Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Monsieur le ministre, vous venez d’émettre un avis défavorable sur ces amendements et j’ai du mal à identifier la réaction que cela provoque chez moi : de la colère, presque du désespoir – mais il m’en faudrait plus pour être désespérée.
Vous prétendez avoir entendu les besoins et les attentes exprimés par les collectivités et par les départements, mais donnez un avis défavorable !
Sans vouloir vous manquer de respect, pardonnez-moi de vous poser la question : de qui se moque-t-on ?
Vous annoncez que la branche autonomie bénéficiera de 0,15 point de CSG. Pourtant, vous savez qu’il faut 9 milliards d’euros par an pour répondre aux besoins et pour prendre sérieusement en charge nos aînés dans la diversité de l’accompagnement.
Vous déclarez que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale amorce une montée en charge pour aller vers les 50 000 emplois ; je rappelle que ceux-ci étaient promis pour 2027, avant que cet objectif ne soit reporté à 2030. On est très loin du compte !
Enfin, vous prévoyez pour les départements un fonds de concours de 150 millions d’euros. Mon collègue vient de le souligner : à l’échelle de tous les départements de France, au regard de leurs besoins et, surtout, des enjeux énormes qui sont liés à l’autonomie, ainsi que des efforts beaucoup plus importants qu’il va falloir consentir au cours des prochaines années, cela ne représente rien du tout !
Hier, lors de la discussion générale, j’ai tenté de me faire l’écho de la colère et de l’inquiétude des élus. Je vous le dis encore une fois, monsieur le ministre : entendez le terrain, écoutez ce qui se passe et apportez des réponses sérieuses.
M. Bruno Belin. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le ministre, j’ai écouté avec beaucoup d’attention votre réponse sur l’aide complémentaire accordée aux départements pour faire face à leurs dépenses et je fais miens en tout point les propos de Bruno Belin.
Ce qui m’étonne, ce n’est pas tant vos propos, puisque vous semblez dire que la Première ministre et le Gouvernement acceptent de renforcer les crédits pour venir en aide aux départements les plus en difficulté, que leur décalage avec vos actes.
Il se trouve que la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 correspond non pas à ce qui a été voté par l’Assemblée nationale – en particulier faire passer de cinq à quinze le nombre de départements bénéficiaires du fonds de soutien -, mais à ce que le Gouvernement a décidé de conserver en ayant recours au 49.3.
Le Gouvernement n’a donc pas retenu les propositions des députés. J’espère que le travail du Sénat sur le projet de loi de finances aura de meilleurs résultats, et permettra notamment de mobiliser les crédits nécessaires pour ce fonds de soutien. À ce jour, devant les assises de Départements de France, à Strasbourg, Mme la Première ministre a dit le contraire de ce qui a été retenu dans le texte adopté par 49.3. (M. Bruno Belin le confirme.) Il conviendrait donc d’articuler les déclarations de principe avec les actes !
Les besoins sont importants dans les départements, en particulier pour les politiques en direction des personnes âgées. Cela requiert un accompagnement fort, notamment des départements les plus fragiles, pour faire face aux demandes légitimes de nos familles, accompagner les personnes dépendantes et aider les établissements qui font en sorte que la fin de vie de nos aînés soit aussi digne et respectée que possible.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je m’inscris dans la droite ligne des propos tenus par les orateurs précédents, notamment ma collègue Corinne Féret, qui a exposé les arguments que je souhaitais avancer. Je souligne à mon tour la grande inquiétude qui règne parmi les départements de France, monsieur le ministre.
Le département, c’est essentiellement la solidarité, envers les territoires, certes, mais surtout envers les personnes. Les diverses allocations et prestations – APA, PCH, RSA, etc. - consomment la moitié du budget d’un département. Le vieillissement de notre population et la reconnaissance de handicaps de plus en plus nombreux conduiront les besoins à augmenter très significativement.
Nous sommes toujours dans l’attente d’une loi sur le grand âge prévoyant un financement réel et pérenne de cette fameuse cinquième branche. Pour l’heure, vous ne proposez que de petites gouttes, sans jamais débloquer de fonds importants. Or le produit des DMTO diminue considérablement, et vous avez supprimé l’autonomie fiscale des départements.
Bruno Belin a raison : 150 millions d’euros pour cent départements, cela ne fait jamais que 1,5 million d’euros par département. Savez-vous combien représentent les dépenses pour l’APA ou la PCH ? Les montants n’ont rien à voir !
On ne nous donne même pas des miettes, à peine quelques petites graines, pour nous contenter… Ce n’est pas respectueux du rôle des départements. Et je ne vois pas comment créer les 50 000 emplois que vous nous promettez – même si vous repoussez sans cesse l’échéance – puisque vous n’avez pas prévu ce qu’il fallait sur le plan budgétaire.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Vous avez l’air de dire, madame la sénatrice, que nous ne connaîtrions pas la situation des départements.
Permettez-moi de vous faire part de quelques éléments.
À la fin de 2022, nous avons appris avec plaisir que la situation des collectivités territoriales était très favorable. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. Bruno Belin et Mme Émilienne Poumirol. Nous ne connaissons pas les mêmes !
M. Pierre Barros. C’est insoutenable !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Laissez-moi citer mes sources… Ce n’est pas le Gouvernement qui le dit, c’est la Cour des comptes ? Ce constat y figure ! (Mêmes mouvements.) Ensuite, libre à vous de considérer qu’elle travaille mal et de contester ses travaux.
En 2023, le bloc communal se porte bien également, d’après la direction générale des finances publiques (DGFiP), et même mieux qu’en 2022. La difficulté concerne les départements, car les DMTO baissent d’environ 20 %.
M. Bruno Belin. Ils s’effondrent !
Mme Émilienne Poumirol. De 30 % !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Ils baissent, mais en partant d’un niveau historiquement haut, lié à l’emballement des prix de l’immobilier. C’est d’ailleurs la strate départementale qui est la moins endettée : c’est celle qui a le plus reconstitué ses marges. Un discours misérabiliste n’est donc pas de saison, pardon de vous le dire. Ne dites pas que les départements s’effondrent, que c’est la fin !
En réalité, il y a, bien sûr, des départements qui rencontrent des difficultés et que nous devons accompagner. Mais cela ne signifie pas que les 150 millions d’euros seront divisés par cent. (Mmes Corinne Féret et Émilienne Poumirol ainsi que M. Bruno Belin s’exclament.) Nous accompagnerons uniquement les départements qui sont le plus en difficulté. Certains voient le produit des DMTO progresser… (Marques de dénégation sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Lesquels ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Nous ne sommes pas d’accord, mais je vais finir de vous répondre, car je sais bien que ce sujet passionne votre assemblée ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Une mauvaise idée serait de considérer tous les départements de la même manière et de les aider de manière uniforme. Cela ne correspondrait pas à la réalité territoriale. Diviser les 150 millions d’euros par cent n’aurait aucun sens.
D’ailleurs, cet abondement exceptionnel fera l’objet d’un amendement du Gouvernement, que ma collègue Aurore Bergé défendra le moment venu. Loin des caricatures, nous privilégions une approche réaliste de la situation des départements, situation qui est connue, avec une réponse individualisée. Comme la Première ministre l’a annoncé, la première étape figure dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le ministre, je suis un peu étonnée de ce que vous nous dites. Dans les Hauts-de-France, les départements sont confrontés à de gros problèmes.
Le président du département du Nord a rencontré la Première ministre il n’y a pas très longtemps, justement pour demander des moyens supplémentaires, car nous n’y arrivons plus. Outre les raisons qui ont été citées, il y a la non-compensation totale du RSA, sans parler de la hausse du point d’indice des fonctionnaires.
Vous parliez tout à l’heure de l’autonomie. Mais alors, il faut tout regarder ! Prenons l’exemple des accidents du travail et des maladies professionnelles. Avant la reconnaissance d’un taux d’incapacité et du besoin d’une tierce personne, si le département ne paie pas de PCH, tout reste à la charge de la personne concernée. C’est cela, la réalité du territoire. Ne venez donc pas nous dire que les départements roulent sur l’or.
M. Xavier Iacovelli. Recentralisons donc les prestations sociales…
Mme Michelle Gréaume. D’un département à l’autre, l’action sociale est différente. Je peux vous emmener chez quelqu’un qui, parce qu’il ne touche pas de PCH, est en difficulté, monsieur le ministre. Vous rencontreriez aussi le président du conseil départemental. Nous ne sommes peut-être pas du même bord politique, mais nous sommes d’accord sur un point : il manque de l’argent au département du Nord.
Mme Émilienne Poumirol. À tous les départements !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis d’accord avec mes collègues. En zone rurale, le département est la collectivité indispensable pour l’aide aux communes et le soutien social. Le coût de la PCH et de l’APA va augmenter fortement, quand les recettes, elles, diminuent. Le Gouvernement veut prendre un virage domiciliaire. Cela nécessite de donner aux départements d’importants moyens pour financer de l’aide sociale et multiplier les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad).
Le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans va doubler entre 2020 et 2040. Créer 50 000 emplois – pour un coût non pas de 10 milliards d’euros, mais de 2 milliards – d’ici à la fin du quinquennat est essentiel. C’était une promesse du Président de la République, et cela correspondrait à cinq employés de plus pour chacun des 7 500 Ehpad, soit quinze minutes d’attention supplémentaires par pensionnaire (M. Bruno Belin le confirme.). C’est crucial pour garantir un service adéquat et permettre aux salariés intervenant à domicile de disposer d’un temps suffisant. Faute de quoi, le découragement pointera. La création de ces emplois – en gros, 10 000 emplois par an sur trois ans - est nécessaire, monsieur le ministre. Aidons les départements !
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le ministre, quand on a donné aux départements la compétence sur l’APA, une photographie a été prise, en quelque sorte, et il a été convenu d’un partage à 50-50.
Vous nous dites que les DMTO sont dynamiques dans certains départements. C’est le seul levier à l’être, en effet. Le problème est que l’accompagnement de la transition démographique induit des coûts eux aussi très dynamiques.
Nos collègues de droite disent souvent qu’il faut réduire les dépenses pour maîtriser les déficits. Là, il est normal que les dépenses soient dynamiques, puisque cela correspond à la transition démographique.
Ma question est simple, monsieur le ministre : puisque vous mettez en parallèle le dynamisme des DMTO et celui des dépenses, citez-moi un département où les dépenses sont encore partagées à égalité.
Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.
M. Grégory Blanc. Vous avez raison, monsieur le ministre, en 2022, les DMTO ont atteint un niveau que nous avions rarement connu en France. Un certain nombre de départements en ont profité pour faire des provisions. Pourquoi ? Parce qu’ils font face à un mur d’investissements. (M. le ministre délégué l’admet.) Face au dérèglement climatique, en effet, il faudra adapter nos routes, par exemple, ou renforcer l’isolation thermique, dans l’ensemble des territoires. C’est bien parce qu’il va falloir investir que nous devons aider les départements à financer leur fonctionnement, les allocations individuelles de solidarité (AIS), afin qu’ils n’aient pas à compter sur une hausse du marché de l’immobilier – leur seule marge de manœuvre – pour pallier les carences de la solidarité nationale.
Monsieur le ministre, le coût de la protection de l’enfance a quasiment doublé en quinze ans. Dans mon département, le nombre d’enfants confiés a augmenté de plus de 20 %, et cette hausse a un impact croissant chaque année. Vous l’avez dit, 2022 a été une réalité, mais 2023 représente une autre réalité : nous entrons à présent dans une spirale où les départements seront confrontés à un effet de ciseaux. C’est pourquoi il est impératif de consolider une prise en charge à 50-50. Aujourd’hui, nous en sommes loin. Mme la Première ministre a évoqué cette trajectoire pour 2030. Si vous refusez ces amendements, nous n’irons pas dans cette direction.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Aux arguments que viennent de développer nombre de mes collègues, notamment sur les compétences de solidarité – qui sont, en effet, le cœur de métier des départements –, je souhaite faire référence à un rapport de la Cour des comptes, plus récent que celui que vous avez cité, monsieur le ministre.
Ainsi, le fascicule 2 du rapport annuel de la Cour des comptes sur les finances locales, qui a été publié à la fin d’octobre, valide ce que vous avez dit sur les années précédentes, mais montre qu’après une évolution particulièrement favorable en 2022, les perspectives économiques des collectivités territoriales s’assombriraient brutalement cette année, tout particulièrement pour les départements. On y lit encore qu’après avoir dégagé un excédent de financement de 4,8 milliards d’euros en 2022, les collectivités territoriales connaîtraient un besoin de financement de 2,6 milliards d’euros en 2023 et de 2,9 milliards d’euros en 2024.
Ce rapport indique que ce sont les régions et les départements qui auront les besoins de financement les plus importants.
Si vous citez des rapports de la Cour des comptes, monsieur le ministre, citez-les en totalité !
L’unanimité que j’observe sur les travées du Sénat pour vous alerter sur les difficultés des départements devrait vous instruire : en ce moment, nous n’avons pas particulièrement coutume de nous montrer si unis !
Mme Anne-Sophie Romagny. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Au cours de ce débat intéressant, nous avons discuté de la capacité des départements à prendre en charge un certain nombre d’actes de solidarité, dont certains sont liés à l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Soyons factuels, monsieur le ministre – il ne s’agit pas d’être misérabiliste, en effet. La réalité est que des départements qui se portaient bien il y a quelque temps sont aujourd’hui en difficulté. C’est le cas du département de la Gironde – c’est un exemple… Nous sommes obligés, en effet, de prendre en charge le vieillissement de la population.
Certes, les produits des DMTO ont été intéressants et ont parfois permis d’améliorer nos autofinancements. Mais c’est la même situation qu’avec l’Agirc-Arrco et l’Unédic : quand les choses vont bien, on ne donne plus d’aide, et même on ponctionne. Pourtant, les départements devront durablement faire face au vieillissement de la population, et leur situation est très tendue : s’il y a moins de bénéficiaires du RSA, le nombre de mineurs non accompagnés a augmenté, tout comme le coût de l’aide sociale à l’enfance, de l’accompagnement des personnes âgées et du soutien aux personnes handicapées. C’est une réalité factuelle.
Il est important de noter que les 250 millions d’euros en question sont pris sur les 2,6 milliards d’euros attribués par la Cades à la CNSA – il ne s’agit que de 0,15 point… La Première ministre a annoncé 150 millions d’euros la semaine dernière pour les départements, mais nous en voulons 250. Il y a une différence entre les deux montants. Ce qui satisfera les départements, c’est que les dépenses croissantes d’APA et de PCH soient mieux compensées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre, c’est là une question philosophique, et je pense que vous ne pourrez qu’être d’accord avec moi.
On peut comparer le transfert de compétences de l’État à certaines collectivités territoriales à un marché public. Dans un marché public, il y a des clauses de revoyure, pour ajuster les termes du marché. Sinon, il faut renégocier à un moment donné, car un écart peut apparaître entre la prestation demandée et le prix retenu. Ce que nous demandons, tant pour les départements que, de manière générale, pour toutes les collectivités territoriales, c’est une clause de revoyure, pour une révision des termes des transferts de compétences au fil du temps. Le Sénat a constamment défendu cette idée de bon sens et de justice.
Effectivement, après le transfert, décidé à un moment donné et dans des conditions définies, il peut y avoir de nouvelles prescriptions imposées par l’État ou le législateur. Ces hausses de coûts imposées ne sont jamais compensées pour les collectivités territoriales. Vous comprenez que c’est simplement une question de bon sens. Nous sommes tous des personnes sérieuses et responsables en matière de budget, mais il y a là une véritable question de fond. Monsieur le ministre, il faudra bien qu’un jour on parvienne à résoudre cette problématique. (Bravo ! sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 229, 1026 rectifié et 1213 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 382 rectifié et 1099 rectifié n’ont plus d’objet.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 230 est présenté par Mme Doineau, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 839 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et Souyris, MM. Benarroche, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
L’amendement n° 1214 rectifié est présenté par MM. Ouizille et Jomier, Mmes Poumirol, Canalès et Le Houerou, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Lubin et Rossignol, MM. Redon-Sarrazy, Kerrouche, Chantrel et Lurel, Mme Bélim, MM. Jacquin, Ziane et Michau, Mmes Bonnefoy et Harribey, MM. Temal et Durain, Mme G. Jourda, MM. Féraud et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Cozic, P. Joly et Stanzione, Mmes Conway-Mouret et Monier, MM. Chaillou, Tissot et Marie, Mme Artigalas, MM. Mérillou, Gillé et Montaugé, Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 19
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l’amendement n° 230.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Cet amendement concerne l’Unédic. L’article 10 permet au Gouvernement de réduire par arrêté, dès 2023 et sans plafonnement, la compensation à l’Unédic du dispositif de réduction dégressive des contributions patronales d’assurance chômage. Cet amendement a pour objet de supprimer cette disposition.
Nous avons en effet reçu des représentants de l’Unédic, dont la dette atteint 56 milliards d’euros. Il ne faut pas interrompre sa trajectoire de désendettement en ponctionnant une partie des excédents qu’elle a dégagés depuis que les chiffres du chômage se sont améliorés. Quand on a une dette, on doit la rembourser. Il y va de la pérennité du système lui-même – et cela s’applique aussi à la sécurité sociale ! L’Unédic a la possibilité de rembourser une partie de sa dette. En 2026, elle devrait l’avoir réduite de moitié. Nous voulons l’encourager dans ce cercle vertueux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 839 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 19 de l’article 10, qui permet cette ponction financière et modifie profondément le régime de l’assurance chômage tout en bafouant les conventions en vigueur.
Sous prétexte d’excédent du régime, l’État ponctionne plusieurs milliards d’euros dès l’exercice en cours, puis sur la période 2024-2026. Cela contrevient à l’engagement qu’il avait pris de compenser auprès des caisses les exonérations qu’il accorde généreusement.
Déjà, depuis 2018, la loi relative à la sécurité sociale, dite loi Veil, qui prévoit la compensation auprès des caisses de sécurité sociale, est régulièrement bafouée. Avec cet article, l’une des ressources de l’Unédic serait tarie. Cela revient à faire payer aux chômeurs les généreuses - et en partie inefficientes - exonérations de cotisations des employeurs. Les excédents ainsi ponctionnés résultent d’ailleurs, il faut le dire, autant de la baisse sensible des droits des premiers que de la baisse du chômage.
De plus, l’État se désengage du financement de Pôle emploi, futur France Travail, donc de la politique de l’emploi, en augmentant progressivement la part financée par le régime assurantiel sans que celui-ci ait pour autant un droit de regard sur cette politique régalienne.
Le Parlement est invité à légiférer, mais la lettre de cadrage comprend déjà ces dispositions, avec une injonction pour l’Unédic de se désendetter de moitié, alors que cette dette résulte, à hauteur d’un tiers, de la politique étatique du « quoi qu’il en coûte » !
Ce désendettement était prévu dans la trajectoire de l’Unédic, mais c’était sans compter avec cette ponction de l’État, qui va obliger celle-ci à souscrire de nouveaux emprunts, plus chers, pour honorer ses remboursements, ce qui représente un coût supplémentaire de 800 millions d’euros d’ici à 2026.
Mes chers collègues, je vous invite donc à voter pour cet amendement afin d’empêcher un véritable hold-up sur les ressources de l’Unédic.
Mme la présidente. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour présenter l’amendement n° 1214 rectifié.
M. Alexandre Ouizille. Quel est l’objet de ces amendements ? Tout simplement de restaurer la règle du jeu, qui vient d’être rappelée. Lorsque des allégements sont prévus – par exemple l’allégement Fillon, dont il est question ici –, il est impératif que les pertes de recettes soient strictement compensées. Sinon, cela revient à financer la sécurité sociale en puisant dans les réserves de l’assurance chômage.
Cela n’a aucun sens. D’abord, les partenaires sociaux, tant les organisations syndicales que le patronat, sont opposés à cette idée. Ensuite, la logique même des caisses d’assurance chômage repose sur le principe suivant : lorsqu’il y a une amélioration relative sur le front du chômage, elles peuvent reconstituer leurs fonds, faire face à leurs dettes. En revanche, lorsque la situation est moins favorable, elles ont la capacité d’intervenir. En amputant les fonds de l’Unédic lorsque la situation de l’emploi s’améliore légèrement, vous compromettez son avenir.
C’est pourquoi nous proposons, avec la rapporteure générale et nos collègues du groupe GEST, de supprimer cet alinéa 9.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Comme lors du débat sur l’Agirc-Arrco, vous déplorez des ponctions sur les excédents de l’Unédic. En réalité, il s’agit de moins d’un tiers des excédents en question, ce qui ne remet absolument pas en question la volonté, partagée par les partenaires sociaux et soutenue par l’État, de désendetter l’Unédic.
En revanche, nous souhaitons que l’Unédic participe à l’effort de financement de notre politique de l’emploi. Cet argent servirait les demandeurs d’emploi, serait mis au service de France compétences et de France Travail. Il est normal que l’Unédic y contribue,…
Mme Audrey Linkenheld. Non !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. … car il s’agit d’outils efficaces qui, lorsqu’ils fonctionnent bien, lui permettent de réaliser des économies. En effet, plus la politique de l’emploi est efficace, plus l’Unédic économise, car les demandeurs d’emploi retrouvent plus rapidement du travail. Il est donc normal qu’il y ait un co-investissement.
Grâce à notre politique économique, le taux de chômage a été ramené à 7,2 %, ce qui a généré des excédents pour l’Unédic. Est-il vraiment anormal de lui demander de participer au financement de la politique de l’emploi, dont les partenaires sociaux bénéficient directement ? Non !
Vous défendez l’Unédic, l’Agirc-Arrco, les collectivités territoriales, mais il y a un autre acteur dont il faut se préoccuper : c’est l’État. Quid du redressement de nos finances publiques ? L’État a protégé tout le monde : les commerçants, les salariés, les associations, les collectivités territoriales, et je rappelle que nous avons déjà un déficit de 5 %. Je pense qu’il faut des efforts partagés pour redresser les finances publiques.
Il serait anormal de ne pas demander aux régimes qui bénéficient de nos réformes de contribuer au financement de certaines politiques publiques. Je le dis aussi aux collectivités territoriales : nous avons tous la responsabilité de redresser les finances publiques. Si l’État – qui, je le répète, a protégé tout le monde – ne redresse pas ses finances publiques, cela aura des répercussions directes sur les collectivités et les partenaires sociaux.
Je suis désolé de vous dire que je ne partage pas l’idée selon laquelle nous ne pourrions pas demander aux acteurs importants menant des politiques publiques de participer à cet effort. Je vous demande également de penser à l’État, et à un sujet qui est régulièrement éludé ici : la nécessité de redresser les finances publiques. Je pense que nous pouvons nous accorder sur cet objectif.
Le Gouvernement émet donc un avis très défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.