M. Paul Toussaint Parigi. Par cet amendement d’appel, nous invitons le Gouvernement à prendre sans tarder des mesures, en lien avec les autorités européennes, afin d’accroître l’exonération applicable à la vente des carburants en Corse.
La Corse doit composer avec son insularité en matière de contrôle des prix des biens de consommation. Pour rappel, l’inflation structurelle y est d’environ 15 % en 2023, plus importante que celle affectant les prix continentaux, et touche également les biens de consommation essentiels.
Cette mesure permettra de renforcer les dispositifs nécessaires à la préservation du pouvoir d’achat des Corses.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Demande de retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Parigi, l’amendement n° I-645 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Paul Toussaint Parigi. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-645 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-154 rectifié quinquies, présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. Panunzi, J.B. Blanc, Sido, D. Laurent et Mouiller, Mme Dumas, M. Sautarel, Mme M. Mercier, MM. Chatillon, Favreau, Brisson et Bouchet, Mmes Schalck, Belrhiti et Joseph et MM. Reynaud, Milon, Burgoa, Daubresse, Paul, Tabarot, Belin et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le troisième alinéa de l’article L. 421-43 du code des impositions sur les biens et services est ainsi rédigé :
« 2°) Lorsque la personne qui détient le véhicule est une personne morale, celle où se situe l’établissement auquel le véhicule est affecté à titre principal. Lorsque le véhicule est affecté à la location pour des durées de moins de deux ans, cet établissement est celui du siège social. »
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi.
M. Jean-Jacques Panunzi. Cet amendement vise, pour les professionnels de la location de courte durée, à ce que le certificat d’immatriculation soit délivré sur le lieu d’établissement du siège social de l’entreprise.
M. le président. L’amendement n° I-6 rectifié, présenté par Mme Lavarde, MM. Bacci, Bas et Belin, Mme Berthet, MM. J.B. Blanc, Bouchet, Brisson, Burgoa, Chevrollier et de Nicolaÿ, Mmes Di Folco, Dumas, Dumont et Florennes, M. Genet, Mme Gosselin, MM. Houpert, Karoutchi, Khalifé, Klinger, Mandelli et Mouiller, Mme Muller-Bronn, MM. Panunzi, Pellevat, Piednoir et Rapin, Mme Richer, MM. Rietmann, Sautarel, Savin, Sol et Somon et Mme Ventalon, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° de l’article L. 421-43 du code des impositions sur les biens et services, les mots : « où le véhicule est mis à la disposition du locataire au titre du premier contrat de location » sont remplacés par les mots : « auquel le véhicule est affecté à titre principal ou, à défaut, celui du siège social ».
La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Cet amendement a le même objectif que le précédent, mais celui-ci prévoit que le certificat d’immatriculation ne sera délivré sur le lieu d’implantation du siège social de l’entreprise que si le loueur n’a pas encore décidé du lieu d’affectation du véhicule.
M. le ministre a l’air de découvrir le problème… (M. le ministre délégué soupire.) Pourtant, il est réel : cela peut paraître absurde, mais, depuis peu, on demande aux loueurs de dire dès l’immatriculation du véhicule où il sera affecté ! Or, compte tenu du modèle économique de cette profession, il n’est pas toujours possible de le faire. Il s’agit donc de trouver un compromis par rapport au droit en vigueur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il y a là, en effet, une difficulté manifeste, compte tenu de l’allongement des délais de fabrication et de livraison des véhicules.
Je sollicite l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Le mécanisme en la matière, qui est ancien et stable, donne satisfaction. Il évite aussi l’optimisation fiscale et le nomadisme entre les territoires. (Mme Christine Lavarde le conteste.)
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous n’apportez pas de solution, monsieur le ministre…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous proposez donc de conserver le nouveau système, qui est bancal ? Il y a là un point de crispation.
Je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Le ministre semble nous dire que le dispositif existe depuis longtemps. Or le problème date de la codification du code des impositions sur les biens et services ; il n’existait pas auparavant.
Nous vous proposons deux solutions.
L’une, extensive, est prévue dans l’amendement de M. Panunzi. C’est la plus simple à mettre en place : le certificat d’immatriculation sera délivré, par défaut, sur le lieu d’établissement du siège social de l’entreprise.
L’autre solution, que je propose, est intermédiaire : le certificat d’immatriculation ne sera délivré sur le lieu d’implantation du siège social de l’entreprise que si le loueur n’a pas encore décidé du lieu d’affectation du véhicule. Il faut en effet tenir compte de divers paramètres, et notamment des délais de livraison des véhicules, que la société de location ne maîtrise pas forcément.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, je vais modifier mon avis pour demander le retrait de l’amendement n° I-154 rectifié quinquies au profit de l’amendement n° I-6 rectifié.
M. le président. Monsieur Panunzi, l’amendement n° I-154 rectifié quinquies est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Panunzi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-154 rectifié quinquies est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° I-6 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14 bis.
Article 15
I. – Le titre II du livre IV du code des impositions sur les biens et services est ainsi modifié :
1° La sous-section 2 de la section 5 du chapitre Ier est abrogée ;
2° Il est ajouté un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« Taxes communes à plusieurs modes de transports
« Section unique
« Taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance
« Sous-section 1
« Éléments taxables et territoires
« Art. L. 425-1. – Les règles relatives aux éléments taxables et aux territoires de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre Ier du livre Ier et à la présente sous-section.
« Art. L. 425-2. – Est soumise à la taxe l’exploitation d’une ou de plusieurs infrastructures de transport de longue distance au sens de l’article L. 425-4 lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies :
« 1° L’exploitation est rattachée au territoire de taxation mentionné à l’article L. 425-3 dans les conditions prévues à l’article L. 425-5 ;
« 2° Les revenus de l’exploitation, au sens de l’article L. 425-6, encaissés au cours de l’année civile excèdent 120 millions d’euros ;
« 3° Le niveau moyen de rentabilité de l’exploitant, au sens de l’article L. 425-8, excède 10 %.
« Art. L. 425-3. – Le territoire de taxation comprend, outre le territoire unique mentionné à l’article L. 411-5, les territoires des collectivités suivantes :
« 1° Saint-Barthélemy, sauf en ce qui concerne la voirie et les ports maritimes ;
« 2° Saint-Martin, sauf en ce qui concerne la voirie et les ports maritimes ;
« 3° Saint-Pierre-et-Miquelon, sauf en ce qui concerne la voirie classée en route nationale.
« Les dispositions du présent code relatives à la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont applicables dans les collectivités mentionnées aux 1° à 3° du présent article.
« Paragraphe 1
« Exploitation des infrastructures de transport de longue distance
« Art. L. 425-4. – Une infrastructure de transport de longue distance s’entend de l’infrastructure qui permet le déplacement de personnes ou de marchandises sur une longue distance au moyen d’engins de transport routier, ferroviaire ou guidé, d’aéronefs ou d’engins flottants.
« Les déplacements de longue distance s’entendent de ceux dont l’origine et la destination ne sont pas comprises dans le ressort d’une même autorité organisatrice de la mobilité mentionnée au I de l’article L. 1231-1 du code des transports ou de la région d’Île-de-France.
« Art. L. 425-5. – L’exploitation d’une infrastructure de transport de longue distance est rattachée au territoire de taxation lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies :
« 1° L’infrastructure exploitée est située en totalité sur le territoire mentionné à l’article L. 425-3 ;
« 2° L’infrastructure exploitée n’est pas principalement utilisée pour la réalisation de déplacements autorisés par un État étranger dans le cadre d’une convention conclue par la France avec ce dernier.
« Art. L. 425-6. – Les revenus de l’exploitation d’une ou de plusieurs infrastructures de transport de longue distance s’entendent de l’ensemble des contreparties, hors taxe sur la valeur ajoutée, obtenues ou à obtenir par l’entreprise qui exploite ces infrastructures au titre des opérations économiques qu’elle réalise, à l’exception des revenus suivants :
« 1° Les contreparties des opérations qui répondent aux conditions cumulatives suivantes :
« a) Elles relèvent d’une activité distincte et indépendante de l’exploitation d’une infrastructure de transport de longue distance rattachée au territoire de taxation ;
« b) Elles ne sont pas réalisées au moyen d’une telle infrastructure ;
« c) Elles ne résultent pas d’une valorisation du domaine relatif à une telle infrastructure ou à ses accessoires ;
« 2° Les contreparties obtenues au titre de la vente d’électricité produite par l’entreprise mentionnée au premier alinéa à des personnes autres que les usagers des infrastructures de transport de longue distance exploitées ;
« 3° Les sommes versées par les collectivités publiques en compensation des coûts, déterminés par décret, imputables à l’accomplissement de missions régaliennes ou d’actions de prévention ou de correction des dommages environnementaux.
« Paragraphe 2
« Niveau moyen de rentabilité de l’exploitant
« Art. L. 425-7. – Le niveau de rentabilité de l’exploitant s’entend du quotient, apprécié sur un exercice comptable, entre le résultat net et le chiffre d’affaires.
« Le résultat net et le chiffre d’affaires sont ceux de l’entreprise exploitant la ou les infrastructures de transport de longue distance, déterminés dans les conditions prévues par les règlements mentionnés au 1° de l’article 1er de l’ordonnance n° 2009-79 du 22 janvier 2009 créant l’Autorité des normes comptables et applicables à l’exercice comptable considéré.
« Toutefois, la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance n’est pas prise en compte dans les charges pour déterminer le résultat net.
« Art. L. 425-8. – Le niveau moyen de rentabilité de l’exploitant s’entend de la moyenne des niveaux de rentabilité de l’exploitant des sept derniers exercices comptables achevés, en excluant les deux exercices pour lesquels ce niveau est le plus élevé et les deux pour lesquels il est le plus faible.
« Pour le calcul de cette moyenne, chaque niveau de rentabilité de l’exploitant est pris en compte à proportion de la durée de l’exercice comptable auquel il se rapporte.
« Sous-section 2
« Fait générateur
« Art. L. 425-9. – Les règles relatives au fait générateur de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre II du livre Ier et à la présente sous-section.
« Art. L. 425-10. – Le fait générateur de la taxe est constitué par l’achèvement de l’année civile.
« Toutefois, en cas de cessation d’activité de l’exploitant, il est constitué par cette cessation.
« Sous-section 3
« Montant
« Art. L. 425-11. – Les règles relatives au montant de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre III du livre Ier et à la présente sous-section.
« Art. L. 425-12. – Le montant de la taxe est égal au produit des facteurs suivants :
« 1° Les revenus de l’exploitation encaissés au cours de l’année civile, pour la fraction qui excède le seuil mentionné au 2° de l’article L. 425-2 ;
« 2° Le taux de 4,6 %.
« Sous-section 4
« Exigibilité
« Art. L. 425-13. – Les règles relatives à l’exigibilité de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre IV du livre Ier.
« Sous-section 5
« Personnes soumises aux obligations fiscales
« Art. L. 425-14. – Les règles relatives aux personnes soumises aux obligations fiscales pour la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre V du livre Ier et à la présente section.
« Art. L. 425-15. – Le redevable de la taxe est l’entreprise exploitant une ou plusieurs infrastructures de transport de longue distance.
« Sous-section 6
« Constatation de la taxe
« Art. L. 425-16. – Les règles relatives à la constatation de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre VI du livre Ier.
« Sous-section 7
« Paiement
« Art. L. 425-17. – Les règles relatives au paiement de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre VII du livre Ier et à la présente sous-section.
« Art. L. 425-18. – La taxe est acquittée par acomptes.
« Sous-section 8
« Contrôle, recouvrement et contentieux
« Art. L. 425-19. – Les règles relatives au contrôle, au recouvrement et au contentieux de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance sont déterminées au titre VIII du livre Ier.
« Sous-section 9
« Affectation
« Art. L. 425-20. – L’affectation du produit de la taxe est déterminée au 4° de l’article L. 1512-20 du code des transports. »
II. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du 4° du 1 de l’article 39, après la référence : « 990 G », sont insérés les mots : « du présent code ainsi qu’au 1° de l’article L. 421-94 et à l’article L. 425-1 du code des impositions sur les biens et services » ;
2° Le second alinéa de l’article 213 est supprimé.
III. – L’article L. 1512-20 du code des transports est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° La taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance mentionnée à l’article L. 425-1 du code des impositions sur les biens et services. »
IV. – Le I est applicable à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.
M. Olivier Jacquin. Ce fameux article 15 vise à rééquilibrer les choses dans le dossier complexe des concessions autoroutières, tout en traitant – en partie et un peu rapidement – la question du transport aérien.
La commission d’enquête sénatoriale sur les concessions autoroutières, présidée par Éric Jeansannetas et dont le rapporteur était Vincent Delahaye, avait montré, dans son rapport intitulé Concessions autoroutières : des profits futurs à partager équitablement avec l’État et les usagers, que les autoroutes françaises étaient certes en bon état, mais aussi que la profitabilité de ce secteur pour les concessionnaires autoroutiers était stratosphérique, à tel point que les contrats apparaissent déséquilibrés, au désavantage de la puissance publique.
Les automobilistes sont la vache à lait de ce système étonnant qui, s’il présente des aspects positifs, met l’usager très lourdement à contribution tout en remplissant les caisses de l’État : 40 % des recettes de péage atterrissent dans l’escarcelle de Bercy via soit la taxe d’aménagement du territoire (TAT), soit la TVA, soit l’impôt sur les sociétés (IS).
La taxe prévue est un compromis entre différentes solutions.
À la suite des travaux de la commission d’enquête précitée, Bercy a commandé un rapport à l’inspection générale des finances (IGF), que l’on a failli ne pas lire – nous en avons eu connaissance grâce à la presse libre –, et qui a permis de trouver ce compromis garantissant une relative sécurité juridique. Les recettes seront donc affectées à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), afin qu’elles soient principalement orientées vers le transport ferroviaire.
Nous avons perdu beaucoup de temps !
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Tabarot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde des mobilités étouffe. Pourtant, à l’heure de l’urgence climatique et de l’explosion des coûts, les transports en commun représentent une solution évidente.
Pour financer le choc d’offre auquel nous aspirons, il faut impérativement flécher des ressources solides, face à l’asphyxie actuelle du financement et à l’impérieuse nécessité de décarboner.
L’article 15 du projet de loi de finances crée une nouvelle « taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance », qui cible les sociétés d’autoroutes ainsi que les aéroports.
Si l’on peut saluer la volonté d’allouer des moyens supplémentaires au financement des transports, je ne peux que regretter la méthode employée.
Tout d’abord, le fait d’instaurer une nouvelle taxe pour un secteur déjà taxé, dans un pays qui est champion d’Europe des prélèvements obligatoires, est un mauvais signal.
Ensuite, s’il ne m’appartient pas de juger de la constitutionnalité de cet article, je peux néanmoins souligner les risques qui pèsent sur cette mesure : des risques juridiques, avec d’éventuels contentieux à venir, notamment au moment de la réflexion en vue du renouvellement des concessions ; des risques pour les usagers et clients de l’avion et de l’autoroute, du fait de possibles augmentations de prix qui seraient – malheureusement – le contre-effet automatique de ces économies en chaîne ; des risques, enfin, pour le principal bénéficiaire de cette taxe, l’Afit France.
Alors que vous faites encore l’impasse sur une programmation planifiée des ressources fléchées – par exemple, une part plus importante de la TICPE –, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France devient dépendante d’une ressource nouvelle potentiellement en sursis.
En vous attaquant frontalement aux autoroutes, mais également aux aéroports par alibi collatéral, ne péchez-vous pas par orgueil ? J’en veux pour preuve, à la fois, le manque de clairvoyance de l’État dans la gestion des contrats autoroutiers et l’impasse actuelle du financement des transports.
Faute d’anticipation, et à cause de votre volonté à tous crins de franchir le mur d’investissements, le bénéfice de cette taxe ne sera-t-il pas moindre que le risque juridique qu’elle emporterait ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, sur l’article.
M. Vincent Capo-Canellas. Nous avons déjà eu plusieurs occasions de parler de la taxation du transport aérien. La logique retenue ici nous interpelle du point de vue juridique, puisqu’elle semble être née de l’avis du Conseil d’État, lequel a en quelque sorte invité le Gouvernement à ne pas taxer uniquement les autoroutes.
Nous nous retrouvons donc avec une taxe hybride, curieuse, et qui de mon point de vue est assez bancale. Je suis ouvert à beaucoup de propositions ; il me semble ainsi que l’État doit financer, fortement, le ferroviaire.
Pour une taxe qui devrait rapporter environ 600 millions d’euros, le Gouvernement se met dans une situation juridique délicate – se posent, par exemple, des problèmes de rupture d’égalité –, qui finit en un mouvement quelque peu « shadokien ».
Tout d’abord, selon l’organisation de leurs activités, les sociétés se trouveront au-dessus ou au-dessous du seuil de 120 millions d’euros. Vous avez choisi ce seuil parce qu’il permet que les ports soient exclus du dispositif, mais un certain nombre d’aéroports risquent d’y être inclus demain.
Ensuite, les conséquences pour le secteur des aéroports seront peut-être démesurées : le taux de 4,6 % correspond à un doublement de leur imposition. Cela pose une question de captation et de régulation aéroportuaire : comment les aéroports pourront-ils, par la suite, travailler sur l’investissement en vue de la décarbonation ?
Pour ce qui concerne la régulation, il existe un principe de modération tarifaire, selon lequel les aéroports ne peuvent pas prévoir d’augmenter leurs redevances de plus de 5 %. S’ils le faisaient, l’Autorité de régulation des transports (ART) les en empêcherait. Quant à l’argent que les aéroports dépenseront pour payer cette taxe, ils ne le consacreront pas au financement de la transition écologique.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, sur l’article.
M. Stéphane Demilly. En France, nous avons la chance d’avoir une industrie d’excellence : le secteur aéronautique, qui représente 300 000 emplois directs, 1 million d’emplois indirects et 20 milliards d’euros d’excédents commerciaux.
Ce que l’on a dénommé la « taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance » est une mesure juridique, ou plutôt un bricolage, qui à l’origine ne concernait pas du tout les aéroports ; cela a été dit, seules les sociétés concessionnaires d’autoroutes étaient visées puisqu’elles ont récemment réalisé de très importants profits.
Le Conseil d’État avait lancé une alerte, arguant qu’il n’était pas possible de taxer les seules autoroutes. On est donc allé chercher un deuxième larron, le transport aérien, et plus particulièrement les grands aéroports que sont ceux de Paris, de Lyon, de Marseille et de Bordeaux.
Ce montage fiscal a pour objectif de pallier les lacunes des contrats de concession autoroutière. Il vient frapper le secteur aérien de plein fouet, alors même que celui-ci se relève d’une crise sans précédent.
Permettez-moi de vous donner trois chiffres : la dette d’Air France s’élève à 5 milliards d’euros, celle de Paris Aéroport, à 7 milliards d’euros, et celle de la direction générale de l’aviation civile (DGAC), à 2,5 milliards d’euros. Pourtant, malgré ces sacs de plomb, le secteur aérien doit assumer de très lourds investissements de décarbonation pour respecter les engagements nationaux et européens, que l’Union des aéroports français (UAF) chiffre à 27 milliards d’euros.
Cet article est donc choquant tant sur le fond que sur la forme !
Avoir associé au dernier moment les aéroports à cette taxe sans prévenir en amont les acteurs concernés, ce n’est ni sérieux ni cohérent, et c’est juridiquement – et à tout le moins moralement – bancal.
Cet article pénalise nos compagnies nationales et fait à l’évidence la part belle à des compagnies low cost étrangères, implantées sur les aéroports voisins non concernés par cette taxe.
La fiscalité appliquée au secteur aérien doit permettre à ce dernier de financer sa propre transition écologique : voilà ce que serait le bon sens !
Je souhaite, à titre personnel, que cet article soit supprimé, et je voterai l’amendement que présentera à cet égard notre collègue Vincent Capo-Canellas.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 15 suscite des réactions tout à fait légitimes.
Je tiens à dire quelques mots de l’Afit France, qui n’est pas forcément connue de tous nos concitoyens. Il s’agit d’un établissement public national à caractère administratif (EPNA), chargé de financer pour l’État les infrastructures de transport, qu’elles soient ferroviaires, routières, portuaires et cyclables, sans oublier les voies navigables et les transports collectifs.
Pour 2024, il est prévu que les dépenses de l’Afit France augmentent fortement, à hauteur de 4,6 milliards d’euros. Les recettes affectées à cet établissement sont le produit de la taxe d’aménagement du territoire (TAT), à hauteur de 561 millions d’euros, celui de la redevance domaniale, pour 400 millions d’euros, les droits d’accise sur les énergies, pour 2,1 milliards d’euros, le produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, à hauteur de 252 millions d’euros, ainsi que celui du paiement des amendes issues des radars automatiques, pour 250 millions d’euros.
Les recettes de cette nouvelle taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance, dont le produit sera affecté à l’Afit France, représenteraient 600 millions d’euros, dont les trois quarts proviendraient des sociétés concessionnaires d’autoroutes et 150 millions d’euros des principaux aéroports. Elles permettraient de moderniser le réseau ferroviaire, ce qui est tout à fait louable – je partage cet objectif avec beaucoup de mes collègues, notamment Philippe Tabarot –, et, sur l’initiative du rapporteur général, de soutenir les collectivités territoriales pour l’entretien du réseau routier, c’est-à-dire les routes départementales ainsi que la voirie communale et intercommunale ; ce soutien est en effet indispensable.
Lors du vote des amendements déposés sur cet article, je suivrai l’avis du rapporteur général de la commission.