Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour présenter l’amendement n° 169.
Mme Corinne Narassiguin. J’espère, moi aussi, que le Gouvernement soutiendra ces amendements de suppression ; M. Darmanin semblait aller dans ce sens, quand il nous expliquait que ces dispositions relatives à la nationalité n’avaient rien à faire dans ce projet de loi. Mais il est vrai qu’il est inquiétant que le Gouvernement n’ait pas jugé bon de déposer lui-même un amendement de suppression, surtout au regard du nombre d’amendements déposés par ailleurs, certains de manière totalement superflue.
Cet article 2 bis, au-delà des arguments que j’ai déjà évoqués, notamment le fait que c’est une brèche dans le droit du sol – un droit fondamental de notre République qui doit être préservé –, introduit une complication dans notre droit.
En effet, il existe déjà un régime qui permet d’acquérir la nationalité française sur manifestation de volonté : il concerne les mineurs à partir de 13 ans et jusqu’à 16 ans. En créer un autre à l’approche des 18 ans n’a pas beaucoup de sens.
En outre, une telle mesure va, comme je l’ai expliqué il y a quelques minutes, provoquer une rupture d’égalité au sein de la République en matière d’acquisition de la nationalité française, ce qui n’est pas tolérable. S’il y a un domaine dans lequel l’égalité républicaine doit être absolument respectée, c’est bien la citoyenneté, l’appartenance à la République. Il est absolument inacceptable d’introduire des discriminations sociales ou de genre en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 286 rectifié.
M. Guy Benarroche. On peut quand même s’étonner de l’ajout de dispositions relatives à la nationalité dans un texte sur l’immigration ; d’autres l’ont d’ailleurs fait avant moi.
Au-delà, je dois dire que la totalité du groupe écologiste est extrêmement heurtée et choquée par les modifications apportées par cet article au droit du sol.
Le code civil dispose aujourd’hui que tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de 11 ans. Cette rédaction est d’une logique absolue et parfaitement cohérente avec le droit du sol.
L’article 2 bis revient sur cet automatisme, ce qui est très grave, puisque l’une des conditions sine qua non de l’acquisition de la nationalité française à la majorité serait désormais que le jeune manifeste la volonté de l’acquérir.
Nous nous inquiétons, comme l’Unicef, avec lequel nous avons travaillé cet amendement, des conséquences de cette conditionnalité nouvelle et de ce qui pourrait définir cette manifestation de volonté. Les modalités de la manifestation de volonté ne sont pas définies, ce qui pourrait engendrer des décisions aléatoires ou diverses, sans aller jusqu’à les qualifier d’arbitraires, de la part des autorités administratives.
De plus, nous craignons que des personnes n’ayant pas eu accès à cette information avant leur majorité, ou n’ayant pas réalisé l’importance de cette démarche pour leur avenir, se voient privées de leur nationalité – je rappelle que cette démarche devrait être faite entre l’âge de 16 et de 18 ans.
L’article restreint aussi les conditions de résidence habituelle : le jeune devrait justifier d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent la manifestation de sa volonté. Ainsi, les enfants qui, par exemple, auraient suivi durant cette période, même pour quelques mois, leurs parents poursuivant une expérience professionnelle à l’étranger ne pourraient pas demander la nationalité française.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 467.
M. Pascal Savoldelli. Il faut bien le dire, le combat de la droite française pour restreindre le principe du droit du sol n’est pas nouveau. On peut même parler d’une idée fixe. C’est reconnu !
Après la mise en place de la commission Marceau Long par le Premier ministre Jacques Chirac, c’est le gouvernement d’Édouard Balladur qui supprima l’automaticité du droit du sol pour les jeunes de 18 ans nés en France et y résidant depuis une certaine période.
Le droit du sol, manifesté par la naturalisation de ces jeunes qui ont vocation, par leur lieu de naissance et leur résidence, à devenir Français, accompagne toute l’histoire de la République : de 1851 à 1927, en passant par la loi de 1889, le droit du sol s’est ancré dans l’histoire de la République.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas vrai !
M. Pascal Savoldelli. Faut-il rappeler – nous le verrons avec les amendements de Mme Boyer, qui est à l’origine de beaucoup d’ajouts dans ce texte –…
Mme Valérie Boyer. Merci !
M. Pascal Savoldelli. … que, historiquement, ce sont les nouveaux Français qui pouvaient éventuellement renoncer à la nationalité ? La volonté qu’il fallait manifester n’était pas celle d’être Français, mais celle de ne pas l’être !
Comment ne pas se rappeler que c’est le gouvernement de Vichy qui inaugura l’idée de la remise en cause du droit du sol, (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.) avec la mise en place d’une commission de révision de naturalisation, triste instance qui doit encore faire rêver certains partisans de Mme Le Pen ou de M. Zemmour ! C’est l’ordonnance du 19 octobre 1945, issue du combat, main dans la main, des Français et des immigrés contre l’occupant nazi, qui instaura le droit du sol qui s’applique aujourd’hui dans notre pays.
Nous n’acceptons pas la demande dangereuse de la droite sénatoriale, qui, au moment où la cohésion sociale de notre pays est menacée, décide de faire planer le doute sur l’avenir de toute une jeunesse.
Le droit du sol a une origine, une histoire. Il a supplanté le droit du sang. Et rappelez-vous qu’il fut une époque où l’on parlait de sang impur…
Cette question est extrêmement importante, et je crois que ce qui fonde la République, c’est de concevoir le droit du sol comme une citoyenneté politique.
Mme Audrey Linkenheld. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il est défavorable, madame la présidente.
Je voudrais éviter les controverses historiques, monsieur Savoldelli, mais ce débat a commencé avant la Première Guerre mondiale, et les fondements juridiques de ce droit sont un peu différents de ceux que vous avez évoqués. Mais je ne crois pas que ce soit notre sujet.
L’article 2 bis, que ces amendements visent à supprimer, résulte de l’adoption par la commission d’un amendement de Mme Boyer, qui est particulièrement attentive à ces sujets. Il faut bien admettre – nous en avons discuté avec elle en commission – qu’elle nous amène à tangenter les limites de l’article 45 de la Constitution – nous le savons tous. Son amendement a en tout cas été déclaré recevable.
Sur le fond, il ne nous paraît pas anormal de demander une manifestation de volonté à un jeune qui est né sur le territoire français, mais dont les deux parents sont étrangers, de sorte qu’il peut estimer avoir été élevé dans une communauté dont il se sentirait plus proche.
Le fait d’exiger une manifestation de volonté ne nous choque donc pas, d’autant qu’il n’y a rien à prouver. Mme Narassiguin a laissé entendre que ce jeune devrait prouver quelque chose ; ce n’est pas le cas : il n’y a rien à prouver.
Enfin, certains ont rattaché cette disposition à Charles Pasqua. Je ne crois pas que quiconque cherche à faire revivre la mémoire de cet ancien ministre de l’intérieur au travers de cet article, mais je rappelle que cette disposition se rattache plutôt à la commission de la nationalité, qui était présidée par Marceau Long, alors vice-président du Conseil d’État, dont tout le monde reconnaît l’autorité morale. En outre, le rapporteur de ce texte était Pierre Mazeaud, dont vous avez été nombreux à souligner l’intégrité intellectuelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements de suppression : les sujets relatifs à la nationalité n’ont rien à faire dans un texte sur le droit des étrangers en France.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je ne m’étendrai pas sur le fond, chacun votera en conscience, mais je voudrais dire à M. le ministre que je ne suis pas d’accord avec lui – une fois n’est pas coutume ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Il faut que cela se produise, d’autant que j’ai appris tout à l’heure que vous remodeliez la droite autour de vous…
M. Roger Karoutchi. C’est exact ! Dans le « en même temps », tout est possible… (Nouveaux sourires.)
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec le ministre pour une raison simple. Il faut arrêter de dire que le droit du sol est un principe républicain ; ce n’est pas vrai ! En réalité, le premier texte sur les mouvements migratoires – je l’ai dit lors de la discussion générale, mais les gens écoutent plus ou moins… –, c’est la loi de 1889, qui portait à la fois sur l’acquisition de la nationalité et sur les mouvements migratoires. Déjà en 1889, on faisait le lien.
Certains veulent absolument faire du droit du sol un principe républicain, mais il faut lire le compte rendu des débats de 1889 à la Chambre des députés – vous ne serez pas déçus ! Cela n’a strictement rien à voir avec la République : nous étions dans une période de grande faiblesse démographique par rapport à l’Allemagne et le législateur s’est simplement dit qu’il fallait renforcer le nombre de Français pour avoir des troupes au cas où l’on devrait repartir à la bataille contre l’Allemagne. (Marques d’approbation au banc des commissions.) Ces débats sont d’un cru que l’on n’imagine pas : les uns et les autres faisaient leurs petits calculs pour savoir combien l’on aurait de soldats en plus par régiment…
Ce n’est donc pas un principe républicain, c’est un principe de réalité !
Je ne vois donc pas au nom de quoi le ministre peut s’opposer à toute modification du droit du sol et je ne comprends pas pourquoi cet article n’aurait pas sa place dans ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Karoutchi, on écoute certes plus ou moins attentivement les interventions en discussion générale, mais j’ai redit hier soir assez tard – je ne sais pas si vous étiez présent alors – ce que j’avais déjà expliqué à la tribune la veille : le Gouvernement ne s’exprime pas sur l’opportunité de telle ou telle disposition prévue par la commission des lois relative au droit de la nationalité ; il considère simplement que cela n’a rien à faire dans ce texte et que ces propositions constituent des cavaliers législatifs. Je l’ai déjà dit à maintes reprises au président de la commission des lois et aux rapporteurs, mais c’est évidemment le Sénat qui est juge de la recevabilité de ces dispositions.
La quasi-intégralité des textes sur le droit des étrangers ne mélange pas celui-ci avec les dispositions du code civil. Si nous l’avions fait, le Conseil d’État aurait sans doute disjoint une telle disposition – vous le savez bien.
Nous parlons de choses – le droit des étrangers – qui sont déjà assez compliquées ; ajouter des articles sur le droit de la nationalité revient à mon sens à créer des cavaliers, ce qui devrait entraîner la censure du Conseil constitutionnel. Je crains que la Haute Assemblée ne perde son temps : certes, il s’agit de sujets très intéressants, parfois vitaux, mais vos décisions n’entraîneront pas de modifications pour les Français, ce qui peut désespérer un peu plus encore ceux qui suivent nos débats.
Les questions de nationalité peuvent être traitées dans d’autres textes, à d’autres moments, et le Gouvernement est évidemment prêt à en débattre. Mais, je le répète, nous considérons que tout article introduit en commission ou tout amendement qui porte sur le droit de la nationalité est un cavalier pur et simple. C’est pour cette raison que le Gouvernement y est défavorable. J’essaye simplement d’être cohérent.
M. André Reichardt. Nous appliquons l’article 45 de la Constitution !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je n’aborderai pas la question de la place de cet article dans un tel texte, mais je considère, sur le fond, que la disposition qui a été adoptée en commission est particulièrement choquante.
Vous semblez méconnaître profondément, mes chers collègues, ce qu’est un adolescent entre 16 et 18 ans. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Or c’est bien à cet âge que vous leur imposez de « manifester la volonté » d’acquérir la nationalité française. Si j’ai bien compris, après 18 ans, la porte se ferme et les jeunes sont alors obligés de passer par une demande de naturalisation. Est-ce bien cela que vous proposez ?
Il s’agit de mineurs ! Or l’idée qu’un mineur de 16 à 18 ans puisse avoir un conflit affectif avec ses parents ne vous a pas effleurée. Vous demandez à un mineur de faire une démarche qui est avant tout celle d’un adulte. Entre 16 et 18 ans, combien de personnes sont informées de leurs droits ? Combien savent que c’est le moment de demander la nationalité, qu’ensuite la porte se fermera ? Probablement très peu, voire aucun !
Enfin, je ne comprends pas votre approche globale de ce que veut dire « faire nation ». Ce texte est destiné à lutter contre les étrangers qui entrent en France de manière irrégulière et qui voudraient y rester bien qu’ils n’y aient pas droit. Là, nous avons affaire à des enfants qui sont en France en situation régulière, qui doivent « faire nation » avec nous, et vous leur fermez la porte. En fait, vous fabriquez des gens extérieurs à la nation française. Nous n’avons vraiment pas la même conception de ce que veut dire « faire nation » !
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le rapporteur, vous nous avez demandé de mettre l’histoire de côté, ce que vous n’avez pas fait vous-même. Ce n’est pas moi qui vais vous en faire le reproche. Je suis plutôt coutumier des désaccords avec Roger Karoutchi (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.), mais jamais je ne lui demanderai de mettre l’histoire de côté, et lui ne me le demandera pas non plus. Il est normal que l’histoire nourrisse nos débats dans cet hémicycle.
M. Roger Karoutchi. Heureusement !
M. Pascal Savoldelli. Dès que le peuple français a eu la possibilité de s’exprimer, il a inscrit le droit du sol parmi les fondements de notre nation. À la Révolution, tout homme ayant vécu un an sur notre territoire a reçu la possibilité de devenir Français. Pourquoi ? Parce que la France s’est constituée comme une nation politique, plutôt que comme une nation religieuse ou ethnique. Une nation politique repose sur la notion de citoyenneté, et ce depuis que le siècle des Lumières a fait triompher la liberté et l’égalité contre la tyrannie. Auparavant, les Français n’étaient que des sujets du roi. Le peuple a refusé le droit du sang, car on lui disait que son sang était impur, contrairement au sang bleu des aristocrates. Le droit du sol est apparu comme la garantie fondamentale de l’égalité des droits. Il est bon de le rappeler.
Mes chers collègues, remettre cela en cause comme vous le faites, c’est remettre en cause les principes mêmes de la République. C’est extrêmement grave !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Laurence Rossignol l’a très bien dit, ces jeunes veulent faire nation avec nous. Je dirai même qu’ils font déjà nation avec nous.
M. Roger Karoutchi. Pas toujours !
M. Guy Benarroche. Ils sont sur notre territoire ; ils apprennent le français dans nos écoles ; ils participent à toutes les activités sportives et aux événements culturels, qu’ils organisent parfois eux-mêmes. Ils font partie de notre pays, et ce depuis leur naissance ou leur arrivée en France.
Pour eux, il est logique, sans questionnement dans 99 % des cas, d’être Français, naturellement. Le seul fait de leur demander d’exprimer la volonté d’être Français revient à leur envoyer un signal négatif : si vous ne faites pas cette demande, leur dit-on, vous n’êtes pas réellement Français !
Alors que nous nous battons aujourd’hui pour lutter contre l’immigration irrégulière au profit d’une immigration régulière, vous ne trouvez rien de mieux que de dire à ceux qui font nation avec nous depuis leur naissance et qui s’estiment Français qu’ils ne le sont pas vraiment, sauf s’ils en font la demande. Je ne vois pas du tout la cohérence de votre pensée.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je ne m’attendais pas à ce que nous entrions dans un débat sur les grands principes. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) Je partage la lecture historique présentée par M Karoutchi – j’avais bien écouté son intervention dans la discussion générale ! (Sourires.)
Monsieur Savoldelli, vous considérez que le droit du sol fait partie de nos grands principes républicains.
M. Pascal Savoldelli. Oui !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. À cet égard, vous n’êtes pas sans savoir que la loi du 24 août 1993 a été soumise à l’appréciation du Conseil constitutionnel. Permettez-moi de vous lire le passage de sa décision qui concerne ce sujet : « Considérant que la loi déférée dispose que l’acquisition de la nationalité française doit faire l’objet d’une manifestation de volonté de la part de l’intéressé ; » – c’est ce dont nous parlons – « que s’agissant d’une telle condition mise à l’acquisition de la nationalité française par l’effet de la naissance sur le territoire français, » – le droit du sol – « il était loisible au législateur de l’édicter sans porter atteinte à un principe de valeur constitutionnelle ; que, dès lors, le grief évoqué doit être écarté ; »…
J’ai bien compris vos propos, mais le Conseil constitutionnel vous a déjà répondu. Le débat que nous avons sur ces amendements va au-delà de ce point, mais il convient de garder cette décision à l’esprit.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 rectifié bis, 169, 286 rectifié et 467.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 524 rectifié bis, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles 21-7, 21-8, 21-9, 21-10 et 21-11 du code civil sont abrogés.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Le droit du sol est devenu un dogme auquel il faut croire. À l’origine, comme l’a parfaitement rappelé notre collègue Roger Karoutchi,… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.) C’est un fait historique ! J’ai le droit d’être d’accord avec lui !
À l’origine, disais-je, le droit du sol a été créé pour une raison simple : faire face à la poussée démographique allemande et rendre nos armées capables de mettre autant d’hommes que possible sur le front en cas de mobilisation générale. Or, s’il y a bien une invasion aujourd’hui, elle ne vient pas de l’autre rive du Rhin !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. N’exagérez pas quand même !
M. Stéphane Ravier. À quel titre devrait-on donner la nationalité française à quelqu’un uniquement grâce au hasard de son lieu de naissance, si, depuis, il ne vit qu’avec des étrangers et se comporte en France comme un étranger ?
Suivre l’école de la République n’est en aucun cas suffisant, surtout de nos jours, puisque l’on y apprend désormais que la France est non plus une patrie charnelle, mais une vague idée.
Je rappelle qu’en 2016, selon l’Ifop, 47 % des lycéens français musulmans plaçaient la charia au-dessus des lois de la République. Quatre ans plus tard, en 2020, ils étaient 57 % !
M. Roger Karoutchi. C’est vrai !
M. Stéphane Ravier. Vous voyez que l’école de la République ne fait pas tout.
En France, aujourd’hui, un enfant sur six naît de deux parents étrangers hors Union européenne, quand c’était moins d’un sur dix en 2001. Depuis 2017, chaque année, ce sont plus de 60 000 personnes nées de parents non communautaires qui peuvent demander à bénéficier du droit du sol : 360 000 étrangers, soit l’équivalent de la population de Nice, ont pu devenir Français par le simple fait d’être nés sur le territoire national.
Pourquoi ce qui a été fait à Mayotte, avec la suspension du droit du sol, ne pourrait-il pas être fait en métropole ?
Selon l’Ifop, en 2018, 52 % des Français étaient favorables à la suppression du droit du sol. Ils étaient 58 % en 2020.
Un veau qui naît dans une écurie, cela ne fera jamais de lui un cheval ! (Sifflets sur les travées du groupe CRCE-K. – Huées sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE.)
M. François Patriat. C’est abject !
M. Stéphane Ravier. Cela, les Français l’ont parfaitement compris, mes chers collègues. C’est à vous de l’admettre enfin : la suppression de cette stupide loi du sol est autant une évidence qu’une urgence !
Mme la présidente. Monsieur Ravier, je vous invite à n’employer que des termes corrects pour parler de nos concitoyens.
L’amendement n° 344 rectifié, présenté par Mmes V. Boyer et Aeschlimann, MM. Allizard, Anglars, Bacci, Bas, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Brisson, Bruyen, Burgoa, Cadec et Cambon, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mmes de Cidrac et Ciuntu, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Demas, Deseyne, Di Folco, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone, Eustache-Brinio et Evren, MM. Favreau et Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Gueret, Hugonet et Husson, Mmes Jacques et Josende, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, H. Leroy et Le Rudulier, Mmes Lopez, Malet et P. Martin, M. Meignen, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Muller-Bronn, M. de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pernot et Perrin, Mme Pluchet, M. Pointereau, Mmes Primas et Puissat, MM. Rapin, Reichardt et Retailleau, Mme Richer, MM. Rojouan, Saury, Sautarel et Savin, Mme Schalck, MM. Sido, Sol, Somon, Szpiner et Tabarot, Mme Ventalon, MM. C. Vial, J.P. Vogel et Cuypers et Mme Petrus, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code civil est ainsi modifié :
1° Le titre Ier bis du livre Ier est ainsi modifié :
a) Au second alinéa de l’article 20-5, la référence : « 21-11 » est remplacée par la référence : « 21-7 » ;
b) Le premier alinéa de l’article 21-7 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Tout enfant né en France de parents étrangers peut, à partir de l’âge de seize ans et jusqu’à l’âge de dix-huit ans, acquérir la nationalité française à condition qu’il en manifeste la volonté, qu’il réside en France à la date de sa manifestation de volonté et qu’il justifie d’une résidence habituelle en France pendant les dix années qui la précèdent.
« Dans les mêmes conditions, la nationalité française peut être réclamée, au nom de l’enfant mineur né en France de parents étrangers, à partir de l’âge de treize ans, la condition de résidence habituelle en France devant alors être remplie à partir de l’âge de trois ans. Le consentement du mineur est requis, sauf s’il est empêché d’exprimer sa volonté par une altération de ses facultés mentales ou corporelles constatée selon les modalités prévues au troisième alinéa de l’article 17-3.
c) Les articles 21-10 et 21-11 sont abrogés ;
d) À la fin du premier alinéa de l’article 21-13-2, les mots : « des articles 21-7 ou 21-11 » sont remplacés par les mots : « de l’article 21-7 » ;
e) Au premier alinéa de l’article 21-28, la référence : « 21-11 » est supprimée ;
2° Le titre Ier du livre V est ainsi modifié :
a) À l’article 2493, les mots : « le premier alinéa de l’article 21-7 et l’article 21-11 » sont remplacés par les mots : « les premier et troisième alinéas de l’article 21-7 » ;
b) L’article 2494 est ainsi modifié :
– Au deuxième alinéa, les mots : « les articles 21-7 et 21-11 sont applicables » sont remplacés par les mots : « l’article 21-7 est applicable » ;
– Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l’article 2493, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, s’applique à l’enfant né à Mayotte de parents étrangers entre l’entrée en vigueur de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 précitée et de la loi n° … du … pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Mes amendements sont en discussion commune avec le précédent, mais je n’emploierai pas les mêmes termes que son auteur.
Je veux rappeler que, dès 2012, avec l’élection du président Hollande, on a constaté une forte augmentation de l’immigration : 210 940 personnes en 2014, 250 000 en 2015, 242 000 en 2017, 250 550 en 2018, 276 600 en 2019, 315 000 en 2022, après la parenthèse des années covid. La France semble avoir perdu la maîtrise de son immigration.
Les acquisitions de la nationalité française ont augmenté entre 2017 et 2021, de 53,6 %, pour s’élever à 130 385 naturalisations. Les conditions d’accès à la nationalité, notamment pour les mineurs, restent relativement favorables, ce qui est susceptible de renforcer l’attractivité du territoire français. Aussi, en commission des lois, nous avons souhaité resserrer ces conditions pour les mineurs étrangers nés en France de parents étrangers.
À cet égard, monsieur le ministre, je ne peux que regretter que l’accès à la nationalité, qui favorise l’immigration, compte parmi les sujets occultés dans la rédaction initiale de votre projet de loi, et ce en parfaite contradiction avec son objet, à savoir l’immigration et l’intégration. Pour ma part, je pense que l’acquisition de la nationalité française représente la fin du parcours d’intégration. J’ai ainsi fait adopter un amendement tendant à subordonner l’acquisition de la nationalité française par ces personnes à une manifestation de volonté, comme c’était le cas dans les années 1990.
Aujourd’hui, nous devons aller plus loin encore. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement n° 344 rectifié. Cet amendement, issu de notre proposition de loi pour reprendre le contrôle de la politique d’immigration, d’intégration et d’asile, tend à prolonger l’intention, manifestée dans le texte de la commission, de mettre fin à l’automaticité de l’acquisition de la nationalité en raison de la naissance et de la résidence sur le territoire français – c’est le droit du sol – pour les mineurs étrangers nés en France de parents étrangers.
Nous souhaitons non seulement que l’acquisition de la nationalité par cette voie soit subordonnée à une manifestation de volonté, comme la commission l’a prévu, mais aussi que la durée de la résidence habituelle sur le territoire soit doublée, pour être portée à dix ans.
Je veux faire remarquer au passage que, lorsque la loi Pasqua, en 1993, a mis en place la manifestation de la volonté, aucun désordre ne s’en est ensuivi.
La nationalité pourrait également être acquise par réclamation anticipée, à compter des 13 ans du mineur concerné ; la condition de résidence habituelle de dix ans s’appliquerait toutefois également dans ce cas.
Par ailleurs, le dispositif de cet amendement contient également les coordinations nécessaires pour le cas particulier de Mayotte.
J’ajoute que j’avais déjà présenté des amendements similaires, alors que j’étais députée, lors de l’examen de la loi du 10 septembre 2018, dite loi Collomb. Je regrette qu’à ce moment-là nous n’ayons pas pu avancer sur ce sujet, qui me semble absolument majeur.
Enfin, monsieur le ministre, si l’on ne parle pas de la nationalité à la faveur de ce texte, quand allons-nous en parler ? On nous avait pourtant annoncé le « grand soir » de l’immigration, un grand projet de loi. Cet amendement me semble totalement entrer dans le cadre de notre débat, car il s’agit d’un sujet absolument central.