la trajectoire fixée par la LPR et du cadre budgétaire contraint de notre pays, la commission de la culture a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2024. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je salue évidemment l’augmentation de près de 500 millions d’euros des crédits dédiés à l’enseignement supérieur et à la vie étudiante. Cependant, je souhaite également relayer certains points qui ont interpellé la commission de la culture.
Pour la première fois, une mesure interministérielle de revalorisation salariale n’est pas intégralement compensée par l’État en année pleine, mais seulement à hauteur de 50 %. Cela doit être exceptionnel et ne peut perdurer au-delà de 2024, sous peine de durablement grever le budget des établissements d’enseignement supérieur.
Plus largement, il faut mettre fin aux non-compensations, même temporaires, de coûts liés à des annonces gouvernementales. Dans cet hémicycle, nous sommes nombreux à avoir été élus locaux et nous ne connaissons que trop bien cette tendance de l’État à faire prendre en charge par d’autres ses annonces politiques.
Pour les universités, l’addition devient particulièrement élevée. Depuis 2020, entre le glissement vieillesse technicité (GVT) et la compensation tardive ou partielle des annonces de revalorisation salariale, celles-ci ont dû puiser pas moins de 600 millions d’euros dans leurs fonds propres.
J’en viens maintenant à l’attribution des dotations aux établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig). Depuis plusieurs années, je vous alerte régulièrement sur l’absence de critères dans l’attribution de ces dotations. Il en résulte d’importantes différences de participation de l’État par élève entre les Eespig, qui ne se justifient pas.
À de nombreuses reprises, j’ai interpellé le ministère pour introduire davantage de transparence dans les critères d’attribution de ces dotations. J’espère, madame la ministre, que cette demande sera entendue très prochainement.
De manière générale, il est essentiel de trouver un équilibre dans l’écosystème des formations de l’enseignement supérieur. L’enseignement privé y a bien évidemment toute sa place, mais il reste nécessaire d’examiner certaines des formations proposées par des établissements d’enseignement supérieur privés à but lucratif, qui ne sont ni contrôlées ni reconnues.
Enfin, je conclurai mes propos en évoquant la nouvelle plateforme SOLTéA, par laquelle s’effectue la collecte du solde de la taxe d’apprentissage. Sa mise en œuvre, au bas mot laborieuse, a été en réalité plutôt proche de la catastrophe industrielle.
Bien loin de la simplification promise pour les entreprises et les établissements d’enseignement destinataires de cette taxe, la plateforme a connu des dysfonctionnements majeurs, qui se sont traduits par d’importants retards dans le versement des sommes dues aux mêmes établissements.
Se pose désormais la question du fonds libre, c’est-à-dire la part du produit de la taxe qui n’a pu être affectée. Madame la ministre, nous serons attentifs aux éléments que vous pourrez nous indiquer concernant le montant de ce fonds libre et les critères de répartition retenus. Des mesures ont-elles été prises pour que les entreprises et les établissements d’enseignement ne rencontrent pas les mêmes difficultés l’année prochaine ?
Sous le bénéfice de ces observations, la commission de la culture est favorable à l’adoption des crédits de l’enseignement supérieur pour 2024. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, les crédits de la mission interministérielle pour la recherche et l’enseignement supérieur sont en hausse. Pour sa quatrième année de mise en œuvre, la trajectoire de la loi de programmation de la recherche est respectée, en matière tant budgétaire que d’emplois.
Ainsi, j’ai pu constater que les personnes auditionnées sont globalement satisfaites de ce budget, même si elles demeurent soucieuses des effets durables de l’inflation.
En 2020, le Sénat avait pourtant attiré l’attention du Gouvernement sur le fait que la trajectoire budgétaire prévue par la LPR était calculée en euros courants, c’est-à-dire sans tenir compte de l’inflation. À l’époque, le Gouvernement nous avait répondu que l’inflation était une donnée économique qui appartenait au passé.
Cette situation est d’autant plus dommageable que la LPR aurait pu être actualisée dès cette année, son article 3 prévoyant une clause de revoyure au moins tous les trois ans. Ce travail n’a pas été fait par le Gouvernement ; j’espère qu’il le sera, de façon concertée, transparente et en association avec le Parlement, dès l’année prochaine.
La LPR mérite d’autant plus d’être actualisée que les budgets des établissements de recherche sont fortement affectés par l’inflation et la hausse des prix de l’énergie, les mesures de revalorisation salariale et les surcoûts énergétiques n’étant que partiellement compensés.
Clairement, les objectifs de la LPR ne doivent pas être détournés pour amortir les surcoûts engendrés par la situation actuelle. Cette loi doit avant tout permettre de soutenir nos activités de recherche et de porter notre effort national de recherche à 3 % du PIB, alors que nous stagnons depuis plusieurs années à seulement 2,2 %.
Nous accusons un retard certain vis-à-vis de nos voisins européens. Je souhaiterais tout de même saluer le renforcement de deux politiques indispensables à notre compétitivité, à notre souveraineté et à notre réindustrialisation.
Je pense d’abord au renforcement de la recherche nucléaire et de la politique y afférente qui permet enfin d’avoir un budget cohérent avec les objectifs de relance de la filière nucléaire civile.
Ainsi, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, fer de lance de la recherche nucléaire en France et en Europe, voit son budget augmenter de 340 millions d’euros et ses effectifs s’accroître de 204 équivalents temps plein, l’objectif étant de recruter 500 ETP supplémentaires dans les prochaines années pour soutenir le développement de nouvelles technologies.
Ensuite, la politique spatiale est renforcée de manière continue, même si la France figure désormais à la deuxième place des contributeurs au budget de l’Agence spatiale européenne, derrière l’Allemagne. L’enjeu pour la France est désormais d’assurer un bon retour sur investissement en fonction de ses priorités politiques, industrielles, scientifiques et technologiques.
Des progrès indéniables ont donc été réalisés ces dernières années ; pour autant, nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers, car d’importants travaux nous attendent.
Je pense en particulier à la réforme du crédit d’impôt recherche. Alors que le Gouvernement s’était engagé, l’an dernier, à présenter cette année une réforme du dispositif, je constate que, là encore, rien n’a été proposé.
Tels sont, mes chers collègues, les éléments sur lesquels la commission des affaires économiques souhaitait insister et qu’elle entendait porter à votre connaissance. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean Hingray. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean Hingray. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après la vision macroéconomique défendue par les orateurs précédents, notamment par Amel Gacquerre, je voudrais en venir à une vision microéconomique, et vous parler du terrain.
Maxime a 20 ans. Il est étudiant en licence à l’université de Lorraine, et, comme beaucoup d’étudiants, il rencontre des difficultés. À la fin du mois, lorsqu’il a payé son loyer et l’ensemble de ses charges, il ne lui reste qu’une centaine d’euros pour vivre.
Comme un nombre trop important d’étudiants, Maxime doit parfois sauter des repas, faute d’argent. Un boulot en poche, il vit à cent à l’heure, fait des sacrifices et renonce à de nombreux loisirs. Trois jours par semaine, de dix-neuf heures à vingt-trois heures, il livre des repas.
Mais depuis quelques mois, Maxime respire un peu plus. Vous avez su, madame la ministre, prendre en compte les difficultés des étudiants, notamment en revalorisant la bourse de Maxime de trente-sept euros par mois. Malgré l’inflation, ses frais d’inscription en troisième année de licence n’ont pas augmenté, une année de plus. Maxime peut également se nourrir pour un euro au centre régional des œuvres universitaires et scolaires.
Que de chemin parcouru pour lui qui, voilà encore peu de temps, faisait comme beaucoup d’étudiants la queue aux Restos du Cœur !
Vous avez fait le choix, madame la ministre, de réformer le calcul des bourses sur critères sociaux, avec pour objectif d’en augmenter le nombre de bénéficiaires, de réévaluer les montants alloués et de supprimer les effets de seuil. Maxime a pu en profiter, ainsi que plusieurs de ses amis étudiants.
Mes chers collègues, nous disons souvent quand les choses vont mal, mais nous devons aussi reconnaître quand elles vont bien, tout du moins lorsqu’elles s’améliorent.
La route est encore longue, madame la ministre, mais nous reconnaissons les efforts encourageants réalisés par le Gouvernement depuis quelques mois. Les promesses ont été tenues, j’y reviendrai au sujet de la loi issue d’une proposition de Pierre-Antoine Levi que nous avons ardemment soutenue.
Pour l’année 2024, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s’élèvent à 32,32 milliards d’euros en autorisation d’engagement et à 31,82 milliards d’euros en crédit de paiement, soit une hausse de 3,5 %.
Les mesures découlant de la loi de programmation de la recherche contribuent à l’augmentation des moyens de la mission à hauteur de 500 millions d’euros.
Les hausses successives du point d’indice, compensées à hauteur de 500 millions d’euros en 2023 et de 215 millions d’euros supplémentaires en 2024, expliquent en grande partie l’augmentation des dépenses de la mission.
Toutefois, pour 2024, le coût du rehaussement du point d’indice n’est qu’à moitié compensé pour les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, qui devront donc mobiliser leurs fonds propres pour couvrir l’autre moitié, qui restera à leur charge.
Entre 2022 et 2025, les crédits de cette mission devraient croître au total de près de 3 milliards d’euros, ce dont nous nous réjouissons.
Avec ce budget en hausse, ce n’est pas uniquement le niveau de vie de Maxime qui s’améliore. C’est aussi, de manière globale, celui de l’ensemble des fonctionnaires rattachés au monde de l’enseignement supérieur, la revalorisation du point d’indice leur permettant de faire face à une inflation très présente.
Avec ce budget offensif, les enseignants-chercheurs voient leurs conditions de travail s’améliorer. Plus de 27 millions d’euros sont inscrits pour la revalorisation des traitements, mais aussi pour de nombreux recrutements.
Il faut encore améliorer les choses. De nouvelles mesures doivent être prises pour agir sur des loyers qui demeurent souvent trop élevés, surtout dans les grandes villes.
D’autres pistes d’amélioration sont envisageables. Nous pourrions, par exemple, développer les études supérieures dans des villes où le coût de la vie est moindre, ou encore élargir à l’ensemble des étudiants l’offre de restauration à 1 euro, afin de lutter contre l’inflation. Cette proposition représenterait certes un coup, mais ce serait un geste à destination de nos étudiants. Le Gouvernement l’avait fait une année ; cette mesure est donc opérable.
Je pourrais aussi citer d’autres propositions formulées par mon collègue Laurent Lafon dans son rapport d’information sur les conditions de la vie étudiante en France, comme le déploiement du label qualité résidences étudiantes expérimenté par l’Association des villes universitaires de France, visant à garantir de bonnes conditions d’accueil aux étudiants logés en résidences, ou encore le développement de services adaptés aux besoins des étudiants tels que des épiceries sociales et solidaires.
Nous devons agir aussi pour permettre aux étudiants de mieux concilier activité salariée et études. En raison de leur rythme particulier, il est souvent difficile pour les étudiants d’occuper un emploi autre que précaire.
Il faudrait s’intéresser à la création d’emplois spécifiquement destinés aux étudiants et, dans l’absolu, en lien avec leurs études. N’oublions pas que 57 % des étudiants salariés considèrent que leur travail n’a aucun lien avec leur formation, tandis que 48 % d’entre eux estiment que leur activité professionnelle a des conséquences négatives sur leurs études et leur bien-être.
Le déploiement d’emplois sur les campus, qui demeurent encore trop peu développés, est une piste à étudier.
Mes chers collègues, comment terminer mon propos sans évoquer la loi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, de notre collègue Pierre-Antoine Levi ?
Cette loi permet aux étudiants qui ne peuvent pas se restaurer dans un Crous, car ils résident dans les territoires ruraux, de montagne, ou dans de petites ou moyennes villes, d’accéder à une restauration de qualité.
Madame la ministre, en concertation avec Bercy et le Président de la République, vous aviez pris l’engagement de mettre 25 millions d’euros sur la table dès cette année, et d’accorder ensuite 25 millions supplémentaires pour la mise en œuvre de ce texte. Nous vous attendons de pied ferme, dans les Vosges ou dans le Tarn-et-Garonne de notre ami Pierre-Antoine Levi, pour la mise en place de ce dispositif, que ce soit avec des acteurs institutionnels ou, pourquoi pas, privés.
Nous tenons également à saluer les 10 millions d’euros consacrés au renforcement de l’accompagnement des étudiants en situation de handicap, sujet qui nous tient particulièrement à cœur.
Madame la ministre, nous vous remercions d’avoir tenu vos promesses : cela peut sembler parfois rare en politique, et les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent – je suis bien placé pour le savoir –, mais vous avez su le faire à propos du repas à tarif modéré.
Même s’il reste encore beaucoup à faire, le groupe de l’Union centriste votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mathilde Ollivier. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mathilde Ollivier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons les crédits alloués aux programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Oui, ce projet de loi de finances pour 2024 entérine les engagements pris par le Gouvernement pour respecter la trajectoire de la loi de programmation de la recherche. Oui, madame la ministre, les augmentations de crédits permettent de se conformer aux prévisions budgétaires.
Pourtant, nous ne partageons pas les grandes lignes de cette continuité. À l’origine, nous étions déjà opposés à la loi de programmation de la recherche. Aujourd’hui, naturellement, le groupe écologiste ne se retrouve ni dans vos engagements ni dans les directions prises en matière de recherche.
Si l’augmentation des moyens de l’Agence nationale de la recherche et le succès des appels à projets sont de bonnes nouvelles, nous continuons toutefois à donner l’alerte quant à la généralisation d’un système qui n’est pas viable dans le temps.
Le taux de succès des appels à projets, qui a progressé en 2022 pour atteindre 24 %, ne doit pas faire de ce processus la norme. Il doit plutôt s’agir d’un complément à des financements récurrents. Maintenons un effort de financement pérenne important, afin de garantir à notre recherche son efficacité et son excellence.
La recherche est également frappée de plein fouet par le contexte inflationniste. La précarité touche notamment les enseignants vacataires, souvent payés moins du tiers du salaire horaire minimum. Nous proposons une revalorisation plus ambitieuse des métiers de la recherche.
Nous, écologistes, portons l’idée de basculer collectivement vers une recherche qui se conjugue avec les défis de notre temps. Quand nous comparons le budget du programme 193, « Recherche spatiale », à celui d’autres programmes, nous sommes en droit de nous interroger sur les objectifs du ministère…
La COP28 s’est ouverte hier. Nous nous trouvons à un moment charnière de notre histoire. Pour nous, la recherche est et doit rester un pilier, un support fondamental de la planification écologique de notre pays.
J’illustrerai mes propos par un exemple, celui de la rénovation énergétique des bâtiments. Aujourd’hui, 16 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent du secteur du bâtiment : le défi est colossal. Nous devons optimiser notre foncier et centrer nos actions sur les rénovations.
Or la filière du bâtiment se caractérise par la faiblesse des investissements consacrés à l’innovation. Il est pourtant essentiel de soutenir la recherche dans les secteurs qui participent à l’adaptation au dérèglement climatique. En ce sens, nous avons déposé un amendement visant à augmenter le budget du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).
Enfin, je regrette que la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne soit pas le « poumon vert » de ce projet de loi de finances pour 2024.
J’en viens à l’enseignement supérieur, pour lequel ce projet de loi de finances n’est pas le choc budgétaire espéré. Les répercussions d’années de sous-investissement dans ce domaine sont toujours visibles au grand jour. Le contexte inflationniste vient grandement aggraver cette situation. On constate une fragilisation généralisée du modèle économique de nos universités et de nos Crous.
Oui, nous pouvons saluer la nécessaire réforme du calcul des bourses, qui reposait auparavant sur un système dépassé et inadapté. La revalorisation des plafonds de ressources à 6 % permet de prévoir l’entrée dans le dispositif de 35 000 nouveaux boursiers. Mais cette réforme n’est pas suffisante, car elle ne permet pas d’endiguer la précarité étudiante ni de compenser les effets de l’inflation.
Vendredi dernier, je me suis rendue à une distribution alimentaire pour des étudiants. Sur place, plus de 50 % des jeunes faisant la queue n’étaient pas éligibles aux bourses sur critères sociaux. Nous voyons bien ici une limite de notre modèle. Ne banalisons pas le fait que les étudiantes et étudiants ne mangent pas à leur faim, ne banalisons pas le fait que nos jeunes se nourrissent principalement de pâtes.
Les écologistes défendent – je remercie à cet égard ma collègue Monique de Marco – le principe d’une allocation d’autonomie universelle d’études afin de sortir notre jeunesse de cette précarité grandissante. Ainsi, nous travaillons sur une mission centrale pour l’avenir de notre nation. La recherche et l’enseignement supérieur sont deux projets intimement liés.
Le budget proposé par le Gouvernement n’apporte pas les réponses suffisantes aux urgences du moment. Il ne suffit pas de proclamer des objectifs pour qu’ils soient tenus. Nous avons besoin de protection : il faut protéger notre recherche pour répondre aux défis écologiques et sociaux ainsi que notre jeunesse pour construire la société de demain.
Nous saluons les efforts budgétaires, mais les objectifs restent en deçà de nos attentes. À moins de bouleversements significatifs, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)