Mme la présidente. L’amendement n° 124 rectifié, présenté par M. Perrin, Mme Di Folco, MM. Gremillet, Piednoir, Rapin, Rietmann, Darnaud et Bascher, Mme Demas, M. Brisson, Mmes Ventalon, Lassarade et Gosselin, M. Hugonet, Mme Dumont, MM. B. Fournier, Bouchet, Pellevat, Somon et Allizard, Mme Thomas, MM. Mandelli, Chaize, Favreau et Burgoa, Mmes Imbert, Goy-Chavent, Lopez et Chauvin, M. Belin, Mme Schalck, MM. Sautarel, Genet, Meignen, Lefèvre, Saury et Sido, Mme Dumas, M. Savary, Mme Garriaud-Maylam, MM. Chatillon et Pointereau, Mmes Belrhiti, Lherbier et Raimond-Pavero et M. C. Vial, est ainsi libellé :
Alinéa 52, tableau, après la vingt-neuvième ligne
Insérer une ligne ainsi rédigée :
Forces terrestres |
Drones |
Munitions téléopérées |
0 |
Au moins 1800 |
Au moins 1800 |
La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin. Cet amendement vise à concrétiser une annonce faite par le ministre des armées dans une interview parue en février 2023, à propos des munitions téléopérées : « Il faut avoir de la masse et des objets produits à faible coût. L’objectif, c’est d’avoir à terme un socle à 1 800 exemplaires. »
L’objet de cet amendement est d’inscrire cet objectif de 1 800 munitions téléopérées dans la loi de programmation militaire (LPM).
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur. Avis favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées. Avis favorable.
J’apporterai toutefois une précision méthodologique : ce chiffre est précisé à titre d’exemple. D’autres éléments du patch munitions ne figureront pas forcément sur le tableau, mais, de fait, le chiffre indiqué correspond à notre copie.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 141, présenté par M. P. Laurent, Mmes Gréaume, Apourceau-Poly et Assassi, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay, Lahellec, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Alinéa 52, tableau, trente-troisième ligne (PA-Ng)
Supprimer cette ligne.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement marque notre désaccord sur une question très importante : la construction d’un porte-avions de nouvelle génération (PA-Ng).
Nous désapprouvons ce programme budgétaire, dont chacun sait qu’il est extrêmement coûteux. En effet, il s’élève à 10 milliards d’euros au total, dont 5 milliards inclus dans ce projet de LPM.
D’un point de vue opérationnel, nous considérons que ce choix est inadapté aux nouvelles menaces. De plus, cet outil répond à une conception de la projection de puissance dans les mers lointaines qui n’est pas la nôtre.
Enfin, je réfute l’argument selon lequel il serait nécessaire de poursuivre ce programme pour assurer la pérennité et la maîtrise de la filière nucléaire militaire, en particulier les chaudières nucléaires. Nous produisons régulièrement de nouvelles chaudières nucléaires pour les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) sans avoir recours à un tel programme. Je tenais à exposer mon désaccord sur ce point.
Par cohérence, n’étant pas favorables à la construction de ce porte-avions, nous proposons, au travers de l’amendement n° 142 – je l’aurai donc défendu –, de supprimer l’alinéa qui a été ajouté lors du débat à l’Assemblée nationale pour lancer des études sur le coût d’un deuxième porte-avions.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants identiques.
L’amendement n° 142 est présenté par M. P. Laurent, Mmes Gréaume, Apourceau-Poly et Assassi, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay, Lahellec, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas.
L’amendement n° 220 est présenté par MM. Gontard, Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 52, tableau, note de bas de page n° 3
Supprimer la seconde phrase de cette note de bas de page.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 142.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 220.
M. Guillaume Gontard. J’abonderai dans le sens de Pierre Laurent. Si, pour notre part, nous sommes favorables au renouvellement du porte-avions Charles de Gaulle, qui semble incontournable, car celui-ci arrive en fin de vie, nous ne comprenons pas l’ajout de cet alinéa à l’Assemblée nationale en vue de réaliser une étude de faisabilité pour la construction d’un autre porte-avions.
Nous souhaitons donc supprimer cet alinéa. Ce n’est absolument pas une priorité, compte tenu des besoins liés au contrôle de son domaine maritime.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La commission émet un avis très défavorable sur l’amendement n° 141.
Le futur porte-avions, comme l’actuel Charles de Gaulle, constituera un atout stratégique et diplomatique majeur pour la France. Cet outil remplira des fonctions essentielles : projection de puissance, maîtrise des espaces aéromaritimes, mise en œuvre de la dissuasion nucléaire, autonomie d’appréciation des situations, etc.
Avec la dissuasion nucléaire, la détention d’un porte-avions est l’un des attributs permettant à la France de tenir son rang de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Il s’agit également d’un atout pour la défense européenne, qui renforce le poids de la France dans l’Otan et fédère des coopérations internationales.
Ainsi, le financement du porte-avions de nouvelle génération est un point très positif de ce projet de LPM.
S’agissant des amendements identiques nos 142 et 220, qui visent à supprimer du rapport annexé la demande de lancement d’études de coûts pour un second porte-avions de nouvelle génération, la commission y est défavorable.
En effet, il est intéressant pour le Parlement d’avoir connaissance du coût global que représenterait l’acquisition d’un second porte-avions de nouvelle génération.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je commencerai par donner l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 142 et 220.
Que le Parlement soit éclairé sur le coût d’un éventuel deuxième porte-avions, c’est une demande de l’Assemblée nationale. Le raisonnement de vos collègues députés était le suivant : plus nous avancerons dans le programme du porte-avions de nouvelle génération, plus nous objectiverons des coûts réels.
L’idée était donc d’éclairer la Nation sur les économies d’échelles que nous pourrions réaliser – éternel débat – en construisant un deuxième porte-avions. Je précise, à toutes fins utiles, qu’il n’est pas question d’en construire un deuxième. Il s’agit seulement de faire la transparence sur la structure des coûts.
Je laisse M. le rapporteur déterminer avec ses collègues députés ce qu’il est bon d’inscrire dans la loi. En l’occurrence, je trouve que cela a du sens de réaliser cette étude, car le président Cambon a raison de dire que la structure des coûts du porte-avions fait l’objet de nombreux fantasmes. D’ailleurs, plusieurs de vos collègues écologistes à l’Assemblée nationale y étaient favorables afin de disposer d’un chiffre exact qui serait utile au débat.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à ces amendements, qui tendent à refuser de documenter un chiffre. Alors que nombre d’entre vous nous appellent à la transparence et à éclairer le Parlement sur les grands choix, il me semble paradoxal de s’opposer à la démarche des députés lorsqu’ils demandent au Gouvernement de produire des structures de coûts.
Je demande donc le retrait de ces deux amendements identiques ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Ensuite, il y a la question du porte-avions en tant que tel. Je pense que Pierre Laurent ne se satisfera pas des arguments de M. le rapporteur ; aussi vais-je avancer d’autres arguments, d’ordre militaire, sur l’outil porte-avions en tant que tel.
Le porte-avions n’existe pas sans groupe aéronaval. Il faut replacer le débat sur le porte-avions dans ce contexte global. Et j’isole de mon propos la force aéronavale nucléaire (Fanu), que nous sommes la dernière puissance à posséder.
Jadis, la mer était un espace de conflictualité à partir duquel il s’agissait d’atteindre la terre, c’est-à-dire, pour présenter les choses rapidement, depuis lequel on débarquait ou on bombardait.
Aujourd’hui, la mer est devenue un espace de conflictualité à part entière. Il s’agit de garantir la liberté d’accès aux routes maritimes, y compris civiles, notamment pour l’exportation de nos matières premières agricoles ou pour l’importation d’hydrocarbures, que ce soit à Suez, à Bab el-Mandeb ou à Ormuz. L’enjeu, c’est de faire respecter le droit maritime régissant les grandes routes maritimes ; et je n’évoque pas les zones économiques exclusives (ZEE) de nos outre-mer.
Cela n’est pas sans lien avec l’amendement de Mme la sénatrice Carlotti relatif à la Méditerranée. La sécurité de l’espace méditerranéen devient de plus en plus tendue ; c’est vrai aussi bien sous la mer – « guerre des mines », sabotage des câbles sous-marins, protection des oléoducs, etc. – que dans le ciel au-dessus de la mer.
D’ailleurs, la sécurité maritime va désormais passer par un appui aérien durci. Aussi, je suis prudent s’agissant des arguments fondés sur les « tonnes de diplomatie en mer », lesquels sont réfutables.
De plus, au point de vue purement tactique et opérationnel, il n’est pas vrai qu’une frégate ou des corvettes peuvent assurer la même mission de protection du ciel qu’un porte-hélicoptères. De même, un porte-avions ne peut pas remplir la même mission qu’un porte-hélicoptères ; il a des missions qui lui sont propres. Par exemple, la chasse lui permet d’assurer et d’assumer des missions de police du ciel. C’est un point clef, selon moi.
Pour être cohérent, et un peu provocateur, je dirai qu’un porte-avions est aussi l’un des gages de notre autonomie stratégique, y compris au sein de l’Otan. En effet, dans la mesure où un porte-avions américain, à l’instar de l’USS H. W Bush, et son groupe aéronaval sont en permanence postés en Méditerranée, si un jour nous n’avions plus de groupe aéronaval – à Dieu ne plaise ! –, nous abandonnerions clairement une partie du segment tactique militaire en Méditerranée aux Américains. En l’assurant nous-mêmes, nous garantissons notre capacité à interagir dans cet espace.
Monsieur le sénateur Laurent, beaucoup de mes arguments ne vous convaincront peut-être pas, car votre groupe a une position historique, construite et permanente à ce sujet. Mais au-delà des arguments purement géopolitiques ou symboliques, il y a des réalités sécuritaires ou propres aux combats, qui méritent d’être soulignées, car elles justifient ce porte-avions.
Pourquoi s’agira-t-il d’un porte-avions de nouvelle génération, me rétorquerez-vous ? Cette question est un point de clivage entre les formations politiques, ici comme à l’Assemblée nationale. Il convient donc d’éclairer le Parlement à ce propos.
Les Américains et nous sommes les derniers à recourir à la propulsion nucléaire, et pour cause ! Aussi faut-il sanctuariser notre savoir-faire en la matière. Nous utilisons des chaudières nucléaires pour la propulsion du porte-avions, des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) et des SNLE. Je précise que « propulsion » ne veut pas forcément dire « dissuasion » ; pensons aux sous-marins nucléaires d’attaque.
Le savoir-faire industriel de Framatome – il faut citer leur activité au Creusot, pour être concret –, de TechnicAtome ou de la direction des applications militaires (DAM) du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, subira une rupture de charges importante si le porte-avions de nouvelle génération n’est pas doté de chaufferies nucléaires. Par ailleurs, cela altérerait notre autonomie stratégique.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. Je vais presque apporter un soutien au ministre des armées.
L’un des amendements que j’ai proposés, et qui a été retenu par la commission, vise à étudier la faisabilité de la prolongation, pour quelques années de plus, du Charles de Gaulle à l’issue de sa grande revue technique.
Si la présence française n’est pas assurée en Méditerranée, il y aura les Russes, les Turcs et les Chinois. Ces derniers construisent des porte-avions comme s’ils les sortaient de pochettes-surprises ; ils en font tous les jours, on ne le dit pas assez !
Nous sommes opposés aux amendements qui viennent d’être défendus, mais favorables à l’amendement, qui sera présenté ultérieurement par la commission, visant à étudier la faisabilité de la prolongation – uniquement en Méditerranée – du Charles de Gaulle.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le ministre, si ce qui est en jeu pour construire ou non un deuxième porte-avions, c’est juste une estimation et notre savoir-faire,…
M. Guillaume Gontard. … point n’est besoin de réaliser une étude ; on peut d’ores et déjà décider. Je pense, au contraire, que l’enjeu est de savoir si l’on en a véritablement l’utilité, et cela nécessite bien une étude de faisabilité.
Comme mon collègue vient de le rappeler, nous aurons en effet l’occasion de réfléchir à la prolongation du Charles de Gaulle lors de l’examen de l’amendement n° 312.
Il faut être cohérent. Je suis favorable à une réflexion sur la prolongation du Charles de Gaulle et à la réalisation d’une étude de faisabilité à ce titre. Mais faire une étude relative à un troisième porte-avions ne me paraît pas vraiment utile.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre, je note que votre propos est quelque peu contradictoire en ce qui concerne l’étude relative au deuxième porte-avions.
Selon vous, il faudrait l’accepter, car c’est une demande du Parlement, mais vous dites aussi, en tant que ministre, que le débat est clos par avance ! Or ceux qui demandent cette étude souhaitent précisément ouvrir le débat sur la construction d’un deuxième porte-avions.
Je prends acte de vos propos. Le point essentiel pour moi est non pas cette étude, mais la question du porte-avions.
Je ferai une remarque à propos du groupe aéronaval : un bâtiment comme le porte-avions nécessite beaucoup de moyens pour sa propre défense. En effet, d’un point de vue opérationnel, un bâtiment de cette nature, a fortiori si l’on se projette dans des guerres de haute intensité, est extrêmement vulnérable. Cela nécessite de déployer énormément de moyens pour sa défense, qui ne sont donc pas mobilisés ailleurs. Selon moi, ce choix est discutable.
Vous dites qu’il s’agit d’un attribut de puissance sur terre. Voilà un autre argument très discutable ! Pour citer des conflits qui ne sont pas de haute intensité, le fait de posséder un porte-avions ne nous a pas permis de marquer des points, notamment en Afrique avec Barkhane. Par ailleurs, nous avons joué un rôle très actif et positif face à la Turquie, dans les eaux qui bordent les côtes de Chypre, de la Grèce et de la Turquie, en déployant des moyens navals qui n’étaient pas de cette nature.
Le porte-avions ne permettra pas de répondre aux besoins navals en outre-mer. Nous avons eu, hier, un débat sur les choix à faire. Pour notre part, nous préférons renforcer les équipements des forces dans toute une série de domaines plutôt que construire un porte-avions pour un coût – je le rappelle ! – de 10 milliards d’euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour explication de vote.
M. Olivier Cigolotti. Mon collègue Gilbert Roger et moi-même avons publié un rapport d’information relatif au porte-avions de nouvelle génération.
Il s’agit non pas de mettre au point un troisième porte-avions, mais de voir si nous aurons la possibilité de prolonger le Charles de Gaulle à l’issue de l’arrêt technique qui interviendra en 2027-2028. Il est important de rappeler que ce bâtiment est au service de la crédibilité de la Nation et de sa diplomatie.
En outre, lorsque le Charles de Gaulle est positionné en Méditerranée orientale, les relations avec les États riverains ne sont pas les mêmes que lorsqu’il croise dans une autre zone du globe. On peut facilement allier crédibilité et diplomatie.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. L’argument relatif à la diplomatie s’entend complètement. Mais j’aimerais opposer aux opposants au porte-avions un argument purement opérationnel et militaire.
Monsieur le président Laurent, on ne peut pas dire qu’il ne faut pas construire de porte-avions parce qu’il existe d’autres besoins en outre-mer !
La marine nationale remplit les objectifs qui lui sont assignés en outre-mer. On peut certes toujours lui demander de faire plus… Mais une chose est certaine : s’il n’y a plus le porte-avions, les missions qui lui sont confiées ne pourront pas être remplies via d’autres moyens en Méditerranée. Nous devons assumer ce choix.
Il est impensable d’ignorer les dénis d’accès qui existent sur certaines routes maritimes – ils sont notamment le fait de l’Iran, pour dire les choses clairement. On ne peut pas concevoir non plus qu’une puissance comme la nôtre abandonne, pour des raisons autres que diplomatiques, un certain nombre de missions opérationnelles.
La diplomatie ne consiste pas simplement à adresser des signaux. Un porte-avions et son groupe aéronaval, c’est comme un gros bloc multiprise : plusieurs autres bâtiments peuvent s’y rattacher. Ainsi, quand le groupe aéronaval emmené par le Charles de Gaulle se déploie en Méditerranée, une frégate grecque et une corvette italienne, par exemple, peuvent également le constituer. On forme une sorte de nation-cadre maritime, ce qui nous permet d’agréger d’autres bâtiments, non pas pour envoyer un signal diplomatique, mais pour muscler une capacité d’entraînement.
Pour être honnête avec vous, monsieur Laurent, je ne comprends pas la position du groupe communiste contre le porte-avions : elle est fondamentalement contraire à ce que vous voulez faire en sortant du commandement intégré de l’Otan ! En effet, dès lors que l’on en sort, il ne fait pas de doute qu’il faut avoir des capacités d’entraînement propres. Si l’on ne fait pas de multilatéralisme au sein de l’Otan ou de son commandement intégré, il faut bien trouver le moyen de faire du multilatéralisme militaire autrement…
Comme je l’ai dit à vos collègues députés, il est antinomique de vouloir, en même temps, sortir du commandement intégré et se priver de l’outil porte-avions ; cela ne fonctionne pas.
Monsieur le président Gontard, si un deuxième porte-avions de nouvelle génération était construit, il n’aurait pas le même coût que le premier – mais nous ne savons pas estimer ce coût aujourd’hui. Les défenseurs d’un deuxième porte-avions arguent d’ailleurs que le prix n’est pas suffisamment « challengé » et qu’il faut prendre en compte les coûts structurels, ou encore que la construction du premier porte-avions diminuera le coût du second, car le prix des études est amorti…
Vos collègues de l’Assemblée nationale nous ont demandé des informations sur ce montant en invoquant la transparence, en vue de décider en conscience si, oui ou non, nous pouvions le payer.
J’évacue d’autorité cette possibilité dans le cadre du projet de LPM que je vous propose : coupons court à toute ambiguïté, aucun deuxième porte-avions n’y est financé !
Monsieur le président Laurent, vous avez vous-même avancé l’une des raisons de ce choix : un porte-avions n’est rien sans sa garde et son groupe aéronaval.
M. Christian Cambon, rapporteur. Bien sûr ! Il faudrait une ou deux escadres supplémentaires…
M. Sébastien Lecornu, ministre. Si un deuxième porte-avions devait être construit, cela entraînerait par définition l’augmentation à due concurrence du nombre de sous-marins nucléaires d’attaque, d’équipages, de frégates, d’opérations de « guerre des mines »… Il ne faut donc pas caricaturer ce qu’ont demandé les députés.
J’en viens à un point qui me permet d’aborder l’objet de l’amendement déposé par le groupe socialiste – il arrivera plus tard dans la discussion –, relatif à l’avenir du Charles de Gaulle.
Il reste une inconnue dans le projet de loi de programmation, qu’il faut l’assumer collectivement. Le prochain arrêt technique majeur du Charles de Gaulle, qui aura lieu en 2028, permettra, à l’instar d’un arrêt de tranche dans une centrale nucléaire, d’évaluer l’état des deux chaudières et, plus encore, des deux cuves. Cet arrêt permettra aux autorités du moment de prendre des décisions relatives au calendrier de fin de ce porte-avions.
L’amendement prévoit qu’une information soit transmise dans les six mois suivant la promulgation de la loi. On pourra le faire non pas dans les six mois, mais à l’issue de l’arrêt technique majeur, en 2028. À cette date, le ministre fera part à l’Assemblée nationale et au Sénat de ce que sera l’avenir du Charles de Gaulle.
Ainsi, monsieur le sénateur Roger, si vous êtes d’accord pour rectifier quelque peu votre amendement afin de le rendre complètement crédible, je serai favorable à son adoption.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 142 et 220.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 22, présenté par M. Folliot, est ainsi libellé :
Alinéa 52, tableau
1° Dernière colonne, trente-quatrième ligne
Après les mots :
5 FDI
insérer la référence :
(…)
2° En conséquence, compléter cet alinéa par une note de bas de page ainsi rédigée :
(…) À partir de 2030, toutes les nouvelles commandes de frégates de premier rang devront inclure un schéma de répartition des nouvelles capacités priorisant l’affectation des nouvelles unités dans les outre-mer.
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Monsieur le ministre, vous l’avez toujours dit, et c’est une position constante de la France : il faut veiller à ce que nous puissions remplir un certain nombre de missions, notamment pour faire respecter le droit international et la liberté de navigation.
Le détroit de Taïwan est une zone du globe où cette question est très sensible. La France, de temps en temps, y envoie des bâtiments. Quand nous déployons dans ce détroit notre frégate de surveillance Vendémiaire, basée en Nouvelle-Calédonie, cela revient, pour dire les choses de façon imagée, à envoyer une R16 sur une autoroute fréquentée par des 38 tonnes américains et chinois flambant neufs.
Au travers de cet amendement, je vous propose qu’à compter de 2030, toutes les futures affectations de bâtiments, et plus particulièrement celles des nouvelles frégates de premier rang, puissent être prépositionnées en outre-mer. J’y vois deux raisons.
Premièrement, il s’agit de passer d’une logique des deux moitiés – Brest et Toulon – à une logique des quatre quarts – Brest, Toulon, Saint-Denis pour l’océan Indien, Papeete ou Nouméa pour l’océan Pacifique –, pour avoir un meilleur prépositionnement des moyens de premier rang de la marine nationale et pour mieux en disposer.
Deuxièmement, imaginons que, du fait de l’évolution de nos relations avec l’Égypte et avec le Panama, les deux canaux qui se trouvent dans ces pays nous soient fermés : le déploiement de moyens depuis l’Hexagone posera beaucoup de difficultés. C’est pour cette raison qu’un prépositionnement de moyens de premier rang de la marine nationale dans nos outre-mer est essentiel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La commission a bien évidemment pris la mesure de cette question et approuve le souci de renforcer les moyens de la marine nationale outre-mer. Néanmoins, il ne nous revient pas de décider maintenant de l’affectation de bâtiments qui seront éventuellement commandés après 2030.
Je ne suis donc pas personnellement favorable à ce type de priorisation systématique, car la marine a et aura besoin de souplesse dans la gestion de ses moyens, notamment en cas de tensions croissantes dans l’Indo-Pacifique.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il s’agit, me semble-t-il, d’un amendement d’appel auquel je répondrai en trois points.
Premièrement, il est par définition impossible de décider l’affectation, dans un projet de loi de programmation, de bateaux qui n’existent pas encore.
Deuxièmement, il revient à l’état-major des armées de faire de telles propositions.
Troisièmement, plutôt que de parler d’affectation, il faudra surtout bâtir les missions différemment.
Vous qui connaissez bien cette question, monsieur le sénateur, rappelez-vous la mission qu’a conduite le chasseur de mines tripartite Pégase ; cela participe d’un véritable changement opérationnel. Les nouvelles technologies et générations de matériels, y compris aéronautiques – on le voit bien, dans ce domaine, avec l’exercice Pitch Black organisé en Nouvelle-Calédonie –, ont l’avantage de nous autoriser à nous projeter temporairement, mais de façon récurrente. Elles seront très précieuses dans un certain nombre de domaines.
Les marins vous le diront mieux que moi, affréter une frégate, un bâtiment au tonnage particulièrement lourd, de façon permanente à un territoire d’outre-mer ne couvrirait aucune menace réelle.
Aucun territoire d’outre-mer n’est heureusement confronté à un risque militaire tel que nous soyons obligés de déployer une frégate en première ligne. Si nous étions vraiment menacés par un risque militaire d’une telle nature, alors notre niveau de réaction irait bien au-delà du déploiement d’une seule frégate.
Lors de l’examen des amendements suivants, nous pourrons retenir certains éléments que vous préconisez, notamment sur le volet innovation.
Demande de retrait.
Mme la présidente. Monsieur Folliot, l’amendement n° 22 est-il maintenu ?
M. Philippe Folliot. Non, je le retire, madame la présidente.
Monsieur le ministre, les enjeux relatifs au prépositionnement et ceux qui concernent le niveau des menaces pouvant peser sur nos outre-mer sont deux questions différentes.
Je proposais au travers de cet amendement d’inscrire un tel prépositionnement dans le cadre d’une stratégie dans l’Indo-Pacifique, de sorte que l’on distingue les moyens prépositionnés dans l’océan Indien et ceux qui le sont dans l’océan Pacifique. Du reste, peu importe si leur déploiement s’inscrit dans le cadre de missions organisées, structurées et préparées de longue date, à l’instar de Pitch Black dont vous avez parlé, et de l’équivalent qui pourrait être prévu au sein de la marine nationale.
En effet, ce n’est pas du tout le même signal politique qui est envoyé à notre environnement géostratégique selon que nous prépositionnons des moyens dans ces zones-là ou que nous les déployons depuis l’Hexagone.
C’est tout le sens de cet amendement, que j’essaye de défendre, mais manifestement pas avec assez de conviction… En tout état de cause, ce point me paraît important et essentiel au regard de tels enjeux.