compte rendu intégral

Présidence de Mme Sylvie Robert

vice-présidente

Secrétaires :

M. François Bonhomme,

Mme Nicole Bonnefoy.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise
Discussion générale (suite)

Partage de la valeur au sein de l’entreprise

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise (projet n° 816 [2022-2023], texte de la commission n° 26, rapport n° 25).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise
Question préalable

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être ici devant vous pour présenter le projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel (ANI) relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, au lendemain d’une conférence sociale qui a réuni les partenaires sociaux sur la question de l’évolution des salaires dans le temps et de l’incitation à l’emploi.

Ces travaux, cette réflexion sont complémentaires de ce que les partenaires sociaux ont voulu à travers l’accord national interprofessionnel du 10 février dernier : renforcer le partage de la valeur dans les entreprises.

C’est un sujet sur lequel le Gouvernement les avait saisis le 16 décembre 2022, en s’engageant à transcrire fidèlement l’accord national interprofessionnel si celui-ci venait à être signé.

Avec le présent projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale le 29 juin dernier, nous tenons notre engagement d’une transposition intégrale et exacte de l’accord signé par les partenaires sociaux en matière de partage de la valeur.

Je souligne tout d’abord que ce projet de loi revalorise le travail au bénéfice du pouvoir d’achat des ménages. Ainsi, il s’inscrit dans le sillage des réformes menées depuis 2017.

La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises de 2019, dite loi Pacte, a permis de simplifier la mise en place d’accords d’intéressement et de participation dans les petites et moyennes entreprises (PME).

Plus récemment, la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, votée au mois d’août 2022, a permis de faciliter le recours à l’intéressement dans les PME et d’instaurer une nouvelle prime de partage de la valeur. Cette prime a profité à 5,5 millions de salariés en 2022, pour un montant total de 4,4 milliards d’euros.

La France est aujourd’hui le deuxième pays européen où les dispositifs de partage de la valeur sont les plus répandus et, en définitive, les plus rémunérateurs pour les salariés.

Bien entendu, ces dispositifs n’ont pas vocation à se substituer aux salaires. Nous devons être exigeants sur ce point, d’autant que les deux éléments sont complémentaires. L’accord national interprofessionnel, ainsi que le texte qui vous a été soumis rappellent ce principe.

Les salaires font l’objet de toute l’attention du Gouvernement dans la période d’inflation que nous connaissons.

En application de la loi, le salaire minimum a été revalorisé six fois depuis la fin de l’année 2021, avec une hausse globale de 12,4 % depuis janvier 2021.

Ces revalorisations ont évidemment des conséquences directes sur la situation des minima conventionnels, dont beaucoup sont passés en dessous du Smic. Nous comptons sur le dialogue social pour que la situation se rétablisse.

La conférence sociale qui s’est tenue hier a donné lieu à une réflexion nourrie sur les salaires, en particulier sur la manière de mobiliser les branches et les entreprises sur ce sujet crucial. Nous aurons l’occasion dans les prochains mois d’avancer sur la question du dynamisme du dialogue de branche.

J’en reviens au projet de loi que vous allez examiner dans quelques instants.

Les mesures du texte sont concrètes et répondent à deux aspirations importantes des Français : œuvrer davantage pour le pouvoir d’achat des salariés et favoriser la participation de ceux-ci à la marche de leur entreprise.

Conformément à l’accord, le projet de loi met l’accent sur les classifications. Nous partageons pleinement l’importance accordée à cette question, qui a été mise en évidence lors de la conférence sociale.

La révision des classifications est un levier au service de la progression de carrières lisibles et dynamiques. Les organisations de branche doivent donc se réunir une fois tous les cinq ans pour examiner la nécessité de renégocier les classifications, et ce dans le cadre des conventions collectives.

Or le constat est sans appel : au 30 septembre 2023, 63 % des branches du secteur général n’avaient pas révisé leurs grilles de classification depuis plus de cinq ans ; 43 % ne l’avaient pas fait depuis plus de dix ans ; 9 % n’y avaient pas procédé depuis plus de vingt ans.

C’est pourquoi le texte prévoit l’obligation d’engager une négociation d’ici au 31 décembre 2023 en vue de l’examen de la nécessité de réviser les classifications pour les branches qui n’ont pas effectué cet examen au cours des cinq dernières années.

Cette disposition complète l’obligation périodique en vigueur en instaurant une date butoir. Il s’agit d’une mesure concrète pour améliorer les rémunérations. Cela permet d’agir sur l’éventail des salaires et de valoriser les parcours professionnels des salariés.

Nous savons que les révisions des classifications peuvent être très complexes ou techniques. Aussi, la Première ministre et moi-même avons pris hier devant les partenaires sociaux l’engagement de mettre en place un suivi et un accompagnement renforcés des négociations de branche sur les classifications. Nous mobiliserons les services du ministère du travail pour accompagner les branches professionnelles.

Cette obligation d’entamer une négociation sur les classifications motive notre souhait de voir le texte être examiné assez rapidement : nous tenons à ce que la négociation soit effective avant le 31 décembre 2023, pour permettre l’entrée en vigueur de l’ensemble des dispositions au cours de l’exercice fiscal de l’année 2024.

Le projet de loi vise aussi à améliorer la couverture des petites et moyennes entreprises en matière de partage de la valeur.

Nous le savions déjà, et des études récentes l’ont rappelé, la mise en place de dispositifs de partage de la valeur est trop inégale et à l’avantage des plus grandes entreprises.

Ainsi, 70 % des salariés des entreprises de plus de 100 salariés disposaient d’un accès à un dispositif de participation en 2020, contre 3 % des salariés des entreprises de moins de neuf salariés et 6 % de ceux des entreprises comptant entre 10 et 49 salariés, alors même que ces dernières sont le cœur de notre tissu économique.

Nous développons pourtant depuis plusieurs années une politique volontariste favorisant la mise en place de l’intéressement dans les entreprises de moins de 50 salariés : je pense à la possibilité de le mettre en place par décision unilatérale sous certaines conditions, à la mise en place d’accords types d’intéressement permettant de garantir les exonérations de cotisations sociales, à la création d’un site d’accompagnement à la mise en place des accords d’intéressement, ou encore à la réduction des délais d’instruction de ces mêmes accords.

Cependant, les entreprises de moins de 50 salariés ne sont toujours pas soumises à l’obligation de mettre en place des dispositifs de participation.

Il nous faut donc aller plus loin si nous voulons développer le partage de la valeur dans ces petites entreprises. Quatre dispositifs essentiels de ce texte y contribuent.

D’abord, le projet de loi permet aux entreprises de moins de 50 salariés de négocier, par accord de branche ou d’entreprise, des formules dérogatoires à la formule légale de participation. C’est une souplesse de plus offerte aux petites entreprises pour faciliter la mise en place de la participation.

Ensuite, pour généraliser les dispositifs de partage de la valeur dans les petites entreprises, celles de 11 à 50 salariés devront mettre en place un tel dispositif dès lors qu’elles auront réalisé un bénéfice net fiscal positif supérieur à 1 % de leur chiffre d’affaires pendant trois années consécutives ; c’est le terme de l’accord national interprofessionnel.

Il n’y a pas de raison que les entreprises de plus de 50 salariés soient obligées de mettre en œuvre un dispositif de partage de la valeur, et pas celles de moins de 50 salariés qui le peuvent.

Lors de l’examen de ce projet de loi, les députés ont ajouté des dispositions spécifiques aux structures de l’économie sociale et solidaire. Défendues par le secteur et soutenues par toutes les organisations signataires de l’accord national interprofessionnel, elles ciblent un secteur important, qui représente environ 10 % de l’emploi.

Par ailleurs, les entreprises de plus de 50 salariés auront jusqu’au 30 juin 2024 pour négocier les conséquences en termes de partage de la valeur de la réalisation de bénéfices exceptionnels. Suivant les recommandations du Conseil d’État, ces dispositions sont désormais sécurisées, car la négociation sur la définition de l’augmentation dite « exceptionnelle » du bénéfice repose sur des critères prévus par la loi, comme la taille de l’entreprise.

Enfin, l’exonération fiscale applicable aux salariés dont la rémunération est inférieure à 3 Smic pour ce qui est de la prime de partage de la valeur sera prolongée jusqu’au 31 décembre 2026 dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Ce projet de loi améliore des dispositifs existants et en prévoit de nouveaux.

D’abord, il facilite l’utilisation de la prime de partage de la valeur. Les entreprises pourront ainsi verser cette prime jusqu’à deux fois par an, au lieu d’une seule aujourd’hui. En outre, la prime pourra être versée sur un plan d’épargne salariale, ce qui permettra au salarié de bénéficier d’une exonération fiscale pour les sommes bloquées.

De manière générale, le texte prévoit une série de simplifications et d’assouplissements, avec notamment la sécurisation du versement d’avances par trimestre pour la participation et l’intéressement.

J’entends parfois dire que la prime de partage de la valeur est une mauvaise idée, car elle se substitue aux salaires. Il est vrai que l’Insee et le Conseil d’analyse économique (CAE) ont récemment publié des études sur les effets de substitution aux salaires.

Nous ne remettons jamais en cause les analyses de l’Insee. En revanche, nous les prenons avec toute la précaution nécessaire, comme nous y invite l’Institut lui-même, puisqu’il indique que la marge d’erreur de son étude est « importante ».

Cela étant, l’Insee montre qu’il y a « sans doute » – je reprends à dessein les termes qu’il a employés – eu quelques effets de substitution, sans être totalement affirmatif, parce que, par construction, les effets de comportement, ainsi que les effets d’aubaine sont souvent difficiles à estimer.

Surtout, le principe de non-substitution est désormais explicite dans la loi pour tous les dispositifs de participation. Il s’agit d’un principe général du code du travail que nous rappelons dans la loi s’agissant plus particulièrement des dispositifs de participation.

Le texte contribue également à rapprocher les intérêts des salariés et ceux des actionnaires au travers du nouveau plan de partage de la valorisation de l’entreprise. Mis en place par accord pour l’ensemble des salariés ayant au moins un an d’ancienneté, pour une durée de trois ans, il leur permet de bénéficier d’une prime dans le cas où la valeur de l’entreprise a augmenté durant les trois années que dure le plan.

Enfin, le projet de loi développe l’actionnariat salarié en prévoyant de rehausser le plafond global général d’attribution gratuite d’actions de 10 % à 15 % du capital social pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), et de 15 % à 20 % du capital social pour les PME.

Pour conclure, j’insiste sur le fait que ce projet de loi est le fruit du dialogue social, doublé de notre engagement d’une transposition fidèle de l’accord.

À la fin de l’année 2022, j’ai invité les partenaires sociaux à engager une négociation nationale interprofessionnelle pour améliorer les dispositifs de partage de la valeur. Le document d’orientation les invitait à négocier pour renforcer le partage de la valeur entre travail et capital au sein des entreprises et à améliorer l’association des salariés aux performances de l’entreprise.

Ce texte est donc d’abord un exercice de démocratie sociale réussi.

L’ANI a été conclu le 10 février 2023, signé par les trois organisations patronales représentatives, à savoir le Mouvement des entreprises de France (Medef), la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P), et par quatre des cinq organisations syndicales représentatives, en l’espèce la CFDT, la CFTC, FO et la CFE-CGC.

C’est la preuve que le dialogue social fonctionne et qu’il produit des solutions concrètes et consensuelles au bénéfice des Français et, en l’occurrence, des salariés, pour le partage de la valeur.

C’est pourquoi nous avons proposé et défendu ce projet de loi avec un principe simple : l’accord et rien que l’accord. Nous avons mené des concertations et coconstruit ce texte à chaque étape de son élaboration.

Je n’ai défendu ni soutenu aucun amendement auquel l’ensemble des signataires de l’accord national interprofessionnel n’auraient pas donné leur accord préalable, à l’exception de l’amendement adopté en commission à l’Assemblée nationale sur l’initiative du rapporteur du texte qui tend à avancer d’une année l’entrée en vigueur de l’obligation de mise en œuvre d’un dispositif de partage de la valeur pour les entreprises de 11 à 50 salariés.

Je souhaite évidemment que cette méthode puisse prospérer au Sénat ; je l’ai déjà indiqué au stade de l’examen du texte en commission.

Les travaux menés par la commission des affaires sociales du Sénat, en particulier par votre rapporteure, Frédérique Puissat, démontrent – en tout cas, à mes yeux – l’attachement des sénateurs au respect de l’accord et aux équilibres du texte. Je salue son travail, ainsi que celui de l’ensemble de la commission.

Je sais que vous êtes particulièrement sensibles à ce que le texte soit fidèle à l’accord national interprofessionnel.

Si je prends acte des positions de votre commission, je proposerai néanmoins le rétablissement de certaines mesures, notamment celles qui figuraient dans le texte initial, comme les dispositions des articles 2 et 3 sur le suivi des dispositifs avec les partenaires sociaux, qui avaient été acceptées par l’ensemble des signataires de l’ANI et transposées dans le projet de loi initial.

J’émettrai également un avis favorable sur tout amendement visant à rétablir l’article 10 bis, sur les critères de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) dans l’intéressement, car il s’agit pour nous d’un point d’équilibre important du texte, sur lequel tous les signataires de l’ANI s’étaient accordés.

Par ailleurs, comme la commission l’a signalé dans son rapport, certaines clauses de l’accord ne relèvent pas de la loi et ne nécessitent pas de dispositions législatives. Elles sont soit de nature réglementaire, soit de l’ordre de la pratique, soit satisfaites par le droit existant.

Certaines de ces mesures font actuellement l’objet d’échanges avec les partenaires sociaux. Cela explique vraisemblablement certaines des positions, que je peux comprendre, adoptées par votre commission, quand bien même le Gouvernement aurait soutenu telle ou telle d’entre elles à l’occasion d’un nouvel examen du texte à l’Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous présentons aujourd’hui un projet de loi qui concerne le cœur du travail et de sa valeur. C’est une proposition d’équilibre, de concertation et de solidarité voulue par une immense majorité des partenaires sociaux.

L’adoption de ce projet de loi serait un gage de confiance à la fois dans le dialogue social et la démocratie parlementaire, et contribuerait à apporter des solutions concrètes qui bénéficieront à tous les salariés français. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission des affaires sociales applaudit également.)

Mme Frédérique Puissat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 10 février 2023, les organisations syndicales représentatives d’employeurs et de salariés, à l’exception de la Confédération générale du travail (CGT), ont signé l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, ce dont je me félicite.

Vous avez raison, monsieur le ministre : nous ne devons pas bouder notre plaisir, tant il est vrai que nous évoquerons, sans doute lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, un certain nombre de rendez-vous manqués entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Je souligne ici que, sur cet accord, le rendez-vous n’a pas été manqué !

Respecter le dialogue social, c’est donner du temps et des marges de manœuvre aux partenaires sociaux pour négocier. C’est aussi mettre en œuvre les accords conclus par les partenaires sociaux dans l’élaboration du droit du travail.

Ces principes découlent d’un article qui nous est cher : l’article L. 1 du code du travail, issu de la loi Larcher du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social.

Qui mieux que les représentants des salariés et des employeurs peut définir les règles qui régissent la vie en entreprise ? C’est pourquoi le législateur doit fixer un cadre dans lequel la démocratie sociale a la possibilité de s’exprimer.

Nous saluons donc l’engagement pris par le Gouvernement d’assurer la transposition fidèle et complète de l’accord sur le partage de la valeur.

L’accord a pour objectif de poursuivre le travail engagé sur les politiques de rémunération et de valorisation du travail. Il vise à développer les outils de partage de la valeur, en particulier dans les petites et moyennes entreprises. Il tend aussi à faciliter le développement de l’actionnariat salarié et à améliorer les dispositifs d’épargne salariale.

Toutes ces mesures me semblent de nature à simplifier le recours au partage de la valeur par les entreprises au profit des employeurs et des salariés.

C’est pourquoi la commission souhaite garantir une transposition fidèle et complète des mesures de l’ANI nécessitant l’intervention du législateur. Pour y parvenir; elle a modifié les dispositions qui s’écartaient des mesures demandées par les signataires de l’accord.

Elle n’a souhaité transposer de l’ANI que les seules mesures relevant du domaine de la loi. Certaines dispositions demandées par les partenaires sociaux relèvent du domaine réglementaire ; il appartient donc au Gouvernement de les prendre par décret. D’autres sont d’application directe et ne nécessitent pas de transposition.

Dans cet esprit, la commission a adopté l’article 1er en revenant sur les modifications apportées par l’Assemblée nationale qui s’écartaient de l’accord. Cet article prévoit, conformément à l’accord national interprofessionnel, qu’une négociation en vue de l’examen de la nécessité de réviser les classifications soit ouverte avant le 31 décembre 2023 au sein des branches n’ayant pas procédé à cet examen depuis plus de cinq ans.

Dans un contexte d’inflation, de tensions en matière de recrutement et d’évolution du marché du travail, il est essentiel que le dialogue social sur les classifications s’engage. Il permettra d’actualiser par secteur les catégories d’emploi et les niveaux de qualification et de rémunération, afin de favoriser les recrutements et la valorisation des parcours professionnels.

En revanche, nous avons supprimé l’article 1er bis. La demande des partenaires sociaux que les branches établissent un bilan de leur action en faveur de la promotion et de l’amélioration de la mixité des emplois pourra être pleinement satisfaite sans nouvelle mesure législative.

La commission a adopté les dispositions visant à développer le partage de la valeur dans les petites et moyennes entreprises : intéressement, participation, épargne salariale et prime de partage de la valeur.

À ce titre, nous avons approuvé l’inscription dans la loi du principe de non-substitution entre salaires et participation, principe qui était déjà consacré pour les autres dispositifs de partage de la valeur.

L’article 2 permet aux entreprises de moins de 50 salariés, à titre expérimental, de recourir à une formule de calcul de la participation dérogatoire, lorsqu’elles mettent volontairement en place un dispositif de participation. Prenant en compte la spécificité de ces entreprises, cela pourrait aboutir à un montant de mise en réserve inférieur à celui qui est en vigueur dans le droit commun, ce qui incitera les salariés à recourir à la participation.

Nous avons approuvé l’obligation faite aux entreprises de 11 à 49 salariés qui réalisent durant trois exercices consécutifs un bénéfice d’au moins 1 % de leur chiffre d’affaires d’instaurer un régime de participation ou d’intéressement, d’abonder un plan d’épargne salariale ou de verser la prime de partage de la valeur. Cette mesure expérimentale, prévue pour une durée de cinq ans, sera également applicable au secteur de l’économie sociale et solidaire.

L’Assemblée nationale a rendu cette obligation applicable aux exercices ouverts après le 31 décembre 2023. Or l’accord national interprofessionnel prévoit explicitement que cette obligation entrera en vigueur au 1er janvier 2025 ; cela ne nous a pas échappé, monsieur le ministre ! Afin de retenir la date choisie par les partenaires sociaux, la commission a donc prévu que l’obligation ne s’appliquera qu’aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024.

Afin de favoriser le développement de la participation, nous avons également approuvé la suppression du report de trois ans de l’obligation de mettre en place la participation pour les entreprises qui appliquent déjà un accord d’intéressement.

L’article 5 met en place un nouveau dispositif de partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal de l’entreprise. Pour ce faire, les entreprises d’au moins 50 salariés dotées d’un délégué syndical devront définir par accord ce qui relève de l’augmentation exceptionnelle, ainsi que les modalités du partage de la valeur qui en découlent.

Les partenaires sociaux ont également souhaité ajuster la prime de partage de la valeur. Je rappelle que cette prime peut être versée une fois par an à chaque salarié dans la limite de 3 000 euros ou, si l’entreprise met en œuvre un accord d’intéressement, dans la limite de 6 000 euros.

À titre temporaire, jusqu’à fin 2023, les primes versées aux salariés rémunérés jusqu’à 3 Smic sont exonérées de toute cotisation sociale, de contribution sociale généralisée (CSG), de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et d’impôt sur le revenu.

Pour les autres primes, et à titre pérenne, seules les cotisations sociales sont exonérées.

Ce dispositif a permis à de nombreux salariés – vous l’avez mentionné, monsieur le ministre – de bénéficier d’une redistribution de la valeur créée par les entreprises. Il a ainsi amélioré leur pouvoir d’achat dans un contexte de crise sanitaire, puis de forte inflation.

On ne peut pas nier le risque d’une substitution entre salaire et prime, ainsi que les effets pour les salariés et pour les finances publiques.

Pour autant, le contexte économique justifie un tel dispositif, dans la mesure où les hausses de salaire sont parfois difficiles à assumer pour les employeurs.

Il est proposé que la prime de partage de la valeur puisse être attribuée deux fois par année civile et que son montant puisse être affecté aux plans d’épargne salariale. Surtout, l’article 6 prévoit que le régime temporaire d’exonération sociale et fiscale soit prolongé jusqu’à la fin de l’année 2026 pour les entreprises de moins de 50 salariés.

Ces dispositions, fidèles à l’ANI, ont été adoptées par la commission.

L’article 7 crée une prime de partage de la valorisation de l’entreprise visant un public plus large que l’actionnariat salarié. Mise en place via un accord spécifique, elle permettra de verser aux salariés une prime qui reflète l’augmentation de la valeur de l’entreprise sur les trois dernières années, selon un traitement fiscal et social incitatif.

Ce dispositif permettra ainsi aux entrepreneurs d’associer leurs salariés aux performances de l’entreprise, sans pour autant déformer la structure du capital, ce qui est particulièrement préjudiciable aux PME familiales et aux start-up.

Nous avons également adopté les articles qui simplifient les modalités d’attribution des outils de partage de la valeur.

C’est le cas de l’article 9, qui permettra le versement d’avances en cours d’exercice sur les sommes dues au titre de la participation, et de l’article 10, qui sécurise la possibilité de fixer un salaire plancher et plafond en cas de choix d’une répartition de l’intéressement en fonction du salaire, permettant ainsi une répartition des primes d’intéressement plus favorable aux bas salaires.

L’article 11 simplifiera la procédure de révision du contenu des plans d’épargne interentreprises (PEI). Quant à l’article 12, il prévoit d’adapter, par accord de branche, les conditions d’ancienneté fixées pour bénéficier de l’intéressement et de la participation aux spécificités du secteur du travail temporaire.

En revanche, nous avons supprimé l’article 9 bis, dont le dispositif relève manifestement du domaine du règlement et ne transpose pas l’ANI, ainsi que l’article 10 bis, dont les dispositions sont satisfaites par le droit en vigueur.

Nous avons enfin approuvé les mesures qui permettront de développer l’actionnariat salarié.

L’article 13 rehausse les plafonds globaux d’attribution gratuite d’actions aux salariés, en les portant par exemple à 20 % dans les PME. Il introduit également un principe de rechargement du plafond individuel de détention du capital par les salariés au bout de sept ans, afin de favoriser une association plus étroite des salariés à la vie de l’entreprise dans le temps long.

L’article 14 impose la présence d’au moins un fonds participant au financement de la transition énergique et écologique ou à l’investissement socialement responsable dans les plans d’épargne salariale, tandis que l’article 15 modifie les règles de gouvernance des fonds communs de placement d’entreprise en vue d’améliorer l’information des salariés sur la politique d’engagement actionnarial du fonds.

L’article 14 bis, dont les dispositions relèvent d’un décret, et l’article 16, qui prévoit la remise d’un rapport, ont été supprimés par la commission.

Mes chers collègues, nous vous invitons à adopter le texte de la commission, qui permettra d’assurer une transposition fidèle et complète des mesures de l’ANI nécessitant de modifier la loi.

Nous comptons sur la diligence du Gouvernement pour transposer les mesures de l’accord qui relèvent du domaine du règlement. Et nous faisons confiance aux branches et aux entreprises pour se saisir de celles qui peuvent être directement appliquées.

C’est ainsi que, dans l’intérêt des salariés et des employeurs, nous faisons et ferons vivre la démocratie sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur les travées du groupe INDEP. – M. le président de la commission des affaires sociales et M. Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)