Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.

Dimanche, nous avons été bouleversés par un triple infanticide commis dans le Val-de-Marne. Un père a tué de ses mains à son domicile ses trois petites filles âgées de 4 à 11 ans.

Cet homme avait été condamné en 2021 pour violences sur conjoint, mais aussi sur mineur, sur l’une de ses filles. Il avait été condamné à dix-huit mois de prison, dont douze avec sursis, assortis d’une interdiction d’approcher les victimes.

Au même moment, sa femme avait déposé une plainte pour viol conjugal, qui avait bien entendu été classée sans suite, comme c’est presque toujours le cas…

Depuis le printemps 2023, cette femme et ses enfants n’étaient plus protégées ni par une interdiction d’approcher ni par une ordonnance de protection. Les parents étaient en instance de divorce et avaient organisé une garde alternée. La mère s’est rendue deux fois au commissariat pour signaler des problèmes lors de la remise des enfants au père.

Voilà…

Madame la Première ministre, quelles conclusions tirez-vous de ce drame quant à l’efficacité de nos politiques de lutte contre la violence envers les femmes et les enfants ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST, RDSE, ainsi que sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et des familles.

Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles. Madame la sénatrice Rossignol, trois petites filles ont été assassinées. Elles avaient 4, 10 et 11 ans.

Je ne m’étendrai pas sur l’enquête en cours ; j’espère qu’elle apportera des réponses claires.

Votre question concerne, plus largement, ce que doivent prévoir le Gouvernement et les parlementaires concernant les droits des parents, notamment les droits de visite, en cas de conflit familial, dès lors que des violences ont été commises.

La proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales de la députée Isabelle Santiago a été adoptée à l’Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement. Ce texte énonce des principes clairs, mais essentiels, tels que la possibilité de retirer l’autorité parentale dès lors qu’une plainte – et non une simple suspicion – a été déposée contre un parent.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas la question.

Mme Aurore Bergé, ministre. Madame la sénatrice, je crois que c’est la question.

La garde des enfants peut être utilisée pour exercer une forme de chantage ou de pression, notamment envers les mères, conduisant parfois à ce qui s’est malheureusement produit dans votre département, le Val-de-Marne.

La suspension de l’autorité parentale du parent poursuivi pour un crime ou un délit, que cette proposition de loi vise à instaurer, est un élément de réponse essentiel.

Ce texte va même jusqu’à prévoir le retrait de l’autorité et de l’exercice parental quand un parent a été condamné pour un crime ou un délit sur son enfant. En matière de violences conjugales, il permet enfin de reconnaître que l’enfant est aussi covictime des violences conjugales perpétrées à l’encontre de la mère ou du parent victime.

Des avancées essentielles restent cependant à accomplir, mais cette proposition de loi permet de franchir une étape importante dans la protection que nous devons à nos enfants.

Enfin, j’ai une pensée pour la mère de ces trois petites filles, qui devra survivre au drame absolu qui s’est produit. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et RDSE. – M. Stéphane Demilly applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. À chaque fois que j’en ai eu l’occasion – en 2020, en 2021, en 2022 –, j’ai défendu ici des amendements visant à porter de six à douze mois la durée d’exécution des mesures prononcées dans le cadre d’une ordonnance de protection.

J’ai défendu des amendements visant à suspendre le droit de visite et d’hébergement.

J’ai défendu des amendements tendant à permettre de dissimuler l’adresse de la mère et des enfants pendant la durée de l’ordonnance de protection.

À chaque fois, ces amendements ont été rejetés et par le Gouvernement et par la majorité sénatoriale.

Après le meurtre terroriste d’Arras, le ministre de l’intérieur a dit : « Le texte immigration tel que nous l’avons proposé et tel qu’il a été adopté par la commission des lois du Sénat nous aurait permis d’obtenir la levée des protections du terroriste d’Arras. »

Je ne peux pas m’empêcher de penser que si mes amendements avaient été adoptés, ces enfants ne se seraient pas trouvés dimanche dernier au domicile de leur père. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

élections en nouvelle-calédonie

M. le président. La parole est à M. Georges Naturel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Georges Naturel. Monsieur le président, madame la Première ministre, mes chers collègues, avant de prendre la parole pour la première fois dans cet hémicycle, je veux rendre hommage à mes prédécesseurs dans cette assemblée : Dick Ukeiwé, Simon Loueckhote, Hilarion Vendégou, Pierre Frogier, Gérard Poadja. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.) Chacun d’eux a défendu inlassablement le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République française.

Mon action parmi vous s’inscrira dans cette même volonté : garder la Nouvelle-Calédonie au sein de notre République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)

Madame la Première ministre, la Nouvelle-Calédonie, collectivité spécifique de la République, se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif de son histoire.

Le processus de décolonisation, encadré par les accords de Matignon et de Nouméa, a engagé la Nouvelle-Calédonie sur la voie d’une autonomie accrue, respectueuse de son identité propre et de sa place unique au sein de la République.

Le ministre de l’intérieur et des outre-mer rentre tout juste de son cinquième déplacement en Nouvelle-Calédonie. Je veux ici saluer l’engagement de votre gouvernement dans le dossier calédonien.

Le dégel du corps électoral est une impérieuse nécessité, car il représente une étape essentielle à la tenue d’élections provinciales justes et représentatives. Aussi, quand allez-vous procéder au dégel du corps électoral pour les prochaines élections provinciales ?

Les dizaines de milliers d’électeurs calédoniens exclus du corps électoral provincial veulent savoir quand et comment ils deviendront des citoyens calédoniens à part entière.

Quand auront lieu les prochaines élections provinciales ? Ces élections sont capitales pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Il est essentiel qu’elles soient organisées dans des conditions irréprochables afin d’assurer la légitimité du processus démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Stéphane Demilly et Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Georges Naturel, vous l’avez rappelé, le processus politique prévu par l’accord de Nouméa a été mené à son terme et les Calédoniens ont choisi de rester français.

Depuis plusieurs mois, le Président de la République et le Gouvernement s’emploient à organiser un dialogue serein et constructif avec les indépendantistes et les non-indépendantistes. C’est la condition pour dessiner ensemble l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Nous le devons à tous les Calédoniens, notamment à la jeunesse calédonienne qui a besoin de perspectives.

Pour y parvenir, la méthode de mon gouvernement ne change pas. Nous voulons un dialogue avec toutes les parties prenantes, quelles que soient leurs convictions. La main de l’État est toujours tendue, y compris à ceux qui, parfois, s’éloignent de la table des discussions.

Nos objectifs, eux non plus, ne changent pas. Nous voulons parvenir à un accord sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement a émis des propositions qui servent de base aux discussions.

Néanmoins, les prochaines élections provinciales devront avoir lieu avec un corps électoral dégelé. C’est une exigence démocratique, comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur et des outre-mer Gérald Darmanin lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie la semaine dernière.

Les discussions doivent donc se poursuivre pour parvenir, je l’espère, à un accord politique. Mais dans le même temps, le Gouvernement avance. Le Conseil d’État a été saisi pour préciser les conditions juridiques d’évolution des règles en matière électorale. Fin décembre, nous proposerons les textes nécessaires au dégel du corps électoral et au report des élections provinciales. Quoi qu’il en soit, ces élections se tiendront en 2024.

Monsieur le sénateur, avec mon gouvernement, nous cherchons un accord global sur le dégel du corps électoral, bien sûr, mais aussi sur la citoyenneté calédonienne, l’autodétermination, le statut et les institutions. Dans ce contexte, je compte sur l’esprit de responsabilité de chacun pour que les discussions soient menées dans un esprit d’ouverture. Il y va de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

loi relative au grand âge et à l’autonomie

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Jocelyne Guidez. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et des familles.

L’annonce de l’adoption d’une loi Grand Âge avant la fin 2024 est une bonne nouvelle.

Il est urgent de tenir les engagements pris pour s’occuper dignement des personnes âgées vulnérables et des professionnels qui les accompagnent.

Pour répondre aux besoins de nos aînés, il est indispensable de financer le ratio de huit professionnels pour dix personnes âgées en établissement, ainsi que ce devrait être le cas depuis 2012 et comme le préconisent la Défenseure des droits, la Cour des comptes et le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge.

Pour encourager le virage domiciliaire, il est primordial d’accompagner les personnes à domicile dans l’ensemble de leurs besoins, au-delà de la toilette et du ménage.

J’appelle votre attention sur la situation économique des établissements et services pour personnes âgées et sur la pénurie en ressources humaines dont ils pâtissent. Les récentes enquêtes sont préoccupantes et alertent sur des difficultés d’une ampleur inédite.

La survie de certains établissements et services est en jeu. Face à la gravité de la situation, il est nécessaire de prendre des mesures fortes et de long terme pour éviter la faillite de certains établissements et services, acteurs indispensables de l’accompagnement des personnes âgées.

Ma question est simple : madame la ministre, comptez-vous répondre à cette situation d’urgence au travers d’une loi pluriannuelle pour le grand âge ? Si oui, quand, comment et avec quelles mesures concrètes ? Quels sont les contours de votre plan Grand Âge et autonomie ? Nous espérons une réponse engagée. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et des familles.

Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles. Madame la sénatrice Guidez, je vais en effet essayer de vous répondre de manière engagée.

En 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans et, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans. Le défi démographique qui est devant nous est donc absolument majeur ; en vérité, il s’agit plus encore d’un bouleversement démographique auquel nous devons nous préparer dès maintenant. En effet, si nous manquons la marche dans les deux années qui viennent, il est certain que notre pays ne sera pas prêt.

Pour ce faire, plusieurs niveaux de réponses existent.

D’abord, la Première ministre a proposé des mesures de soutien aux départements, qui ont été votées à l’unanimité ici même, au Sénat, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Ainsi, 150 millions d’euros supplémentaires sont prévus dès 2024, pour qu’aucun département ne perçoive une compensation inférieure à 40 % de ses dépenses relatives à la perte d’autonomie ; par ailleurs, nous engageons une refonte majeure de l’ensemble des fonds de concours, en coconstruction avec les départements.

Ensuite, vous l’avez dit, madame la sénatrice, nous devons coconstruire une loi de programmation. J’ai proposé la méthode suivante : consulter l’ensemble des groupes politiques représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat, l’ensemble des associations d’élus, l’ensemble des acteurs du grand âge, y compris les personnes directement concernées, pour que l’on évite de parler à leur place. Cette loi de programmation sera évidemment pluriannuelle et devra apporter des réponses aux questions clés.

Je pense évidemment à la question de la gouvernance. Quels sont les périmètres ? Quelles sont les compétences ? Comment les organiser ? Quelle architecture voulons-nous ?

Je pense aussi à la question des moyens. Nous serons certainement tous d’accord pour dire qu’il faudra des moyens supplémentaires, mais peut-être aurons-nous des désaccords sur les leviers à actionner pour que ce soit possible.

En tout cas, il faut que tout soit mis sur la table sans aucun tabou, sans aucun totem, puisqu’il s’agit de parvenir à construire une véritable loi de programmation pluriannuelle pour relever le défi du grand âge.

À l’Assemblée nationale, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France, dite Bien Vieillir, a été adoptée très largement. Elle sera rapidement soumise à l’examen du Sénat. Elle répond notamment à certains des enjeux sociétaux, comme la question du droit de visite opposable pour les familles, celle d’une meilleure reconnaissance des professionnels et celle de la revalorisation de ces professions.

Nous avons donc une belle feuille de route sur laquelle nous nous retrouvons et à partir de laquelle je souhaite coconstruire avec vous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.

Mme Jocelyne Guidez. Madame la ministre, vous l’avez souligné, en 2030, pratiquement un actif sur quatre sera aidant et plus de 20 % des travailleurs auront été obligés de s’absenter de leur travail pour s’occuper d’un proche.

On avance beaucoup de pourcentages et de chiffres. Mon inquiétude à moi porte sur le personnel. Comment allons-nous trouver le personnel qui manque partout dans les hôpitaux, chez les aidants, etc. ? Comment allons-nous faire ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

directive européenne sur les emballages

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marta de Cidrac. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Le 22 novembre 2023 est une date noire pour l’économie circulaire en Europe. Après plusieurs mois de débats, la proposition de règlement relatif aux emballages et aux déchets d’emballages a été adoptée par le Parlement européen, mais dans une version largement amoindrie par rapport au texte initial proposé par la Commission européenne.

Pour le Sénat, qui a tant œuvré à lutter contre le tout jetable, à améliorer nos performances de prévention et de gestion des déchets, notamment à l’occasion de l’examen de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, c’est une très grande déception.

Cette déception est-elle partagée par le Gouvernement et par votre majorité, monsieur le ministre ? Permettez-moi d’en douter. En effet, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique avait été adoptée par le Parlement, notamment avec l’aide des députés européens Renaissance (Oh ! sur des travées du groupe Les Républicains.), cette même consigne dont nous avions eu collectivement la sagesse de repousser la mise en œuvre, cette même consigne à laquelle vous, ministre de la transition écologique, vous êtes opposé de manière éloquente, reprenant au demeurant point par point les arguments de notre rapport d’information relatif à la consigne pour réemploi et recyclage sur les emballages du mois de juillet dernier.

Peut-être faut-il chercher l’origine de ce soutien du côté de l’Élysée ? (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Le Président de la République semble avoir fait de la consigne pour recyclage le nouvel avatar de son marketing écologique.

La balle est désormais dans le camp du Conseil de l’Union européenne et, monsieur le ministre, il vous faudra alors sortir de l’ambiguïté au sujet de cette consigne pour recyclage. La voix de la France sera-t-elle celle de son ministre de la transition écologique ou celle de l’Élysée ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Marta de Cidrac, vous avez évoqué ce vote au Parlement européen en regrettant certaines positions du groupe Renew Europe. Mes regrets concernent également le vote du Parti populaire européen (PPE), dont de nombreuses voix ont contribué à amoindrir l’ambition et la portée de ce règlement.

Au-delà du texte, revenons à l’objet de votre question, à savoir non pas la consigne pour réemploi, mais la consigne pour recyclage, puisque c’est cette dernière qui soulève des difficultés.

Vous avez été la rapporteure d’une mission d’information flash lancée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable dont le président est Jean-François Longeot, qui a achevé ses travaux au mois de juillet dernier et formulé vingt-huit propositions. Ce rapport d’information dénonce le caractère économiquement irrationnel de la consigne, insiste sur les effets pervers du dispositif du point de vue environnemental – notamment le fait que fixer un objectif de taux de remplissage masque la véritable ambition, c’est-à-dire la réduction de la mise sur le marché de ce plastique.

Ces positions, elles sont les miennes. Je les ai exprimées lors de la dernière édition des Assises nationales des déchets, qui s’est tenue à la fin du mois de septembre.

La consigne pour recyclage ne figure pas dans le cahier des charges de la responsabilité élargie des producteurs pour les emballages que j’ai transmis à l’ensemble des parties prenantes, qui fait actuellement l’objet de débats. Seul est prévu un dispositif de préfiguration de consignes régionales, si certains territoires qui sont très en retard décidaient de combler leur retard de cette manière.

Je rappelle en effet que, derrière les statistiques nationales, le taux de collecte varie entre 40 % et 90 % selon les territoires. Dans ce domaine, de manière générale, nos villes ont à copier les performances des campagnes,…

M. Christophe Béchu, ministre. … plus particulièrement celles du Grand Ouest – Vendée, Maine-et-Loire –…

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre. … et d’une partie du Grand Est.

Sur ce sujet, je n’ai pas deux positions. Le 18 décembre prochain, j’irai dire que la France n’est pas favorable à la généralisation d’une consigne pour recyclage, précisément pour les raisons que je suis en train de vous indiquer.

Je rappelle toutefois, madame la sénatrice, que, dans votre rapport d’information, vous appelez de vos vœux une clause de revoyure en 2026 si le taux de collecte n’a pas progressé. En réalité, le texte de la Commission européenne n’est pas très loin de cette position. Je défendrai le principe d’une mobilisation de tous les leviers, mais pas pour la consigne pour recyclage. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Sophie Primas. Et vos députés européens ?

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.

Mme Marta de Cidrac. Monsieur le ministre, c’est rassurant de connaître votre position, mais ce qui compte, c’est que vous la défendiez lors du Conseil de l’Union européenne, pas que vous vous contentiez de donner votre avis !

M. Christophe Béchu, ministre. C’est ce que je ferai !

Mme Marta de Cidrac. Il faut avoir en tête que les bouteilles en plastique représentent 3 % de ce que contiennent les bacs jaunes ; or ce sont les 97 % restants qui nous pénalisent et nous empêchent d’atteindre nos objectifs européens. Qui plus est, cela nous coûte plus d’un milliard d’euros.

C’est cette position, que je vous remercie d’avoir rappelée dans cette instance, qui doit être défendue par le gouvernement français au sein du Conseil de l’Union européenne. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

travailleurs immigrés

M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Adel Ziane. Ma question porte sur le diagnostic posé tout récemment par le ministre délégué chargé de l’industrie. C’est en effet avec beaucoup d’intérêt, mais aussi une grande perplexité, que nous avons pris connaissance des propos qu’il a tenus samedi dernier dans la presse sur le rôle déterminant joué par l’immigration dans la prospérité économique de notre pays.

Dans les dix années à venir, la France aura « sans doute besoin d’avoir recours à l’immigration », a-t-il déclaré, car 1,3 million d’emplois seront à pourvoir rien que dans le secteur de l’industrie, du fait des départs à la retraite.

Entre 100 000 et 200 000 personnes venant de l’étranger pourraient être nécessaires pour réindustrialiser notre pays – et, encore, c’est une estimation basse. Il faudrait en effet dans le même temps que notre pays soit capable de former dans ce secteur « 800 000 à 900 000 jeunes et moins jeunes ».

Ma question est simple : comment le Gouvernement compte-t-il opérer pour répondre à ces besoins pharaoniques et vitaux pour notre économie, alors que, en même temps, dans sa forme actuelle, le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, dit Immigration, réduira considérablement – c’est un euphémisme ! – le rayonnement et l’attractivité de notre pays auprès des travailleurs et des étudiants étrangers ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté et de la ville.

Mme Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la citoyenneté et de la ville. Monsieur le sénateur Ziane, je vous remercie de m’interroger sur la situation des travailleurs immigrés dans notre pays.

Vous savez, le projet de loi Immigration que défend le Gouvernement est actuellement examiné par la commission des lois à l’Assemblée nationale, après avoir été voté ici au Sénat. Le Gouvernement reste attaché à ce que les étrangers qui contribuent à la vitalité de notre économie et de notre pays puissent être régularisés, selon des modalités qui doivent encore être définies au cours des discussions à venir, notamment parlementaires, particulièrement dans les secteurs en tension.

Les étrangers vivent et travaillent parfois depuis très longtemps en France sous l’autorité de patrons qui peuvent refuser de les régulariser. Nous souhaitons mettre fin à ce servage moderne, en permettant ces régularisations grâce à ce projet de loi. Comme vous, nous sommes en effet convaincus que le travail demeure un facteur d’intégration puissant des étrangers primo-arrivants.

Il est de notre devoir de garantir les meilleures conditions d’intégration à celles et à ceux qui ont notamment obtenu l’asile dans notre pays. Comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur, il faut être dur avec les étrangers délinquants et mieux intégrer ceux qui veulent travailler.

C’est ce que nous faisons avec ce projet de loi, qui est en cours d’examen à l’Assemblée nationale et qui reviendra probablement devant vous pour l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire.

M. Hussein Bourgi. Ce n’est pas tout à fait ce qu’a dit Darmanin !

M. le président. La parole est à M. Adel Ziane, pour la réplique.

M. Adel Ziane. Madame la secrétaire d’État, votre réponse confirme l’isolement du ministre délégué chargé de l’industrie et la dissonance de son analyse. En effet, l’examen du projet de loi Immigration-Intégration aurait dû faire émerger une vision stratégique et globale. Oui, la France aura un besoin impératif de travailleurs étrangers, au risque de connaître une régression économique majeure qui dégradera notre prospérité, notre attractivité et notre influence.

Nous sommes déjà affectés.

La France, qui était le quatrième pays d’accueil des étudiants, est désormais le sixième, dépassée par l’Allemagne et talonnée par le Japon. Les délais de traitement des dossiers vont encore s’allonger et décourager les demandeurs.

Qui plus est, pour pallier les départs massifs à la retraite, une proposition de diminution de la durée d’indemnisation du chômage des plus de 55 ans a été émise.

Agents de sécurité, médecins hospitaliers, aides-soignantes, vétérinaires, emplois agricoles : cette France qui se lève tôt, voire très tôt, contribue à la richesse nationale.

Quand d’autres pays européens font le choix d’une politique volontairement intégratrice, le projet de loi pour contrôler l’immigration prépare le déclassement économique de notre pays. Il est examiné à l’Assemblée nationale aujourd’hui, il est encore temps de rectifier le tir. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

prévention des addictions

M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Mandelli. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention, mais elle concerne également le ministre de l’intérieur et le ministre de la transition écologique.

Il y a un an, le Gouvernement créait, dans le cadre de la loi de finances pour 2023, contre l’avis du Sénat, un nouveau jeu d’argent sur le modèle du loto du patrimoine : le loto de la biodiversité.

Je dois rappeler que, sur 15 euros dépensés pour un ticket « Mission patrimoine », seulement 1,52 euro revient à la Fondation du patrimoine. Sur 3 euros dépensés pour un ticket « Mission nature », 43 centimes d’euro reviennent à l’Office français de la biodiversité. Un don en direct à des associations aurait permis à l’acheteur du ticket de bénéficier d’une réduction d’impôts de 66 % et de véritablement accompagner celles-ci.

Au-delà des aspects financiers, la question de l’addiction est centrale. En France, le nombre de joueurs addicts a doublé en dix ans, pour atteindre 400 000 ; un tiers des ados jouent. C’est un véritable problème de santé publique ! À cet égard, la mise de 3 euros pour le jeu Mission nature – un montant très accessible pour les plus jeunes, qui sont très sensibles à la cause environnementale – est une incitation malsaine.

Comment l’État peut-il participer directement et aussi cyniquement à ce scandale sanitaire ?

Comment le Président de la République a-t-il pu s’ériger en VRP de la Française des jeux le week-end dernier dans le Jura ?

Verrons-nous demain la création par le Gouvernement de nouveaux jeux de loto pour pallier les carences des politiques publiques ? Je vous suggère dans ce cas le loto du handicap, le loto du grand âge, le loto des maladies rares, le loto des soins palliatifs et, à terme, pourquoi pas, le loto de la prévention des addictions, notamment aux jeux ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe SER.)

Pourquoi l’État a-t-il financé la campagne de publicité de ce jeu dans la presse quotidienne régionale ? Quel en est le coût ? Qui plus est, est-ce légal ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)