Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous voterons évidemment ces amendements.
Il faut bien voir ce dont il est question. On peut tergiverser sur les différences entre peine encourue et prononcée, mais que deviendra un enfant né en France qui n’obtiendrait pas la nationalité française ? Vous me répondrez : « La belle affaire, il aura la nationalité de ses parents. » C’est vraisemblablement exact d’un point de vue juridique, mais le fait est que cet enfant aura vécu depuis sa naissance en France. On le contraindrait donc, alors qu’il n’a jamais mis les pieds ailleurs que dans le pays où il est né, à avoir la nationalité d’un pays qu’il ne connaît pas. Je livre cela à votre réflexion.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je tiens à rassurer M. le rapporteur : je connais très bien la différence entre une peine encourue et une peine prononcée. Cela étant, une peine encourue peut être prononcée !
Dès lors que l’on inscrit dans la loi, monsieur le rapporteur, qu’une condamnation à une peine de six mois d’emprisonnement empêche l’application du droit du sol, cela signifie que toutes les condamnations possibles à une telle peine, si elles sont prononcées, empêchent la mise en œuvre de ce droit.
Par ailleurs, Mme de La Gontrie l’a très bien dit, que ferons-nous de tous ces enfants – il s’agit bien d’enfants, ils ont moins de 18 ans – qui sont nés, ont vécu et ont été éduqués et formés toute leur vie en France ? À quelle nationalité auront-ils droit ?
Le but est-il simplement de compliquer davantage l’accès à la nationalité française ? Je comprendrais très bien que vous le disiez ainsi. Si telle est votre position, qu’on en discute, mais ne dissimulez pas la réalité, comme vous l’avez fait hier concernant l’aide médicale de l’État. Dites que vous souhaitez rendre de plus en plus compliqué l’accès à la nationalité française !
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Szpiner, pour explication de vote.
M. Francis Szpiner. Je suis très étonné de ce débat : manifestement, il y a des gens qui vivent dans les codes, et d’autres dans la vie réelle.
Si vous interrogez les magistrats et les parquetiers des tribunaux pour enfants, ils vous diront que, lorsque des mineurs de 16 ans sont condamnés à des peines d’emprisonnement de six mois ferme, ce n’est qu’après leur sixième ou septième comparution devant le juge des enfants. En général, ils commencent par écoper d’un rappel à la loi, puis d’une remise aux parents et d’un avertissement. J’ai d’ailleurs toujours été étonné que la remise aux parents soit considérée comme une peine !
Une peine de six mois ferme, chers collègues, c’est une grosse peine. Quand un mineur prend six mois ferme, c’est qu’il a commis des actes graves, pas juste – quelle plaisanterie ! – des nuisances sonores !
Ensuite, les magistrats seront parfaitement conscients que, s’ils prononcent une peine d’emprisonnement de six mois ferme, ils prendront le risque que le mineur se voie refuser la nationalité française. Faites donc confiance aux magistrats, qui n’infligeront pas ces peines à la légère quand ils en connaîtront l’enjeu.
Enfin, on nous dit qu’il s’agit d’enfants. Je m’étonne que certains, alors qu’ils prônent la majorité à 16 ans, se rendent soudainement compte que les adultes de demain sont les enfants d’hier. Il faut être un peu cohérent ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié bis, 237 et 285 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2 ter.
(L’article 2 ter est adopté.)
Après l’article 2 ter
Mme la présidente. L’amendement n° 121, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Les articles 19-1, 19-3, 19-4 et 20-5 sont abrogés ;
2° Au deuxième alinéa de l’article 20, les références : « 19-1 », « 19-3 » et « 19-4 » sont supprimées.
II. – Les articles 23 et 25 de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité française et relative à certaines dispositions concernant la nationalité française sont abrogés.
La parole est à M. Christopher Szczurek.
M. Christopher Szczurek. Notre amendement vise à supprimer tous les articles de notre législation qui consacrent dans le droit positif le droit du sol ou le double droit du sol.
La réflexion sur la question de la nationalité est essentielle pour notre pays. La nationalité est un pilier fondamental de l’identité de notre nation. Il est impératif que notre législation reflète les valeurs et les intérêts de la France.
Être Français s’hérite ou se mérite. Ainsi l’amendement que nous vous soumettons aujourd’hui est une première étape vers l’alignement de notre législation sur cette vision. Le droit du sol tel qu’il est actuellement consacré accorde automatiquement la nationalité française, à sa majorité, à toute personne née sur le territoire français, quels que soient ses antécédents familiaux. De même, le double droit du sol permet à un enfant, né en France de parents étrangers, d’acquérir automatiquement la nationalité française.
Bien que ces principes aient leur légitimité, ils doivent être revus pour s’assurer qu’ils correspondent aux intérêts et aux valeurs de notre nation. La réforme constitutionnelle proposée durant la campagne présidentielle par Marine Le Pen a pour objectif de redéfinir les critères de la nationalité française, notamment en fixant des conditions plus strictes pour son acquisition.
Dans cette optique, il est logique de commencer dès à présent à supprimer les dispositions législatives qui s’opposent à cette vision en éliminant les articles de notre législation consacrant le droit du sol et le double droit du sol. Nous enverrions ainsi le signal fort que la nationalité française ne peut être octroyée automatiquement, mais qu’elle doit être gagnée par des actes et des engagements envers notre nation.
Cette démarche vise à garantir que la nationalité française est un privilège réservé à ceux qui partagent les valeurs qui y sont associées et souhaitent sincèrement contribuer à la prospérité et à l’unité de notre nation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Nous avons eu tout à l’heure un débat bref, mais intense, sur l’origine du droit du sol. Nous avons vu que tout pouvait être discuté, y compris l’histoire du droit du sol, mais il nous semble tout de même difficile de supprimer ce droit au détour d’un amendement, d’autant plus que nous avons déjà adopté au cours de nos débats quelques aménagements, lesquels nous apparaissent suffisants en l’état.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 573 rectifié, présenté par Mme de Marco, M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 21-14-1 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 21-14-…. – La nationalité française est conférée par décret, sur proposition d’un député ou d’un sénateur, à tout étranger s’étant illustré par son courage ou son mérite, au service de la société française.
« En cas de décès de l’intéressé, dans les conditions prévues au premier alinéa, la même procédure est ouverte à ses enfants mineurs qui, au jour du décès, remplissaient la condition de résidence prévue à l’article 22-1. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement de notre collègue Monique de Marco est un amendement d’appel.
En 1999, le législateur a introduit dans le code civil une disposition permettant au ministre de la défense d’octroyer la nationalité française « à tout étranger engagé dans les armées françaises qui a été blessé en mission au cours ou à l’occasion d’un engagement opérationnel et qui en fait la demande », ou, en cas de décès de l’intéressé, à ses enfants.
Cette disposition illustrait une réalité : de nombreux étrangers œuvrent quotidiennement au service de la France, sous les drapeaux, mais aussi dans la vie civile. Le Gouvernement a ainsi à sa main diverses dispositions juridiques permettant d’octroyer la nationalité française à des personnalités étrangères qui contribuent au rayonnement de la France, sans que le Parlement puisse d’ailleurs exercer de contrôle de ces naturalisations, dont l’opportunité peut parfois sembler étonnante.
Les choix opérés par le Gouvernement en matière de naturalisation traduisent une certaine vision de la nationalité française. Celle-ci devient le fait du prince dès lors qu’elle relève de la seule prérogative du Gouvernement.
En tant que parlementaires, nous sommes les interlocuteurs privilégiés de tous les élus sur notre territoire national. À ce titre, nous sommes tous les premiers témoins de l’intégration de personnes étrangères dans la vie de la cité, qui remplissent des missions pour notre pays. Elles représentent, et nous avec elles, une certaine idée de la France.
C’est pourquoi cet amendement vise à étendre aux parlementaires la prérogative de droit de naturalisation à titre exceptionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission relève qu’il est déjà possible de naturaliser une personne étrangère pour service exceptionnel rendu à la Nation, ainsi que M. Benarroche l’a lui-même indiqué.
Il est donc tout à fait loisible aux parlementaires de proposer une candidature, de la même façon qu’ils peuvent le faire pour des décorations qu’ils ne décernent pas eux-mêmes.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 346 rectifié bis est présenté par Mme V. Boyer, M. Le Rudulier, Mme Aeschlimann, MM. Allizard, Bacci, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Brisson, Bruyen, Burgoa, Cadec et Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques, Josende et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, M. Milon, Mmes Muller-Bronn et Nédélec, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Perrin, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon, Szpiner et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel, Cuypers et Khalifé et Mme Petrus.
L’amendement n° 521 rectifié ter est présenté par M. Ravier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 21-17 du code civil, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « dix ».
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour présenter l’amendement n° 346 rectifié bis.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement tend à allonger le délai de résidence au terme duquel la naturalisation peut être accordée à l’étranger résidant habituellement en France, en le faisant passer de cinq à dix ans.
Il convient en effet de renforcer l’appréciation de la réalité des liens que l’intéressé entretient avec la France avant de procéder à sa naturalisation.
De surcroît, le délai de dix ans correspond à la durée de validité d’une carte de résident et présente ainsi l’avantage d’être plus cohérent au regard de certains parcours, ainsi que cela a été rappelé hier.
La durée minimale de résidence est fixée à dix ans en Autriche, en Espagne, en Lituanie, en Pologne, en Slovénie et en Italie, contre neuf ans au Danemark, huit ans en Croatie, en Estonie, en Hongrie, en Roumanie, en Slovaquie et en Allemagne, et sept ans à Chypre et en Grèce.
Une fois encore, la comparaison européenne révèle que la politique d’immigration légale de la France est plus généreuse – si l’on peut dire – que celle que pratiquent la plupart de ses pays voisins et amis.
En France, les exigences en termes d’intégration sont également particulièrement généreuses – ou terriblement faibles, selon les points de vue. Le regroupement familial et l’accès à la nationalité répondent à des règles souvent beaucoup moins strictes que chez ses voisins européens.
De plus, les personnes étrangères font l’objet d’un accueil incomparablement plus généreux en France que partout ailleurs, qu’il s’agisse des réfugiés, des demandeurs d’asile, des mineurs isolés ou encore des étrangers en situation irrégulière.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 521 rectifié ter.
M. Stéphane Ravier. En 2022, 59 900 acquisitions de nationalité française l’ont été par naturalisation.
Dans le recensement 2021, l’Insee a estimé à 4,5 millions le nombre d’immigrés légaux en France, c’est-à-dire d’étrangers nés hors de France, dont une partie très importante se trouve depuis au moins cinq ans sur notre sol, ou s’y maintiendra durant ce délai et pourra ainsi prétendre à obtenir la nationalité française.
Pourtant, la nationalité française se mérite. Il ne s’agit pas d’un droit universel, d’un bout de papier, d’une carte d’allocation ou d’un titre de séjour à durée indéterminée.
La nationalité française est ce que nous avons de plus précieux. Elle n’est pas simplement une fiction juridique, elle est un enracinement de l’âme, un héritage, un lien, une communauté de destin. À cela, on ne saurait prétendre à la légère.
C’est pourquoi le critère de résidence de cinq ans ne semble pas suffisant.
De même qu’un pays peut assimiler des individus, mais pas des masses, il peut assimiler sur le temps long, mais pas dans la précipitation.
Vous rendez-vous compte de ce que le droit signifie concrètement ? Une personne immigrée arrivée au début du quinquennat d’Emmanuel Macron aurait pu être naturalisée l’année dernière ! C’est tout de même trop court, même si je vous accorde que cinq ans avec Emmanuel Macron, c’est long, très long… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
En rester là ne ferait qu’aggraver la crise civique et les fractures de la société. Ce serait nier ce qu’est la France, nier ce que veut dire être Français.
Il convient de mettre un terme à la déconstruction juridique des mots et du sens des choses, car il y a bien une culture et une identité françaises. Ceux qui disent le contraire participent au wokisme qui ronge notre État et notre civilisation.
C’est pourquoi cet amendement vise à porter à dix ans le temps de résidence habituelle minimum pour accéder à la nationalité française. Cette modification est tout à fait faisable et les standards européens sont bien plus exigeants que les nôtres : la Bulgarie, la République tchèque, l’Italie, la Lituanie, l’Espagne et la Suisse prévoient un délai minimum de dix ans.
Mes chers collègues, à l’heure où les processus de décivilisation et de désassimilation…
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Stéphane Ravier. … sont à l’œuvre sur notre sol, je vous invite à prendre vos responsabilités : elles sont historiques !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a été convaincue par l’argument développé par Mme Boyer consistant à aligner la durée de résidence requise sur le délai de validité de la carte de résident, ce qui permet ainsi à un étranger de passer de l’intégration à l’assimilation, donc d’obtenir une naturalisation.
La commission émet par conséquent un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. Je tiens à exprimer mon désarroi face à l’avis favorable de la commission sur deux amendements identiques déposés par la droite et l’extrême droite, respectivement Les Républicains et Reconquête.
La dérive dans laquelle s’est engagée notre assemblée apparaît à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, alors qu’il est de nouveau question du droit de la nationalité, qui n’y a pourtant pas sa place, dans le but de rendre la France de moins en moins accueillante envers ceux qui aspirent à devenir Français.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Pour la deuxième fois dans ce débat législatif, des amendements identiques du groupe Les Républicains et du sénateur Reconquête, défendus avec des argumentaires très proches, ont reçu un avis favorable de la commission. Certes, la commission ne mentionne que Mme Boyer et passe sous silence M. Ravier ; reste que tout se passe comme si Les Républicains étaient partis à la reconquête d’une sévérité qui est contraire à la générosité de notre pays.
« On ne saurait pourtant créer un nouvel appel d’air ! » Depuis des années, si l’on en croit les discours sur le sujet, notre pays ne serait plus qu’un vaste appel d’air. À ce titre, il est étonnant que la France ne soit pas le pays européen qui accueille le plus d’immigrés, malgré tous les appels d’air que nous aurions créés, malgré cette générosité démesurée à tous les niveaux : naturalisation, nationalité, traitement des travailleurs immigrés, prestations sociales, salaires…
Comment expliquer cela ?
C’est simple : cet argument ne tient pas, il ne correspond pas à la réalité. Il s’agit d’une fable, contredite par tous les sociologues et par tous les statisticiens, y compris ceux qui travaillent dans les services de l’État, ainsi que par tous les syndicalistes. Il n’y a pas d’appel d’air et la France n’est pas la plus généreuse, celle qui accueillerait des milliers d’immigrants de plus que les autres pays.
Cessons d’utiliser ce raisonnement pour tout et n’importe quoi : aujourd’hui, exiger dix ans de présence sur le territoire français pour prétendre à une naturalisation parce que cinq ans ne suffiraient pas. Et pourquoi pas vingt-cinq ans ? Pourquoi pas toute une vie, après tout ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je tiens à répondre au désarroi de mes collègues qui s’affolent du fait qu’un amendement émanant du groupe Les Républicains soit identique à un amendement de M. Ravier.
Une pensée politique ne saurait s’articuler en réaction à celle d’une autre personne ou d’un autre mouvement. Chacun est libre de penser ce qu’il entend.
J’observe d’ailleurs que, en début de séance, le groupe socialiste a déposé un amendement dont l’objet s’est révélé très proche de celui qui a été présenté par M. Ravier. Vous aviez exactement le même objectif !
Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Corinne Narassiguin. Il s’agissait d’une demande de rapport !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Non, il ne s’agissait pas de cela.
Toujours est-il que, comme vous définissez votre pensée politique en opposition à celle d’autrui, lorsque vous avez constaté cette convergence, vous avez retiré votre amendement, ce qui est tout à fait légitime.
Cessons donc de penser que nous avons le droit d’engager certaines actions seulement parce que celles-ci se distingueraient de celles d’autres groupes politiques. Chacun fait ce qu’il entend faire, en fonction de ses propres convictions ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Ravier applaudit également.)
M. Stéphane Ravier. Bravo !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 346 rectifié bis et 521 rectifié ter.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 ter.
M. Stéphane Ravier. La messe est dite !
Mme la présidente. L’amendement n° 122, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 21-27-1 est ainsi rédigé :
« Art. 21-27-1. – Lors de son acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique, l’intéressé perd sa ou ses autres nationalités.
« Le premier alinéa ne s’applique pas aux pays avec lesquels la France a signé des accords bilatéraux autorisant de posséder plusieurs nationalités. » ;
2° L’article 23 est ainsi rédigé :
« Art. 23. – Toute personne majeure de nationalité française, résidant habituellement à l’étranger, qui acquiert volontairement une nationalité étrangère perd automatiquement la nationalité française à compter de la date d’acquisition de la nouvelle nationalité.
« Le premier alinéa ne s’applique pas aux pays avec lesquels la France a signé des accords bilatéraux autorisant de posséder plusieurs nationalités.
« Dans le cas visé au deuxième alinéa du présent article, l’intéressé est libre de choisir entre garder ou perdre sa nationalité française. »
La parole est à M. Joshua Hochart.
M. Joshua Hochart. Cet amendement vise à supprimer la binationalité ou la multinationalité. Il s’agit là d’un sujet complexe qui appelle une réponse pragmatique.
D’un côté, il est important de reconnaître que de nombreuses personnes peuvent entretenir des liens culturels, familiaux ou professionnels avec plus d’un pays.
De l’autre, la binationalité ou la multinationalité peut susciter des questions en matière de loyauté et de cohésion nationale, comme en attestent les événements récents qu’a traversés notre pays.
Par cet amendement, nous prônons une approche équilibrée. Son principe général tend à la suppression de la binationalité et de la multinationalité, de manière à clarifier les obligations et les droits des citoyens français ainsi qu’à renforcer le lien entre la nationalité et la loyauté envers la France.
Nous défendons en effet depuis toujours le principe de l’assimilation. Acquérir la nationalité française, c’est épouser les valeurs et l’histoire françaises ; devenir Français est un acte d’amour. Comme tel, il semble légitime qu’il soit unique.
Faire Nation est un plébiscite de chaque jour. Si le désir d’un étranger est de devenir Français, il serait anormal qu’il conserve la nationalité du pays qu’il a volontairement quitté.
Cependant, notre proposition est placée sous le signe du pragmatisme. À ce titre, elle intègre la possibilité d’accords bilatéraux négociés au cas par cas avec des pays entretenant des liens amicaux forts et anciens avec la France. Cette possibilité de dérogation offre ainsi une approche adaptée aux réalités du monde d’aujourd’hui, dans lequel de nombreuses personnes sont traversées de liens transnationaux.
Pour toutes ces raisons, nous défendons avec vigueur le principe de la suppression de la binationalité, tout en laissant à nos services diplomatiques – fort malmenés depuis six ans – le soin de construire des accords au cas par cas selon les intérêts de la France.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit certainement d’un amendement d’appel : nos collègues ne peuvent raisonnablement envisager que nous supprimions aujourd’hui, au détour d’un simple amendement et sans véritable débat, la binationalité ou la multinationalité, quelles que soient les questions que celles-ci soulèvent.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 527 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Après l’article 2 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 25 du code civil est ainsi rédigé :
« L’individu qui possède la nationalité française peut, par décret pris après avis en Conseil d’État, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride : ».
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Prenons un exemple concret de l’effet qu’entraînerait l’adoption de cet amendement.
Si, comme l’affirme M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer, Karim Benzema est en lien avec les Frères musulmans et que, comme plusieurs journalistes l’indiquent, il possède la double nationalité franco-algérienne, je demande à son encontre des sanctions, notamment la déchéance de sa nationalité française.
Comme l’explique Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le frérisme est un mouvement politico-religieux qui s’est donné pour mission d’organiser la marche de tous les musulmans vers le même objectif : l’instauration de la société islamique mondiale.
Si les propos du ministre de l’intérieur et des outre-mer sont avérés, nous devons envisager des sanctions contre Karim Benzema, nous devons demander la déchéance de sa nationalité. Nous ne pouvons accepter qu’un binational français connu dans le monde entier déshonore, voire trahisse ainsi notre pays.
Cet amendement vise donc à déchoir tous les binationaux, fussent-ils nés Français, de leur nationalité s’ils affichent clairement une allégeance habituelle et manifeste à une autre nation contre la France, son peuple et ses règles.
Rendons à César ce qui est à César et à notre excellente collègue Mme Boyer ces propos, puisqu’ils lui appartiennent entièrement ! (Exclamations sur les travées des groupes GEST et SER.)
Mes chers collègues de droite, je vous invite donc à soutenir avec moi Mme Boyer et à voter cet amendement afin que tous ceux qui ne sont que des Français de papier puissent être déchus de leur nationalité, M. Benzema comme les autres.