compte rendu intégral
Présidence de Mme Pascale Gruny
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie Mercier,
M. Jean-Claude Tissot.
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Procès-verbal
Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Questions orales
Mme le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
situation des familles d’enfants en situation de handicap en loire-atlantique
Mme le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, auteure de la question n° 767, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées.
Mme Michelle Meunier. Madame la ministre, nombre de familles d’enfants et de jeunes adultes en situation de handicap, sévère ou complexe, sont en attente de solutions d’accueil et d’accompagnement adaptées, qui leur permettraient de les scolariser.
En raison de ces carences, les parents d’enfants en situation de handicap se battent quotidiennement pour faire reconnaître les droits fondamentaux de leurs enfants. Dans le département de Loire-Atlantique, près de 1 500 familles subissent ainsi des défauts d’accompagnement scolaire ; quelque 900 personnes voient leurs droits reconnus et notifiés, mais attendent toujours des places.
Ce département connaît en effet une forte attractivité démographique, qui accentue davantage encore les problématiques de prise en charge des enfants. Certains d’entre eux sont contraints de rester au domicile parental, ce qui oblige le plus souvent les mères à mettre leur carrière professionnelle entre parenthèses. D’autres sont dans des classes inadaptées, avec des enseignants peu ou mal formés et souvent démunis. D’autres enfin, atteints de troubles psychiques ou cognitifs, sont isolés en hôpital psychiatrique.
Fédérées en collectif, ces familles revendiquent l’effectivité de la loi de 2005 – loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées –, la prise en compte des besoins spécifiques de leurs enfants et adultes handicapés et le déploiement de solutions adaptées.
Le Président de la République, lors de la Conférence nationale du handicap qui s’est tenue dernièrement, a quelque peu désorienté les associations du secteur, en annonçant, dans la précipitation et sans véritable concertation, la création de 50 000 nouvelles solutions médico-sociales d’ici à 2030.
Madame la ministre, je vous enjoins de définir urgemment un plan de création de ces nouvelles places et de favoriser des solutions innovantes, telles que les unités d’enseignement externalisées. Concrètement, combien de nouvelles places en médico-social seront créées d’ici à 2030 ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, vous l’avez dit, à l’occasion de la Conférence nationale du handicap, le Président de la République a annoncé la création de 50 000 nouvelles solutions d’accompagnement pour les personnes en situation de handicap et leurs proches. Cette décision a été prise non pas au hasard, mais au regard des besoins constatés. Notre préoccupation est de développer une palette de solutions complémentaires et adaptées.
Ces 50 000 solutions ont trois objectifs.
Le premier, c’est de faire en sorte que les jeunes adultes relevant de l’amendement Creton, encore présents dans les établissements pour enfants, soient accompagnés dans des établissements pour adultes, afin de libérer des places pour les enfants.
Le deuxième, c’est de trouver et de construire des solutions nouvelles dans les départements qui sont en déficit d’offre, à l’instar du vôtre.
Le troisième, c’est d’apporter des solutions aux personnes présentant des handicaps complexes, aux polyhandicapés, aux autistes en situation très complexe ou encore aux personnes handicapées vieillissantes.
Nous allons établir un plan pluriannuel – sur cinq ans –, qui donnera de la visibilité aux agences régionales de santé (ARS) et aux départements. L’objectif est de construire, avec les conseils départementaux, ces solutions adaptées aux territoires, en fonction des données consolidées et partagées entre les ARS et les départements.
Madame la sénatrice, vous le voyez, tout cela va être fait, grâce à la concertation et à la coconstruction. Bien entendu, des solutions pour la scolarisation des enfants sont à l’ordre du jour. Il pourra s’agir de nouvelles places dans les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) ou de la création d’unités d’enseignement externalisées ou d’unités mobiles d’enseignement, afin d’aider la scolarisation de tous les enfants handicapés dans l’école de la République.
accompagnement scolaire et médical des mineurs handicapés
Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, auteur de la question n° 771, transmise à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées.
M. Jérôme Bascher. Madame la ministre, le 15 mars dernier, le maire de Lamorlaye, commune située dans le sud de l’Oise, a dû prendre un arrêté de péril à propos du centre de médecine physique et de réadaptation pour enfants, notamment handicapés. Du jour au lendemain, des parents se trouvent sans solution !
Ce centre appartient à la Croix-Rouge. Les responsables de l’ARS sont parfaitement informés de l’affaire. Nombre de personnes se sont mobilisées. Ce qui choque, c’est que ces enfants, qui rencontrent déjà beaucoup de difficultés, ne soient pas bien pris en charge, que ce soit par la Croix-Rouge ou par l’ARS. Ils ont besoin d’être scolarisés, pas trop loin, et de recevoir des soins en permanence.
Or on va fermer un centre, en laissant des professionnels de santé au chômage technique, alors même qu’il en manque en France. On envisage, un beau jour, d’en réimplanter un à 30 kilomètres de là, ou plutôt à 29,8 kilomètres parce que si c’était à plus de 30 kilomètres, il serait obligatoire de licencier, etc. Ce n’est pas une solution !
De plus, quand déplacer le site à 29,8 kilomètres oblige à passer de l’Oise au Val-d’Oise, le trajet des enfants peut durer non pas dix minutes, mais plusieurs heures. Ce n’est pas envisageable !
Madame la ministre, quelle solution pouvez-vous trouver, en lien avec l’ARS, pour aider ces enfants ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, le centre de médecine physique et de réadaptation pour enfants de Lamorlaye, géré par la Croix-Rouge française, a en effet dû être évacué à la mi-mars, quelques jours avant la signature par le maire – le 24 mars dernier – d’un arrêté de péril. Face à cette situation difficile, je me suis rapprochée des services de l’ARS et de l’éducation nationale.
Monsieur le sénateur, soyez assuré que l’ARS est pleinement mobilisée. La sécurité des locaux est évidemment incontournable. J’ai demandé que toutes les garanties soient apportées pour la continuité de l’accompagnement de ces enfants. Cette continuité est notre priorité absolue.
Des solutions ont été trouvées pour répondre en urgence aux différentes situations. Ainsi, tous les enfants accueillis ont pu bénéficier d’une continuité de soins. Pour les prises en charge en hospitalisation complète, le centre s’est appuyé sur l’hôpital d’enfants de Margency, qui est également géré par la Croix-Rouge française. Les enfants pour lesquels une hospitalisation de jour est nécessaire ont pu poursuivre leurs soins à domicile, grâce à l’intervention d’une équipe mobile. Les vingt-cinq enfants scolarisés ont bien une solution de scolarisation jusqu’au 8 juillet prochain, dans des locaux provisoires mis à disposition par la municipalité. Le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) garantit que cette scolarisation pourra bien se poursuivre à la rentrée.
En ce qui concerne l’activité du centre, l’ARS met tout en œuvre pour assurer une solution pérenne qui réponde aux besoins du territoire et des habitants.
Monsieur le sénateur, nous serons particulièrement attentifs à ce que tous ces enfants puissent bénéficier de la continuité des soins et de la poursuite de leur scolarisation dans les meilleures conditions possible.
Je n’ai pas d’éléments quant au lieu d’implantation, mais je veux bien suivre avec vous ce sujet, afin que la meilleure solution soit trouvée.
Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.
M. Jérôme Bascher. Le sud de l’Oise traverse une grave crise en termes d’accès aux soins et de système de santé : le groupe hospitalier public du sud de l’Oise (GHPSO) a un déficit incroyable, tout comme l’hôpital Les Jockeys à Chantilly, et l’on a évoqué la situation du centre du Bois-Larris.
On a besoin de professionnels dans le sud de l’Oise ! Les familles s’y sont installées en raison de la présence de tels centres. Aussi, les déplacer de 30 kilomètres, en Île-de-France et non pas dans les Hauts-de-France, serait une faute, une erreur.
« bien vieillir » en france au xxie siècle
Mme le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 748, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, au siècle passé, au soir de sa vie, Charles de Gaulle prononce cette phrase terrible : « La vieillesse est un naufrage. » En dépit des progrès de la médecine, nombreux sont nos concitoyens qui pourraient porter ce même jugement aujourd’hui, à l’aube du XXIe siècle. Comment est-ce possible ?
Dans notre pays, l’un des plus vieillissants d’Europe, la défaillance de la prise en charge du grand âge est un fait. Et ce ne sont pas seulement les nouveaux modes de vie qui expliquent cette situation. Dans nos villes comme dans nos villages, nos aînés ne trouvent plus leur place. Et que dire du moment ultime, que d’aucuns souhaitent même abréger, faisant fi du serment d’Hippocrate, sous prétexte que les soins palliatifs sont une perte de temps et d’argent ?
Tout cela est glaçant ! Je le dis avec force : un être humain n’a pas de date de péremption ; un être humain n’est pas un objet dont on dispose à sa guise. Doué de pensée et pétri de sentiments, il est fait de chair et de sang. Sa vie n’a pas de prix.
Madame la ministre, ma question est simple : votre réforme du grand âge est-elle construite autour de l’humain ou est-elle rédigée par un comptable ? Je vous invite à être prudente dans votre réponse, car s’il est un sujet qui nous concerne tous un jour ou l’autre, c’est bien celui-là.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, je veux tout d’abord affirmer une chose : les personnes âgées, quel que soit leur état physique ou cognitif, sont avant tout des personnes. Elles doivent être prises en compte comme tel, car elles ont des droits : le droit de vivre dans la dignité et selon leur propre choix.
Le ministre Jean-Christophe Combe s’attache ainsi à répondre aux souhaits des Français – désormais majoritaires – de pouvoir vieillir à domicile. Cette priorité passe notamment par des mesures de prévention et d’accompagnement de la perte d’autonomie.
Justement, nombre de mesures ont été prises ces dernières années. Je pense tout particulièrement à la création de la branche autonomie de la sécurité sociale en 2020 et à l’augmentation progressive de ses ressources. Ces moyens doivent permettre notamment de financer des mesures pleinement respectueuses de la volonté et de la dignité des personnes âgées. Telle est notre boussole.
C’est à ce titre que le Parlement avait adopté, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, des réformes cruciales, comme la trajectoire de recrutement de 50 000 professionnels soignants dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) pour les prochaines années. Cela signifie davantage de professionnels au chevet des personnes en perte d’autonomie. Il s’agit aussi du renforcement des mesures de contrôle des Ehpad, rendu indispensable par les dérives constatées, dont ont souffert de trop nombreuses personnes âgées, ainsi que de tous les plans d’aide à domicile visant à lutter contre l’isolement.
Nous sommes déterminés à continuer d’agir. En clôture du Conseil national de la refondation consacré au « bien vieillir », le 4 avril 2023, Jean-Christophe Combe a donné le coup d’envoi d’une réforme du grand âge, rassemblant toutes les mesures pour préparer la société au vieillissement de la population. Il s’agit de reconnaître et de simplifier la vie de ceux qui entourent les personnes âgées, de repérer l’isolement social et de mieux prévenir la perte d’autonomie, de simplifier l’accès au service public et à l’offre de soins, de lutter contre les maltraitances et de moraliser le secteur du grand âge.
Certaines mesures de cette réforme figureront dans des textes législatifs, notamment dans la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France, qui est en cours d’examen à l’Assemblée nationale.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, nous en sommes encore au stade des généralités, à propos desquelles nous nous retrouvons tous – Dieu merci !
On verra comment vous conduirez votre action et quelles seront vos propositions concrètes pour joindre la volonté politique à l’esprit que vous venez d’évoquer dans votre réponse. J’y serai personnellement très attentif ; croyez bien que le Sénat tout entier le sera également.
prise en compte du champ visuel pour l’attribution du forfait cécité dans le cadre de la prestation de compensation du handicap
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, auteure de la question n° 737, adressée à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la ministre, je me fais ici le relais d’un courrier de l’adjointe à la maire de Paris, chargée de l’accessibilité universelle et des personnes en situation de handicap, Lamia El Aaraje, qu’elle a adressé à votre collègue Jean-Christophe Combe le 11 avril dernier – nous vous en avons fait tenir copie – et qui n’a jamais reçu de réponse.
Comme vous le savez, l’article D. 245-9 du code de l’action sociale et des familles dispose que : « Les personnes atteintes de cécité, c’est-à-dire dont la vision centrale est nulle ou inférieure à 1/20 de la vision normale, sont considérées comme remplissant les conditions qui permettent l’attribution et le maintien de l’élément de la prestation lié à un besoin d’aides humaines. »
Ainsi, les personnes ayant un champ visuel altéré se trouvent exclues du dispositif de forfait cécité.
Pourtant, l’acuité et le champ visuels sont deux fonctions indispensables dans l’appréciation du déficit visuel, comme le rappellent le Syndicat national des ophtalmologues de France (Snof) ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui en tient systématiquement compte dans la description des différents stades de la déficience visuelle.
Si à l’échelon local certaines maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) adoptent cette juste compréhension dans l’attribution du forfait cécité, elles appliquent dans leur majorité la législation actuelle stricto sensu, entraînant ainsi une inégalité de traitement sur le territoire national.
La MDPH de Paris a ainsi demandé à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de faire jurisprudence sur un accord de forfait cécité pour les personnes qui ont un champ visuel très rétréci.
Aussi, madame la ministre, êtes-vous prête à remédier à ce problème, en mentionnant le champ visuel parmi les critères d’évaluation visant à octroyer le forfait cécité prévu à l’article D. 245-9 du code de l’action sociale et des familles ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question, qui me donne l’occasion de revenir sur l’accès à la prestation de compensation du handicap (PCH) aide humaine pour les personnes déficientes visuelles.
La PCH pour la déficience visuelle permet de demander cinq types d’aides : les aides humaines, les aides techniques, des aménagements du logement et du véhicule, des charges spécifiques ou exceptionnelles, une aide animalière.
Pour ces personnes, le code de l’action sociale et des familles prévoit deux possibilités différentes pour accéder à l’aide humaine. Elles peuvent accéder au forfait cécité dont vous parliez, qui correspond à cinquante heures d’aide humaine sur la base de l’évaluation de l’acuité en vision centrale après correction et sans prise en compte des amputations du champ visuel.
Mais des personnes qui ont un handicap visuel, autre que cette acuité en vision centrale dégradée, peuvent aussi demander une évaluation de leur éligibilité à la PCH sur la base des critères classiques, c’est-à-dire présenter une difficulté absolue ou deux difficultés graves dans des activités de la vie quotidienne.
Dans cette situation, une personne – éligible ou non – au forfait cécité pourra avoir un plan d’aides humaines supérieur à cinquante heures mensuelles. Pour les personnes présentant une surdicécité, sont prises en compte la perte auditive et la réduction de l’activité et du champ visuels pour accéder au forfait surdicécité, et ce depuis le 1er janvier 2023.
Vous le voyez, la situation évolue : les personnes souffrant d’une perte de champ visuel peuvent faire valoir ce handicap dans leur demande de PCH.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la ministre, je vous remercie de la grande précision de votre réponse, mais vous comprenez bien que la difficulté réside dans l’hétérogénéité de l’appréciation de la situation selon les départements.
Il serait bienvenu que vos services fassent en sorte qu’il y ait une application homogène dans l’ensemble des départements, parce que, vous comme moi, j’imagine, n’acceptons pas l’idée que les situations soient inégalitaires. Je vous remercie d’y veiller !
encadrement des rémunérations des intérimaires médicaux
Mme le président. La parole est à Mme Frédérique Gerbaud, auteure de la question n° 710, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Frédérique Gerbaud. Madame la ministre, ma question concerne l’encadrement des rémunérations des intérimaires médicaux.
Les plafonds fixés en la matière par la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé, dite loi Touraine, n’étaient pas respectés. Pour cette raison, la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, a fait obligation aux comptes publics d’interdire la mise en paiement de factures excédant le plafond de rémunération fixé par décret, en l’occurrence 1 170 euros brut pour vingt-quatre heures de travail.
Lors de l’entrée en vigueur de cette disposition, le 3 avril dernier, ce montant a été porté à 1 390 euros brut pour les contrats signés à partir de cette date. Un décret d’application en bonne et due forme viendra-t-il prochainement confirmer ou préciser ce montant, ainsi que les modalités transitoires de la mise en œuvre de la loi ?
Par ailleurs, êtes-vous en mesure de m’indiquer s’il est envisagé d’appliquer au secteur hospitalier privé l’encadrement des rémunérations des intérimaires médicaux ? Cela paraît logique et hautement souhaitable, étant donné l’appel d’air engendré par l’encadrement dans le secteur public, qui prive d’ores et déjà ce dernier d’une partie de l’appoint des intérimaires.
Enfin, n’est-il pas devenu urgent d’augmenter substantiellement les rémunérations des praticiens hospitaliers, toujours caractérisées par une différence considérable avec celles des intérimaires, même si ces dernières sont mieux maîtrisées ? Pour mémoire, une garde de nuit courant de dix-neuf heures au lendemain matin ne rapporte pas plus de 248 euros aux praticiens hospitaliers à temps plein qui l’effectuent.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, encadrer les rémunérations des intérimaires est une volonté constante du législateur – elle est inscrite dans la loi depuis 2016.
La mise en application effective de cet encadrement depuis le 3 avril dernier était nécessaire pour garantir la pérennité de notre système de santé, pour renforcer les collectifs de travail hospitalier et pour lutter contre des dérives insoutenables financièrement et inacceptables éthiquement.
L’engagement de tous les acteurs locaux a été nécessaire afin d’accompagner l’entrée en vigueur de cette mesure. L’ensemble des fédérations d’établissements publics et privés de santé ont signé une charte d’engagement solidaire pour soutenir la mise en œuvre de ce dispositif et éviter toute surenchère ou concurrence entre les établissements publics et privés.
Des dispositifs de soutien ont été déployés en faveur des organisations locales et afin de revaloriser l’exercice hospitalier : majoration de 30 % de la prime de solidarité territoriale pour valoriser l’engagement des soignants, là où les besoins sont accrus ; revalorisation de 50 % du montant des indemnités de garde depuis la mission flash réalisée à l’été 2022, mission dont les mesures ont été prolongées ; et augmentation du plafond de l’intérim médical à 1 390 euros pour vingt-quatre heures jusqu’au 31 août.
Des mesures de revalorisation durable seront prochainement décidées. Conformément aux annonces du Président de la République lors de ses vœux aux soignants, une concertation sur les enjeux de permanence des soins, de l’évolution des carrières hospitalières et d’amélioration des conditions de travail des praticiens est en cours et devrait se terminer cet été.
Cette concertation s’appuie notamment sur les travaux qu’a menés l’inspection générale des affaires sociales (Igas) sur ces questions. Des propositions sont également en cours de discussion avec les partenaires sociaux en vue de leur entrée en vigueur avant la fin de l’année.
Mme le président. La parole est à Mme Frédérique Gerbaud, pour la réplique.
Mme Frédérique Gerbaud. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.
Je répète l’une de mes questions : pouvez-vous me donner des renseignements supplémentaires ou des indications quant à la publication du décret ? Est-il prévu pour le courant du mois de juillet ? À ma connaissance, il n’est toujours pas sorti.
situation de la psychiatrie
Mme le président. La parole est à Mme Corinne Féret, auteure de la question n° 770, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Corinne Féret. Madame la ministre, en 2017, la ministre de la santé de l’époque reconnaissait l’abandon de la psychiatrie. Près de six plus tard, rien n’a changé.
Le personnel exerce dans des conditions difficiles, qui se sont encore dégradées à l’issue de la crise de covid-19, laquelle a d’autant plus détérioré la santé mentale des adultes comme des plus jeunes. Ainsi, des enfants et leurs parents souffrent d’un manque d’accompagnement et les files d’attente s’allongent dans les centres médico-psychologiques ou médico-psycho-pédagogiques.
Manifestement, l’urgence et la gravité de la crise que connaît la psychiatrie publique sont loin d’être prises en compte. Les établissements sont confrontés à des départs massifs et sans précédent de praticiens et de personnels soignants non médicaux. Partout, les fermetures de lits, voire d’entités entières, se multiplient, forçant les directions à des restructurations particulièrement délétères pour la prise en charge des patients.
Les retards ou les défauts de prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques ne sont évidemment pas sans conséquence, comme en témoigne la récente agression qui a coûté la vie à une infirmière au centre hospitalier universitaire de Reims.
Dans le Calvados, au début du mois de juin dernier, au sein de l’établissement public de santé mentale (EPSM) de Caen, un malade a réussi à mettre le feu à sa chambre et à en saccager deux autres. Résultat : trois agents ont dû être conduits aux urgences. On vient d’apprendre que cet été, faute de médecins, l’établissement va devoir fermer l’un de ses services, quelques semaines après avoir fermé temporairement vingt-huit lits dans trois unités.
Les équipes ne cessent d’alerter les autorités, en vain, sur cette situation, qui porte atteinte à leur sécurité et à celle des patients. Ce personnel, déjà sous tension, n’a pas à travailler dans la peur.
Aussi, madame la ministre, je souhaiterais connaître la stratégie du Gouvernement pour répondre aux besoins urgents de la psychiatrie publique, en particulier dans le Calvados et plus précisément à l’EPSM de Caen.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées. Madame la sénatrice, la stratégie d’ensemble pour la santé mentale, qui est une priorité de notre action, est déployée depuis 2018. En 2026, elle aura mobilisé 3,3 milliards d’euros et aura entraîné des réformes et des actions importantes pour la prévention, le parcours de soins et l’inclusion sociale.
La psychiatrie a toute sa place au cœur de cette stratégie. Mais nous n’ignorons rien de la crise qu’elle traverse, qui est multifactorielle. Aujourd’hui, la question est non pas celle des moyens et des financements, mais celle de la capacité à trouver le personnel médical et paramédical nécessaire. En effet, si la démographie médicale est aujourd’hui globalement défavorable, celle de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie l’est encore plus.
Aussi, pour rénover l’attractivité de cette filière et afin que les futurs médecins soient toujours plus nombreux à la rejoindre, des mesures structurantes à moyen et à long termes ont été engagées : suppression du numerus clausus ; passage de quatre ans à cinq ans du diplôme d’études spécialisées (DES) de psychiatrie ; augmentation du nombre de postes de chefs de clinique et de personnels hospitalo-universitaires titulaires en pédopsychiatrie ; renforcement et valorisation de la recherche et de la formation ; recrutement d’infirmiers en pratique avancée en psychiatrie…
Dans l’immédiat, nous nous attachons à optimiser les organisations et les ressources humaines par des réformes structurantes du financement et des autorisations en psychiatrie, par le déploiement de projets territoriaux de santé mentale (PTSM), par la généralisation des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), par l’appui de psychologues volontaires et conventionnés du dispositif « Mon Psy ».
Nous renforçons ainsi l’articulation entre les premières lignes généralistes et l’offre spécialisée, entre l’offre publique et l’offre privée. Nous encourageons la délégation de tâches et nous développons les politiques de prévention de la souffrance psychique et des crises, ce qui contribue à protéger l’hôpital et les services d’urgence.
Le sujet de la sécurité des soignants, que vous avez mentionné, est un autre enjeu qu’il ne faut pas mélanger avec celui que je viens d’évoquer. Ce sont deux questions distinctes. Le ministre François Braun travaille bien sûr pour sécuriser les urgences.