M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis deux ans, le Sénat s’est particulièrement investi pour répondre aux préoccupations des élus locaux concernant la mise en œuvre de l’objectif de zéro artificialisation nette, imposé par la loi Climat et résilience d’août 2021.
La difficile articulation des objectifs de sobriété foncière avec le développement des territoires suscite de nombreuses craintes, notamment dans les zones rurales, qui redoutent d’être freinées dans leurs projets de développement.
Quatre axes principaux cristallisaient leurs inquiétudes : les outils permettant de respecter le calendrier imposé et de freiner les projets très consommateurs d’espaces ; la juste répartition de l’effort de réduction de l’artificialisation entre territoires ; l’association des communes à l’élaboration des schémas d’aménagement régionaux ; enfin, la place des grands projets dans le décompte global.
Le texte porté et adopté par le Sénat le 16 mars dernier a trouvé une issue favorable lors de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 6 juillet dernier, après plusieurs heures de discussion entre les deux assemblées et le Gouvernement, preuve que les arbitrages n’avaient rien d’évident.
Le Sénat a néanmoins tenu bon pour faire entendre la voix des territoires et répondre aux besoins de clarification et d’appui des élus locaux.
Durant les négociations de ces derniers mois, le groupe socialiste s’est attaché à rétablir l’équité entre les territoires, à mieux faire respecter les particularités et les contraintes locales et à ramener l’apaisement dans la mise en œuvre de cette réforme d’ampleur et structurante pour l’avenir de nos territoires.
Cette proposition de loi comporte quatre avancées majeures.
En premier lieu, afin de redonner du temps aux collectivités pour engager cette réforme et permettre aux citoyens de mieux comprendre ses enjeux, nous avions souhaité le report des dates d’entrée en vigueur des Sraddet et des autres documents d’urbanisme.
Nous avons pu repousser l’entrée en vigueur du Sraddet jusqu’au 22 novembre 2024, soit neuf mois supplémentaires de concertation. Les Scot devront être mis en conformité au plus tard en février 2027 et les PLU et les cartes communales en février 2028.
En second lieu, conformément à la proposition initiale du Sénat, le dialogue territorial sera renforcé par l’entremise d’une conférence régionale de gouvernance du ZAN, qui restera principalement composée d’élus locaux et régionaux ; ONG et associations seront consultées au titre des personnes publiques associées.
Point particulièrement sensible, la garantie rurale d’un hectare, qui doit donner à toutes les petites communes des perspectives de développement, a été préservée et étendue. Ainsi, aucune commune n’en sera exclue, qu’elle soit couverte ou non par un document d’urbanisme, sans condition de densité. Pour les communes soumises au règlement national d’urbanisme (RNU), la loi exige seulement qu’elles approuvent ou prescrivent un PLU ou une carte communale avant le 22 août 2026.
Enfin, dernier sujet particulièrement important, nous pouvons compter sur un forfait national d’artificialisation de 10 000 hectares, mutualisé entre les régions couvertes par un Sraddet.
Si la mise en place de ce compté à part pour les projets d’intérêt national était acquise, l’identification de ces projets et la mutualisation de la consommation d’espace en résultant ont suscité davantage de débats. In fine, le dialogue entre le président du conseil régional, la conférence régionale de gouvernance et l’État pour identifier les projets d’envergure nationale devrait prévaloir ; mais si besoin, la commission de concertation arbitrera. En cas de dépassement du forfait national de 10 000 hectares, le surplus de consommation ne pourra en aucun cas être imputé sur l’enveloppe des territoires.
Parallèlement à l’examen de ce texte au Parlement, les négociations se sont poursuivies avec le Gouvernement, notamment au travers de la présentation et de la mise en consultation, le 13 juin dernier, de deux projets de décrets : l’un, sur la nomenclature du ZAN ; l’autre, sur son application par les Sraddet.
Nous avons rappelé que l’intention du législateur de la loi Climat et résilience était très claire : la trajectoire permettant d’aboutir aux objectifs du ZAN ainsi que leur déclinaison territoriale figurent au titre des objectifs du Sraddet, et donc dans un rapport de prise en compte.
Or, en publiant le décret n° 2022-763, le Gouvernement avait contourné cette intention en prévoyant qu’en matière de lutte contre l’artificialisation des sols le fascicule du Sraddet devait comprendre des règles territorialisées avec des cibles chiffrées.
Nous nous sommes toujours opposés à cette logique verticale, estimant que le Sraddet devait demeurer un document stratégique, et non prescriptif. Nous avons trouvé un accord avec le Gouvernement sur ce point : le caractère obligatoire des cibles chiffrées formulé dans le décret de juin dernier a été supprimé, redonnant ainsi aux régions de la souplesse dans la territorialisation de leurs objectifs.
Nous ne pouvons que saluer tous ces efforts de négociation, qui ont permis d’aboutir à un texte cohérent. Nous espérons qu’il permettra une mise en œuvre apaisée du ZAN et respectueuse des particularités locales.
Deux sujets restent cependant encore en suspens : la question de l’accompagnement des élus et celle du financement. Il faudra en effet renforcer l’ingénierie, prévoir des adaptations fiscales, aider les élus à identifier et à réhabiliter les effacements de friches. Depuis plusieurs années, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain fait des propositions lors de l’examen du budget.
Conscients que l’élaboration d’une carte communale peut être coûteuse pour une petite commune, nous demanderons de nouveau une ligne budgétaire dédiée et un renforcement de l’accompagnement technique. Nous y ajouterons des demandes d’aides supplémentaires à la rénovation du bâti ancien des communes rurales. C’est un point auquel nous tenons tout particulièrement, qui s’inscrit totalement dans les objectifs de sobriété foncière, sans pour autant compromettre le développement des territoires.
Si les débats ont été parfois vifs, nous sommes satisfaits d’avoir pu aboutir à un texte de compromis équilibré. Nous voterons donc naturellement en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDPI et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre volonté commune, ici au Sénat, était de clarifier les objectifs du ZAN, en facilitant leur mise en œuvre, sans en faire une entrave supplémentaire à la libre administration des collectivités territoriales.
Il fallait garantir aux élus une meilleure prise en compte des déséquilibres existants, ce que le mode de calcul des objectifs du ZAN ne permettait pas initialement.
Il fallait veiller à ne pas fragiliser le territoire ni faire comme si l’aménagement actuel du territoire était parfait, alors que des déséquilibres flagrants pénalisent nos concitoyens et leurs élus.
Il fallait aussi agir clairement en faveur de la transition écologique, pour garantir la pérennité des espaces naturels, agricoles et forestiers, dont nous ne pourrons nous passer.
Il y a urgence à agir pour la perméabilité des sols, pour les nappes phréatiques, pour la biodiversité, et contre le réchauffement climatique, dont les effets se font de plus en plus sentir.
Cette proposition de loi ne résoudra pas à elle seule la grande question de l’aménagement. Mais nous allons garantir un droit à l’hectare, et c’est important.
Cependant, madame la ministre, sans moyens supplémentaires pour traiter les friches et installer de nouveaux services publics, vous aurez beau avoir des droits à construire, sans un rééquilibrage des investissements réalisés sur nos territoires en matière de logement, d’infrastructures, d’entreprises, de transports, il ne se construira rien !
Je le relevais en première lecture : selon le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), 67 % des intercommunalités déclarent avoir déjà refusé des projets d’implantation ou subi des déménagements d’entreprises par manque de foncier.
L’enjeu de rapprocher le consommateur du producteur, le salarié de son lieu de travail, de mieux aménager pour moins polluer, demeure. L’enjeu de la transition écologique reste également un impératif, notamment pour préserver les sols.
Nous avons besoin d’un équilibre entre ces deux enjeux, pour faciliter l’implantation de projets d’intérêt général. Il ne peut y avoir d’écologie sans égalité, sans prise en compte des réalités sociales et géographiques de nos territoires, dans leur diversité.
Le choix que nous faisons doit permettre à toutes et à tous d’habiter une planète vivable et d’y vivre dignement.
Pour cela, nous devons conforter la place des collectivités, faire en sorte qu’elles décident, aménagent et ajustent au lieu de seulement subir.
Parallèlement, il faudra des moyens, notamment au travers du renforcement du fonds vert par un plan d’investissement sans précédent. Mais nous en sommes loin, beaucoup trop loin !
Il se dit même que ce fonds serait amputé des sommes nécessaires à la reconstruction des bâtiments endommagés lors des récentes émeutes… Ce serait alors la double peine pour les collectivités et la transition écologique.
Sans oublier l’enjeu, cher à notre collègue Cédric Vial, du compte 212 du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) : les collectivités ne bénéficient plus du remboursement du FCTVA pour leurs opérations d’aménagement d’espaces naturels et de renaturation des sols.
Nos travaux ne constitueront donc certainement pas l’alpha et l’oméga de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais le Sénat a su créer un outil efficace. Nous avons conservé un droit au projet d’un hectare, pour toutes les communes – un droit qui doit demeurer communal, madame la ministre. Nous avons permis d’accueillir de grands projets, non décomptés jusqu’à 10 000 hectares.
Toutes ces décisions seront suivies et débattues par une conférence régionale dont la composition tiendra compte de la diversité des collectivités, avec un droit de proposition pour les régions et un droit de contestation.
Par ailleurs, le droit de préemption et le droit de surseoir à statuer, pour permettre une meilleure maîtrise du foncier, constituent également un progrès et constitueront des pouvoirs supplémentaires pour les élus locaux.
Enfin, nous avons accordé six mois supplémentaires dans la déclinaison des objectifs du ZAN.
Nous devons cependant rester vigilants, notamment sur le décompte des bâtiments agricoles, qui risque d’obérer la capacité à construire de nombre de nos communes.
Quatre défis, intrinsèquement liés, devront être relevés : souveraineté climatique, réindustrialisation, souveraineté alimentaire et logement. Ce texte, qui remet en cause une approche dogmatique au profit d’une approche pragmatique, fera date pour repenser l’aménagement de notre territoire. Mais nous risquons de nous revoir très vite pour aborder de nouveau ces enjeux…
Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera ce texte.
Pour finir, je souhaite saluer le travail de notre présidente et de notre rapporteur. Ils nous ont permis d’aboutir à un consensus et nous ont tirés vers le haut, sans niveler et en respectant toutes nos sensibilités. Dans une République où le débat politique est parfois si fragilisé, madame la ministre, cette méthode de travail doit nous aider à repenser la politique française. De cela, je tiens à remercier très sincèrement notre présidente. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe Union Centriste.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mes chers amis, avant d’en venir au fond, je souhaite exprimer ma reconnaissance.
Ma première pensée va vers notre rapporteur et ami, Jean-Baptiste Blanc, pour son engagement constant et passionné au cours de ces derniers mois. (Applaudissements.)
Ma gratitude s’étend également à l’ensemble des membres de notre commission spéciale. Comme vient de le rappeler Cécile Cukierman, nous avons œuvré dans un esprit transpartisan, ce qui est caractéristique de notre Sénat, un des rares espaces politiques où nous continuons à travailler ensemble sur des idées et des valeurs communes, pour la défense de l’intérêt général et des territoires, au bénéfice du plus grand nombre. Je suis convaincue que nous avons su traduire cet esprit de coopération au travers du texte qui nous réunit aujourd’hui.
Je tiens à remercier également la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, qui a toujours veillé à ce que nous gardions ce cap.
Enfin, je n’oublie pas la contribution du ministre Christophe Béchu ainsi que la vôtre, madame la ministre. Vous avez tous deux contribué à cet effort long et complexe de compromis pour aboutir à un résultat positif pour nos territoires, qui respecte l’ambition climatique que nous appelons de nos vœux tout en permettant à nos collectivités d’agir plutôt que de subir, conformément à l’esprit de la loi de décentralisation.
Il s’agit de tirer parti de la spécificité de nos territoires, de permettre à leurs représentants d’agir en collaboration avec l’État, sans pour autant être réduits à des agents incapables de concevoir et d’imaginer le meilleur pour leurs citoyens. C’est cette vision que nous avons défendue tous ensemble, en valorisant nos diversités et nos sensibilités différentes. Il s’agit à mon sens d’une grande victoire, que nous concrétisons aujourd’hui.
C’est un progrès pour nos territoires, une avancée vers une solution plus praticable, plus acceptable et plus soutenable. Nous avons réussi à élaborer un texte équilibré, même si nous espérions sans doute, les uns et les autres, en obtenir un peu plus, qui permet de mettre en œuvre l’ambition essentielle de la sobriété foncière, tout en la rendant supportable pour nos collectivités.
Les points cardinaux de notre proposition de loi figurent dans le texte final, en particulier la garantie communale, pour laquelle nous avons retenu une amélioration utile apportée par l’Assemblée : la possibilité de mutualiser cet hectare au sein d’une intercommunalité, avec l’accord de la commune.
Comme cela a été souligné, madame la ministre, vous devrez garantir que nos communes bénéficient d’un soutien financier lorsqu’elles seront appelées à développer un document d’urbanisme. À défaut, si elles ne disposaient pas des moyens nécessaires, il serait vain d’attendre d’elles une amélioration de la qualité de leur travail.
Nous devons reconnaître que ce texte apporte des solutions : sursis à statuer, droit de préemption, décompte de l’artificialisation nette dès 2021, et non 2031. Nous redonnons de la souplesse aux élus dans l’application des objectifs de réduction de l’artificialisation sur leur territoire. Ces outils étaient très attendus.
Le sujet qui a été le plus délicat à traiter concerne l’incidence des projets d’envergure nationale ou européenne. Ce point est pourtant la pierre angulaire de tout l’édifice.
Il ne s’agissait pas d’un subterfuge pour renoncer aux objectifs de réduction de l’artificialisation fixés par la loi Climat et résilience ; nous entendions au contraire harmoniser les dispositions de cette dernière concernant la trajectoire de décarbonation ainsi que la sobriété foncière et celles des trois textes ultérieurs portant sur les énergies renouvelables, sur le nucléaire et sur l’industrie verte.
Notre ambition était bien de faire coïncider l’objectif intermédiaire de 2031 avec toutes ces dimensions. Les solutions en ce sens ont été rappelées par M. le rapporteur.
Nous devons à présent considérer ce que nous venons d’accomplir comme une première étape, nécessaire, mais non suffisante.
Je ne serai plus là pour vous accompagner dans cette aventure, mais le projet de loi de finances pour 2024 et les textes qui suivront détermineront le succès ou l’échec du ZAN.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
Mme Valérie Létard. Il n’y aura pas de ZAN sans moyens, sans reconquête de nos friches, sans ambition financière et sans ingénierie.
Encore et toujours, il sera impératif de veiller à ce que l’État, lorsqu’il mettra en œuvre ces mesures, n’oublie pas qu’il a besoin pour cela de sa deuxième jambe : les collectivités locales. Nous devons travailler ensemble, les uns avec les autres, et non laisser les uns imposer des directives aux autres.
Mme Sonia de La Provôté. Tout à fait !
Mme Valérie Létard. Il s’agit là de mon seul message : restons solidaires, travaillons dans l’intérêt général avec l’État, et que l’État travaille avec les collectivités territoriales et non à leur place. Tous ensemble, nous parviendrons à relever ce défi.
Mes chers collègues, avec un petit pincement au cœur à la fin de cette dernière intervention, je vous souhaite beaucoup de réussite pour la suite. (Applaudissements nourris et prolongés.)
(Mme Laurence Rossignol remplace M. Vincent Delahaye au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Mme la présidente. Madame la sénatrice, ma chère Valérie Létard, il n’est pas d’usage que la présidence se joigne aux applaudissements de l’hémicycle, mais je tiens à vous dire que je partage l’émotion de nos collègues après votre dernière intervention.
Mme Valérie Létard. Merci, madame la présidente. (Nouveaux applaudissements nourris.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Sénat commet une erreur administrative en me donnant la parole en dernier : cette place aurait dû revenir à Valérie Létard.
J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises à cette tribune, mais il est bon de le rappeler, n’en déplaise à ceux qui questionnent encore l’utilité du Sénat, la proposition de loi dont nous achevons l’examen aujourd’hui est l’illustration parfaite et tangible du rôle qui est le nôtre : être un contrepoids à l’Assemblée nationale et à la majorité gouvernementale et agir pour un rééquilibrage des politiques ou des dispositifs décidés par l’État au profit des collectivités locales.
Le ZAN, quand bien même nous partageons sa philosophie et son objectif de préservation de notre environnement, a été imposé sans réelle concertation avec les premiers concernés : les élus locaux. Les modalités de sa mise en œuvre initialement prévues par le Gouvernement les ont inquiétés, voire crispés.
Le Sénat s’est saisi de cette question pour corriger le tir et faire en sorte de tenir compte de la spécificité des territoires, inéquitablement concernés. Remercions nos collègues Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc d’avoir pris cette initiative et saluons le travail transpartisan réalisé par notre assemblée sur ce texte.
Pour le reste, nous le savons tous, le bicamérisme est l’art du compromis.
Nous l’avons pratiqué, à titre principal, avec nos collègues de l’Assemblée nationale. Le texte issu de la commission mixte paritaire préserve ainsi certains apports de notre Haute Assemblée.
Nous l’avons également exercé avec le Gouvernement, nos débats présentant la particularité d’avoir amené M. le ministre à proposer aux sénateurs de retirer certaines dispositions du texte pour les traiter par voie réglementaire. Cette demande s’est accompagnée de la promesse de les associer très étroitement, ainsi que les organisations d’élus, à l’élaboration des décrets. Nous resterons donc les vigies de nos élus locaux.
Le compromis, c’est aussi la confiance, et nos collègues ont accepté de transiger avec le Gouvernement à ce sujet ; pour certains articles, les choses semblent acquises, puisque M. le ministre s’est engagé en direct, par téléphone, au cours de la réunion de la commission mixte paritaire, à reprendre in extenso les articles retirés du texte.
D’autres éléments pourraient s’avérer plus complexes à appréhender dans la sérénité, à l’image des questions telles que la non-prescriptivité du Sraddet ou l’élaboration de la nomenclature des surfaces considérées comme artificialisées ou non, un élément essentiel qui focalise l’attention des élus locaux.
L’avenir nous dira s’il était opportun de faire ce pari de la confiance.
Sur le fond, nous nous devons de saluer la préservation de certains acquis auxquels le Sénat n’entendait pas renoncer : l’hectare communal, l’allongement du délai de mise en conformité des documents d’urbanisme, l’équilibre dans la composition de la conférence du ZAN, avec une juste présence de l’ensemble des niveaux de collectivité, la mutualisation interrégionale de l’artificialisation induite par les grands projets et leur sortie du décompte au-delà des 10 000 hectares – même si nous étions nombreux à souhaiter leur sortie totale du dispositif –, enfin, la suppression de la condition de densité pour la garantie communale, condition sine qua non de l’acceptabilité du dispositif par les maires des petites communes.
Nous pouvons également nous féliciter des outils concrets que le texte mobilise pour permettre aux élus d’être accompagnés dans l’atteinte des objectifs de la loi Climat et résilience : comptabilisation en net de l’artificialisation dès la première période décennale, droit de préemption urbain élargi, notamment aux fins de renaturation, sursis à statuer lorsqu’un projet pourrait mettre en péril l’atteinte des objectifs de réduction de l’artificialisation à l’horizon 2031 et décret spécifique pour les bâtiments agricoles.
Restent néanmoins quelques regrets. Nous n’avons pu répondre entièrement aux attentes des maires concernant la détermination des périmètres de densification ; la prise en compte du recul du trait de côte ou encore le traitement des dents creuses et des friches ne sont pas satisfaisants.
À titre personnel, pour avoir été interpellé par de nombreux maires, je me félicite malgré tout du travail conduit et du résultat obtenu au terme de ce parcours législatif. Le Sénat a été à la hauteur de ses missions ainsi que de son rôle de représentation des collectivités et de défense de leurs intérêts.
Notre groupe soutiendra donc ce texte.
Je conclurai par un message particulièrement destiné à Mme la présidente de cette mission. Plus jeune maire d’une ville de plus de 10 000 habitants du Nord-Pas-de-Calais, je vous ai accueillie dans ma commune en 1995 ; vous étiez alors secrétaire d’État, chargée de la solidarité.
Plus tard, nous avons travaillé de concert sous votre présidence au sein de la commission de l’aménagement du territoire du conseil régional ainsi que de l’établissement public foncier (EPF). Nous avons partagé la même passion pour l’aménagement du territoire au sein de l’aire métropolitaine de Lille ; ensemble, nous avons œuvré pour le renouveau du bassin minier et nous avons accueilli Bernard Cazeneuve à ce sujet, dans ma commune.
Vous retrouver ici en 2017, toujours pour débattre de l’aménagement du territoire, du canal Seine-Nord Europe, du logement minier, a été un véritable bonheur.
Aujourd’hui, vous nous quittez. Comme le chante Alain Barrière, « Tu t’en vas ». Ne restez pas trop loin, ma chère Valérie, nous aurons encore besoin, j’aurai encore besoin, de votre œil avisé ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 332 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Pour l’adoption | 326 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté définitivement.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Au nom du Président de la République, de la Première ministre et du Gouvernement, ainsi, bien sûr, que de Christophe Béchu, je tiens à vous remercier, ma chère Valérie Létard, pour l’entièreté de votre travail sénatorial, pour votre compétence, votre persévérance, votre authenticité, votre sincérité dans l’engagement et à vous féliciter pour votre contribution à ce succès. Merci à vous. (Applaudissements.)