M. Stéphane Piednoir. Cet amendement vise à inscrire dans la loi le principe de la différenciation des droits d’inscription à l’université entre étudiants français et étrangers. Actuellement, la majoration concernant les étudiants étrangers relève du seul arrêté du 19 avril 2019 pris dans le cadre du plan Bienvenue en France, dont nous avons abondamment parlé.
Élever cette disposition au niveau législatif permettrait d’envoyer un signal politique fort, tout en consolidant son assise juridique auprès des présidents d’université, sans pour autant remettre en cause la décision du Conseil d’État du 1er juillet 2020 validant cette majoration au motif que celle-ci ne porte pas atteinte au principe d’égal accès à l’instruction, les étudiants étrangers conservant la possibilité d’obtenir des bourses de l’enseignement supérieur.
En outre, il ressort des auditions que je mène actuellement dans le cadre de mon rapport pour avis sur le budget de l’enseignement supérieur que, dans tous les établissements ayant mis en œuvre une telle différenciation, les effectifs d’étudiants étrangers étaient revenus à leur niveau antérieur après deux ans, et présentaient de surcroît des profils qualitatifs intéressants.
Contrairement à ce que j’ai entendu dire précédemment, cette mesure ne porte donc pas atteinte à l’attractivité de notre enseignement supérieur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cet amendement ne présente pas d’innovation sur le fond : il est déjà possible d’appliquer une majoration des droits d’inscription universitaires pour les étudiants originaires de pays extracommunautaires. Il vise simplement à inscrire cette possibilité dans la loi.
Il contient par ailleurs une précision : les universités ciblant des profils spécifiques pourraient exonérer de cette majoration les étudiants qu’elles considéreraient comme les plus appropriés pour elles.
L’avis de la commission est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. L’avis est défavorable, mais il ne s’agit pas d’une opposition de principe : j’ai moi-même défendu cette mesure pendant trois ans en tant que ministre des comptes publics, sans parvenir à emporter les arbitrages interministériels.
Pour autant, je considère que cet amendement n’a pas sa place dans ce projet de loi, car cette disposition est budgétaire et relève de la loi de finances. Je vois que vous êtes impatients de retrouver Bruno Le Maire !
Je devine toutefois que la majorité va adopter cet amendement, lequel sera malheureusement supprimé à l’Assemblée nationale ou considéré comme cavalier par le Conseil constitutionnel. En effet, recette ou dépense, il concerne les établissements, c’est-à-dire, en matière budgétaire, des administrations publiques (APU).
Je vous propose donc de le retirer et de le déposer à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances dans sa partie concernant l’enseignement supérieur ; il pourra ainsi être débattu avec le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er G.
Article 1er H (nouveau)
I. – À titre expérimental, lorsque l’autorité administrative envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l’un des titres de séjour mentionnés aux chapitres I à III, aux sections 1 et 2 du chapitre V et au chapitre VI du titre II du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, elle examine tous les motifs susceptibles de fonder la délivrance de ces titres de séjour.
Cette expérimentation est mise en œuvre dans au moins cinq départements et au plus dix départements déterminés par un arrêté du ministre chargé de l’immigration et pour une durée maximale de trois ans à compter du premier jour du sixième mois suivant la promulgation de la présente loi.
II. – Pour l’application du I, le demandeur transmet, à l’appui de sa demande, l’ensemble des éléments justificatifs nécessaires à l’autorité administrative pour prendre une décision.
III. – À l’issue de la procédure d’examen, l’autorité administrative peut, parmi les titres de séjour mentionnés au premier alinéa du I, délivrer à l’intéressé, sous réserve de son accord, un titre de séjour différent de celui qui faisait l’objet de sa demande initiale.
IV. – Dans les cas où l’autorité administrative a opposé un refus à une demande de titre de séjour examinée selon la procédure prévue aux I à III, elle déclare irrecevable toute nouvelle demande déposée par l’étranger sauf si celui-ci fait état de faits ou d’éléments nouveaux intervenus après la décision de refus ou dont il est avéré qu’il n’a pu en avoir connaissance qu’après cette décision.
L’administration examine toute nouvelle demande en prenant en compte la durée de résidence sur le territoire national et l’ancienneté professionnelle de l’étranger à la date de l’introduction de la première demande.
V. – Six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à apprécier l’opportunité de sa généralisation. Ce rapport expose notamment les effets de l’expérimentation sur le nombre de demandes de titres de séjour et de recours contentieux introduits.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 124 est présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.
L’amendement n° 446 est présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christopher Szczurek, pour présenter l’amendement n° 124.
M. Christopher Szczurek. Nous proposons la suppression de cet article avec l’objectif d’éviter à l’État français de créer plus de guichets sociaux pour les étrangers en faisant peser sur son administration une mission d’assistance juridique incompatible avec son rôle.
En l’état actuel de cet article, l’autorité administrative doit en effet déterminer si l’étranger peut bénéficier d’un autre titre de séjour. En cas de refus de délivrer ou de renouveler un titre de séjour, elle doit donc rechercher une solution personnalisée pour lui permettre de s’implanter sur le territoire.
Mes chers collègues, la France, selon les chiffres provisoires difficilement publiés par le ministère de l’intérieur et des outre-mer, a accordé 316 000 titres de séjour en 2022, soit l’équivalent en une année de la population de la ville de Nantes.
L’autorité administrative est déjà généreuse dans sa distribution de titres de séjour aux étrangers ; elle ne saurait devenir un auxiliaire juridique et faciliter ainsi l’installation d’étrangers, même régulièrement, sur notre sol.
Si la majorité sénatoriale et le Gouvernement souhaitent limiter l’immigration légale, alors la suppression de cet article est une nécessité.
L’État n’a pas le devoir de faciliter l’installation des étrangers. Ces derniers sont seuls comptables de leur situation juridique ainsi que des arguments et des solutions qu’ils présentent devant le juge administratif.
M. le président. La parole est à M. Ian Brossat, pour présenter l’amendement n° 446.
M. Ian Brossat. Cet article prévoit la mise en place de l’expérimentation de l’instruction dite à 360 degrés des demandes de titres de séjour.
Une telle proposition risque, à nos yeux, d’accroître le caractère discrétionnaire du pouvoir de l’administration dans sa mission de délivrance des titres de séjour en le concentrant dans une seule et unique demande et une seule et unique décision. En effet, dans le cas où l’administration refusera la première demande, elle pourra déclarer irrecevable toute nouvelle tentative par la suite.
Nous craignons donc qu’une telle mesure soit érigée en nouveau principe de fonctionnement de la délivrance des titres de séjour dans notre pays, ce qui nous conduit à déposer cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ces deux amendements visent à supprimer le dispositif d’examen à 360 degrés des demandes de titres de séjour, introduit par la commission.
Actuellement, lorsqu’un étranger essuie un premier refus sur un motif de séjour donné, rien ne l’empêche de déposer une multitude de demandes successives sur d’autres fondements ; or il existe 187 titres de séjour différents. Cela permet donc à l’intéressé de se maintenir sur le territoire, alors même que la durée de présence est prise en compte dans les régularisations qui pourraient intervenir.
Il nous a donc semblé raisonnable de mettre en place le processus suivant. Lorsqu’un étranger dépose une demande de titre pour un motif déterminé, soit son dossier est en état et l’administration le lui accorde – celle-ci ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire –, soit il ne l’est pas, et l’administration examine alors l’ensemble des autres motifs de séjour possibles, à 360 degrés, pour statuer définitivement sur la situation de l’intéressé au regard des règles régissant le droit au séjour. L’objectif est simplement d’éviter les demandes répétées visant à contourner la loi.
Dès lors, cette personne ne pourra renouveler sa demande que si elle peut présenter des éléments nouveaux.
Ce dispositif n’est ni favorable ni défavorable. Il vise à appliquer notre droit et à prévenir son détournement par une multiplication des demandes.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Brossat, il ne me semble pas cohérent de déposer un tel amendement de suppression avec des arguments exactement symétriques à ceux du Rassemblement national. Sans chercher à défendre M. Karoutchi, je constate d’ailleurs que, si vos amendements sont bien identiques, vous ne demandez pas une discussion différenciée. Cela peut donc arriver dans un débat démocratique. Je ne vous en fais pas le reproche, quant à moi, dans la mesure où les arguments que vous avancez sont en effet différents.
Pour autant, cela devrait vous inciter à donner sa chance au produit, si je puis dire ! Il s’agit de déterminer un éventuel droit au séjour en application de la loi. L’agent de préfecture rendra ce service, afin d’éviter les détournements de procédure. Nous cherchons tous, il me semble, à accorder des droits à ceux qui en disposent, tout en refusant les abus. Cela me paraît conforme au souhait exprimé par le secrétaire général du Parti communiste français de ne pas donner lieu à une immigration irrégulière.
Ce débat devrait donc, à mon sens, vous inciter à retirer votre amendement, d’autant qu’il ne s’agit que d’une expérimentation dans la préfecture de Normandie, dont il sera rendu compte devant le Parlement.
En ce qui concerne l’intervention du sénateur du Rassemblement national, je distingue deux possibilités.
La première, monsieur le sénateur, c’est que vous ne voulez aucun étranger en France. On ne saurait l’exclure, mais ce n’est ni la position du Gouvernement ni celle de la plupart des sénateurs. Ainsi, vous refusez que les intéressés fassent valoir leurs droits, vous ne voulez pas changer la loi : vous refusez même que l’on étudie leur situation.
Il existe une deuxième possibilité, qui me semble la plus probable, mais que vous n’assumez pas dans votre exposé des motifs. Cet article, imaginé par le président de la commission des lois, avec lequel nous avons travaillé en amont de ce texte, va résoudre de nombreux problèmes, simplifier beaucoup de contentieux et nous permettre d’être plus rapides pour répondre, notamment négativement, et éloigner les intéressés. C’est cela qui vous gêne !
Vous ne souhaitez pas que nous trouvions des solutions, mais que nous subissions toujours des contentieux, pour pouvoir affirmer que nous n’appliquons pas les OQTF. Vous entendez continuer à diffuser des messages alarmistes sur YouTube, TikTok ou Twitter. Pour vous, il n’est pas question de résoudre les problèmes des Français, car vous vous en réjouissez : vous en faites votre beurre électoral.
Donc soit vous ne voulez aucun étranger – Mme Le Pen dit pourtant l’inverse –, soit vous entendez continuer à vivre des problèmes alors même que l’on vous propose des solutions.
Vous n’allez pas voter contre la proposition de François-Noël Buffet, que soutient le Gouvernement ; vous cherchez à supprimer cet article parce que vous seriez mécontents de voir aboutir des dispositions plus rapides et plus efficaces, qui correspondent à ce que veulent les Français. (MM. Aymeric Durox, Joshua Hochart, Christopher Szczurek et Stéphane Ravier s’exclament.)
Il vous déplaît que nous simplifiions ainsi leur vie. Vous avez bien fait de défendre cet amendement de suppression : cela démontre que vous ne cherchez pas l’intérêt général, mais votre intérêt particulier. (M. François Patriat applaudit.)
L’avis est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 124 et 446.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 323 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement va dans le même sens que celui de M. Brossat et risque de susciter les mêmes objections de la rapporteure et du ministre.
Il vise en effet à supprimer, dans l’article 1er H, l’alinéa permettant aux autorités administratives de déclarer irrecevable toute nouvelle demande de titre de séjour après un premier refus, sauf en cas d’éléments nouveaux.
Nous considérons que cette mesure, dont nous entendons qu’elle vise à éviter des démarches longues, fastidieuses et répétitives qui nuisent à l’analyse de ces dossiers, affaiblit pourtant le droit au séjour et expose les étrangers, notamment les plus précaires et les mineurs, à des défaillances de tout ordre de l’administration. Vous refusez de parler de pouvoir discrétionnaire à son sujet, mais il subsiste pourtant des risques d’erreurs ou de défaillances qui s’y apparentent.
Or la situation des étrangers, en particulier des mineurs, est déjà marquée par une précarité liée à l’impasse dans laquelle les plongent les nombreux obstacles qu’ils rencontrent dans leurs démarches : accès aux préfectures ou à l’Ofii pour l’obtention ou le renouvellement de leurs titres de séjour, accès au travail, prise en charge médicale, possibilité de mener des études… Vous avez vous-même décliné ces domaines dans les articles précédents en ajoutant à chacun d’entre eux des obstacles supplémentaires.
M. le président. Il faut conclure.
M. Guy Benarroche. Je reprendrai la parole à l’occasion d’une explication de vote.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Monsieur Benarroche a lui-même indiqué que cet amendement recevrait un avis défavorable, dans la droite ligne des explications précédentes.
Mon cher collègue, vous évoquez un affaiblissement du droit au séjour, mais il n’existe pas de droit général et absolu au séjour des ressortissants étrangers en France. Il revient à la représentation nationale de fixer les conditions de leur venue et de leur maintien sur notre territoire.
Nous proposons donc d’examiner en une seule fois l’ensemble des motifs de séjour possibles, avant de ne permettre le dépôt d’une nouvelle demande qu’en cas d’éléments nouveaux.
L’adoption de votre amendement, en supprimant cette dernière condition, viderait le dispositif de sa substance : les intéressés pourraient, éternellement, déposer demande après demande, chacune d’entre elles faisant l’objet d’un examen à 360 degrés. Cela n’aurait pas de sens et ne correspondrait pas au travail de la commission.
C’est la raison pour laquelle l’avis est défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. M. le ministre a évoqué l’hypothèse selon laquelle le Rassemblement national ne souhaitait aucun étranger en France. C’est vraisemblablement le cas.
Au fur et à mesure de l’examen des articles proposés par la commission des lois, nous constatons que, derrière des justifications techniques parfois obscures – nous peinons à comprendre la cohérence de certains articles en la matière –, le but de la droite sénatoriale est de multiplier les obstacles pour réduire considérablement le nombre d’immigrés arrivant en France.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. En effet, nous ne cessons de le dire !
M. Guy Benarroche. Il faut le dire clairement ! Je comprends que ce soit votre position ; nous en défendons d’autres. Pour autant, vous semblez indiquer qu’il n’existe actuellement aucun contrôle et que n’importe quel arrivant peut rester en France sans restriction. Ce n’est pas le cas.
Nous ne souhaitons pas que le droit au séjour devienne absolu et soit garanti dans tous les cas, mais qu’il réponde à des conditions respectueuses de la croissance du fait migratoire et de la nécessité de mieux recevoir les migrants, afin que leur intégration soit réussie et qu’ils constituent une force et une richesse pour notre pays.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er H.
(L’article 1er H est adopté.)
Après l’article 1er H
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 562 rectifié bis, présenté par Mmes Jacques, Lavarde, Puissat et Joseph, MM. Panunzi, Chaize, Pointereau et Klinger, Mmes Dumont, Lopez et V. Boyer, M. Cadec, Mmes Bellurot, Lassarade, Gruny et Belrhiti, MM. Mouiller et Cuypers, Mmes Aeschlimann et de Cidrac et M. Khalifé, est ainsi libellé :
Après l’article 1er H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 442-3 est ainsi rédigé :
« Ne peuvent séjourner à Saint-Barthélemy que les étrangers titulaires d’un titre de séjour délivré à Saint-Barthélemy après avis du conseil exécutif. » ;
2° Aux articles L. 441-3 et L. 443-3, les mots : « à Saint-Barthélemy » sont supprimés.
La parole est à Mme Micheline Jacques.
Mme Micheline Jacques. Les amendements nos 562 rectifié bis, 500 rectifié et 499 rectifié ont le même objet. Ils visent à associer davantage la collectivité de Saint-Barthélemy à la maîtrise de l’entrée et du séjour des étrangers sur son territoire.
Victime de son succès, l’île connaît aujourd’hui une pression telle qu’elle est à saturation. Le marché du logement en est le premier indicateur : la population déjà sur place a du mal à se loger.
Certes, économiquement, avec environ 4 % de chômage, l’île est en situation de plein emploi, mais ces indicateurs doivent être replacés dans le cadre d’un territoire de 21 kilomètres carrés.
Dès lors, il convient d’établir une distinction entre les étrangers qui viennent chercher du travail et ceux que font venir les employeurs. L’arrivée de ces derniers est subordonnée à une autorisation d’accès au travail, prérogative de la collectivité. Il s’agit donc, par ces amendements, de mieux articuler cette compétence avec celle de l’État en matière d’entrée et de séjour des étrangers.
De plus, en vertu de l’article L.O. 6213-1 du code général des collectivités territoriales, Saint-Barthélemy relève, dans ce domaine, du principe de spécialité législative pure, supposant une mention expresse.
En application de l’article 74 de la Constitution, j’ai bien conscience que la loi organique prévoit la consultation de la collectivité sur le volet réglementaire de l’entrée et du séjour des étrangers.
C’est pourtant l’idée d’un dispositif spécifique qui préside aux amendements nos 500 rectifié et 499 rectifié. Ceux-ci tendent, conformément au souhait de la majorité locale, à permettre à la collectivité de rendre un avis sur les demandes de titre de séjour, comme le prévoit l’article L. 445-3 du Ceseda pour la Polynésie française.
L’amendement n° 562 rectifié bis vise, quant à lui, à prévoir une alternative à l’avis rendu par la collectivité : la territorialisation des titres de séjour, s’agissant à la fois de leur délivrance – la procédure est largement dématérialisée – et de leur validité.
Cet amendement s’inspire, là encore, des règles de territorialité en vigueur en Polynésie française.
M. le président. Le sous-amendement n° 606 rectifié, présenté par Mme Petrus, est ainsi libellé :
Amendement n° 562 rectifié bis
Remplacer le dernier alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
2° À l’article L. 441-3, les mots : « à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin » sont supprimés ;
3° L’article L. 443-3 est ainsi rédigé :
« Ne peuvent séjourner à Saint-Martin que les étrangers titulaires d’un titre de séjour délivré à Saint-Martin après avis du conseil exécutif. »
La parole est à Mme Annick Petrus.
Mme Annick Petrus. Ce sous-amendement vise à garantir les conditions d’une meilleure maîtrise de l’entrée et du séjour des étrangers à Saint-Martin, en cohérence avec celle qui est proposée concernant Saint-Barthélemy.
La collectivité de Saint-Martin rassemble plus de 120 nationalités, qui se côtoient sur l’île depuis toujours : l’immigration, nous connaissons, et nous la maîtrisions.
Pour autant, nous nourrissons de sérieuses inquiétudes quant à certaines dispositions de ce projet de loi.
La compétence de la délivrance de titres de séjour appartient à l’État ; l’attribution de l’autorisation de travail des étrangers relève, quant à elle, de la loi organique, donc de la collectivité. Mon territoire, c’est 53 kilomètres carrés et 34 000 habitants, le troisième territoire français le plus pauvre. La liste d’attente pour un logement y atteint plus de 3 000 demandes et la quasi-totalité des métiers y est en tension.
La vaste campagne de formation des Saint-Martinois, entamée il y a près de dix ans, commence seulement à rendre employables nos demandeurs d’emploi.
Par ce sous-amendement, je souhaite que l’entrée et le séjour des étrangers à Saint-Martin soient maîtrisés. Je n’ose imaginer ce qui adviendrait si des étrangers du monde entier prenaient conscience qu’il existe un petit bout de France où l’on peut arriver sans difficulté et être régularisé vite et facilement, notamment en raison de la partition de l’île avec Sint Maarten, sans matérialisation de la frontière.
Aussi, je souhaite localiser la délivrance des titres et circonscrire leur validité en rendant systématique la consultation du conseil exécutif de la collectivité de Saint-Martin, afin d’identifier les besoins, mais aussi de prendre en considération les possibilités d’accueil de l’île.
M. le président. L’amendement n° 500 rectifié, présenté par Mmes Jacques, Lavarde, Puissat et Joseph, MM. Panunzi, Chaize, Pointereau et Klinger, Mmes Dumont, Lopez et V. Boyer, MM. Belin et Cadec, Mme Bellurot, M. Genet, Mmes Lassarade, Gruny et Belrhiti, MM. Mouiller et Cuypers, Mmes Aeschlimann, Malet et de Cidrac et M. Khalifé, est ainsi libellé :
Après l’article 1er H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 442-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « délivrés », sont insérés les mots : « , après avis conforme du conseil exécutif, ».
La parole est à Mme Micheline Jacques.
Mme Micheline Jacques. Cet amendement a été défendu.
M. le président. L’amendement n° 499 rectifié, présenté par Mmes Jacques, Lavarde, Puissat et Joseph, MM. Panunzi, Chaize, Pointereau et Klinger, Mmes Dumont, Lopez et V. Boyer, MM. Belin et Cadec, Mme Bellurot, M. Genet, Mmes Lassarade, Gruny et Belrhiti, MM. Mouiller et Cuypers, Mmes Aeschlimann et de Cidrac et M. Khalifé, est ainsi libellé :
Après l’article 1er H
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 442-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, après le mot : « délivrés » sont insérés les mots : « , après avis du conseil exécutif, ».
La parole est à Mme Micheline Jacques.
Mme Micheline Jacques. Cet amendement a été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je comprends bien, mes chères collègues, la difficulté que vous avez parfaitement exprimée et à laquelle tout le monde peut compatir.
Pour autant, la commission a demandé le retrait de ces amendements ; à défaut elle émettra un avis défavorable.
L’adoption de l’amendement n° 562 rectifié bis, soutenu par Mme Jacques, reviendrait à priver les étrangers qui n’ont pas vu leur titre de séjour délivré à Saint-Barthélemy de la possibilité de s’y rendre. De fait, cela donnerait à ce territoire une compétence complète, qui est celle de l’État, pour délivrer des titres de séjour. (M. le ministre opine.) Une telle mesure semble donc tout à fait difficile à admettre…
Le sous-amendement n° 606 rectifié de Mme Petrus vise à étendre à Saint-Martin ces mêmes dispositions. Par cohérence, l’avis de la commission est identique à celui portant sur l’amendement n° 562 rectifié bis. Je précise tout de même, chère collègue, qu’il existe à Saint-Martin un droit du séjour. Même si matériellement les frontières sont proches, on ne peut pas être régularisé simplement en venant sur votre territoire.
Quoi qu’il en soit, j’entends parfaitement la problématique liée au logement.
L’amendement n° 500 rectifié tend à prévoir que les titres de séjour pour motif professionnel soient délivrés après l’avis du conseil exécutif de Saint-Barthélemy. Je rappelle que la collectivité de Saint-Barthélemy n’est compétente que pour l’accès au travail des étrangers, non pour la délivrance des titres de séjour. Le conseil exécutif ne peut donc qu’émettre un avis consultatif, mais cela ne lui donne pas la compétence de se prononcer sur les titres qui sont délivrés.
Quelles que soient les difficultés, la commission demande donc, comme je l’ai annoncé précédemment, le retrait de ces amendements et du sous-amendement. Mais j’imagine, mes chers collègues, que vous attendez surtout à présent de connaître l’avis de M. le ministre de l’intérieur, car ces questions relèvent précisément de sa compétence…