Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Mes chers collègues, je tiens simplement à témoigner des cérémonies de naturalisation auxquelles j’assiste, que ce soit à la préfecture de l’Hérault, à Montpellier, ou dans les sous-préfectures de Béziers et de Lodève. Nous y avons droit à la diffusion d’un message du Président de la République et à celle de La Marseillaise, que tout le monde chante en chœur.
Ces cérémonies sont à la main du préfet, qui, secondé par ses sous-préfets, les orchestre dans le plus pur esprit républicain. Sénateurs et députés du département y sont invités plusieurs semaines en amont,…
M. Laurent Burgoa. C’est vrai.
M. Hussein Bourgi. … à l’instar des maires des communes concernées. Pour la circonstance, on nous invite à revêtir notre écharpe tricolore.
Je puis vous l’assurer : tous les naturalisés conviés sont au rendez-vous. Tous se rendent à ces cérémonies, qui sont toujours empreintes d’émotion. Parfois, ils veulent d’ailleurs faire venir leur famille tout entière : le préfet et les sous-préfets doivent alors leur signaler qu’une seule personne peut les accompagner.
Les dispositions de cet amendement et le débat qu’elles suscitent me paraissent donc surréalistes : en pratique, les cérémonies de naturalisation ont déjà toute la solennité voulue. Si certains de nos collègues n’ont pas eu l’occasion d’y prendre part depuis quelque temps, je les encourage vivement à s’y rendre ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Madame Narassiguin, je vous invite à lire attentivement l’amendement de M. Le Rudulier.
Je suis au regret de vous l’indiquer – je ne saurais croire que vous avez un problème de lecture –,… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Niveau A2 !
M. Olivier Paccaud. … le point essentiel n’est pas de chanter, mais de participer à la cérémonie au terme de laquelle la nationalité française sera offerte, ce qui me paraît évident. La Marseillaise est effectivement évoquée, mais il n’est pas demandé de la chanter : lisez !
De manière plus fondamentale, j’observe que la République, c’est peut-être d’abord des symboles. C’est un drapeau, c’est Marianne, c’est une devise ; autant d’éléments qui nous rassemblent. Pour ma part – comme vous, je suppose –, je suis très fier de chanter La Marseillaise.
Monsieur Bourgi, j’ai moi aussi participé à un grand nombre de ces cérémonies, à la préfecture de Beauvais. Même si le chant de certains naturalisés est parfois un peu hésitant, notre hymne y est toujours entonné avec beaucoup de cœur ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, indépendamment de ce débat essentiel (Sourires sur les travées du groupe RDPI.), je rappelle que le Gouvernement ne souhaite pas voir les dispositions du code civil relatives à la nationalité française modifiées par le présent texte, qui porte sur les étrangers.
Cela ne signifie pas que ce sujet est dépourvu d’intérêt ; mais, en l’occurrence, il nous semble totalement cavalier, au sens législatif du terme, évidemment. (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 605, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre I du titre Ier du livre VIII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et des visas » ;
2° L’article L. 811-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 811-2. – Les actes et décisions de justice étrangers relatifs à l’état civil, produits par un ressortissant étranger pour justifier notamment de son identité et de ses liens familiaux, doivent être préalablement légalisés au sens du II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019. La présomption de validité des actes de l’état civil ainsi produits, telle que prévue à l’article 47 du code civil, et l’opposabilité des jugements étrangers dont la régularité n’a pas été préalablement vérifiée par l’autorité judiciaire française, sont subordonnées à l’accomplissement de cette formalité.
« Sous réserve des dispositions de l’alinéa précédent, la vérification de tout acte de l’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l’article 47 du code civil. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Il s’agit d’imposer la légalisation des actes d’état civil étrangers afin de lutter contre la fraude.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
Article 2
(Supprimé)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 20 rectifié bis est présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Bilhac, Cabanel, Gold, Guérini, Guiol, Laouedj et Roux, Mme Girardin, MM. Fialaire et Grosvalet, Mmes Guillotin et Pantel et M. Masset.
L’amendement n° 388 rectifié ter est présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l’article L. 6321-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut également proposer aux salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret. » ;
2° L’article L. 6321-3 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 6321-3. – Pour les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l’article L. 413-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, engagés dans un parcours de formation linguistique visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, les actions permettant la poursuite de celui-ci constituent un temps de travail effectif, dans la limite d’une durée fixée par décret en Conseil d’État, et donnent lieu au maintien de la rémunération par l’employeur pendant leur réalisation. » ;
3° L’article L. 6323-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les formations en français langue étrangère choisies par les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l’article L. 413-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, financées par le compte personnel de formation et réalisées en tout ou partie durant le temps de travail, l’autorisation d’absence est de droit dans la limite d’une durée fixée par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l’amendement n° 20 rectifié bis.
M. Philippe Grosvalet. Mes chers collègues, j’ai bien noté, ce soir, dans notre assemblée, une forme d’unanimité pour reconnaître que la langue française est un merveilleux vecteur d’intégration, voire d’assimilation.
Pourtant, n’en déplaise à certains d’entre vous, les Français n’ont pas toujours parlé français ! Ma propre grand-mère – cela ne date pas d’hier ! – ne parlait pas français, bien que sa famille eût été française depuis de nombreuses générations.
À cet égard, l’école républicaine est sans doute l’un des meilleurs creusets d’intégration et de formation. Mais l’entreprise pourrait – je dirais même : devrait – l’être elle aussi. Je m’étonne donc que l’article 2 ait été rejeté par notre commission des lois.
Je le répète, nos entreprises sont autant de lieux propices à l’apprentissage de la langue française : elles sont à même de prendre en charge cet enseignement au titre de la formation continue.
J’observe, notamment dans le territoire dont je suis l’élu, que le fait de partager la même langue est source de réussite pour nos entreprises, dans la mesure où elle est source de cohésion sociale. C’est tout particulièrement vrai pour la société qui fabrique les plus grands et les plus beaux bateaux du monde. (Sourires.) Et ce constat vaut tout spécialement pour la sécurité au travail, domaine où règne un puissant esprit d’égalité, où tous les employés portent d’ailleurs la même tenue – chez nous, on parle encore des « bleus ». De même, la sécurité vaut pour tous les salariés de l’entreprise.
Plus largement, je sais combien les chefs d’entreprise de mon territoire sont soucieux d’assurer la maîtrise de la langue française par tous leurs salariés.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons le rétablissement de l’article 2.
Mme Maryse Carrère. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l’amendement n° 388 rectifié ter.
Mme Mélanie Vogel. Défendu !
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 564 est présenté par MM. Bitz et Patriat, Mme Schillinger, MM. Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili et Patient, Mme Phinera-Horth et MM. Rambaud, Rohfritsch et Théophile.
L’amendement n° 586 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l’article L. 6321-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Il peut également proposer aux salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret. Par dérogation, pour les salariés visés à l’article L. 7221-1 du code du travail et ceux employés par les particuliers employeurs visés à l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles, les modalités d’application du précédent alinéa sont renvoyées à un décret. » ;
2° L’article L. 6321-3 est ainsi rétabli :
« Art. L. 6321-3. – Pour les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l’article L. 413-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, engagés dans un parcours de formation linguistique visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, les actions permettant la poursuite de celui-ci constituent un temps de travail effectif, dans la limite d’une durée fixée par décret en Conseil d’État, et donnent lieu au maintien de la rémunération par l’employeur pendant leur réalisation. » ;
3° À l’article L. 6321-6, les mots : « à l’article L. 6321-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 6321-2 et L. 6321-3 » ;
4° L’article L. 6323-17 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les formations en français langue étrangère choisies par les salariés allophones signataires du contrat mentionné à l’article L. 413-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, financées par le compte personnel de formation et réalisées en tout ou partie durant le temps de travail, l’autorisation d’absence est de droit dans la limite d’une durée fixée par décret en Conseil d’État.
« Par dérogation, pour les salariés mentionnés à l’article L. 7221-1 du présent code et ceux employés par les particuliers employeurs mentionnés à l’article L. 421-1 du code de l’action sociale et des familles, les modalités d’application de l’avant-dernier alinéa du présent article sont renvoyées à un décret. »
La parole est à M. Olivier Bitz, pour présenter l’amendement n° 564.
M. Olivier Bitz. En tant que nouveau sénateur, je suis assez admiratif de la manière dont ce projet de loi chemine.
À l’origine, il y a une volonté politique forte du Gouvernement, non seulement de réguler les flux migratoires, mais aussi de mieux intégrer les étrangers en situation régulière.
Cette volonté a rencontré celle de la majorité sénatoriale, laquelle, en commission, a enrichi le présent texte. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître la nécessité de mieux réussir l’intégration des personnes étrangères. L’apprentissage de la langue française est évidemment au cœur de ce travail.
Pour relever un tel défi, il faudra la mobilisation de tous, à commencer par les personnes concernées : les étrangers en situation régulière doivent faire l’effort d’apprendre le français.
Parallèlement, il faut mobiliser à la fois les pouvoirs publics, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités territoriales, la société civile, le monde associatif, mais aussi les entreprises. Pourquoi ces dernières seraient-elles les seules à s’exonérer de ce devoir collectif ? Il s’agit ni plus ni moins que de permettre la bonne intégration des étrangers admis à rester sur notre sol.
J’en suis profondément convaincu : au titre de leur responsabilité sociale, les entreprises doivent permettre à leurs salariés allophones de suivre des cours de français sur leurs heures de travail. Voilà pourquoi nous proposons, nous aussi, un amendement de rétablissement de l’article 2.
Les entreprises doivent être au cœur du défi que représente l’intégration des personnes étrangères en situation régulière.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 586.
M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure avancée, on peut avoir l’impression que nous traitons de sujets quelque peu secondaires. Or l’article 2, malheureusement supprimé par votre commission des lois, est extrêmement important.
À la suite des précédents orateurs, que je tiens à remercier de leurs propos, je vous invite, moi aussi, à rétablir cet article.
Un salarié étranger suivant un parcours d’intégration doit disposer, pendant ses heures de travail, du temps nécessaire pour suivre des cours de français. C’est indispensable pour qu’il puisse s’intégrer et faire siennes les valeurs de la République.
Il s’agit avant tout d’une mesure de justice.
Ces étrangers en cours d’intégration appartiennent souvent aux classes ouvrières ou populaires. Ce sont par exemple les femmes de ménage, évoquées par M. Brossat, qui assurent l’entretien des bureaux de La Défense pour que les cadres puissent y travailler dans de bonnes conditions.
Ces personnes ont souvent une heure et demie de transports tôt le matin, une heure et demie de transports tard le soir. Elles ne peuvent pas suivre des cours de français à d’autres moments de la journée – pour ma part, je suis sensible à cet argument. Elles doivent élever leurs enfants, malgré le manque de moyens. Elles font souvent face à un certain nombre de difficultés personnelles, si bien qu’elles ne peuvent pas suivre de cours de français l’après-midi, même s’ils sont gratuits : elles n’en ont tout simplement pas le temps.
Bien sûr, nous devons écouter les demandes de main-d’œuvre exprimées par le patronat. Mais, de leur côté, les entreprises doivent assumer leur responsabilité sociale.
Le « 1 % logement », qui aujourd’hui fait florès, a vu le jour dans ma région. Par ce biais, les patrons contribuent au logement de leurs employés.
À la responsabilité patronale environnementale, qui peut prendre diverses formes, à la nécessité de renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes, doit s’ajouter cette responsabilité patronale que constitue l’intégration des salariés de l’entreprise.
Un tel effort est d’autant plus juste que ces salariés ne passent pas tout leur temps dans les locaux de leur entreprise : ils vivent dans notre société au sens large. Or nous avons à « subir » la mauvaise intégration de certaines personnes que nous avons fait venir, indépendamment du fait que les entreprises qui les salarient ne leur ont pas permis de s’élever socialement, alors que c’est aussi le but du travail et le rôle de l’entreprise : celle-ci ne saurait être mue par la seule recherche du profit.
Nous en appelons dès lors au patriotisme des entreprises.
Contrairement à d’autres gouvernements, nous avons refusé de leur imposer une taxe pour financer l’intégration. Ce choix aurait été si facile ! Mais nous avons préféré faire le pari social de l’entreprise : quand un patron embauchera un étranger en difficulté ou au début de son intégration, des cours de français devront être proposés pendant les heures de travail.
J’ajoute une remarque à l’intention des travées de la droite, où l’on a sans doute été sensible à un certain nombre d’arguments énoncés hors de cette assemblée.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe Les Républicains, si vous voulez être cohérents avec nos positions communes, qu’il s’agisse de l’article 3 ou de tout autre article, vous devez reconnaître qu’un salarié en cours d’intégration est évidemment moins compétitif qu’un Français ou qu’un étranger parfaitement intégré. Par ailleurs, en dédiant une partie de ses 35 heures de travail hebdomadaire à l’apprentissage du français, à ce parcours d’intégration, au prix d’une moindre compétitivité sur le moment, ce qui peut certes nuire à l’embauche de cet étranger, parfois d’ailleurs au profit d’un étranger en situation irrégulière qui ne s’engage pas dans ce parcours, nous lui permettons, à terme, de travailler plus efficacement.
La suppression de cet article en commission a été, je le sais, votée sur votre initiative. Je ne veux pas croire que la position exprimée alors soit celle d’un grand parti gaulliste, pour qui le travail a toujours été un vecteur d’émancipation et non une simple source de profit.
Je comprends que ces dispositions gênent un certain nombre de directions d’entreprise – pas toutes, d’ailleurs : beaucoup de patrons m’ont fait savoir qu’indépendamment des organisations professionnelles ils s’efforçaient d’améliorer les conditions sociales de leurs ouvriers et de leurs employés –, mais je ne saurais accepter sans rien dire la suppression de l’article 2.
Je m’efforce donc de vous en convaincre : les dispositions dont il s’agit sont éminemment sociales et patriotiques. Nous demandons au patronat non pas d’acquitter une taxe, mais d’apporter une petite contribution – on pourrait parler du « 1 % langue », du « 1 % intégration », du « 1 % patriotisme » – en faveur d’une main-d’œuvre que nos entreprises font venir sur le territoire national, notamment parce qu’elle leur coûte moins cher.
Ne considérez pas le seul profit tiré de cette main-d’œuvre : ce sera l’honneur de cette assemblée. Les précédents orateurs l’ont très bien rappelé – je relève d’ailleurs que le premier d’entre eux n’appartient pas à la majorité gouvernementale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à rétablir l’article 2, qui ferait l’honneur de notre capitalisme à visage humain ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Cécile Cukierman. C’est beau ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. J’ai été troublée un instant, en entendant M. le ministre dire en aparté à Mme la présidente du groupe communiste que, à force de parler comme elle, il pourrait presque adhérer au parti… (Sourires.)
Mme Cécile Cukierman. Pas tout de suite ! Il n’est pas encore au niveau A2 ! (Nouveaux sourires.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ma chère collègue, je vous laisse la responsabilité de vos propos et je reprends le fil de mon intervention !
Pourquoi la commission a-t-elle fait le choix de supprimer cet article, donc à présent de s’opposer à ces amendements de rétablissement ?
Il me semble que nous sommes au moins d’accord sur un point, qui relève d’ailleurs de l’évidence : la langue est un facteur d’intégration pour les personnes étrangères.
Monsieur le ministre, avons-nous, à cet égard, une obligation de moyens ou une obligation de résultat ? Nous n’aboutissons pas tout à fait à la même conclusion. Mais, de manière générale, nous considérons que la langue est un facteur d’intégration.
Reste la question suivante : sur qui doit peser l’effort d’intégration des étrangers par la langue ?
Dans certains pays, c’est la responsabilité de l’étranger lui-même : il doit atteindre un certain niveau de langue en se débrouillant par ses propres moyens. Nous n’avons pas fait ce choix, mais, dans l’absolu, nous aurions pu le faire : cela n’aurait rien de choquant.
Aux termes de l’article 2, que nous avons supprimé en commission, l’effort devrait reposer sur l’employeur, qui, aujourd’hui, a déjà la faculté de fournir des formations au français langue étrangère (FLE).
Dans les entreprises, évoquées par M. Grosvalet, où la sécurité est en jeu, il est évident que l’employeur garantit lui-même ce niveau de formation puisqu’il assume, in fine, la sécurité de son salarié.
Aujourd’hui, s’il le souhaite, l’employeur peut donc parfaitement assurer l’intégration de son salarié par la langue, dans le cadre du travail.
Faut-il pour autant faire peser sur lui l’intégralité de cette formation et de ce travail d’intégration ? Ce n’est pas le choix qu’a fait la commission.
L’intégration par la langue, telle que nous la concevons depuis le commencement de cette discussion, est d’abord à la charge de l’État.
Dans un grand élan de générosité, monsieur le ministre, vous avez sous-amendé un amendement du groupe communiste – décidément ! (Sourires.) – visant à créer des cours de langue gratuits. À présent, vous indiquez que le Gouvernement aurait pu recourir à une taxe : j’y vois la preuve que ce travail de formation et d’intégration par la langue relève bel et bien de l’État. C’est tout le sens de l’ensemble des mesures dont nous avons débattu.
Quant à l’employeur, il agit à l’échelle de son entreprise, mais il ne saurait supporter tout le poids de cette politique. Je rappelle que l’article 2 ne lui laisse aucun choix : c’est sur les heures de travail et, finalement, à ses frais que la formation se déroulera.
Non, ce n’est pas dans cet esprit que nous examinons le présent texte. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 20 rectifié bis et 388 rectifié ter ?
M. Gérald Darmanin, ministre. À l’évidence, madame la rapporteure, nous avons une différence d’appréciation très forte.
Nous ne demandons pas aux entreprises de payer la formation : nous leur demandons de libérer moins de 5 % du temps de travail des salariés concernés pour qu’ils puissent apprendre le français grâce à des formations payées par l’État.
C’est un levier considérable pour favoriser l’embauche de Français ou d’étrangers réguliers parfaitement intégrés : il faut savoir faire preuve de cohérence, notamment au sujet de la régularisation des travailleurs des métiers en tension. On redoute en effet l’appel d’air qu’une telle mesure pourrait provoquer, ou encore l’existence d’une « armée de réserve », composée de personnes qui sont nécessairement moins bien payées, pour la simple et bonne raison qu’elles parlent moins bien le français : elles sont moins à même de se défendre et acceptent plus facilement les emplois qui leur sont proposés.
Dès lors, la question est assez simple.
Soit on considère, dans une logique étatiste, que la puissance publique est responsable de tout, absolument tout. Dans ces conditions, il ne fallait prévoir ni le « 1 % logement », ni aucune exigence environnementale, ni aucune mesure en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes ou de l’accompagnement du handicap.
Soit on considère que les patrons embauchant des personnes qui ne parlent pas bien le français, mais sont appelées à vivre dans notre société en fréquentant des lieux de culte, en prenant le métro, en accédant au logement, en parcourant l’espace public, ou encore en adhérant à un club de sport, doivent concourir à leur émancipation, car c’est là le rôle social de l’entreprise. Dans ce cas, il faut rétablir l’article 2.
Ledit article n’a rien de révolutionnaire. Il demande, alors que l’État va tout payer, 5 % du temps de travail de ces salariés. Il ne me paraît pas choquant que la femme de ménage évoquée précédemment puisse apprendre le français pendant ses heures de travail. Ce n’est pas du niveau A2 du parti communiste, pour reprendre l’expression de Mme Cukierman. (Sourires sur les travées du groupe CRCE-K.) En revanche, c’est à mon avis le niveau A1 du gaullisme !
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur tous les amendements de rétablissement de l’article 2, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Monsieur le ministre, à vous entendre, une telle formation ne pourrait que favoriser l’insertion sociale et économique des étrangers : je suis d’accord à 100 %. Mais, dans ce cas, elle doit être prise en charge par les pouvoirs publics.
Vous nous répliquez que l’effort profiterait certainement aux entreprises elles-mêmes : voilà pourquoi vous entendez leur transférer cette charge, que vous estimez à 5 % du temps de travail des intéressés.
Le problème, c’est que votre article 2, comme ces amendements de rétablissement, n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact sérieuse.