M. le président. Monsieur Longeot, l’amendement n° 2 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Non, je le retire, monsieur le président.
À la suite des explications de Mme la rapporteure et de Mme la ministre, j’ai compris que l’adoption de mon amendement conduirait à créer des différences entre les citoyens.
Néanmoins, cet amendement était important, car il m’a permis de lancer un appel fort. Aujourd’hui, les peines – nous en reparlerons à l’occasion de l’examen de l’article 3 – ne sont malheureusement pas souvent appliquées.
Je veux évoquer le cas, sur lequel je reviendrai, d’un maire qui a porté plainte après avoir été agressé : l’auteur des faits n’a pas été condamné alors qu’il avait reconnu au tribunal qu’il l’avait bien frappé, mais il a expliqué qu’il ne savait pas qu’il était élu et qu’il avait arrêté lorsqu’il l’avait appris… Or la différence entre un citoyen et un élu est importante, et il est important pour les élus qui subissent ce genre de choses que les condamnations soient appliquées et que les peines soient alourdies.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur Longeot, le sujet est évidemment d’importance. Il n’est pas question pour la commission de rejeter d’un revers de la main cet amendement qui a été signé par un grand nombre de nos collègues.
En réalité, il convient de faire en sorte d’améliorer les échanges entre les procureurs de la République, les parquets et les élus pour que la prise de conscience du problème se généralise. Avec Philippe Bas, nous avions obtenu du garde des sceaux qu’une circulaire sensibilise les procureurs à la situation des élus. Cette initiative a pu permettre quelques avancées, mais si elles restent insuffisantes. Nous devons continuer de travailler sur ce sujet. Il faut notamment que les sanctions prononcées à l’audience soient très fermes, comme nous le souhaitons.
Je vous remercie d’avoir retiré votre amendement, car celui-ci pose un problème d’ordre constitutionnel, comme notre rapporteur l’a expliqué. N’y voyez pas une manière de nous défausser, le motif est réel : il faut respecter le principe d’égalité. D’autres personnes dépositaires de l’autorité publique pourraient demander à bénéficier du dispositif, et nous ne sommes pas en mesure – en tout cas pas ce soir – de les satisfaire.
Article 1er
Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :
1° Le paragraphe 2 de la section 1 est ainsi modifié :
a) Au 4° bis des articles 222-12 et 222-13, les mots : « toute personne chargée d’une mission de service public » sont remplacés par les mots : « une personne chargée d’une mission de service public autre que celles mentionnées à l’article 222-14-5 du présent code » ;
b) Au premier alinéa du I de l’article 222-14-5, les mots : « ou un agent de l’administration pénitentiaire » sont remplacés par les mots : « , un agent de l’administration pénitentiaire ou le titulaire d’un mandat électif public » ;
2° La section 8 est ainsi modifiée :
a) Au deuxième alinéa de l’article 222-47, les mots : « et 222-14-2 » sont remplacés par les mots : « , 222-14-2 et 222-14-5 » ;
b) À l’article 222-48, après la référence : « 222-14-4 », est insérée la référence : « , 222-14-5 ».
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, sur l’article.
Mme Karine Daniel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec gravité que je m’exprime pour la première fois dans cet hémicycle en tant que sénatrice de la Loire-Atlantique, département où les élus ont été particulièrement visés par des agressions, des insultes et des menaces.
J’interviens au lendemain d’événements graves et inadmissibles survenus dans mon département à Rezé, au sud de Nantes, lors d’une réunion publique de présentation d’un projet d’habitat solidaire pour des migrants d’Europe de l’Est. À cette occasion, des insultes et des menaces ont été proférées, des agressions commises. Je tiens à exprimer ce soir mon soutien et ma solidarité sans faille à la maire, Mme Agnès Bourgeais, et à l’ensemble des élus de Rezé. Je souhaite affirmer ma détermination à refuser et à combattre ces propos et comportements violents, racistes et extrémistes.
Ces nouvelles agressions surviennent dans un territoire encore sous le choc à la suite des faits intolérables, évoqués à plusieurs reprises ce soir, qui se sont déroulés à Saint-Brevin-les-Pins à l’encontre du maire Yannick Morez, victime d’agressions, de menaces de mort et de violences. Dorothée Pacaud, qui lui a succédé, subit, elle aussi, des intimidations.
Nous pourrions tous citer des élus d’autres communes victimes d’agressions et de violences. Je rappelle ici la mobilisation de plus de 550 élus de la Loire-Atlantique qui ont cosigné une lettre à Emmanuel Macron, en novembre dernier, pour réclamer plus de fermeté.
En 2021, l’AMF 44, l’association des maires et des présidents d’intercommunalité de Loire-Atlantique, constatait une hausse de 47 % des incivilités, des injures, des agressions et des faits de harcèlement. Il est urgent de réagir avec fermeté, de protéger les élus et de sanctionner les coupables. Tout cela doit se traduire par un renforcement concret de la protection des élus locaux : la République et les préfets doivent être plus proches d’eux et garantir leur sûreté sur le terrain.
Les élus sont, dans les faits, bien trop seuls pour faire face à ces attaques inadmissibles dans notre République. Nous devons être engagés sans faille aux côtés de celles et ceux qui sont élus actuellement, comme de celles et ceux qui s’engageront demain dans l’action publique locale et qui contribueront à faire vivre le pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Olivia Richard, sur l’article.
Mme Olivia Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je prends également la parole pour la première fois dans cette enceinte.
Élue récemment sénatrice représentant les Français établis hors de France, je parlerai de leurs élus locaux : les conseillères et les conseillers des Français de l’étranger. Eux aussi peuvent être l’objet d’agressions et d’attaques. Ils ne bénéficient pas de la protection fonctionnelle et ils sont loin de la France.
Il me paraît important de souligner qu’ils ont aussi besoin de disposer de relais et de procédures efficaces, même s’ils vivent à l’autre bout du monde. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger et M. Hussein Bourgi applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tenais à prendre la parole en ce début de débat pour dire que je souscris pleinement à la volonté du Sénat de mieux protéger les élus. Je soutiens en particulier la proposition de mon groupe visant à élargir le bénéfice de la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux.
Dans ce sens, je souhaiterais que nous n’oubliions pas d’inclure, dans le débat, cette catégorie d’élus locaux que sont les conseillers des Français de l’étranger. Hussein Bourgi y a fait référence dans son propos et ma collègue vient de les évoquer aussi. Depuis 2014, ils sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de six ans afin de représenter les plus de trois millions de nos compatriotes résidant à l’étranger.
Dix ans après l’adoption de la loi du 22 juillet 2013, les conseillers des Français de l’étranger sont désormais des interlocuteurs incontournables pour nos compatriotes, comme ils le prouvent à chaque crise qui frappe leur pays.
La plupart sont installés dans leur pays de résidence depuis de nombreuses années ou y sont nés. Ils y ont fondé une famille et y travaillent. Comme tous les élus locaux, ils consacrent un temps inestimable à l’exercice de leur mandat : ils se réunissent non pas en conseils municipaux, mais en conseils consulaires, tiennent des permanences et ont une fine connaissance de leur territoire, ainsi que des familles qu’ils accompagnent au quotidien.
Ces 443 élus, présents sur les cinq continents, perçoivent une allocation forfaitaire destinée à contribuer à la souscription d’une police d’assurance afin qu’ils puissent être indemnisés en cas de dommages résultant des accidents subis dans le cadre de leur mandat.
Outre cette assurance, l’octroi d’une protection fonctionnelle semblable à celle dont bénéficient les élus locaux en France permettrait de les protéger contre les violences, les outrages et les menaces contre eux et leurs proches, dont ils ne sont malheureusement pas épargnés.
Je crois qu’il est temps d’accorder à ces vrais élus de proximité la reconnaissance qu’ils méritent, à la hauteur de leur engagement en faveur de notre pays et de nos communautés françaises.
C’est pourquoi je vous invite, madame la ministre, à ouvrir une réflexion, en lien avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, pour répondre à cette demande récurrente de nos élus de terrain, et renforcer ainsi leur sécurité et leur intégrité où qu’ils se trouvent dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Simon Uzenat, sur l’article.
M. Simon Uzenat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour ma première intervention en tant que sénateur du Morbihan, je veux relever que nous faisons toutes et tous le constat du mal-être des élus locaux.
Ces dernières semaines – Muriel Jourda ne me contredira pas –, nous avons entendu de très nombreux élus nous rapporter des propos préoccupants qui ont un impact jusque sur leur vie personnelle : des parents nous disent ainsi que leurs enfants ne voient plus la lumière briller de la même façon dans leurs yeux depuis qu’ils sont élus.
Les chiffres sont édifiants dans tous les départements. Dans le Morbihan, on compte quatre démissions par semaine ; 15 % des élus locaux ont démissionné entre mai 2020 et décembre 2022, dont plus de 700 à la fin de l’année dernière.
On entend régulièrement des témoignages sur la lenteur et la faiblesse de l’accompagnement des élus. Je pourrais ainsi citer ce témoignage d’une maire du Morbihan : après avoir été insultée à l’accueil de sa mairie, elle a rapporté les faits aux gendarmes, qui lui ont dit que la personne incriminée n’avait peut-être pas voulu dire cela et qu’en tout état de cause, ce n’était pas très grave.
Les élus ne sont pas des privilégiés – nous en convenons tous –, mais ils ne sont pas non plus des sous-citoyens sur lesquels on pourrait déverser impunément sa colère.
Nous devons donner l’exemple, y compris dans cette enceinte, en bannissant des expressions qui peuvent prêter à confusion. Je pense en particulier à celle selon laquelle les élus seraient « à portée de baffes » : nous ne pouvons plus l’employer, car les mots ont un sens.
L’alourdissement des sanctions pénales, prévu à l’article 1er, va évidemment dans le bon sens, tout comme l’allongement des délais de prescription : autant de mesures qui avaient été portées et soutenues très activement par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Enfin, dans le prolongement des propos d’Hélène Conway-Mouret et d’Hussein Bourgi, mon groupe appelle une nouvelle fois à l’extension de la protection fonctionnelle à tous les élus locaux, pour les protéger efficacement au quotidien. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Nous sommes dans une société dans laquelle la violence n’a jamais été aussi forte. Si nous ne décidons pas collectivement de nous attaquer aux causes de cette violence – et nous pouvons en débattre ici de manière démocratique, avec nos divergences –, si nous ne nous attelons pas à trouver des réponses pour endiguer fortement cette violence, alors nous nous tromperons.
Nous pouvons toujours ici rouvrir le débat sur les peines planchers ou relever telle ou telle peine, mais celles et ceux qui commettent des actes de violence aujourd’hui parce qu’ils ne reconnaissent plus et ne respectent plus l’autorité incarnée par les élus locaux se fichent des lois, si je puis le dire ainsi ! S’extraire du respect de la loi, c’est le propre même de l’acte de violence.
Nous avons donc besoin, bien évidemment, de sanctionner les actes délictueux, mais également et surtout de protéger l’ensemble des élus locaux de notre pays.
De fait, mes chers collègues, aucun des événements que nous avons évoqués dans la discussion générale – ni le drame du maire de Signes, ni la difficulté qui a poussé le maire de Saint-Brevin-les-Pins à la démission, ni l’attaque terrible qu’a connue le maire de L’Haÿ-les-Roses cet été – n’est lié à un problème de peine à laquelle sont exposés les auteurs de ces actes.
Madame la ministre, la responsabilité de l’État, du Gouvernement, du Président de la République n’est pas de promettre des annonces pour le prochain congrès de l’Association des maires de France : elle est de replacer les élus locaux comme des acteurs essentiels et indispensables pour construire la République dans laquelle nous vivrons toutes et tous demain. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Ainsi que mes collègues l’ont affirmé, l’augmentation continue des agressions envers les élus est une réalité indiscutable.
Dans le même temps, comme notre commission des lois, qui s’est emparée de la question dès 2019, chacun constate que les suites judiciaires sont insuffisantes, voire inexistantes. Il en va de même de l’accompagnement.
Les causes sont multiples : découragement des élus concernés, voire, parfois, écœurement devant le choc de l’agression ; lassitude devant des actes répétés, comme les menaces ou les pressions morales, auxquelles les maires finissent malheureusement par s’habituer.
Tout aussi grave est le manque d’effectivité de la réponse judiciaire face aux violences commises. Car trop souvent, alors que l’élu a bénéficié de la protection fonctionnelle, surmonté les lenteurs de la procédure, obtenu le déclenchement de l’action publique, la réponse traîne, se perd dans les sables, pour aboutir à une seule déploration attristée. C’est un échec judiciaire.
Disons-le nettement : pour ne pas aggraver la situation et par découragement, de nombreux élus préfèrent renoncer à déposer plainte.
Cette situation d’autocensure a été mise en exergue lors de la consultation lancée par le Sénat et la commission des lois, laquelle a révélé que, très majoritairement, les élus agressés physiquement et plus encore verbalement en restaient là, avec parfois la volonté de rendre l’écharpe au prochain renouvellement démocratique.
Cela dit, quand la justice fait son travail, je souscris pleinement aux possibilités que lui offre l’article 1er, qui consolide l’arsenal législatif et répressif envers les violences. Je m’interroge toutefois sur la nécessité d’introduire des peines planchers tant la dégradation de l’esprit public est forte et inquiétante.
Pour terminer, j’exprimerai un questionnement plus large sur la suspicion croissante à l’égard de toute autorité. Au-delà des élus, et notamment des maires, c’est à l’égard de toutes les figures d’autorité que l’on voit des contestations grandissantes : les professeurs, les juges ou encore les forces de l’ordre.
Il est troublant d’entendre, ici ou là, des mots d’ordre tels que « la police tue » ou des considérations sociologiques sur la violence structurelle de la société, qui saperait toute institution. On ne saurait déplorer vertueusement un phénomène quand on l’alimente indirectement par une suspicion contre toute autorité constituée. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.
M. Olivier Paccaud. Mon intervention s’inscrira dans la lignée de celle de mon collègue François Bonhomme.
Bien sûr, je ne suis pas persuadé que la fonte des glaces citoyenne qui ronge notre démocratie et notre République n’est liée qu’à la protection des élus. Mais cette problématique joue énormément !
Il est évident qu’il faut aggraver les peines. Mais à quoi cela sert-il quand les plaintes déposées ne sont pas suivies et semblent s’évaporer ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Olivier Paccaud. Lors de ma campagne sénatoriale, j’ai eu des réunions avec plus de 600 maires et adjoints. J’ai été frappé par le nombre sidérant de maires qui n’ont jamais eu la moindre nouvelle d’une plainte qu’ils avaient déposée.
M. Laurent Burgoa. Tout à fait !
M. Olivier Paccaud. Le président Buffet a évoqué la circulaire du garde des sceaux. De fait, elle existe. Mais a-t-elle été lue ? A-t-elle été entendue ? Y a-t-il chez certains procureurs une volonté de ne pas protéger les élus ? Je n’ose le dire.
La seule chose que je peux relever, c’est que le nombre de plaintes qui n’aboutissent pas est scandaleux. (Mme Cathy Apourceau-Poly approuve.) Oui, dans beaucoup de cas, il n’y a pas de réponse judiciaire ! Cette absence de la justice derrière les élus est l’un des principaux problèmes : il faut le dire de façon claire et nette ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Laure Darcos et M. Lucien Stanzione applaudissent également.)
M. Laurent Burgoa. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par MM. Bourgi et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Roiron, Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
chapitre II du
II. – Après l’alinéa 1
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 221-4 est ainsi modifié :
a) Au 4° , après le mot : « ministériel, », sont insérés les mots : « un titulaire d’un mandat électif public, » ;
b) A la seconde phrase du dernier alinéa, après le mot : « pénitentiaire » sont insérés les mots : « ,un titulaire d’un mandat électif public » ;
III. – Alinéa 3
Après le mot :
articles
insérer les références :
222-3, 222-8, 222-10,
IV. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au premier alinéa de l’article 222-14-1, après le mot : « pénitentiaire », sont insérés les mots : « un titulaire d’un mandat électif public » ;
V. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Au deuxième alinéa de l’article 433-5, après le mot : « publique, », sont insérés les mots : « au titulaire d’un mandat électif public ».
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Par cet amendement, nous vous proposons, en plus d’étendre les circonstances aggravantes et les sanctions pour les violences commises à l’égard des élus, de les élargir à d’autres types d’infractions. Nous considérons qu’il est souhaitable d’étendre les circonstances aggravantes et d’alourdir les peines pour les meurtres, les violences ayant entraîné la mort, les violences aggravées et les outrages lorsque ces crimes et ces délits sont commis contre un élu.
Je connais bien les termes du débat qui nous a opposés en commission des lois : la jurisprudence répondrait déjà à ces situations. Or nous savons tous et toutes que la jurisprudence peut faire l’objet d’un revirement. S’agissant de ces infractions en particulier, la jurisprudence n’est pas tout à fait claire, ni vraiment stable en ce qui concerne les élus qui ne sont pas dotés d’une délégation.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, avec cet amendement, de ne pas nous en remettre uniquement à la jurisprudence et à l’appréciation du juge, mais d’inscrire dans le marbre de la loi ces circonstances aggravantes et les sanctions qui les assortissent. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Nos collègues du groupe socialiste souhaitent élargir le champ des aggravations de peine prévues contre les personnes dépositaires de l’autorité publique aux titulaires d’un mandat électif.
Comme je l’ai dit en commission, je ne suis pas favorable à une telle mesure, qui reviendrait à introduire des doublons dans la définition du champ des aggravations, puisque la catégorie des personnes dépositaires de l’autorité publique inclut les responsables des exécutifs locaux, mais aussi les adjoints au maire et les conseillers municipaux délégués.
De la même manière, les autres élus locaux, lorsqu’ils n’ont pas de délégation, ont quant à eux la qualité de personnes chargées d’une mission de service public. Il en va ainsi des parlementaires, par exemple.
Ainsi, le dispositif que nos collègues présentent comme une précision juridique ne me semble ni opportun ni de nature à clarifier l’état du droit, tant les catégories de personnes dépositaires de l’autorité publique et de personnes chargées d’une mission de service public sont parfaitement appréhendées par l’ensemble des acteurs judiciaires et étatiques comme par la jurisprudence constitutionnelle.
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Madame la sénatrice Karine Daniel, je viens d’apprendre que Mme le maire de Rezé, Agnès Bourgeais, fait l’objet de menaces de mort et de violences physiques et qu’elle a été poursuivie jusqu’à son domicile. Bien évidemment, cela est totalement inacceptable et inadmissible. Je l’appellerai dès demain. Je joindrai également M. le préfet pour m’assurer que la protection qu’elle mérite est bien mise en place.
Ensuite, je veux répondre à M. le sénateur Olivier Paccaud, qui souligne à raison notre frustration liée aux trop nombreux classements sans suite et aux jugements qui ne sont pas à la hauteur de nos attentes.
Premier élément, depuis que la circulaire a été cosignée par Gérald Darmanin, Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, et moi-même – c’était au mois de juin –, les procureurs répondent systématiquement présent, ainsi que nous le leur avions demandé.
Mme Marie Mercier. C’est faux !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Pour voir, chaque semaine, entre 50 et 200 maires, à l’occasion de deux ou trois assemblées générales de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) ou de l’Association des maires de France, je puis en témoigner.
Deuxième élément, les classements sans suite que vous avez évoqués, monsieur Paccaud, ont très largement diminué.
Dans tous les départements où je me suis rendue lors des dernières semaines du mois de septembre pour participer à ces assemblées générales, que ce soit dans le Nord ou en Haute-Garonne, nul ne m’a pas parlé de classement sans suite récent.
M. Olivier Paccaud. Venez dans l’Oise !
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Par conséquent, monsieur le sénateur, si j’adhère à votre analyse et si je comprends la lassitude qui a pu naître par le passé, je forme le vœu et nourris l’espoir qu’il y ait de moins en moins, voire plus du tout, de classements sans suite, que l’on explique aux maires les raisons des éventuels classements sans suite, conformément à ce que prévoit la circulaire, et que les sanctions soient à la hauteur de ce que nous attendons tous.
Pour finir, je ne peux pas souscrire à l’absence de justice que vous dénoncez. Nous sommes fiers de l’indépendance de notre justice. Le garde des sceaux ne saurait indiquer aux juges du siège comment ils doivent juger – vous le savez comme chacun d’entre nous ici.
Monsieur le sénateur Bourgi, vous proposez de prévoir que les faits de meurtre, les violences ayant traîné la mort, les violences aggravées et les outrages soient aggravés lorsqu’ils sont commis sur le titulaire d’un mandat électif. Le code pénal prévoit déjà des peines aggravées lorsque ces crimes et délits sont commis contre toute personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Ces deux catégories incluent notamment les parlementaires, les exécutifs régionaux, les maires et les adjoints. Ainsi, le meurtre commis contre une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, catégories dans lesquelles entrent ces élus, est puni de la réclusion criminelle à perpétuité, comme le prévoit l’article 221-4 du code pénal.
Néanmoins, comme vous l’avez indiqué, la jurisprudence est plus complexe sur la catégorie à laquelle appartient un conseiller municipal, qui plus est sans délégation.
Si la Cour de cassation a précisé que toute personne chargée d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire l’intérêt général, quand bien même elle ne disposerait d’aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique, doit être regardée comme étant chargée d’une mission de service public, elle n’a toutefois pas tranché la question du statut d’un conseiller municipal.
En l’état du droit, votre amendement est donc partiellement satisfait, raison pour laquelle je m’en remets à la sagesse de votre hémicycle.
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Parigi, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et ses collaborateurs de cabinet
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a pour objet de renforcer l’arsenal répressif contre les auteurs d’agressions, de menaces ou d’injures envers les collaborateurs d’élus et les membres de cabinet.
Les collaborateurs d’élus et membres de cabinet sont en relation directe avec les administrés. Lorsqu’ils accompagnent un élu sur le terrain ou qu’ils reçoivent en rendez-vous, ils peuvent être la cible d’agressions et de menaces commises dans l’exercice de leurs fonctions.
Récemment, le collaborateur parlementaire de la députée Aurélie Trouvé a été hospitalisé après une violente agression, alors qu’il avait été repéré par l’un de ses agresseurs.
Autre exemple, parmi d’autres : le collaborateur de la maire de Calais a également été hospitalisé en mai 2023 après avoir reçu un coup porté à la tête lors d’un déplacement professionnel.
Il nous semble qu’il convient de protéger les salariés des élus dès lors que leur identité est apparente ou connue de l’auteur et que l’infraction a été commise dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions.