M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Sueur, je sais votre attachement à la dignité des conditions de détention et à toutes ces questions.
Cependant – je le dis sans aucun esprit de polémique –, si, à l’époque où vous étiez aux manettes, vous aviez consacré autant d’argent à la rénovation des prisons que nous le faisons actuellement, la question des conditions indignes serait réglée ! Je le dis sans forfanterie. C’est une réalité.
J’ai soutenu bec et ongles le texte qui a été présenté par le président des lois du Sénat. Il me semble toujours d’actualité.
La réalité est claire et nette : nous sommes dans une situation de surpopulation carcérale.
Face à cette situation, il existe différents leviers : libération sous contrainte, travail d’intérêt général (TIG)…
Je pense à l’Arse, ainsi qu’à quelques autres mesures que nous n’avons pas encore abordées et qui seront évoquées ultérieurement, relatives, notamment, au TIG.
De fait, on constate la peine de travail d’intérêt général est de moins en moins prononcée, alors qu’il y a de plus en plus de postes offerts. Nous devons peut-être y travailler ensemble. Ce sont des sujets qui sont trop importants pour en rester à des postures partisanes.
Je suis défavorable aux amendements qui ont été présentés, parce que je les trouve sans nuance. Sur ces sujets extrêmement difficiles, on ne peut se contenter de dire qu’il faudrait faire ceci ou cela.
Bien sûr, le transfèrement est une solution : on passe d’un établissement où le taux de surpopulation est insupportable à un établissement un peu moins surpeuplé… Cette idée a été portée et votée ici. Je l’ai soutenue, et je répète qu’elle est toujours d’actualité, et que l’on ne démolit pas quelque chose qui marche.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, vous nous dites que nous n’en serions pas là si ce qui avait été fait auparavant avait fonctionné. Il n’est pas très difficile d’agiter un tel argument dans le discours politique !
Nous reconnaissons – nous l’avons dit les uns et les autres – l’effort considérable que vous faites en termes de créations de postes et de moyens. Toutefois, je ne pense pas, contrairement à Mme la rapporteure, qu’une augmentation des moyens permettra de tout régler.
Comment expliquez-vous que le taux de surpopulation dans les prisons françaises ait atteint aujourd’hui un niveau record ?
Comment expliquez-vous que, ce soir, 2 151 personnes dorment sur des matelas posés à même le sol dans des cellules de 9, 10 ou 11 mètres carrés, où sont détenues trois personnes ? Ce n’est pas digne !
On peut certes améliorer tous les dispositifs qui nous sont proposés, mais il n’est pas vrai qu’il n’existe pas de solution pour réduire certaines peines de détention et y substituer, sous le contrôle du juge, les mesures alternatives que vous venez de citer, monsieur le garde des sceaux. Nous proposons juste de donner un pouvoir de décision au juge afin de mettre fin à cette difficulté.
En ce qui concerne les transfèrements, vous avez bien lu notre amendement, nous proposons non pas de les supprimer, mais de les utiliser en dernier recours.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 134 et 190.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 188, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À l’article L. 3222-4-1 du code de la santé publique, les mots : « et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France » sont remplacés par les mots : « , les sénateurs, les représentants au Parlement européen élus en France et les bâtonniers sur leur ressort ou leur délégué spécialement désigné au sein du conseil de l’ordre ».
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à étendre le droit de visite dans les lieux de privation de liberté aux établissements de santé chargés d’assurer les soins psychiatriques sans consentement. Ce droit de visite permettrait ainsi au bâtonnier de s’assurer que les droits fondamentaux sont respectés dans ces établissements.
Bien que les hôpitaux ne soient pas considérés, par définition, comme des lieux de privation de liberté, ils accueillent des patients qui y sont admis sans leur consentement et dont la liberté d’aller et venir est restreinte.
En outre, certains patients peuvent être soumis à des mesures de contrainte physique, telles que l’isolement en chambre ou la contention.
Dès lors, il est essentiel de garantir le respect des droits fondamentaux des personnes hospitalisées sans leur consentement en leur accordant la possibilité de recevoir la visite du bâtonnier. Cela permettrait de mieux surveiller les conditions de leur prise en charge au sein des hôpitaux psychiatriques et d’être vigilant sur le respect de leurs droits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat précédemment. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-trois, est reprise à vingt-trois heures trente-neuf.)
M. le président. L’amendement n° 64 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande ou à l’initiative du procureur général, le ministre de la justice est destinataire d’informations relatives à des affaires individuelles qui soulèvent une question de droit nouvelle, présentent un intérêt pour la conduite de la politique pénale, mettent en cause le fonctionnement du service public de la justice ou revêtent, en raison de leur retentissement ou du trouble qu’elles causent, une dimension nationale. Les informations transmises au ministre de la justice portent sur des actes passés, et aucune pièce de procédure n’est communicable à l’appui de ces informations. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L’article 30 du code de procédure pénale, vous le savez, monsieur le garde des sceaux, définit les attributions du ministre de la justice en matière de politique pénale.
Depuis la loi du 25 juillet 2013 qui a supprimé le pouvoir du garde des sceaux d’adresser des instructions au ministère public dans des affaires individuelles – excellente initiative ! – et qui a donné une base légale à la communication d’informations au garde des sceaux sur les affaires individuelles, les parquets sont sollicités par la direction des affaires criminelles et des grâces et par les parquets généraux pour fournir des informations à intervalles très réguliers et de façon quasi systématique.
Ce flux montant d’informations vers la Chancellerie mérite d’être mieux encadré par la loi afin de préserver le secret de l’enquête et de l’instruction et de rendre plus efficace la politique pénale conduite par le Gouvernement.
Responsable de la politique pénale déterminée par le Gouvernement, le garde des sceaux est légitimement destinataire de rapports sur certaines affaires individuelles. Dans le prolongement des conclusions du rapport Refonder le ministère public, il est proposé, par cet amendement, de définir le cadre dans lequel les remontées d’informations sur des affaires individuelles sont légitimes.
Elles seraient légitimes quand une affaire individuelle soulève une question de droit nouvelle, notamment des difficultés d’application d’un texte en matière civile ou pénale, lorsqu’elle présente un intérêt évident pour la conduite de la politique pénale, lorsqu’elle met en cause le bon fonctionnement du service public de la justice ou a un retentissement national.
La prise en compte de ces critères objectifs, qui préservent l’intérêt général et les attributions du garde des sceaux, permettrait de mettre fin à un usage systématique, irraisonné et déraisonnable au regard des capacités de traitement de l’information des services du ministère.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Vous souhaitez revenir sur les conditions d’information du garde des sceaux sur les affaires individuelles.
Les précisions que vous proposez doivent s’inscrire dans une réforme plus globale du code de procédure pénale, qui serait l’occasion de poser les véritables questions en matière de simplification, notamment celle de la place du parquet.
L’adoption de cet amendement serait aujourd’hui orthogonale, notamment avec l’objectif de simplification à droit constant. Cette question devra être abordée par le comité scientifique.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Sueur. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 64 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 24 rectifié est présenté par MM. Marseille et Bonnecarrère, Mmes N. Goulet, Gatel, Tetuanui et Vérien et MM. de Belenet et L. Hervé.
L’amendement n° 191 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 41-4 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, dans le cadre d’affaires criminelles non résolues, telles qu’elles sont définies à l’article 706-106-1, la destruction des scellés est interdite jusqu’à l’expiration d’un délai de dix ans révolus à compter de l’acquisition de la prescription de l’action publique. »
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié.
M. Philippe Bonnecarrère. Il est défendu !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 191.
Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, nous proposons des dispositions spécifiques pour régir la conservation des scellés criminels en prenant en compte les délais de prescription de l’action publique.
L’objectif est double : favoriser l’établissement de la vérité et limiter les recours en responsabilité engagés contre l’État pour défaut de conservation des scellés.
En effet, nous considérons que la conservation des scellés criminels revêt une importance cruciale dans le cadre des procédures judiciaires. Elle permet de préserver les éléments de preuve matérielle liés à une infraction, contribuant ainsi à établir la vérité et à assurer une justice équitable.
Il est essentiel de prendre en considération les délais de prescription de l’action publique qui déterminent la durée au-delà de laquelle les poursuites pénales ne peuvent plus être engagées.
En visant à fixer des règles spécifiques pour la conservation des scellés criminels en harmonie avec les délais de prescription, notre amendement tend à prévenir les situations où les preuves matérielles seraient altérées ou détruites avant la fin des délais de prescription.
Notre amendement vise également à limiter les recours en responsabilité engagés contre l’État en raison d’un défaut de conservation des scellés.
Il est donc possible de réduire le risque de telles poursuites en encadrant spécifiquement la conservation des scellés criminels, en garantissant la bonne conservation des preuves et en évitant les potentielles défaillances qui pourraient donner lieu à des recours en responsabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ces amendements répondent à une demande des magistrats. La commission y est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je prépare actuellement un communiqué sur la question des scellés.
Vous le savez, nous avons créé un pôle cold cases. Je vais donc inciter les procureurs de la République à faire preuve d’une vigilance particulière sur la question des scellés.
Pour autant, quel est l’intérêt de conserver des scellés dix ans après la date d’acquisition de la prescription, pour des faits pour lesquels aucune poursuite ne pourra jamais être engagée ?
Systématiser la conservation des scellés pourrait emboliser les services de scellés, poser des problèmes de stockage et entraîner des frais de justice.
Cette question est importante et nous allons y travailler. Pourquoi pas ensemble, madame la sénatrice ?
Pour l’heure, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Bonnecarrère, l’amendement n° 24 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Bonnecarrère. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Cukierman, l’amendement n° 191 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Oui, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 63 est présenté par M. Sueur, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 204 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l’article 75-3 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces délais sont également portés à trois ans et à deux ans lorsque l’enquête porte sur des délits mentionnés aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, aux articles 433-1, 433-2 et 435-1 à 435-10 du code pénal, ainsi que sur le blanchiment de ces délits. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 63.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet de prolonger la durée des enquêtes portant sur des délits économiques et financiers.
En effet, une durée de trois ans, pouvant être prolongée de deux ans, paraît justifiée, car ces enquêtes peuvent être particulièrement complexes. L’objet de l’amendement est assez explicite à cet égard.
Il serait bon d’anticiper et de surmonter les problèmes de délais auxquels nous allons être confrontés du fait des dispositions de la loi du 22 décembre 2021.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 204.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement est proche de celui que vient de défendre notre collègue Jean-Pierre Sueur. Il vise à reconnaître la complexité et la longueur des enquêtes sur les délits économiques et financiers.
Ces infractions nécessitent souvent des investigations approfondies, impliquant la collecte de nombreuses preuves, l’analyse de documents techniques et la collaboration avec diverses autorités et nombre d’experts spécialisés.
En prolongeant la durée de l’enquête, on permettrait aux enquêteurs de disposer de plus de temps pour mener à bien leur travail, notamment en cas d’enquête de grande envergure. On renforcerait ainsi l’efficacité de la justice en matière de délits économiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement vise à reprendre une disposition adoptée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, mais que nous avions dû abandonner en commission mixte paritaire. Le Sénat est donc attaché à cette mesure.
Néanmoins, nous considérons qu’il ne s’est pas écoulé assez de temps depuis l’entrée en vigueur de cette loi et que nous n’avons pas suffisamment de recul pour revenir sur ses dispositions.
Je rappelle que les magistrats réclament aujourd’hui que les procédures applicables soient stables, l’instabilité étant facteur d’insécurité. Je pense que ce n’est donc pas le moment de revenir sur cette question.
Ensuite, nous avons adopté précédemment un amendement du Gouvernement visant à étendre la durée des enquêtes. Votre demande est donc partiellement satisfaite.
Enfin, une réflexion plus globale sur la durée des enquêtes devra avoir lieu dans le cadre de la simplification du code de procédure pénale.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Nous avons en effet débattu de cette question un peu plus tôt, il me semble qu’elle a été tranchée.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 et 204.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 166, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 464-2 du code de procédure pénale, le mot : « un » est remplacé par le mot : « deux ».
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le garde des sceaux, nous avons évoqué les leviers permettant de réduire la surpopulation carcérale. Vous en avez cité plusieurs, nous sommes très attachés à leur développement.
D’une manière générale, nous sommes également très attachés, pas seulement pour lutter contre la surpopulation carcérale, aux peines autres que l’enfermement. En effet, de nombreuses études tendent à montrer que ces peines ne sont ni moins efficaces ni plus onéreuses, bien au contraire !
Par cet amendement, nous proposons non pas de créer un levier supplémentaire, mais de supprimer un frein introduit dans la loi du 23 mars 2019, qui a modifié les règles relatives au prononcé ainsi qu’à l’aménagement de la peine d’emprisonnement. Elle a notamment abaissé de deux ans à un an la durée de la peine permettant aux juridictions correctionnelles de prononcer une mesure d’aménagement.
La personnalisation de la peine est un critère essentiel de la justice pénale. Aussi nous proposons de permettre au juge de l’application des peines de pouvoir aménager les peines de prison d’une durée pouvant atteindre deux ans, contre un an actuellement, c’est-à-dire de revenir à la règle qui prévalait antérieurement à la loi de 2019.
Cette avancée constituerait par ailleurs un levier pour réduire la surpopulation carcérale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous pensons qu’il ne s’agit pas véritablement d’une bonne idée et nous y sommes opposés.
Aménager une peine de prison ferme d’une durée inférieure à un an est déjà une mesure d’adaptation. Un an de prison est une condamnation forte et une durée longue, aussi un aménagement de peine ne nous paraît-il pas adapté. En outre, un tel aménagement ne permettra pas de résoudre, contrairement à ce que vous dites, les problèmes de surpopulation carcérale.
Il faut d’abord renforcer, on l’a dit à de multiples reprises, l’exécution des peines et les moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 50, présenté par M. Sueur, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 689-11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 689-11. – Hors les cas prévus au sous-titre Ier du titre Ier du livre IV pour l’application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée d’avoir commis à l’étranger l’une des infractions suivantes :
« 1° Le crime de génocide défini au chapitre Ier du sous-titre Ier du titre Ier du livre II du code pénal ;
« 2° Les autres crimes contre l’humanité définis au chapitre II du même sous-titre Ier ;
« 3° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code.
« Lorsque, en application de l’article 40-3 du présent code, le procureur général près la cour d’appel de Paris est saisi d’un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République antiterroriste, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S’il estime le recours infondé, il en informe l’intéressé par une décision écrite motivée. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 117.
M. le président. L’amendement n° 117, présenté par M. Sueur, Mmes de La Gontrie et Harribey, MM. Kanner, Bourgi, Durain, Kerrouche, Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux 2° et 3° de l’article 689-11 du code de procédure pénale, après le mot : « commis », sont insérés les mots : « , sans besoin que la qualification pénale des faits soit identique dans les deux législations, ».
Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous abordons avec ces amendements un sujet particulièrement important.
Vous le savez, mes chers collègues, voilà exactement dix ans, le Sénat a voté à l’unanimité une proposition de loi que j’avais déposée visant à permettre au juge français d’exercer les prérogatives prévues par le statut de la Cour pénale internationale pour les crimes relevant de cette cour.
Ce texte visait à supprimer les verrous empêchant le juge français d’exercer ces prérogatives. Depuis l’adoption de ce texte, la situation a peu évolué, bien que j’aie déposé d’innombrables amendements sur ce sujet en d’autres occasions.
Deux points posent problème : la double incrimination et la question de savoir s’il est possible d’interpeller la personne incriminée si elle est présente occasionnellement en France ou uniquement dans le cas où elle y a sa résidence habituelle.
L’amendement n° 50 vise à revenir au dispositif adopté par le Sénat voilà dix ans et à accorder au juge français toutes les prérogatives prévues dans le statut de Rome. Ce dernier prévoit que la Cour pénale internationale n’a qu’une compétence subsidiaire par rapport aux juridictions des États.
Mes chers collègues, vous le savez, ces questions ont suscité de nombreux débats et la Cour de cassation a récemment rendu un arrêt particulièrement clair à cet égard. Cet amendement vise donc à en tirer toutes les conséquences.
J’en viens à l’amendement n° 117, car j’ai dans l’idée qu’il pourrait être adopté si le premier ne l’était pas ! Il faut parfois savoir avancer pas à pas, mes chers collègues, même si je ne vous cache pas que je préférerais que l’on fasse un grand pas, pour répondre aux demandes de M. Robert Badinter et de Mme Mireille Delmas-Marty, qui se sont longtemps battus dans cette affaire, mais aussi de toutes les associations qui soutiennent notre position.
Ce second amendement, dont l’adoption est essentielle, vise à reprendre les termes exacts utilisés par la Cour de cassation dans son arrêt très important du 12 mai dernier. Il tend ainsi à prévoir que la qualification pénale des faits n’a pas besoin d’être identique dans les deux législations, contrairement aux dispositions en vigueur. Ces dernières avaient pour conséquence de nous obliger, en quelque sorte, à nous aligner sur les dispositions pénales d’États dont les conceptions de la liberté et des droits de l’homme n’ont rien à voir avec les nôtres.
Enfin, monsieur le garde des sceaux, dans le communiqué que vous avez cosigné avec le ministre de l’Europe et des affaires étrangères de l’époque, M. Le Drian, vous aviez indiqué que dès lors que la justice adopterait une position – je crois que c’est fait ! –, le Gouvernement prendrait rapidement des initiatives législatives. Par cet amendement, nous vous donnons – et nous nous donnons – les moyens d’en prendre rapidement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous ne pouvons que reconnaître la constance de l’engagement de Jean-Pierre Sueur s’agissant des poursuites contre les auteurs de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis dans le monde par l’ensemble des juridictions françaises.
S’il était adopté, l’amendement n° 50, qui vise à fixer un certain nombre de conditions, aurait pour effet de bouleverser la compétence des juridictions françaises. En outre, son impact sur les relations internationales et sur l’action de la France dans le monde est difficilement mesurable. La commission y est donc défavorable.
L’amendement n° 117 est un amendement de repli. Il vise à modifier la loi afin de prendre en compte l’avancée que constitue l’arrêt du 12 mai dernier de la Cour de cassation réunie en assemblée plénière, dans lequel elle précise le sens donné à la notion de double incrimination pour la poursuite par les juridictions françaises des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre survenus à l’étranger. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.