M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis un peu ennuyé… Je suis d’accord sur le fond des amendements présentés, à l’exception, peut-être, de l’amendement n° 634. Mais l’adoption de l’amendement n° 633 rendrait le dispositif potentiellement contraire à la Constitution, selon le Conseil d’État et la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Je crains que cela n’aille trop loin et ne nuise à l’équilibre de l’article 13, auquel le Gouvernement tient.

Je me vois donc contraint d’émettre un avis défavorable sur tous ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 351 rectifié et 633.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 88 rectifié n’a plus d’objet.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 352 rectifié et 634.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Rochette, Lemoyne, Longeot, Capus, Chasseing, Chatillon et Courtial, Mme L. Darcos, M. Guerriau, Mme Lermytte, M. A. Marc, Mme P. Martin, M. Menonville, Mmes Paoli-Gagin et Puissat et MM. Ravier, Reynaud et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 412-…. – Lorsqu’un individu fait l’objet de poursuites pénales, les procédures de délivrance de titre de séjour ou de naturalisation le concernant sont suspendues dans l’attente d’une décision judiciaire définitive statuant sur sa culpabilité. Aucun étranger reconnu coupable d’une infraction à la loi pénale française ne peut se voir délivrer de titre de séjour ni être naturalisé. » ;

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. La France accueille chaque année des centaines de milliers d’immigrés. Les raisons qui les poussent à quitter leur pays d’origine sont variées. En faisant le choix de venir en France, ils s’engagent à s’y intégrer et sont tenus, comme tous nos compatriotes, de respecter les lois de notre République. L’accueil d’étrangers ne peut se faire au mépris de notre droit ni de la cohésion de notre Nation.

Mon collègue Pierre Jean Rochette propose que l’étranger ayant commis une infraction à la loi pénale ne puisse se voir délivrer de titre de séjour ni, a fortiori, être naturalisé. En effet, les étrangers délinquants n’ont pas leur place dans notre pays.

Dans l’hypothèse où l’étranger serait suspecté d’avoir commis une infraction, l’auteur de l’amendement propose de suspendre la procédure de naturalisation ou de délivrance de titre de séjour dans l’attente d’une décision judiciaire définitive statuant sur sa culpabilité.

M. le président. L’amendement n° 485 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cet amendement vise à suspendre l’instruction d’une demande de titre de séjour ou de naturalisation dans l’attente de la décision définitive statuant sur la culpabilité de l’étranger.

Nous voyons difficilement comment ce processus pourrait être mis en œuvre de façon pratique. Comment la préfecture serait-elle informée de ces poursuites ?

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 84 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Rochette, Lemoyne, Capus, Chasseing, Chatillon et Courtial, Mme L. Darcos, MM. Guerriau, A. Marc et Menonville, Mmes Paoli-Gagin et Puissat et MM. Ravier, Verzelen, L. Vogel et Wattebled, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 412-…. – Avant toute délivrance de titre de séjour ou toute naturalisation concernant un étranger résidant sur le territoire de sa commune, le maire est consulté par l’administration compétente et rend un avis conforme et motivé. L’administration compétente assure la confidentialité de cette procédure. » ;

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Il s’agit de nouveau d’un amendement proposé par M. Rochette.

Des élus de notre pays, les maires sont les plus proches de nos concitoyens. Ils sont également au cœur des territoires et des projets d’accueil des étrangers. Au plus près de nos concitoyens, les maires ont une connaissance fine des difficultés qu’ils peuvent rencontrer.

Ce sont également les mieux placés pour savoir si les étrangers qui résident sur le territoire de leur commune font preuve d’une véritable volonté de s’intégrer ou bien, au contraire, si leur comportement est de nature à nuire à la cohésion de notre Nation. À ce titre, nous considérons comme indispensable de mieux associer les maires à la politique migratoire de notre pays.

Il s’agit de prévoir la consultation systématique du maire par l’administration compétente lorsqu’il est question de délivrer un titre de séjour ou de naturaliser un étranger qui réside sur le territoire de sa commune. En cas d’avis défavorable, l’administration serait tenue de refuser la délivrance du titre ou la naturalisation.

Pour éviter d’exposer les maires à davantage de violences, nous proposons de rendre cette procédure confidentielle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Une forme de consultation des maires existe déjà au sein des commissions départementales du titre de séjour. Il ne nous semble pas judicieux de les placer davantage en première ligne.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Cet amendement me choque en ce qu’il part du principe que les maires consultés jugeront que les étrangers ne peuvent être acceptés sur le territoire français en raison de leurs comportements délictueux. Pourquoi ne pas partir du principe inverse et interroger les maires pour qu’ils donnent un avis favorable ?

Savez-vous, madame Darcos, que l’Association nationale des villes et territoires accueillants (Anvita) regroupe les maires de plusieurs centaines de communes françaises ayant décidé d’accueillir et de faciliter l’intégration de migrants ? Ils sont allés jusqu’à présent au-delà de l’action de l’État, et même au-delà de leur fonction première. Toujours est-il qu’ils contribuent énormément à la politique migratoire en facilitant l’intégration des migrants.

Demandons-leur ce qu’ils pensent des étrangers qui se trouvent sur leur territoire. Pourquoi rendre la procédure confidentielle, comme si tous les maires estimaient que les étrangers ne peuvent pas s’intégrer ? Vraiment, madame Darcos, le dispositif proposé me surprend.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 85 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 598, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 17

Compléter cet alinéa par les mots :

ou que l’intéressé ne soit pas retourné volontairement dans le pays qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré de crainte d’être persécuté

II. – Alinéa 18

Compléter cet alinéa par les mots :

ou que l’intéressé a perdu le bénéfice de la protection subsidiaire du fait d’un changement de circonstances lié à un retour volontaire dans le pays où il existait le risque réel mentionné à l’article L. 512-1

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai déjà évoqué cet amendement important lors de la discussion générale.

Lorsqu’il est démontré qu’un réfugié ayant demandé l’asile repart dans son pays, notamment au moment des vacances, alors qu’il est censé y être persécuté, et que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) lui retire, logiquement, l’asile, la loi lui permet de conserver son titre de séjour. Une telle situation est bien évidemment incompréhensible, pour les Français comme pour les services de l’État.

Cet amendement vise donc à tirer toutes les conséquences du retrait de l’asile en retirant aussi le titre de séjour.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 598.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 479 rectifié, présenté par MM. Bitz et Patriat, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Après le mot :

menace

insérer le mot :

grave

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 479 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 13, modifié.

(Larticle 13 est adopté.)

Article 13
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article additionnel après l'article 13 - Amendement  n° 614

Après l’article 13

Après l’article 13
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article additionnel après l'article 13 - Amendement n° 483 rectifié bis

M. le président. L’amendement n° 614, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 432-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 432-12-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 432-12-1. – La seule décision d’éloignement dont peut faire l’objet un étranger titulaire d’une carte de résident est une décision d’expulsion, prévue au titre III du livre VI du présent code. »

La parole est à M. le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. Cet amendement vise à préciser que la seule décision d’éloignement dont un étranger titulaire d’une carte de résident peut faire l’objet doit être un arrêté d’expulsion, afin de faciliter l’action des services du ministère de l’intérieur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission préfère la rédaction de l’amendement n° 636, adopté précédemment, dont l’objet est similaire.

Avis défavorable.

M. Gérald Darmanin, ministre. Je retire cet amendement, monsieur le président.

Article additionnel après l'article 13 - Amendement  n° 614
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article 14 A (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 614 est retiré.

L’amendement n° 483 rectifié bis, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Omar Oili, Bitz et Patriat, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile, est ainsi libellé :

Après l’article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Après le 2° de l’article L. 441-4, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« 2° … À l’article L. 423-7, le mot : “deux” est remplacé par le mot : “trois” ;

« 2° … À l’article L. 423-8, après les mots : “à l’article 371-2 du code civil,” sont insérés les mots : “depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins trois ans” ; » ;

2° Après le 8° de l’article L. 441-7, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« 8° … À l’article L. 423-7, le mot : “deux” est remplacé par le mot : “trois” ;

« 8° … À l’article L. 423-8, après les mots : “à l’article 371-2 du code civil,”, sont insérés les mots : “depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins trois ans” ; ».

La parole est à M. Bernard Buis.

M. Bernard Buis. Cet amendement proposé par notre collègue Thani Mohamed Soilihi vise à améliorer la régulation de l’immigration familiale à Mayotte et en Guyane.

À Mayotte, l’immigration familiale, particulièrement celle qui voit un étranger admis pour la première fois au séjour en tant que parent d’enfant français, représente de loin le premier motif d’admission au séjour sur le territoire. En Guyane, elle constitue également l’un des principaux motifs de délivrance des titres de séjour.

En outre, la reconnaissance de paternité ultérieure à la naissance de l’enfant est un puissant motif de fraude.

Nous proposons donc d’allonger de deux à trois ans le délai exigé d’entretien de l’enfant pour obtenir un titre de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

Il s’agit de doter les services de l’État d’un outil renforcé de lutte contre la fraude en ce domaine et, d’une manière plus générale, de combattre l’immigration clandestine qui affecte tout particulièrement les collectivités de Mayotte et de Guyane.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Au regard de la situation de Mayotte, que nous connaissons tous et que nous avons souvent l’occasion d’évoquer dans cet hémicycle, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Il s’agit d’une disposition très importante, notamment pour Mayotte. Je souligne d’ailleurs que ce sont les sénateurs mahorais de votre groupe, monsieur Buis, qui ont pris l’initiative de déposer cet amendement.

Son adoption est importante pour lutter avec encore plus de fermeté contre l’immigration et le détournement. Cette disposition figurait déjà dans le projet de loi relatif à Mayotte de M. Lecornu, qui n’a pu être présenté au Parlement.

Le Gouvernement est bien évidemment favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 483 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.

TITRE II bis

AGIR POUR LA MISE EN ŒUVRE EFFECTIVE DES DÉCISIONS D’ÉLOIGNEMENT

(Division nouvelle)

Article additionnel après l'article 13 - Amendement n° 483 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
Article 14 B (nouveau)

Article 14 A (nouveau)

I. – Après l’article L. 312-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 312-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 312-3-1. – Sans préjudice de l’article L. 312-3, le visa de long séjour peut être refusé au ressortissant d’un État délivrant un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires ou ne respectant pas un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires. »

II. – L’article 1er de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales prend en compte l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière, notamment vis-à-vis des États délivrant un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires ou ne respectant pas les stipulations d’un accord bilatéral ou multilatéral de gestion des flux migratoires. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 154 est présenté par Mme Conway-Mouret, M. Chantrel, Mmes de La Gontrie et Narassiguin, MM. Bourgi, Durain et Chaillou, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Roiron, Mmes Brossel et G. Jourda, MM. Kanner et Marie, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 320 rectifié est présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

L’amendement n° 429 rectifié bis est présenté par Mme O. Richard, MM. Cadic, Canévet et Hingray et Mmes Perrot et Sollogoub.

L’amendement n° 455 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour présenter l’amendement n° 154.

Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement vise à supprimer la disposition, introduite par la commission, permettant de restreindre arbitrairement le nombre de visas de long séjour accordés aux ressortissants des États qui ne se montreraient pas suffisamment coopératifs sur la question des laissez-passer consulaires.

Les choix que nous faisons en matière d’immigration et d’éloignement des personnes non désirées sur notre territoire relèvent bien de votre ministère, monsieur Darmanin. En revanche, les difficultés, certes tangibles, que rencontre la France avec certains pays en matière de réadmission relèvent, elles, de notre politique étrangère.

Il revient à notre diplomatie de peser de tout son poids dans le cadre de négociations bilatérales. C’est à ce niveau de négociation que doit se jouer le rapport de force pour éviter d’avoir recours à cette pratique de marchandage, qui affecte injustement les personnes souhaitant légitimement et régulièrement se rendre en France.

La politique de restriction des visas menée par le Gouvernement à partir de septembre 2021 à l’encontre de trois États du Maghreb – de l’ordre de 50 % pour le Maroc et l’Algérie et de 30 % pour la Tunisie – a détérioré de manière durable nos relations avec les populations francophones et francophiles de ces trois pays, que vous avez voulu rendre responsables de la politique de leurs gouvernements respectifs.

Cette mesure de punition collective a alimenté un profond sentiment d’injustice, de déception, voire de colère qui s’exprime encore dans tous les secteurs d’activité. Elle s’est surtout révélée contre-productive en portant atteinte à nos propres intérêts, notamment économiques.

Le refus d’accès à notre pays de manière indiscriminée a mis fin au principe d’examen au cas par cas des demandes de visa émanant de la société civile, des étudiants, des artistes, des professions libérales ou encore des acteurs du monde des affaires, ce qui a nui à nos relations économiques et culturelles.

Enfin, au lieu d’entraver l’immigration illégale contre laquelle nous entendons lutter, cette mesure a élargi le spectre d’action des passeurs et des trafiquants de visas.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste s’oppose fermement à l’inscription dans la loi de cette pratique injuste et inefficace dont l’application a provoqué, en une année, de nombreux dégâts collatéraux.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, pour présenter l’amendement n° 320 rectifié.

Mme Mathilde Ollivier. Cet article emporte plusieurs conséquences négatives et contre-productives.

Les premières personnes à pâtir d’une telle situation sont les populations elles-mêmes, dont les projets d’études, de visites à leurs proches ou de rapprochement familial sont mis en péril. Dans certains pays, cela provoque le départ par des voies irrégulières et potentiellement dangereuses de personnes qui avaient vocation à emprunter des voies sûres et légales de migration.

La focalisation de la coopération sur cet enjeu ne fait qu’exacerber des tensions politiques déjà importantes avec les pays concernés et augmente le ressentiment des populations, qui se sentent davantage privées d’opportunités, à l’égard des politiques françaises.

Il s’agit d’un enjeu diplomatique crucial. Quand on refuse un visa à une maman qui veut rendre visite à ses enfants qui étudient en France, quand on empêche des jeunes motivés de venir faire leurs études en France, on suscite une amertume, une déception. Quand on empêche un entrepreneur de venir faire des affaires en France, que se passe-t-il ? Il va faire des affaires et chercher des débouchés ailleurs. Quand on empêche des artistes, parfois de renommée nationale ou internationale, de se produire en France, que fait-on sinon affaiblir encore le rayonnement culturel de la France ?

Derrière les chiffres, derrière les réductions de 30 % ou de 50 % du nombre de visas accordés, comme c’est arrivé pour certains pays du Maghreb voilà un an ou deux, des familles, des vies, des projets sont bloqués pour des raisons politiques ou géopolitiques sur lesquelles les populations concernées n’ont aucune prise.

Pour ces raisons, nous dénonçons les stratégies tant du Gouvernement que de la majorité sénatoriale dans le traitement de la politique des visas et demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, pour présenter l’amendement n° 429 rectifié bis.

Mme Olivia Richard. Je vais tenir peu ou prou les mêmes propos que mes collègues.

Cette réforme de politique intérieure a une résonance à l’extérieur et ce que nous disons dans cet hémicycle a une incidence de l’autre côté de nos frontières.

Monsieur le ministre, vous vous félicitiez, lundi, de la politique menée à partir de 2021, dans laquelle vous voyez un succès, pour réduire de 30 % à 50 % le nombre de visas accordés à certains pays qui n’étaient pas suffisamment coopératifs en matière de laissez-passer consulaires.

Nous ne partageons pas nécessairement le même constat, mais si vous considérez que cette politique a rempli son objectif, je note tout de même qu’elle a été abandonnée depuis. C’est en effet notre commission des lois qui a souhaité introduire cet article dans le projet de loi.

Gardons à l’esprit que la situation internationale a fortement évolué depuis mars dernier. Il me semble fondamental de permettre à notre diplomatie de conserver une voix forte et de mettre en œuvre la meilleure coopération possible avec nos partenaires.

En ce sens, je rejoins ceux de mes collègues qui viennent de s’exprimer pour dire que restreindre les visas, c’est fermer la porte à des gens qui aiment la France, qui veulent y venir et qui y ont des attaches familiales ou économiques et commerciales. Les personnes qui ont eu à subir cette politique voulaient se rendre en France de manière légale. Le refus de délivrance de visa a engendré une forme de ressentiment qui a contribué à alimenter le sentiment anti-français que nous déplorons tous et dont nous regrettons la montée en puissance à l’étranger.

Je note avec intérêt que le rapport d’information sur les relations entre la France et l’Afrique des députés Bruno Fuchs et Michèle Tabarot est très critique sur notre politique diplomatique. Les auteurs y dénoncent notamment des vexations qualifiées d’« inutiles » et les restrictions de visas. C’est du bon sens : les populations concernées ne sont pour rien dans la mise en œuvre des OQTF.

La politique extérieure de la France n’est pas une variable d’ajustement, raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour présenter l’amendement n° 455.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. L’article 14, introduit en commission, prévoit de conditionner l’aide au développement à la coopération des États bénéficiaires sur les questions migratoires.

Outre le fait qu’il s’agit d’un cavalier législatif, l’adoption d’une telle mesure nuirait à l’image de la France au plan international. Notre pays doit rester capable de parler à tout le monde et demeurer un partenaire fiable, attaché au multilatéralisme.

L’aide publique au développement (APD) symbolise l’action humaniste de la France, la lutte contre la pauvreté à travers le monde. Transformer celle-ci en outil d’ingérence et de pression ne ferait qu’affaiblir notre position et se révélerait totalement contre-productif.

Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

Par ailleurs, en tant qu’Ultramarine, je considère qu’une telle mesure entraverait la coopération régionale, indispensable au développement économique des territoires d’outre-mer – je pense notamment à La Réunion.

L’avenir en océan Indien, c’est le codéveloppement. C’est du bon sens : nous avons besoin de pouvoir travailler avec nos pays partenaires dans de nombreux domaines. La Réunion est un département français avec une géographie africaine. Si l’on veut parler d’autonomie alimentaire, de pêche, d’innovation, de commerce, de culture à la française en océan Indien, il faut impérativement supprimer cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cette disposition est l’une des plus importantes ajoutées par la commission au projet de loi.

Nous discutons depuis quatre jours de ce texte ainsi que des améliorations et de l’orientation générale voulues par la commission et la majorité sénatoriale.

Notre philosophie est simple : nous avons des règles et nous devons les faire appliquer. Or nous savons que l’obtention de laissez-passer consulaires par les pays d’origine est aujourd’hui l’un des principaux obstacles à l’exécution des OQTF et des mesures d’éloignement.

Certains pays, qui peuvent être des partenaires à d’autres égards, refusent systématiquement, ou acceptent de façon extrêmement mesurée, de délivrer des laissez-passer consulaires, ce qui nous empêche d’appliquer les règles relatives au séjour des étrangers sur notre territoire.

Certains États sont si peu coopératifs que l’administration renonce même à soumettre des demandes vouées à l’échec. Actuellement, seul un laissez-passer sur deux est délivré dans des délais utiles.

Dans ce contexte, nous avons proposé une solution qui a déjà été mise en œuvre à l’automne 2021 et qui avait porté des fruits en termes de reprise de relations, notamment avec l’Algérie, pays qui ne voulait plus délivrer de laissez-passer consulaires.

Le dispositif est simple : face à un partenaire qui refuse de délivrer un document, à notre tour nous refusons d’en délivrer un – en l’occurrence les visas de long séjour.

Cet article, encore une fois, me paraît important. La commission se refuse résolument à le supprimer.

L’avis est défavorable sur ces quatre amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Le président de la commission des lois a déjà fort bien expliqué cet article, que le Gouvernement n’avait pas imaginé dans le texte initial. Mme la rapporteure vient à son tour de souligner l’importance de cette disposition.

La politique internationale recouvre un ensemble d’actions et ne se limite pas aux questions migratoires. Ces dernières impliquent néanmoins un équilibre entre les visas que nous délivrons et les laissez-passer consulaires que nous demandons.

Les Français ont du mal à comprendre que l’on puisse accorder beaucoup de visas à un pays qui, en retour, ne délivre quasiment aucune identification permettant d’établir les laissez-passer consulaires.

Je m’inscris en faux sur le fait que le rapport de force instauré par le Président de la République n’aurait pas été couronné de succès. Au lendemain de la crise du covid-19, le nombre de laissez-passer consulaires avoisinait les 3 % à 10 % pour les trois pays du Maghreb ; aujourd’hui, notamment pour l’Algérie et le Maroc, le nombre de laissez-passer consulaires accordés dépasse largement celui, record, de 2019.

Cette mesure a toutefois une limite, différente de celles que vous évoquez : les demandeurs peuvent tout simplement s’adresser à un autre État membre pour pénétrer sur le territoire de l’Union européenne.

Tout dépend des personnes visées par cette politique de restriction en matière de visas, qui relève du Quai d’Orsay : personnes venant travailler, étudiants, touristes ou encore élites patronales, culturelles ou politiques. Avec ces dernières, mon expérience de ministre de l’intérieur depuis trois ans montre que les restrictions suscitent en général du répondant…

Pour faire d’innombrables déplacements et participer à des rencontres internationales sur ces questions extrêmement complexes, qui ont intéressé tous mes prédécesseurs et qui intéresseront tous mes successeurs, je puis vous dire que le responsable du pays concerné – chef d’État, ministre de l’intérieur ou ministre des affaires étrangères – répond souvent qu’il aimerait bien pouvoir échanger des visas contre des laissez-passer consulaires, mais qu’il se borne à appliquer la loi de son pays et que des dispositions manquent dans notre droit national.

Cela étant dit, l’articulation imaginée par la commission me semble pertinente. Le dispositif n’est pas assez prescriptif, mais il n’empêche l’action ni du ministère de l’intérieur ni du Quai d’Orsay, et ne vient aucunement contrarier nos relations avec un pays tiers en ce qu’il n’est pas nominatif. La disposition proposée pose un cadre équilibré, de bon aloi, qui mérite d’être essayé et soutenu par notre diplomatie.