M. le président. L’amendement n° 108, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Cet amendement est un amendement d’appel du Gouvernement. Il est motivé par les mêmes arguments que ceux que je viens de développer. Il s’agit de la transparence à laquelle la commission spéciale voudrait astreindre les fournisseurs d’informatique en nuage quant à leur exposition aux législations extraterritoriales.
Je souscris totalement à l’objectif qui est recherché, mais je veux mettre en garde : sans doute, là encore, certains de nos acteurs, les plus avancés, les plus robustes, qui ont déjà mis le pied sur les marchés internationaux et qui ont l’habitude de traiter ces questions-là, pourront-ils respecter les obligations de transparence que la commission spéciale a voulu intégrer dans ce texte, mais qu’en sera-t-il pour les plus petits ? Je vous rappelle que, si notre marché domestique de l’informatique en nuage comporte des acteurs dont nous sommes très fiers et qui ont déjà acquis une envergure européenne, d’autres sont des PME, parfois toutes petites. Or, pour ces dernières, ces obligations de transparence, ces obligations de moyens pour atteindre l’immunité vis-à-vis des législations extraterritoriales peuvent représenter des coûts normatifs particulièrement élevés. D’où cet amendement d’appel, mais peut-être que le rapporteur pourra m’apporter des éclairages sur ce point…
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. Je vais essayer de vous éclairer, monsieur le ministre.
La commission a souhaité aller plus loin dans le rééquilibrage concurrentiel du marché de l’informatique en nuage. Elle a voulu approfondir les obligations de transparence qui pèsent sur les fournisseurs, notamment au regard des risques d’accès gouvernemental aux données personnelles, aux données d’entreprises ou aux données stratégiques et sensibles de l’État. Nous venons d’en discuter.
Nous devons aller plus loin dans la protection face aux législations extraterritoriales. Les labels mis en place en France et à l’échelle européenne sont satisfaisants sur de nombreux points, mais pas en matière de protection face aux législations extracommunautaires. L’opinion publique évolue sur ce sujet et les utilisateurs méritent d’être mieux informés sur les risques encourus.
Certes, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, les négociations européennes sont délicates et difficiles. Mais l’argument européen est utilisé, oserai-je dire, pour tout et son contraire. D’un côté, les négociations européennes n’ayant pas été satisfaisantes, la France n’ayant pas obtenu gain de cause, il faudrait compenser nos échecs européens par des dispositions nationales introduites dans ce projet de loi. D’un autre côté, il faudrait s’en tenir au seul cadre européen, sans prendre d’initiative à l’échelon national.
L’argument européen est donc utilisé à la carte, mais il semble que seul le Gouvernement puisse choisir le menu. Ce n’est pas acceptable, monsieur le ministre ! Les parlementaires ont aussi leur mot à dire. Si vous souhaitiez vous en tenir aux règlements européens stricto sensu, qu’ils aient été adoptés ou qu’ils soient en cours de discussion, alors il ne fallait pas introduire vous-même des brèches dans ce projet de loi.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Il va de soi que le Gouvernement attendait du Sénat qu’il renforce et enrichisse ce texte. Vous venez ainsi d’adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, de nombreux amendements sur l’informatique en nuage, et la commission spéciale avait elle-même, auparavant, enrichi le texte du Gouvernement. Cela ne me pose aucun problème !
Je constate simplement et, si vous prêtez attention aux débats au niveau européen, vous le constaterez avec moi, que les mêmes pays qui sont favorables aux mesures de concurrence dans le règlement sur les données sont défavorables à l’immunité face aux législations extraterritoriales sur le même marché, celui de l’informatique en nuage. Les positions sont donc différentes sur la question de la concurrence et sur la question de l’immunité. Nous redoublerons d’efforts pour essayer de lever les réticences de nos partenaires européens.
Je viens d’évoquer les difficultés pour certaines PME de répondre aux obligations que le texte de la commission spéciale impose aux fournisseurs d’informatique en nuage. Je pourrais également citer une autre difficulté : certaines obligations sont liées à la sensibilité des données hébergées. Cependant, il est difficile de demander aux fournisseurs d’informatique en nuage de vérifier si les données qui leur sont confiées sont sensibles ou non. Il conviendra de revoir ce point dans la navette, car cette disposition est de nature à mettre nos acteurs en difficulté.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je voudrais dire un mot sur la concurrence, parce que ce point est important. Les Gafam disposent de moyens budgétaires équivalents à ceux dont disposent les États. Les petits opérateurs français sont donc soumis à une très rude concurrence et des investissements massifs ne suffiront pas à les faire émerger.
Je pense plutôt que les Françaises et les Français seront tentés de se tourner vers des opérateurs nationaux si ces derniers leur donnent la garantie que leurs données sont sécurisées. (Mme Catherine Morin-Desailly acquiesce.)
La sécurité des données peut constituer un argument de vente extrêmement fort : voilà ce qui nous distingue des autres ! Cela vaut pour l’informatique en nuage comme pour les réseaux sociaux. Il est fondamental de donner la possibilité aux usagers de choisir en fonction du niveau de sécurité qu’ils souhaitent.
Enfin, permettez-moi une petite remarque sur la forme, monsieur le ministre : au Sénat, nous aimons utiliser le français de façon systématique, y compris dans la défense des amendements. Sans doute pourrait-on ainsi trouver des équivalents français à l’expression SecNumCloud… Voilà qui fait aussi partie de la défense de notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Burgoa. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix l’article 10 bis.
(L’article 10 bis est adopté.)
Chapitre III
Régulation des services d’intermédiation de données
Article 11
L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse est l’autorité compétente en matière de services d’intermédiation de données, en application de l’article 13 du règlement (UE) 2022/868 du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724 (règlement sur la gouvernance des données).
L’autorité est consultée sur les projets de lois et de décrets relatifs aux services d’intermédiation de données. Elle est associée, à la demande du ministre chargé du numérique, à la préparation de la position française dans les négociations internationales dans le domaine des services d’intermédiation de données. Elle participe, à la demande du même ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et européennes compétentes en ce domaine.
L’autorité coopère avec les autorités compétentes des autres États membres de l’Union européenne, avec la Commission européenne et avec le comité européen de l’innovation dans le domaine des données institué à l’article 29 du règlement (UE) 2022/868 du 30 mai 2022 précité, afin de veiller à une application coordonnée et cohérente de la réglementation. – (Adopté.)
Article 12
I. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut, de manière proportionnée aux besoins liés à l’accomplissement de ses missions, et sur la base d’une décision motivée :
1° Recueillir auprès des personnes physiques ou morales fournissant des services d’intermédiation de données les informations ou documents nécessaires pour s’assurer du respect par ces personnes des exigences définies au chapitre III du règlement (UE) 2022/868 du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724 (règlement sur la gouvernance des données) ou dans les actes délégués pris pour son application ;
2° Procéder auprès des mêmes personnes à des enquêtes dans les conditions prévues aux II à IV de l’article L. 32-4 et à l’article L. 32-5 du code des postes et des communications électroniques.
Elle veille à ce que ne soient pas divulguées les informations recueillies en application du présent article, lorsqu’elles sont protégées par un secret mentionné aux articles L. 311-5 à L. 311-8 du code des relations entre le public et l’administration.
II. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse peut se saisir d’office ou être saisie par toute personne physique ou morale concernée, et notamment par le ministre chargé des communications électroniques, par une organisation professionnelle ou par une association agréée d’utilisateurs, de manquements aux exigences énoncées au chapitre III du règlement (UE) 2022/868 du 30 mai 2022 précité de la part d’un prestataire de services d’intermédiation de données.
Elle exerce son pouvoir de sanction dans les conditions prévues à l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques.
Par dérogation au sixième alinéa du I du même article L. 36-11, le prestataire de services d’intermédiation de données qui a fait l’objet d’une mise en demeure par l’autorité consécutive à un manquement aux exigences mentionnées au chapitre III du règlement (UE) 2022/868 du 30 mai 2022 précité doit s’y conformer dans un délai de trente jours.
Par dérogation aux dixième à douzième alinéas du III de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, la formation restreinte de l’autorité mentionnée à l’article L. 130 du même code peut prononcer à l’encontre du prestataire de services d’intermédiation de données en cause l’une des sanctions suivantes :
1° Une sanction pécuniaire dont le montant tient compte des critères fixés à l’article 34 du règlement (UE) 2022/868 du 30 mai 2022 précité, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. À défaut d’activité permettant de déterminer ce plafond, la sanction ne peut excéder un montant de 150 000 euros, porté à 375 000 euros en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ;
2° La suspension de la fourniture du service d’intermédiation de données ;
3° La cessation de la fourniture du service d’intermédiation de données, dans le cas où le prestataire n’aurait pas remédié à des manquements graves ou répétés malgré l’envoi d’une mise en demeure en application du troisième alinéa du présent II. – (Adopté.)
Article 13
L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse saisit, avant toute décision, la Commission nationale de l’informatique et des libertés des pratiques de prestataires de services d’intermédiation de données de nature à soulever des questions liées à la protection des données à caractère personnel et tient compte de ses observations éventuelles.
Dans des conditions fixées par décret, cette autorité tient compte, le cas échéant, des observations éventuelles de la Commission nationale de l’informatique et des libertés lorsqu’elle traite :
1° Des demandes formulées par les prestataires de services d’intermédiation de données en application du paragraphe 9 de l’article 11 du règlement (UE) 2022/868 du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724 (règlement sur la gouvernance des données) ;
2° Des réclamations des personnes physiques ou morales ayant recours aux services d’intermédiation de données relatives au champ d’application du même règlement (UE) 2022/868 du 30 mai 2022 précité.
L’autorité informe la Commission nationale de l’informatique et des libertés de toute procédure ouverte en application du présent article. Elle lui communique, dans des conditions fixées par décret, toute information utile permettant à la commission de formuler ses observations éventuelles sur les questions liées à la protection des données à caractère personnel dans un délai de quatre semaines suivant la date de sa saisine. Le cas échéant, l’autorité tient la commission informée des suites données à la procédure.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés communique à l’autorité les faits dont elle a connaissance dans le cadre de sa mission de contrôle du respect des exigences en matière de protection des données à caractère personnel et qui pourraient constituer des manquements de services d’intermédiation de données à leurs obligations au regard des dispositions du chapitre III du règlement (UE) 2022/868 du 30 mai 2022 précité. – (Adopté.)
Article 14
À la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 130 du code des postes et des communications électroniques, la première occurrence du mot « et » est remplacée par le signe « , » et, après le mot : « périodiques », sont insérés les mots : « ainsi que dans celles prévues au second alinéa du III de l’article 10 et aux huitième à onzième alinéas de l’article 12 de la loi n° … du … visant à sécuriser et réguler l’espace numérique ». – (Adopté.)
Après l’article 14
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié est présenté par MM. Iacovelli, Buis et Dennemont et Mme Duranton.
L’amendement n° 73 rectifié est présenté par MM. Duplomb, J.M. Boyer, D. Laurent, Cuypers, Joyandet et Lefèvre, Mme Férat, MM. Klinger, B. Fournier, Bouchet, J.P. Vogel, Pointereau, Decool et Bascher, Mme Thomas et MM. Guerriau, Détraigne, Henno et Panunzi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Un dispositif volontaire d’intermédiation de données est institué. Il est destiné à apporter aux détenteurs de données et utilisateurs de données opérant sur un marché imparfaitement concurrentiel, la possibilité de recourir à des prestataires de services d’intermédiation de données pour toute activité visée à l’article 10 du règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724.
II. – Une expérimentation est menée pour une durée de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi afin d’évaluer l’impact économique des prestataires de services d’intermédiation de données dans le rééquilibrage des rapports entre détenteurs et utilisateurs de données opérant sur un marché imparfaitement concurrentiel. Cette expérimentation est suivie d’un rapport établi par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, qui est transmis au Parlement, comprenant une évaluation économique de ce dispositif. Sur la base de ce rapport, un décret après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, définit les secteurs économiques, la nature des produits et la taille de l’entreprise concernés par l’obligation de recourir à un prestataire d’intermédiation de données.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Dispositif volontaire de services d’intermédiation de données
L’amendement n° 2 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Bernard Fournier, pour présenter l’amendement n° 73 rectifié.
M. Bernard Fournier. Pour pallier les effets des marchés imparfaitement concurrentiels, tels que les marchés présentant peu de vendeurs face à beaucoup d’acheteurs, ou beaucoup de vendeurs face à peu d’acheteurs, cet amendement vise à mettre en place une expérimentation, afin de permettre aux détenteurs de données et aux utilisateurs de données opérant sur ces marchés d’avoir recours à des prestataires de services d’intermédiation de données (SID) pour toutes les activités visées à l’article 10 du règlement européen 2022/868 du 30 mai 2022.
Les personnes privées ou publiques concernées par ce dispositif doivent s’enregistrer auprès de l’Arcep et être inscrites au registre public des prestataires de services d’intermédiation de données de l’Union européenne.
Au regard de la situation économique et environnementale actuelle, les secteurs prioritaires pour participer à cette expérimentation sont, notamment, l’agriculture et l’agroalimentaire. Cette évaluation des secteurs prioritaires sera confiée à l’Arcep, en lien avec l’Autorité de la concurrence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. En proposant la mise en place d’un dispositif volontaire d’intermédiation de données, les auteurs de cet amendement ne font rien d’autre qu’appliquer le règlement européen sur la gouvernance des données lui-même ! Sur ce point, cet amendement est donc satisfait par le droit existant.
Selon les termes de l’amendement, l’expérimentation sera suivie d’un rapport d’évaluation établi par l’Arcep, et un décret, pris après avis de cette même autorité, pourra ensuite définir des secteurs prioritaires, dans la mesure où ces derniers sont imparfaitement concurrentiels. Je rappelle toutefois que l’Arcep procédera en tout état de cause à un suivi du dispositif.
Pour autant, lorsque les marchés sont en situation d’oligopole ou d’oligopsone, comme l’est le monde agricole vis-à-vis des fournisseurs de machines agricoles ou d’intrants, les services d’intermédiation de données constituent bel et bien une voie prometteuse pour permettre aux acteurs de se réapproprier les données.
Je considère donc que cet amendement est plutôt un amendement d’appel pour interpeller le ministre, et je suis impatient de l’entendre sur les perspectives qu’offrent ces services. Mais, en tout état de cause, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour explication de vote.
M. Bernard Fournier. J’entends les explications du rapporteur, mais je maintiens cet amendement, car je sais que Laurent Duplomb, son auteur, souhaite qu’il soit mis aux voix.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 73 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE IV
ASSURER LE DEVELOPPEMENT EN FRANCE DE L’ECONOMIE DES OBJETS DE JEUX NUMERIQUES MONETISABLES DANS UN CADRE PROTECTEUR
Article 15
I. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, sont autorisés les jeux proposés par l’intermédiaire d’un service de communication au public en ligne qui permettent l’obtention, reposant sur un mécanisme faisant appel au hasard, par les joueurs ayant consenti un sacrifice financier, d’objets numériques monétisables, à l’exclusion de l’obtention de tout gain monétaire, sous réserve que ces objets ne puissent pas être cédés, directement ou indirectement par l’intermédiaire de toute personne physique ou morale, à titre onéreux à toute entreprise de jeux.
Constituent des objets numériques monétisables au sens de l’alinéa précédent, à l’exclusion des actifs numériques relevant du 2° du L. 54-10-1 du code monétaire et financier, les éléments de jeu qui confèrent aux seuls joueurs un ou plusieurs droits associés au jeu, et qui sont susceptibles d’être cédés, directement ou indirectement, à titre onéreux à des tiers.
Les entreprises de jeux à objets numériques monétisables s’assurent de l’intégrité, de la fiabilité, de la transparence des opérations de jeu et de la protection des mineurs. Elles veillent à prévenir le jeu excessif ou pathologique, les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
II. – La liste des catégories de jeux autorisées à titre expérimental dans les conditions prévues par le présent article est fixée par décret, après avis de l’Autorité nationale des jeux dont les observations tiennent notamment compte des risques de développement d’offres illégales de jeux en ligne.
III. – Au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation sur les effets de cette expérimentation, proposant les suites à lui donner.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission spéciale. L’article 15, que nous allons examiner, est très important. Pour la première fois, le législateur va se prononcer sur les jeux à objets numériques monétisables (Jonum).
Dans la rédaction initiale, cet article était une coquille vide : il se résumait à une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance. C’était à nos yeux inacceptable au regard de l’importance du sujet.
Nous avons donc souhaité poser une première pierre, en concertation avec vous, monsieur le ministre, en introduisant, pour la première fois, une définition en droit des Jonum et en les autorisant, à titre expérimental, pour une période de trois ans. Je tiens d’ailleurs à féliciter notre rapporteur, Patrick Chaize, pour le travail qu’il a effectué.
Cette première pierre est importante, mais elle n’est pas suffisante. Il manque encore un cadre de réglementation, mais je crois que le Gouvernement est en train de le préparer. La commission spéciale a estimé que le Gouvernement devrait mettre à profit les trois mois à venir avant l’examen du texte à l’Assemblée nationale pour approfondir ce travail avec l’ensemble des opérateurs concernés, notamment avec le régulateur, l’Autorité nationale des jeux.
Pouvez-vous vous engager, monsieur le ministre, à poursuivre les consultations et à ce que le futur cadre de régulation des Jonum soit mis en place sous l’égide de l’Autorité nationale des jeux ? L’expertise de cette dernière constitue la meilleure des garanties au regard des risques de blanchiment d’argent, de fraude et d’addiction et pour protéger les mineurs. Un tel dispositif semble indispensable.
Nous espérons également que vous continuerez à associer les sénateurs à ce travail, jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire, où nous finaliserons la définition du cadre réglementaire, dont nous voulons qu’il soit protecteur et exigeant.
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. Les propos de la présidente de la commission spéciale illustrent bien que la rédaction initiale de cet article avait un caractère quelque peu improvisé. L’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance sur ce sujet semblait plutôt incongrue.
La commission spéciale s’est emparée du sujet et a proposé une autre définition des Jonum. Si l’on peut considérer, à juste titre, que cette dernière est plus précise, elle manque toujours de substance.
On voit bien que nous avons besoin d’avancer sereinement sur ce sujet. Nous avons travaillé un peu vite sur ce projet de loi, sous la pression d’un calendrier très contraint.
Pour ces raisons, nous proposons de supprimer cet article. Les enjeux dépassent le cadre des Jonum. Un projet de loi consacré spécifiquement à la blockchain, aux jetons numériques non fongibles – non fongible token (NFT) en anglais –, et aux crypto-actifs nous semble nécessaire. Ces technologies existent depuis une quinzaine d’années, mais elles sont peu réglementées. C’est la raison pour laquelle l’expérimentation proposée par la commission ne nous satisfait pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. L’avis est bien sûr défavorable.
Le développement du web 3.0 et des Jonum nous impose de forger le cadre d’une régulation du secteur qui permettrait à l’innovation de se développer, tout en évitant tout contournement de l’interdiction des jeux d’argent et de hasard en ligne.
La commission spéciale est favorable à ce que nous soutenions l’innovation et à ce que nous l’encadrions suffisamment tôt pour pouvoir en identifier les risques, tout en assurant à notre pays des retombées économiques favorables. La suppression de cet article reviendrait à refuser toute forme d’encadrement des Jonum. Ce n’est pas souhaitable.
Notre commission a travaillé rapidement, certes, mais aussi efficacement, du moins je l’espère, et elle s’est efforcée d’éviter les risques que la rédaction initiale comportait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je profiterai de cette intervention pour répondre à la présidente de la commission spéciale.
Cet article concerne les jeux à objets numériques monétisables, les Jonum, mais j’ose à peine prononcer le mot devant M. Ouzoulias… (Sourires.)
Je tiens à saluer le travail de la commission spéciale et du rapporteur, et à les remercier d’avoir transformé une habilitation à légiférer par ordonnance – ce que le Sénat, ou le Parlement d’une manière générale, n’apprécie guère – en une disposition inscrite dans le « dur » de la loi.
Le dispositif doit en effet, madame la présidente, être complété. La rédaction actuelle comporte – c’était un préalable indispensable – une définition de ces nouveaux jeux et prévoit une expérimentation qui permettra de poser les fondations d’une régulation intelligente de ce secteur.
Il reste cependant d’autres briques à poser, qui pourront l’être au cours de la navette parlementaire, afin de protéger les mineurs ou de lutter contre les addictions, le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme, etc. Ces garanties sont nécessaires si nous voulons que ce régime puisse fonctionner dans les meilleures conditions, en conciliant la souplesse nécessaire au développement de l’innovation dans notre pays et la protection des usagers.
En réalité, l’esprit qui nous anime est le même que celui qui a présidé à la conception et à l’édification, dans le cadre de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte, même si cette dernière n’était pas consacrée au web 3.0, du cadre de régulation des crypto-actifs dans notre pays grâce, par le biais du régime des prestataires de services sur actifs numériques (Psan). Celui-ci a su concilier la protection, nécessaire, des utilisateurs et la souplesse, primordiale pour l’innovation.
C’est d’ailleurs le cadre de régulation français qui a été retenu pour définir le règlement européen sur les marchés de crypto-actifs Mica (Markets in Crypto-assets), qui entrera en vigueur en 2024 et qui crée un marché unique des crypto-actifs en Europe. Je me réjouis que ce soit la France qui ait trouvé le bon équilibre, et que le modèle français ait été imité. Cela a constitué un facteur d’attractivité pour notre pays, puisque nous avons accueilli un certain nombre d’entreprises du web 3.0, et que des entreprises françaises se sont développées.
Nous recherchons un peu le même but avec ce dispositif sur les Jonum : un cadre à la fois protecteur et propice à l’innovation, pour que cette dernière se développe et crée des emplois dans notre pays, et pour que l’Europe s’inspire, le moment venu, du dispositif français pour définir son propre cadre de régulation.