M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 33, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
La présente loi de programmation militaire (LPM) traduit les moyens alloués par la Nation pour assurer sa défense. Ses orientations se fondent sur une analyse renouvelée de l’état du monde, de la place qu’y tient la France et de l’action qu’elle doit y conduire.
Confrontée à des crises multiples et croissantes, l’humanité subit les dérives d’une mondialisation hyperconcurrentielle qui en aggrave les effets interdépendants. Le monde est aussi de plus en plus inégalitaire. Les rapports de puissance y sont de plus en plus contestés. Ces inégalités génèrent des insécurités alimentaires, sanitaires, migratoires, sociales, énergétiques, climatiques et environnementales. Cette situation heurte le besoin de répondre aux enjeux sociaux et climatiques de manière solidaire. Ces insécurités globales sont au fondement de la majorité des conflits récents. Engagée pour la paix, le libre développement de tous les peuples, la France fait du traitement de ces insécurités globales le socle de sa réponse à la nouvelle donne stratégique, ce qui suppose la construction d’interdépendances consenties, reposant sur l’accès de toutes les nations à la souveraineté.
Le contexte actuel est marqué par des logiques de puissances, de réarmement massif et de contestation explicite des principes du droit international. Consciente du rôle qu’elle peut jouer dans les relations internationales, deuxième territoire maritime et troisième réseau diplomatique au monde, puissance européenne, membre du Conseil de sécurité des Nations unies, la France fait entendre une voix indépendante pour défendre la paix. Elle garantit sa souveraineté stratégique, la liberté de choix de ses coopérations et de ses alliances militaires. La LPM s’inscrit dans une visée stratégique plus globale, visant prioritairement la prévention des conflits, la lutte contre le surarmement et pour la multiplication d’accords multilatéraux et régionaux de désarmement.
Au service de ces objectifs, la présente loi porte l’ambition d’un modèle nouveau pour nos armées, basé sur le principe de stricte suffisance pour la défense du territoire national et l’assurance de nos engagements. Cette ambition repose sur la nécessaire maîtrise retrouvée de tous les secteurs stratégiques concourant à la défense nationale.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Cet amendement vient en discussion maintenant, mais il aurait été plus pratique d’en débattre lors de l’examen d’autres articles, notamment l’article 3, qui avait introduit un « chapeau » sur les objectifs stratégiques.
Il s’agit de définir ce que pourraient être nos objectifs de défense, au-delà de ce qui a été adopté hier. En effet, certains éléments sont contradictoires. Ainsi, nous insistions dans le texte sur la liberté de choix de nos alliances pour ne pas nous enfermer dans celle de l’Otan ; dans la situation internationale actuelle, nous devrions être extrêmement vigilants sur ce point. Mais nous fixons aussi comme objectif de notre politique de défense de travailler à la relance d’initiatives de prévention des conflits et à la multiplication des accords multilatéraux et régionaux de désarmement.
Voilà des différences qui auraient mérité de figurer dans les objectifs globaux. Comme nous avons déjà adopté des dispositions, je ne sais pas si l’on peut, à ce stade, voter notre amendement. Je voulais en tout cas porter à la discussion les éléments essentiels qu’il contient.
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 1, troisième phrase
Remplacer les mots :
Président de la République
par les mots :
Parlement, à l’initiative du Président de la République et sur proposition du Gouvernement,
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il s’agit simplement de préciser la procédure retenue pour l’élaboration du projet de loi de programmation militaire et de rappeler à cette occasion le rôle du Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Avis défavorable sur l’amendement n° 33. Si nous partageons quelques éléments d’analyse proposés par nos collègues, les termes : « dérives d’une mondialisation hyperconcurrentielle » ne nous semblent pas devoir figurer dans le rapport annexé.
L’amendement n° 7 vise à réaffirmer que le Président de la République n’est pas seul à prendre ses responsabilités en matière de programmation militaire. C’est un bon amendement. Nous y sommes favorables, car nous votons bien un projet de loi : si l’initiative vient du Président de la République, sur proposition du Gouvernement, c’est bien le Parlement qui vote la loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. M. le rapporteur aime résumer, mais il n’est pas nécessaire de caricaturer. Je ne renie pas la phrase qu’il a citée, mais je peux en citer d’autres : « La LPM s’inscrit dans une visée stratégique plus globale, visant prioritairement la prévention des conflits, la lutte contre le surarmement et pour la multiplication d’accords multilatéraux et régionaux de désarmement. » Cette phrase n’aurait pas été inutile dans la description générale de nos objectifs.
Pas de caricature ! On peut ne pas être d’accord avec l’amendement, mais il y a tout de même des idées auxquelles il faudrait peut-être prêter un peu d’attention.
M. Christian Cambon, rapporteur. J’ai dit que je partageais une partie de votre analyse !
M. le président. L’amendement n° 53, présenté par M. M. Vallet et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Avant-dernière phrase
Supprimer les mots :
, en particulier
2° Après l’avant-dernière phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cette dernière alliance, non exclusive, ne saurait empêcher la France, fidèle à sa tradition de Nation présente sur plusieurs continents et soucieuse de la coopération internationale entre les peuples de nourrir et développer des partenariats tous azimuts dès lors que ceux-ci servent ses intérêts autant que ceux des peuples concernés.
La parole est à M. Mickaël Vallet.
M. Mickaël Vallet. Avec ma collègue Gisèle Jourda, je propose de remettre à sa juste place, c’est-à-dire centrale, mais non unique, l’Alliance atlantique dans le rapport annexé. Il faut d’abord rappeler ce qu’est une alliance militaire, d’une part, et ce qu’elle ne doit pas nous empêcher de faire pour défendre nos intérêts nationaux, d’autre part.
Une alliance militaire défensive doit dissuader d’attaquer et nourrir l’esprit de défense collective pour rendre sa mise en œuvre indubitable en cas d’attaque. L’allié français, dont il ne devrait même pas être besoin de préciser qu’il est loyal, sait parfaitement ce qu’implique son appartenance à l’Alliance et n’hésitera pas à en assumer les conséquences.
Mais une alliance militaire n’est pas la caporalisation des États européens par l’allié américain, encore moins en dehors du champ bien circonscrit de la solidarité défensive. Car, année après année, nous éprouvons cette difficulté à opposer nos intérêts aux États-Unis d’Amérique, qui, hors l’Otan, ne sont pas un allié au sens militaire, mais un partenaire au sens générique et, à notre grand regret, pas toujours de confiance.
Écoutes téléphoniques des dirigeants français et allemands par la National Security Agency (NSA) sans que cela ait vraiment eu de suite ou fait scandale, interventionnisme agressif pour casser des fleurons industriels – je pense à Alstom et à la technique des otages économiques –, « coup de poignard » – l’expression est non pas de moi, mais de Jean-Yves Le Drian, que je cite assez rarement – dans l’affaire des sous-marins australiens qui se solde par une très malvenue visite d’État à Washington…
Ajoutons-y le choix d’un autre partenaire outre-Rhin dont nous sommes probablement le seul des deux à penser que nous formons un couple et qui se tourne pour ses importantes dépenses d’armement, comme cela a été précédemment évoqué, vers des matériels non européens.
Le rapport annexé doit rappeler plus fortement que la France est une puissance pluricontinentale et l’Europe avec elle distingue la position d’alliée de celle de partenaire et doit s’autoriser avec volontarisme à coopérer plus activement au sud du tropique du cancer et le faire, comme le définissait ce grand penseur de la défense qu’est Régis Debray, « tous azimuts », et pas seulement en suivant l’aiguille indiquant le nord ou en se vivant comme allié quand il faut aussi être un partenaire offensif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable sur cet amendement, dont les auteurs semblent remettre en cause le caractère particulier des alliances de la France, tant dans le cadre de l’Union européenne que de celui de l’Otan.
Bien évidemment, la France n’est en rien empêchée par son appartenance à l’Alliance de développer d’autres alliances tous azimuts. Si l’on précisait une telle chose, ce serait plutôt perçu comme une défiance à l’égard de l’Otan : cela n’est franchement pas approprié dans le contexte de la guerre en Ukraine, qui remet en cause notre sécurité collective sur le sol européen.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Mickaël Vallet, pour explication de vote.
M. Mickaël Vallet. Monsieur le ministre, vous aviez là l’occasion de mâtiner autrement que par des citations tous azimuts le gaullisme dans lequel auraient « trempé » le rapport annexé et la LPM elle-même.
Je vais vous donner lecture de la phrase qui compose mon amendement et qui a fait lever au ciel les yeux de certains collègues lorsque nous l’avons proposée en commission, mais, comme dirait l’autre, ne vous inquiétez pas, ça va bien se passer : « Cette dernière alliance, » – il s’agit de l’Otan – « non exclusive, » – c’est factuellement vrai – « ne saurait empêcher la France, fidèle à sa tradition de Nation présente sur plusieurs continents et soucieuse de la coopération internationale entre les peuples de nourrir et développer des partenariats tous azimuts dès lors que ceux-ci servent ses intérêts autant que ceux des peuples concernés. »
J’invite mes collègues à faire un petit effort et à voter cet amendement, qui ne remet pas en cause la structure globale du texte.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Contrairement à ce que certains peuvent penser, nos interventions ne visent pas à remettre en cause l’Otan : nous ne voulons simplement pas que cette alliance soit exclusive.
Il faudrait revenir à certains fondamentaux et considérer notre amendement non pas comme une offense, mais comme un apport constructif.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 267, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Guiol, Guérini, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Remplacer l’année :
2027
par l’année :
2026
La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. La commission des affaires étrangères a modifié l’article 7 du projet de loi de programmation militaire, notamment pour prévoir son actualisation à la fin de l’année 2026.
J’avais déposé en commission un amendement pour que l’actualisation intervienne au plus tard avant la fin du premier semestre 2027. Mes arguments n’étaient pas du tout les mêmes que ceux de la commission, qui a souhaité avancer cette actualisation en 2026 en raison d’importantes échéances électorales en 2027.
Pour ma part, il s’agissait de rendre la date plus pertinente avec l’échéance mentionnée dans l’étude d’impact du projet de loi de programmation militaire, qui indique que l’actualisation « vise à proposer une réorientation de la trajectoire de ressources des effectifs pour la période 2027-2030 ».
Cet objectif 2027-2030 implique effectivement d’examiner avec le Parlement les besoins d’actualisation dès 2026 pour une éventuelle réorganisation des crédits de la loi des finances examinée – je le rappelle – à la fin de cette même année.
Aussi, je rejoins la position de la commission dans son rapport sur l’article 7. Cet amendement vise in fine à corriger par coordination le rapport annexé pour mentionner l’année 2026 comme année d’actualisation à la place de 2027.
M. le président. L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par MM. Folliot, Bonnecarrère, Henno, Le Nay, Levi, Longeot et Canévet, Mme Herzog, MM. Patient et Mohamed Soilihi, Mme Dindar, M. Lurel, Mme Phinera-Horth, MM. Kern, Allizard et Détraigne, Mmes Malet, Billon et Lopez, M. Chauvet et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Pour évaluer les menaces prévisibles à l’horizon 2035-2040 en particulier dans le domaine maritime et en lien avec notre réalité géostratégique mondiale et maritime, seront commencés à mi-parcours de cette loi de programmation les travaux pour un futur Livre blanc portant spécifiquement sur cette problématique.
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Même si nous faisons un focus actuellement sur l’Ukraine – et cette LPM en tient compte –, il ne faut pas perdre de vue que les conflictualités de demain seront très certainement maritimes. Elles se dérouleront dans les océans, pour plusieurs raisons.
D’une part, si les frontières terrestres sont à peu près partout bien établies, c’est loin d’être le cas pour les frontières maritimes, qui font l’objet de contestations.
D’autre part, certains acteurs, notamment la Chine en mer de Chine du Sud, prennent, grâce à la politique du fait accompli, des positions, parfois et même souvent, contraires au droit international, avec tout ce que cela implique.
Il faut aussi évoquer les enjeux des ressources situées dans ou sous les mers qui suscitent les convoitises d’un certain nombre de puissances.
La France a le premier domaine maritime mondial. C’est la seule puissance indo-pacifique de l’Union européenne. Aux termes de mon amendement, « pour évaluer les menaces prévisibles à l’horizon 2035-2040 en particulier dans le domaine maritime et en lien avec notre réalité géostratégique mondiale et maritime, seront commencés à mi-parcours de cette loi de programmation les travaux pour un futur Livre blanc portant spécifiquement sur cette problématique. » On pourrait même parler de livre bleu !
M. Rachid Temal. Kaki !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. L’amendement du Gouvernement vise à supprimer un alinéa issu d’un amendement du groupe CRCE qui correspondait au sentiment majoritairement exprimé au sein de la commission selon lequel le débat autour de la révision anticipée de la LPM n’avait pas permis de questionner à fond notre modèle d’armée. Avis défavorable.
Avis favorable sur l’amendement n° 5 rectifié, qui tend à harmoniser la date d’actualisation de la LPM dans le rapport avec la modification que nous avons apportée à l’article 7 – c’est-à-dire pour la prévoir en 2026 –, l’avis est favorable.
Nous sommes également favorables à l’amendement n° 24 rectifié bis, relatif aux travaux préparatoires d’un livre blanc sur les enjeux maritimes, notamment pour prendre en compte les tensions dans l’Indo-Pacifique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Par cohérence, je suis défavorable aux deux amendements qui sont en discussion commune avec le mien. Néanmoins, leurs auteurs ont dit des choses intéressantes qui pourraient, le cas échéant, être reprises.
M. le président. L’amendement n° 128, présenté par M. P. Laurent, Mme Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
Enfin, déplorant la course aux armements et la militarisation des espaces communs tels que le numérique, le spatial et les fonds marins, comme un facteur aggravant l’instabilité des relations internationales, la France n’a aucun intérêt à alimenter une escalade de cette militarisation qui deviendra vite insupportable. Elle s’engage à relancer une stratégie diplomatique forte en faveur d’initiatives multilatérales de désarmement. La France fera prévaloir, une logique des biens communs inaliénables et démilitarisés.
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Pour l’heure, l’efficacité opérationnelle de nos armées nécessite des transformations pour anticiper les sauts technologiques et les usages associés, notamment dans le domaine de l’espace, de la cybersécurité, des drones, de l’informatique quantique ou de l’intelligence artificielle. La réponse aux besoins de nos armées dans ces domaines sera assurée en complément d’une politique et d’investissements industriels de souveraineté, conduite par des filières industrielles duales tournées vers la réponse aux énormes besoins civils et de coopération, comme aux besoins militaires de souveraineté sans être stérilisées au seul profit de l’export militaire. Les investissements en la matière doivent être placés sous contrôle public et appuyés par un fonds de financement stratégique de souveraineté, sous contrôle démocratique.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Nous regrettons profondément l’absence de stratégie de relance politique en faveur d’initiatives multilatérales de désarmement, alors même que la revue nationale stratégique constate le détricotage inquiétant de tous ces accords.
Au rythme actuel, la course aux armements n’est pas seulement dangereuse : elle ne sera pas supportable. Elle touche de surcroît tous les espaces communs, de l’espace aux fonds marins en passant par le numérique. Alors que l’avenir de la planète devrait commander de protéger ces espaces comme des biens communs inaliénables et démilitarisés, accepter comme une fatalité la militarisation exponentielle du monde revient à participer à la montée des insécurités mondiales.
C’est pourquoi nous vous proposons de faire précéder notre stratégie d’anticipation des sauts technologiques dans le domaine des espaces communs de l’impérieuse nécessité d’une stratégie de désarmement, afin de montrer qu’il s’agit de notre priorité.
Par ailleurs, la réponse donnée aux besoins de nos armées sera assurée par des filières industrielles duales qui devront aussi répondre aux besoins civils et de coopération. Les investissements en la matière doivent être placés sous contrôle public et appuyés par un fonds de financement stratégique de souveraineté sous contrôle démocratique. Cela permettra la mobilisation de capitaux mixtes, soumettant ainsi la stratégie industrielle aux besoins de la Nation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Avis tout à fait défavorable sur cet amendement, dont la rédaction laisse entendre que la recherche de supériorité opérationnelle de nos armées alimenterait une « escalade » de la militarisation des nouveaux champs du numérique et de l’espace. C’est tout à fait le contraire, bien évidemment.
De la même manière, considérer que l’export militaire reviendrait à stériliser les filières industrielles ne correspond absolument pas à la réalité de nos entreprises de la BITD, pour lesquelles les exportations sont au contraire absolument vitales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié bis, présenté par MM. Folliot, Bonnecarrère, Henno, Le Nay, Longeot et Canévet, Mme Herzog, MM. Patient et Mohamed Soilihi, Mme Dindar, M. Lurel, Mme Phinera-Horth, MM. Kern et Détraigne, Mmes Malet, Duranton, Billon et Lopez, M. Chauvet et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
À ce titre, la création de nouveaux régiments d’infanterie de marine basés en Guadeloupe, à Mayotte et en Polynésie doit être anticipée.
II. – Alinéa 87, troisième phrase
Après le mot :
infrastructure
insérer les mots :
notamment par la création de nouveaux régiments d’infanterie de marine
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Cet amendement, comme d’autres qui suivront, a trait à nos forces de souveraineté. Lors de la discussion générale, j’ai dit combien nous avions eu une déflation des effectifs en matière de forces de souveraineté, ce qui a eu des conséquences en termes d’affichage.
Nous avons vu les difficultés rencontrées par nos forces de présence et la façon dont elles ont été exclues d’un certain nombre de pays du Sahel. Par définition, avoir des forces dans des pays avec lesquels nous sommes liés par des accords qui peuvent être remis en question a un caractère aléatoire.
Mon groupe, l’Union Centriste, a toujours défendu la nécessité d’avoir une présence de nos forces pour exercer de manière effective la souveraineté et, au-delà, pour disposer de capacités de projection à partir de nos outre-mer, car c’est un symbole politique fort.
Par cohérence, nous souhaitons donc que soit envisagée la création de nouveaux régiments d’infanterie de marine basés en Guadeloupe, à Mayotte et en Polynésie.
L’objectif serait non pas de se substituer au régime en vigueur, fondé sur des régiments tournants de l’armée de terre, avec des compagnies qui viennent pour quatre mois, mais de lui ajouter trois régiments – un dans l’Atlantique, un dans l’Océan indien, un dans le Pacifique – basés sur place, avec des militaires professionnels dans chacune de ces implantations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Cambon, rapporteur. Cette proposition s’appuie sur le rapport d’information du Sénat Les outre-mer au cœur de la stratégie maritime nationale. L’amendement va évidemment beaucoup plus loin, puisque la création de régiments d’infanterie de marine est proposée. Est-ce le bon format ? Pourquoi ne pas l’étendre à la Nouvelle-Calédonie ?
Nous nous en remettons à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur le sénateur Folliot, vous avez raison, nous devons avoir une réflexion globale sur les forces de présence et de souveraineté en outre-mer. Je reviendrai sur cet aspect dans un instant.
De manière plus globale, puisque nous commençons l’examen du rapport annexé, l’enjeu est aussi d’intégrer le saut technologique. En effet, les forces armées dans les différents territoires d’outre-mer sont malheureusement souvent les plus mal loties, alors que c’est précisément là où les besoins en matière d’imagerie spatiale et de drones sont indispensables pour exercer les missions.
En outre, en termes d’efforts de remise à niveau des infrastructures, il faut donner la priorité absolue à l’outre-mer avant même de se poser la question de régiments supplémentaires. Pour prendre un exemple calédonien, il suffit de regarder l’état de la base aérienne de La Tontouta. Puisque la sénatrice Nassimah Dindar est présente, je peux aussi évoquer les infrastructures des forces armées de la zone sud de l’océan Indien (Fazsoi) à La Réunion, qui est un sujet majeur. Il faut donc commencer par faire un effort sur les infrastructures, dans lesquelles j’inclus le numérique.
De fait, la déflation des effectifs en outre-mer a été brutale, en raison de la fin du service national, une décision que l’on pouvait très bien comprendre, mais aussi parce que d’aucuns ont pris, dans les années 2000, des décisions de réduction des crédits, en « tapant » d’abord dans ceux de l’outre-mer. Nous allons essayer de corriger cela dans la loi de programmation militaire.
Ainsi, 950 nouveaux postes sont prévus dans l’ensemble de la programmation. Je n’en ai jamais donné les détails publiquement ; je vais le faire aujourd’hui : 150 aux Antilles, 200 en Guyane, 150 à La Réunion, 100 à Mayotte, 200 en Nouvelle-Calédonie et 150 en Polynésie française, dans le cadre des structures existantes.
Ensuite, les doctrines sont différentes d’un territoire à l’autre. Les deux régiments présents en Guyane avec l’opération Harpie ont par définition une doctrine d’emploi spécifique ; vous connaissez cela aussi bien que moi, mesdames, messieurs les sénateurs. Il faudrait regarder tout cela dans le détail.
Je demande donc le retrait de cet amendement d’appel. D’ailleurs, pourquoi prévoir uniquement des troupes de marine ? En Guyane se trouvent un régiment de marsouins et un régiment de légionnaires. La rédaction de l’amendement est intéressante pour susciter le débat, mais une telle disposition ne peut figurer telle quelle dans la loi.
La question du format définitif se posera ensuite, mais je pense qu’elle sera renvoyée à la prochaine LPM. De toute manière, même si nous voulions créer ces régiments permanents, nous n’arriverions pas à suivre en termes d’infrastructures et de soutien.
Je sollicite le retrait de cet amendement, même si j’en reconnais le grand intérêt sur le fond.
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Ce que je propose en l’espèce concerne effectivement la Guadeloupe, de Mayotte et de la Polynésie, mais je présenterai ensuite d’autres amendements ayant objet pour objet de renforcer nos moyens, notamment maritimes ou aériens, dans d’autres territoires. Il s’agissait, si je puis m’exprimer ainsi, de rétablir un équilibre.
Je rappelle par ailleurs que les retombées sur l’économie locale ne sont pas du tout les mêmes selon que les agents sont affectés de manière durable ou pour des missions de quatre mois. Développer les forces de souveraineté, c’est aussi un moyen de soutenir l’économie de nos départements et de nos collectivités ultramarines, qui – chacun le sait – en ont grandement besoin.
J’accepte évidemment de retirer mon amendement, qui était un amendement d’appel, mais la nécessité de muscler nos forces de souveraineté outre-mer et d’envoyer un signal politique par une présence plus effective qu’aujourd’hui, notamment dans l’Indo-Pacifique, demeure.