PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Organisation des travaux
Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande, en application de l’article 48, alinéa 3, de la Constitution, que la suite éventuelle de l’examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite soit inscrite à l’ordre du jour, à l’issue du présent espace réservé et, éventuellement, ce soir.
Acte est donné de cette demande.
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Demande par deux commissions des prérogatives d’une commission d’enquête
Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettres en date de ce jour, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale demandent au Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de leur conférer les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, pour une durée de six mois, afin de mener une mission conjointe de contrôle sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes.
La conférence des présidents examinera cette demande lors de sa réunion de ce jour.
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Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
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Revalorisation du métier de secrétaire de mairie
Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, la discussion de la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, présentée par M. François Patriat et plusieurs de ses collègues (proposition n° 554, texte de la commission n° 690, rapport n° 689).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons combien le fait d’être maire est une mission difficile, exigeante, parfois ingrate, mais ô combien exaltante. Cette mission est accomplie de façon humaniste par des femmes et des hommes qui œuvrent avec passion pour leur territoire et avec dévouement pour leurs concitoyens.
Dans l’ombre de ces élus, œuvre avec tout autant d’engagement une garde rapprochée entièrement dévouée aux maires qui l’emploient. Ces hommes, et surtout ces femmes – à 94 % –, ce sont les secrétaires de mairie, maillon incontournable de la vie communale.
Juristes, urbanistes, comptables, informaticiennes, les secrétaires de mairie en fonction dans les communes de moins de 3 500 habitants sont essentielles à la fois pour les habitants – pour lesquels elles représentent le premier service public de proximité – et pour le maire, dont elles sont le principal et parfois unique collaborateur.
Très polyvalents, dotés d’un sens aigu du service public, les secrétaires de mairie exercent une fonction d’appui administratif, technique et juridique auprès du maire et des élus dans tous les domaines d’intervention municipale : accueil du public, aide aux démarches administratives, médiation entre les citoyens et l’administration, conseil au maire et aux élus municipaux, aide à l’élaboration du budget. Ils sont également chargés de la comptabilité et de la commande publique, des dossiers de subventions, de l’urbanisme, du droit funéraire, de l’état civil, de l’organisation des élections, du fonctionnement de la commune et de ses instances, du suivi des agents techniques et des travaux, etc.
Véritables chevilles ouvrières de la vie communale, garants du respect des règles légales et réglementaires dans tous les domaines de compétence des municipalités, ces agents doivent en outre se tenir informés de toutes les évolutions normatives concernant les collectivités territoriales.
Ils ne sont pas seulement les piliers administratifs de nos municipalités, leur rôle va bien au-delà. En effet, s’ils sont les garants de la bonne gestion des affaires publiques municipales, ils sont aussi les gardiens de la démocratie locale.
Facilitateurs du dialogue entre les élus et les citoyens, ils jouent un rôle crucial dans la diffusion de l’information municipale, dans la mise en place des dispositifs de participation citoyenne et dans la résolution des problèmes rencontrés par les habitants de nos communes. Leur disponibilité et leur sens de l’écoute contribuent à renforcer la confiance entre l’administration et les citoyens.
Ces agents jouent incontestablement un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de nos collectivités locales et leur contribution ne doit pas être sous-estimée.
Pourtant, en dépit de la gratitude unanime de leurs élus, les secrétaires de mairie sont confrontés à des conditions de travail difficiles, à l’isolement et à une reconnaissance insuffisante. En effet, les rémunérations sont peu attractives et ne reflètent pas la complexité ni la diversité de leurs missions, les possibilités de formation sont limitées et, surtout, les perspectives de carrière sont quasi inexistantes.
Aujourd’hui, près de 2 000 postes restent vacants et ce ne sont pas moins de 8 000, voire 10 000 postes qui devront être renouvelés d’ici à 2030.
Les secrétaires de mairie méritent donc une plus grande reconnaissance pour leur contribution précieuse à la gouvernance locale.
Au Sénat, l’impérieuse nécessité de valoriser ce métier a fait l’objet d’un large consensus politique, comme l’a montré, le 6 avril dernier, l’adoption à l’unanimité d’une proposition de loi déposée par notre collègue Céline Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie.
Naturellement, je ne manquerai pas non plus de saluer le travail approfondi de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et le rapport de nos collègues Catherine Di Folco, Cédric Vial et Jérôme Durain sur l’attractivité de ce poste ainsi que leurs propositions pour faire de la fonction de secrétaire de mairie un véritable métier.
Aujourd’hui, nous travaillons ensemble pour renforcer leur statut et leur fournir des outils pour les aider à monter en compétences afin d’accomplir leurs missions avec succès. C’est l’objet du texte que nous vous proposons.
La présente proposition de loi vise, d’une part, à répondre à ce besoin de renforcement des compétences tout en veillant à conserver un large vivier de candidats et, d’autre part, à reconnaître l’expérience des agents de catégorie C exerçant d’ores et déjà cette fonction.
À cet égard, l’article premier permet de créer une voie de promotion interne dérogatoire, en dehors des quotas, pour des agents de catégorie C qui exercent la fonction de secrétaire de mairie afin de leur permettre, par le biais d’un processus de reconnaissance des acquis de l’expérience simplifié, d’être nommés en catégorie B.
Il s’agit ici d’une forme de plan de requalification qui s’adresse aux secrétaires de mairie actuellement en fonction.
L’article 2 s’intéresse, quant à lui, aux futurs secrétaires de mairie, en prévoyant une formation qualifiante initiale, de façon à permettre à un agent de catégorie C faisant fonction de secrétaire de mairie ou occupant d’autres fonctions, mais souhaitant accéder à celle-ci, d’exercer cette fonction et, à ce titre, d’être promu en catégorie B en ayant validé des compétences spécifiques, et ce quel que soit son cadre d’emploi ou sa filière, ce qui permettra d’élargir le vivier.
Enfin, l’article 3 reconnaît la spécificité du métier de secrétaire de mairie en offrant aux agents qui l’exercent le bénéfice d’avancements de carrière accélérés, au profit de la poursuite de leur parcours professionnel au sein de la commune qui les emploie ou dans d’autres collectivités, par exemple sur des postes de directeur général des services (DGS) dans des communes de plus de 2 000 habitants.
Cette proposition de loi apporte une réponse au sujet complexe du statut des secrétaires de mairie et devra être complétée à la fois par des actes réglementaires et par des échanges de bonnes pratiques concernant le partage des fonctions entre différentes communes, l’utilisation des logiciels, l’accès à la formation continue et le contenu de celle-ci, le remplacement en cas d’absence, le recours au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Rifseep), etc.
En offrant à ces agents la garantie d’une rémunération juste et équitable par rapport à la réalité de leur travail et en soutenant leur développement professionnel, nous renforçons leurs compétences et leurs capacités à servir efficacement les maires et leurs concitoyens.
En leur accordant une meilleure reconnaissance, des conditions de travail améliorées et des perspectives d’évolution professionnelle, nous investissons dans la qualité des services publics locaux.
La reconnaissance de leur expérience et la récompense de leur expertise permettront de maintenir une motivation élevée et d’attirer de nouveaux talents dans ce secteur certes crucial, mais en tension. C’est un enjeu d’avenir pour la ruralité. Je vous appelle donc, mes chers collègues, à soutenir ces mesures et à œuvrer ensemble pour une véritable valorisation des secrétaires de mairie. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC. – MM. Christian Bilhac et Guillaume Chevrollier applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dix semaines après l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi de Céline Brulin et de ses collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, nous examinons un nouveau texte visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, déposé cette fois-ci par M. François Patriat, ses collègues du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, et des collègues d’autres groupes.
Les textes se suivent et toutefois ne se ressemblent pas. Contrairement à ce qui s’était produit pour la proposition de loi précédente, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte le 1er juin. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel s’exclame également.)
Nous pouvons sans aucun doute y voir le signe de sa volonté de faire aboutir ce texte. Bien évidemment, nous saluons ce volontarisme, tout en déplorant qu’il n’en soit pas allé de même pour la proposition de loi du groupe CRCE,…
M. Guy Benarroche. Tout à fait !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. … que je remercie une fois encore d’avoir engagé le processus de réflexion et d’action sur cette problématique.
Quoi qu’il en soit, l’essentiel est que des mesures concrètes soient rapidement prises pour répondre au besoin légitime de reconnaissance des agents qui exercent les fonctions de secrétaire de mairie, et remédier au manque d’attractivité dont ce métier souffre aujourd’hui.
Sans quoi, la pénurie de secrétaires de mairie à laquelle font face la quasi-totalité des maires des communes de moins de 2 000 habitants ne pourra que s’aggraver. In fine, le bon fonctionnement de ces communes sera compromis, et la qualité du service public en pâtira.
La commission des lois partage donc pleinement la visée de la présente proposition de loi de revaloriser le métier de secrétaire de mairie.
Elle souscrit en particulier à l’objectif de favoriser l’accès à la catégorie B pour les agents qui, parmi les secrétaires de mairie, relèvent de la catégorie C.
La proposition de loi tend à favoriser cet accès par le biais de deux nouvelles voies de promotion interne : la première, dérogeant à la règle des quotas, expirerait au 31 décembre 2028, tandis que la deuxième, reposant sur la validation d’une formation qualifiante, serait pérenne.
C’est une évidence : il est grand temps de mettre en adéquation les compétences multiples et exigeantes qui sont attendues des secrétaires de mairie et les responsabilités importantes qui leur sont confiées avec le niveau de catégorie hiérarchique reconnu.
En conséquence, il convient de consacrer l’emploi de secrétaire de mairie comme un emploi de catégorie B au moins. J’insiste, monsieur le ministre, sur ce sujet. (M. le ministre acquiesce.)
Pour ce faire, la priorité est de permettre aux agents de catégorie C qui sont aujourd’hui en poste d’accéder à la catégorie B, à la seule condition de respecter une durée minimale d’ancienneté qui sera déterminée par décret. En pratique, seraient visés les secrétaires de mairie de catégorie C qui sont en poste depuis quinze, vingt ou encore vingt-cinq ans, qui n’ont pas la possibilité de passer les concours, et auxquels les règles de la promotion interne de droit commun ne permettent pas non plus de passer en catégorie B. Un délai d’environ cinq ans leur serait offert pour bénéficier de cette voie dérogatoire de promotion interne. Tel est l’objectif de l’article 1er de la proposition de loi, dans sa rédaction issue des travaux de la commission.
La deuxième étape est de permettre aux agents de catégorie C en poste depuis une durée moindre d’accéder également à la catégorie B, à la condition cette fois-ci d’avoir validé une formation qualifiante. Cette nouvelle voie de promotion interne est proposée par l’article 2, tel que la commission l’a modifié.
En commission, nous avions jugé nécessaire de lever l’ambiguïté qui affectait la rédaction de l’article 2, et avions donc réservé aux secrétaires de mairie déjà en poste la voie de la promotion interne par la formation qualifiante. Notre objectif était de ne pas accroître, pour l’avenir, le nombre de secrétaires de mairie de catégorie C. Cela nous semblait en contradiction avec la conviction selon laquelle l’emploi de secrétaire de mairie doit être réservé aux catégories B et A.
La rédaction proposée par le Gouvernement à l’article 2 nous semble toutefois appropriée, puisqu’elle permet aux agents qui seraient nommés à un emploi de secrétaire de mairie entre la promulgation de la loi et le 31 décembre 2028 de bénéficier de la voie de promotion interne par la formation qualifiante.
Cette date du 31 décembre 2028 est importante : elle doit marquer, selon nous, la fin de la possibilité, pour les maires, de nommer aux emplois de secrétaire de mairie un agent de catégorie C. Débuteront ainsi une nouvelle dynamique de recrutement et, pour les secrétaires de mairie, la consécration pleine et entière de leur emploi comme emploi de catégorie B.
Bien évidemment, ce tournant fondamental nécessitera une mesure réglementaire, à savoir la modification du statut particulier du cadre d’emplois des adjoints administratifs territoriaux.
Nous serons par conséquent particulièrement attentifs à la réalisation de cette modification par le Gouvernement. Sans elle, la présente proposition de loi manquera son objectif essentiel.
Par ailleurs, la commission a souhaité renforcer l’identification des fonctions de secrétaire de mairie, et a pour cela consacré de manière innovante l’exercice de telles fonctions dans le code général des collectivités territoriales. Cette disposition pourra, je le crois, contribuer à la meilleure reconnaissance de ces agents, en levant les ambiguïtés qui peuvent exister aujourd’hui.
Enfin, nous devons tirer parti de la succession, à quelques semaines d’intervalle, de deux textes portant sur le même sujet pour enrichir le texte dont nous discutons aujourd’hui par les dispositions votées à l’unanimité en avril.
Afin de renforcer l’ambition de la présente proposition de loi, la commission a donc repris les mesures relatives à la formation, à la promotion interne et à l’emploi de contractuels du texte précédent.
Tout d’abord, la commission a souhaité conforter la formation des secrétaires de mairie, qui est essentielle au regard de la variété des missions exercées et de la technicité des compétences requises. L’article 2 bis introduit ainsi une formation initiale obligatoire, propre à ces agents.
L’objectif est que chaque secrétaire de mairie dispose, dès sa prise de poste, des outils adaptés pour exercer ses missions. Nous savons en effet combien, une fois en poste, il devient difficile pour les secrétaires de mairie de suivre des formations, même de quelques jours seulement : par manque de temps, du fait de l’éloignement géographique du lieu de formation, et, surtout, en raison de la quasi-impossibilité de se faire remplacer.
Ensuite, parce qu’il est nécessaire d’améliorer les perspectives d’évolution de carrière de l’ensemble des secrétaires de mairie quel que soit leur cadre d’emplois, l’article 2 ter vise à favoriser, de façon pérenne, aussi bien la promotion interne des secrétaires de mairie de catégorie C, pour leur accès à la catégorie B, que celle des secrétaires de mairie de catégorie B, pour leur accès à la catégorie A. Il nous semble en effet important de ne pas oublier des agents de catégorie B qui exercent aussi depuis de nombreuses années et qui n’ont pas la possibilité de passer un concours pour accéder à la catégorie A.
Enfin, la commission a jugé nécessaire de compléter les dispositions visant à renforcer l’attractivité de l’emploi de secrétaire de mairie par une mesure tendant à donner aux employeurs locaux davantage de souplesse.
L’article 4 permet ainsi aux communes comptant entre 1 000 et 2 000 habitants de recruter des agents contractuels à temps complet aux emplois de secrétaire de mairie – sachant qu’elles peuvent déjà le faire pour des emplois à temps non complet.
La commission des lois vous propose d’adopter cette proposition de loi ainsi modifiée.
Nous reconnaissons tous qu’elle ne pourra pas remédier à elle seule au manque d’attractivité dont souffre le métier de secrétaire de mairie ni répondre au besoin criant de reconnaissance de milliers d’agents.
Je suis néanmoins convaincue que, en faisant de l’emploi de secrétaire de mairie un emploi de catégorie B, nous enverrons un signal fort à la fois aux agents et aux maires et que nous amorcerons une véritable revalorisation de ce métier indispensable à nos communes et à nos concitoyens.
Mes chers collègues, à deux mois d’écart, le Sénat a pris ce sujet à bras-le-corps. J’espère qu’il s’exprimera tout à l’heure avec la même belle unanimité que le 6 avril dernier.
Il revient désormais au Gouvernement non seulement de veiller à ce que ce texte acquière force de loi, mais également de travailler, sans plus attendre, à ses évolutions concrètes.
Pour ce faire, il pourra s’appuyer sur le travail réalisé par les rapporteurs de la mission d’information sur l’attractivité du métier de secrétaire de mairie, lancée par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Mes collègues Cédric Vial, Jérôme Durain et moi-même avons formulé plusieurs propositions très précises qui relèvent du domaine réglementaire, certaines pouvant être mises en application sans trop tarder. D’autres, de nature législative, seront présentées par amendement tout à l’heure.
Au-delà de la question relative à la catégorie hiérarchique et à la formation, les règles relatives à la rémunération des secrétaires de mairie doivent être revues. Plus largement, c’est l’ensemble des grilles indiciaires de la fonction publique territoriale qui doit être réformé. La récente revalorisation de l’indice minimum de traitement pour suivre l’augmentation du Smic a en effet accru encore un peu plus le tassement des grilles indiciaires. Un tiers des agents des collectivités est désormais payé au Smic. De même, la refonte générale des règles d’avancement pour l’ensemble des fonctionnaires mériterait d’être menée à bien au plus vite.
Monsieur le ministre, je vous le disais déjà le 6 avril, la balle est dans votre camp. Merci de ne pas attendre un troisième texte pour agir ! (M. le ministre sourit. – Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous y voilà ! Nous avions pris date il y a deux mois, lors du débat sur la proposition de loi que vous aviez déposée, madame la sénatrice Brulin, avec le groupe CRCE. Nous avions pris date pour avancer. Nous pouvons dire que nous honorons aujourd’hui un rendez-vous essentiel. En effet, c’est de cela qu’il s’agit : être au rendez-vous, à propos d’un métier qui est, comme vous l’avez rappelé, la pierre angulaire de nos communes, celui de secrétaire de mairie.
C’est un rendez-vous de reconnaissance, un rendez-vous de valorisation, un rendez-vous de promotion que nous avons pris avec les secrétaires de mairie.
Nous avions partagé le 6 avril un constat clair. Ce constat, que je résume à grands traits, nous le connaissons : le métier de secrétaire de mairie est exercé à 94 % par des femmes, majoritairement à temps non complet, et majoritairement en catégorie C.
Nous avions eu alors des débats de grande qualité et, je crois, convergents, pour mieux reconnaître celles et ceux qui exercent ces fonctions primordiales auprès de nos concitoyens.
Nous avions partagé des pistes intéressantes pour renforcer l’attractivité de ce métier et reconnaître que la polycompétence requise pour exercer ces tâches complexes relevait réellement de la catégorie B – il s’agissait là, me semble-t-il, d’un point de consensus très clair dans nos débats (Mme le rapporteur approuve.)
Cela nécessitait d’agir dans plusieurs directions : d’abord par une meilleure reconnaissance de ce métier, ensuite à travers des perspectives de construction et d’évolution de carrière renforcées, enfin, et surtout, par des rémunérations étoffées.
Ces enjeux sont primordiaux – je crois que cela ne soulève pas de débat. Nous devons valoriser les secrétaires de mairie actuellement en poste – c’est une question de fidélisation –, mais aussi attirer de nouveaux profils pour ce métier, sachant qu’un tiers des secrétaires de mairie partira à la retraite d’ici à 2030.
Après l’adoption à l’unanimité de la proposition de loi de Mme la sénatrice Brulin, je veux également saluer le travail précieux que la délégation aux collectivités territoriales a mené ces derniers mois – sous votre égide, madame la présidente Gatel –, dans le cadre du rapport d’information sur l’attractivité du métier de secrétaire de mairie rédigé par Mme la rapporteure Di Folco, MM. les sénateurs Vial et Durain.
Je veux également saluer l’initiative du président Patriat et du groupe RDPI de présenter le texte qui nous rassemble aujourd’hui et que je crois à même de susciter une convergence de vues.
Je veux aussi saluer le travail que vous avez mené en commission, madame la rapporteure, afin d’intégrer au texte, dès la commission, des dispositions contenues dans la proposition de loi de Mme la sénatrice Brulin. Vous avez l’art de la synthèse, madame la rapporteure, et je vous en remercie.
En ce sens, le texte qui nous occupe me semble faire consensus. Vous l’aurez compris, j’y suis favorable et je vous proposerai d’y ajouter quelques dispositions complémentaires lors de nos débats. Je suis certain que nous pourrons travailler dans le même esprit transpartisan que celui qui a animé nos discussions le 6 avril.
Je vous le dis sans détour : je souhaite que ce texte puisse cheminer et être adopté le plus rapidement possible, c’est la raison pour laquelle j’ai pris la responsabilité politique d’engager, au nom du Gouvernement, la procédure accélérée.
Au fond, la proposition de loi dont nous débattons me semble extrêmement importante, tant pour les secrétaires de mairie que pour ce qu’elle traduit de ce que nous voulons faire du statut de la fonction publique : un formidable outil au bénéfice du développement des compétences des agents et de la reconnaissance de leur engagement.
La proposition de loi que vous avez déposée, monsieur le président Patriat, permet de mieux reconnaître les secrétaires de mairie. Il s’agit d’une priorité que nous partageons tous. Cela passe, comme vous l’avez souligné, madame la rapporteure, par l’inscription de cette fonction dans le code général des collectivités territoriales, et je vous remercie d’avoir introduit cette disposition en commission. Je la soutiens à tout point de vue.
Cela passe également par la reconnaissance du niveau de ces fonctions. Je l’ai dit : celles-ci correspondent, au minimum, à la catégorie B. Cela relève du domaine réglementaire, mais je prends l’engagement, dans cet hémicycle, de le traduire rapidement dans les textes correspondants.
Cela passe aussi par une nouvelle dénomination, qui a fait l’objet de nos débats. J’ai pris à ce sujet un engagement de méthode : respecter la parole des secrétaires de mairie et de toutes les parties prenantes, dont les associations d’élus, ainsi que le travail que vous avez mené sur cette question.
Il me semble qu’une forme de consensus est en train de se dégager – même si ce n’est jamais parfait – en faveur du nom « secrétaire général de mairie ». Je suis favorable, au regard de ce consensus, à l’inscription dans la loi de cette nouvelle dénomination.
Reconnaître ce métier, c’est aussi en faciliter l’accès au plus grand nombre, dès lors que les compétences sont au rendez-vous. Je me réjouis à ce titre que ce texte reprenne la disposition de la proposition de loi de Mme la sénatrice Brulin, qui permet aux communes entre 1 000 et 2 000 habitants de recruter directement des contractuels.
J’y ajoute un engagement – vous m’aviez appelé à en prendre. Avec ma collègue Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, je prends l’engagement de travailler en lien avec les universités pour favoriser l’émergence de formations initiales de secrétaire de mairie, comme le propose le rapport de la mission d’information de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, de façon à multiplier les candidats potentiels aux concours de la catégorie B ou A ou à des recrutements en tant que contractuels.
Au-delà des enjeux de reconnaissance et d’accès, la valorisation du métier de secrétaire de mairie passe également par la formation. Je viens d’en parler pour la formation initiale, mais je veux aussi évoquer la formation continue. Aujourd’hui – je le dis très directement –, le fait de se former n’a pas assez d’impact dans le parcours d’un agent public. C’est à ce problème que nous devons répondre. Or je crois que cette proposition de loi nous apporte des leviers en la matière, pour les secrétaires de mairie.
Elle le fait d’abord pour l’exercice des missions propres à ce métier. Là encore, je salue la réintégration faite en commission de la disposition de la proposition de loi Brulin qui impose une formation obligatoire à la prise de fonction.
Le texte fournit ensuite des leviers pour faciliter et encourager la promotion. C’est une nouveauté : il prévoit que les secrétaires de mairie qui exercent déjà ces fonctions, et qui auront suivi une formation qualifiante, puissent bénéficier d’une promotion hors quota pour passer en catégorie B. Je crois qu’il s’agit d’une excellente disposition.
Je veux aller plus loin : j’ai la conviction qu’il ne faut pas fermer les viviers de recrutement. C’est la raison pour laquelle je vous présenterai un amendement pour offrir, dès la promulgation de la loi, à un agent de catégorie C qui serait, par exemple, agent d’accueil dans un département et qui souhaiterait devenir secrétaire de mairie, la possibilité d’accéder à ces fonctions et, de ce fait, à la catégorie B, grâce à la formation qualifiante dont je ne veux pas qu’il soit exclu. Cela nous permettra, dans les cinq prochaines années, de constituer un vivier répondant à la nécessaire qualification en catégorie B de ce métier.
Si vous adoptez cette proposition de loi ainsi amendée, ce sera la première fois que la formation constituera, par la reconnaissance des compétences, une nouvelle voie de promotion et un accélérateur de carrière.
C’est toute la philosophie que j’entends défendre pour réformer et transformer la fonction publique dans son ensemble.
J’ai parlé de formation, je veux aussi parler de promotion. Ce texte contient en effet des dispositions importantes. J’ai pris auprès des collectivités et des employeurs territoriaux l’engagement d’assouplir les dispositifs de promotion pour mieux reconnaître les agents.
Une fois de plus, nous retrouvons de grands principes dans la proposition de loi, appliqués aux secrétaires de mairie, à travers les deux dispositions de promotion qu’il contient : la formation, dont j’ai parlé, et la mise en œuvre dans les prochaines années d’un plan de requalification et d’une validation des acquis de l’expérience (VAE) spécifiques et adaptés aux secrétaires de mairie et que nous définirons en travaillant avec l’ensemble des parties prenantes.
En revanche – et j’ai eu l’occasion d’en parler avec le sénateur Vial, notamment –, j’ai une réserve par rapport à l’une des dispositions qui ont été discutées. Prévoir un dispositif de même nature pour une promotion interne des secrétaires de mairie de catégorie B en catégorie A, également hors quota, m’apparaît moins justifié, puisque cela correspondrait moins à une logique de requalification – ces missions pouvant relever soit de la catégorie B, soit de la catégorie A.
Comme j’ai pu vous l’indiquer, j’ai aussi une réserve sur un article issu de la proposition de loi de Céline Brulin qui prévoit un pourcentage de places réservées aux secrétaires de mairie à l’intérieur des quotas eux-mêmes, car cette disposition est présentée au moment même où – je l’ai dit, et c’est mon objectif – nous visons plutôt à assouplir les quotas de promotion.
Enfin, il faut le dire clairement, la reconnaissance des secrétaires de mairie passe aussi par leur rémunération. Le calibrage de cette fonction en catégorie B est une voie pour apporter aux agents concernés une rémunération supplémentaire, un gain immédiat.
Toutefois, je souhaite que nous allions plus loin, et je soutiens à ce titre l’amendement de M. Patriat qui vise, au-delà de la facilitation des promotions, à offrir des accélérateurs de carrière au sein même de chaque grade. Je crois qu’il faut consacrer la particularité de ce métier et le niveau de responsabilité associé. Je sais que nous partageons cette philosophie.
Au-delà de l’aspect indiciaire, je sais également ce qui peut être fait en matière indemnitaire. Madame et messieurs les rapporteurs de la délégation aux collectivités locales et à la décentralisation, vous étiez favorables à la création d’une prime de responsabilité attribuée aux secrétaires de mairie. Je partage le sens de cette demande : ce métier est un métier de responsabilité. Le dispositif juridique actuel permet toutefois déjà cela, via la catégorie « indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise » (IFSE) du Rifseep. Si cette dernière est trop peu utilisée par les maires, je propose que nous travaillions ensemble, avec les employeurs territoriaux, dans le cadre, par exemple, d’une future charte d’engagement, pour prévoir les critères et les montants pouvant être utilisés afin de faire de cette IFSE une véritable prime de responsabilité pour les secrétaires de mairie.
Nous allons évidemment continuer à agir ensemble, chacun dans ses responsabilités : par la loi, par le règlement, mais également par la mobilisation de l’ensemble des acteurs et j’assumerai, là aussi, mon rôle de ministre de la fonction publique.
Vous m’avez demandé de prendre des engagements en matière indiciaire : c’est ce que je fais en soutenant ou en introduisant différents articles. Je travaillerai les décrets avec les employeurs territoriaux, en associant évidemment les parlementaires. Nous devrons mobiliser l’ensemble des associations d’élus, sur tous les leviers, de formation notamment.
Il faut développer plusieurs axes. J’en mentionnerai deux. Le premier est la mutualisation. Il s’agit d’une dimension très importante. Le cadre juridique existant permet d’ores et déjà de faire beaucoup – avec les centres de gestion et les intercommunalités –, mais il faut accompagner les différents acteurs pour permettre une meilleure mutualisation pour nos secrétaires de mairie. Le deuxième axe est la mise en réseau. Il s’agit d’un des apports essentiels de votre travail. Vous plaidez pour le développement des immersions et du tutorat. J’y suis pleinement favorable.
Je crois, moi aussi, à la force des rencontres, aux partages de pratiques, en proximité. Les secrétaires de mairie s’en sont d’ailleurs elles-mêmes saisies, mais cela doit être mis à l’échelle grâce à l’animation des centres de gestion et des intercommunalités. Je m’engage de mon côté à renforcer aussi les liens avec le réseau France Services.
Mesdames et messieurs les sénateurs, nous nous étions donné rendez-vous d’ici à l’été – c’était l’engagement que j’avais pris en séance. Nous y sommes. Soyons à la hauteur de nos engagements et de ce texte ambitieux qui, je le crois, servira l’attractivité et l’efficacité de nos services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)