Mme le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le ministre, vous n’apportez aucune réponse concrète à la situation de la maison d’arrêt de Saint-Brieuc. La surpopulation y est indigne. Rien n’est prévu non plus dans le plan d’investissement pour les Côtes-d’Armor. Je m’inquiète également, car le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice ne prévoit aucune proposition en matière de régulation carcérale, de préparation à la sortie de prison ou de sortie en milieu ouvert en fin de peine.
dangereuse relocalisation du cœur juridictionnel de marseille
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 711, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, je souhaite vous interpeller sur le choix du ministère de la justice quant au futur site d’implantation de la cité judiciaire de Marseille.
Nous avons été alertés par le barreau de Marseille et les représentants du monde économique sur les conséquences désastreuses que pourrait avoir ce projet s’il voyait le jour. Une étude d’impact a été menée par la chambre de commerce et d’industrie de Marseille. La conclusion est sans appel : les acteurs du monde du droit font vivre tout un secteur qui se videra de sa substance si les juridictions sont délocalisées en périphérie du cœur de la cité phocéenne.
Cela aura une incidence sur les 1 780 commerces. L’impact financier sera de 7,4 millions d’euros par an pour le secteur de la restauration et de 10,9 millions par an pour les autres activités commerciales.
De surcroît, sept avocats sur dix sont localisés à moins de dix minutes à pied du palais de justice. Si la cité judiciaire sort de l’hypercentre, la plupart des professionnels du droit vont devoir transférer leur activité et leur cabinet.
Ma question est simple : pourquoi délocaliser l’ensemble des juridictions, ce qui entraînera de facto une catastrophe économique pour le centre-ville ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Le Rudulier, comme l’a annoncé le garde des sceaux le 24 avril dernier, une large consultation sous l’égide du préfet et rassemblant avocats, magistrats, greffiers, personnels administratifs, président de la chambre de commerce et d’industrie, mairie, élus, députés, métropole, région, est en cours.
Trois options sont envisagées pour la construction d’une cité judiciaire : sur un site en centre-ville pour 450 millions d’euros et six ans de construction, sous réserve de la faisabilité technique ; sur un terrain à la Capelette, sous réserve de difficultés dues à la proximité d’un centre de traitement des déchets ; sur un terrain à Euroméditerranée à quinze minutes de tramway de l’actuel palais Monthyon.
Dans ce cas-là, deux possibilités sont envisagées : bâtir une cité judiciaire de 350 millions d’euros où tout serait regroupé avec une durée de construction de trois ans ou construire un simple palais de justice sur ce terrain, le conseil des prud’hommes et le tribunal de commerce restant à Monthyon pour un budget total de 370 millions d’euros et quatre ans de construction. Il ne s’agira alors plus d’une cité judiciaire.
Je connais bien Marseille pour y avoir vécu de nombreuses années. Nous entendons, bien évidemment, les craintes légitimes d’une dévitalisation du centre-ville si la troisième option était choisie. La Chancellerie propose dans ce dernier cas d’utiliser le site du palais Monthyon pour l’école du barreau et une annexe de l’École nationale de la magistrature. Il ne s’agit pas d’abandonner le bâtiment.
Les textes défendus par le garde des sceaux actuellement devant le Parlement comprennent un plan d’embauche historique de magistrats, de greffiers et d’attachés de justice. Ils pourraient être formés à Marseille.
Nous ne méconnaissons pas l’enjeu symbolique et, surtout, économique que constitue une implantation judiciaire. C’est pourquoi le garde des sceaux a souhaité que cette réflexion se poursuive et puisse s’articuler autour d’autres enjeux locaux.
La concertation engagée par le préfet est la seule qui permettra d’identifier la solution la plus adaptée et, ainsi, d’éclairer la décision du Gouvernement.
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.
M. Stéphane Le Rudulier. Bien évidemment, il faut de nouveaux locaux, il faut plus d’espace, tout le monde en convient, mais ce sont principalement les juridictions pénales qui nécessitent un changement de site, pour les raisons de sécurité que vous avez indiquées, mais la délocalisation de toutes les autres juridictions est à proscrire.
En tout état de cause, si vous voulez délocaliser la cité judiciaire dans son ensemble, il faut définir un projet de reconversion des bâtiments occupés par les juridictions actuelles. Vous citiez le conseil départemental et la métropole d’Aix-Marseille-Provence, mais ces collectivités ont justement investi massivement depuis de nombreuses années pour préserver la vitalité et l’attractivité du cœur de ville !
Je reste pour ma part convaincu que la place de la justice est au cœur de la cité, où elle doit se redresser fièrement pour incarner l’État et l’autorité.
dispositif « référent écoute » du ministère de l’europe et des affaires étrangères
Mme le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, auteur de la question n° 480, adressée à Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Ronan Le Gleut. Monsieur le ministre, par arrêté du 30 novembre 2020, un dispositif de recueil et de traitement des signalements de faits de harcèlement, de discrimination ou d’agissements sexistes ou violents a été mis en place au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, avec la création d’une cellule encadrée par un « référent écoute ».
Des présomptions de faits de cette nature existent dans divers consulats, notamment au Canada, et entraînent de lourdes conséquences, tant pour les agents du ministère que pour la France et les Français de l’étranger : les dysfonctionnements dans ces consulats ont pour corollaires des difficultés dans le service rendu aux Français de l’étranger et l’image de la France est ternie dans les médias étrangers.
En mars dernier, l’Assemblée des Français de l’étranger a souhaité, comme elle l’avait fait l’année précédente, entendre en audition le référent écoute, mais le ministère l’a refusé, alors que ce sujet concerne pourtant les Français de l’étranger.
Je souhaite donc connaître des statistiques précises sur le sujet : nombre de signalements, nombre d’enquêtes diligentées ainsi que nombre et nature des décisions prises à la suite de ces signalements, notamment pour les agents ayant dénoncé ces faits. Je souhaite également savoir si une modification de l’arrêté du 30 novembre 2020 est envisagée afin d’améliorer le fonctionnement de la cellule « référent écoute ».
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Le Gleut, je vous prie d’excuser l’absence de Mme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, qui est à l’étranger, conformément aux exigences de sa mission ; elle m’a demandé de vous répondre ce matin.
Vous me demandez des chiffres : il y a eu, en 2022, 189 signalements, qui concernaient 109 situations différentes et 15 enquêtes administratives ou missions d’inspection.
Dans 98 % des affaires pour lesquelles la direction des ressources humaines a été saisie, une action a été menée, les 2 % restants étant classés, car ils ne relevaient pas d’un harcèlement, d’un agissement sexiste ou d’une discrimination. Pour les cas les plus graves, des enquêtes sont diligentées, qui sont menées avec beaucoup de rigueur et de façon indépendante.
Le principe est simple : tolérance zéro. Lorsque l’enquête met en lumière des comportements inappropriés ou des faits de harcèlement, des mesures correctives sont prises, pouvant aller jusqu’à la fin de mission, à la sanction disciplinaire, voire à une saisine du procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.
Il n’y a aucune impunité, je puis vous l’assurer, et ce quelle que soit la catégorie d’agent concernée. Nous le devons aux victimes et nous le devons aussi à nos compatriotes, car une situation dégradée au sein d’une ambassade ou d’un consulat peut, au bout du compte, altérer la qualité du service rendu, ce qui n’est pas acceptable.
Je vous invite toutefois, monsieur le sénateur, à une certaine prudence avant de vous prononcer sur une affaire sur la simple foi d’articles de presse, qui ne donnent à lire qu’une version des faits. Ces situations sont rarement simples et les responsabilités sont parfois partagées. Il faut du temps pour aller au bout d’un dossier, c’est un gage de rigueur, d’objectivité et de justice. Croyez-le bien, aucune affaire n’est abandonnée.
Mme le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour la réplique.
M. Ronan Le Gleut. Malheureusement, votre réponse, monsieur le ministre, ne fournissant que quelques éléments partiels, révèle, une fois de plus, l’omerta qui règne au ministère des affaires étrangères.
À Toronto, quatre des cinq agents ayant dénoncé une situation de harcèlement ne sont plus en poste et la cinquième est en arrêt maladie, mais « circulez, il n’y a rien à voir »…
Cela me rappelle un autre cas emblématique, celui de la circulaire relative aux relations entre nos postes diplomatiques et les conseillers des Français de l’étranger, que le ministère refuse de nous communiquer, alors que celle qui avait été écrite sur le même sujet, lorsque Philippe Douste-Blazy était ministre, était publique. Il est temps de lever le grand secret qui règne depuis quelques années au sein de ce ministère pour mettre fin à des situations disparates et parfois inacceptables.
Le Parlement joue un rôle essentiel dans la bonne marche démocratique de notre pays en assurant le contrôle de l’action gouvernementale…
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Ronan Le Gleut. … et nous allons réfléchir aux moyens que nous offre le règlement du Sénat pour accéder aux informations que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères nous refuse.
fouilles archéologiques
Mme le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, auteur de la question n° 719, adressée à Mme la ministre de la culture.
M. Bruno Rojouan. Monsieur le ministre, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les obligations de fouilles archéologiques préventives qui s’appliquent aux opérations d’aménagement.
La loi impose aux collectivités la réalisation de fouilles lorsque leurs projets d’aménagement ou de construction sont susceptibles d’affecter le patrimoine archéologique. Force est de constater que la mise en œuvre de cette obligation pose des difficultés dans bon nombre de territoires ruraux.
Dans le département dont je suis élu, l’Allier, la situation de la communauté de communes de Lapalisse illustre bien ce phénomène : un projet d’extension d’une zone d’activités économiques est à l’étude, pour un montant de 1,3 million d’euros, mais à ces dépenses d’aménagement s’ajoute le coût des fouilles archéologiques préventives obligatoires, pour un montant initialement estimé à 1,3 million d’euros par la direction régionale des affaires culturelles (Drac) et qui s’élève, après consultation des entreprises, à 1,9 million d’euros, soit 150 % du montant des travaux !
Les collectivités sont dans l’incapacité de supporter de telles dépenses ou sont contraintes de le faire au moyen de montages financiers doublant le prix de vente du mètre carré aménagé, bien loin des prix moyens pratiqués sur le territoire…
Ce cas n’est pas isolé ! Des situations similaires ont été vécues à Dompierre-sur-Besbre et à Varennes-sur-Allier, qui ont dû renoncer à leur projet devant le coût exorbitant des fouilles, et des difficultés ont été rencontrées à Gannat et à Creuzier-le-Neuf.
Dans ces conditions, le développement économique de ces territoires est bloqué, d’autant que l’aide du Fonds national pour l’archéologie préventive (Fnap) est plafonnée à 50 % du coût prévisionnel des travaux.
Il convient que l’État prenne conscience de cette difficulté et apporte des solutions pour mieux accompagner le développement en ruralité, qui risque par ailleurs d’être encore plus contraint avec l’application du « zéro artificialisation nette » (ZAN).
Monsieur le ministre, le Gouvernement peut-il s’engager à faire évoluer le plafonnement des subventions du Fnap et à envisager qu’une partie de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DTER) puisse être fléchée vers ce type de projet ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Rojouan, il faut en effet concilier les exigences de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social, nul ne peut le nier.
Afin d’anticiper les enjeux archéologiques de leurs projets et de réduire le coût des fouilles, les communes peuvent interroger en amont les Drac pour connaître la sensibilité archéologique des terrains considérés.
Le financement des fouilles repose essentiellement sur les maîtres d’ouvrage, sur le fondement de prix établis par les opérateurs présents sur le marché. Toutefois, vous l’avez signalé, les aménageurs peuvent bénéficier d’aides financières, certes plafonnées, attribuées par le Fonds national pour l’archéologie préventive. Pour les prises en charge, les communes situées en zone de revitalisation rurale qui réalisent une zone d’aménagement concerté ou un lotissement peuvent donner mandat à l’opérateur de fouilles pour encaisser directement l’aide accordée, ce qui permet d’éviter une sortie de trésorerie.
Par ailleurs, l’impact du coût de la fouille sur l’équilibre financier du projet fait partie des critères d’éligibilité de la subvention.
En moyenne annuelle, entre 2016 et 2022, 44 % des fouilles ont reçu annuellement un soutien financier de l’État et 53 millions d’euros d’aides ont été accordés en 2022 ; c’est loin d’être négligeable.
Pour ce qui concerne plus particulièrement la situation de la communauté de communes de Lapalisse, à laquelle vous faites référence, le diagnostic a révélé une forte densité de vestiges archéologiques, dont la chronologie s’étire du second âge du fer au Moyen Âge central. Après échange avec les collectivités – voici la mesure qui va vous intéresser –, il a été convenu que l’emprise globale de la fouille serait scindée en trois phases, ce qui permettra d’échelonner l’aménagement sur cinq ans et d’accompagner d’éventuelles évolutions du projet.
Il n’y a pas de dépenses de trésorerie immédiates, mais le Gouvernement considère qu’il faut préserver les fouilles archéologiques.
transfert d’œuvres corses dans les musées insulaires
Mme le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, auteur de la question n° 725, adressée à Mme la ministre de la culture.
M. Jean-Jacques Panunzi. Dans une région à forte identité comme la Corse, la culture, l’histoire, le patrimoine, sont des marqueurs importants, qui unissent le passé au présent pour mieux se projeter dans l’avenir.
Depuis plusieurs années, sous l’impulsion des anciens départements et de la collectivité de Corse, avec le concours des services de l’État, mais aussi de l’Union européenne, notre île a développé une politique culturelle proactive, qui s’est notamment traduite par la création de musées témoignant de l’histoire insulaire, une mise en valeur qui constitue aussi un vecteur d’attractivité touristique qu’il convient de consolider.
Il se trouve que la Corse, en raison de sa position centrale en Méditerranée occidentale, a longtemps été un carrefour ; les fouilles archéologiques attestent de cette richesse historique. Avant qu’elle ne dispose des infrastructures d’accueil adéquates, des objets découverts sur le territoire insulaire ont été transportés ailleurs et ne sont pas exposés dans les musées de l’île. Certains datent du néolithique, d’autres de l’âge du bronze, beaucoup du Moyen Âge.
Il est quelques exemples notables, comme la statuette datant du néolithique dite Vénus de Campu Fiureddu, découverte au début du XXe siècle à Grossa, près de Sartène, et qui est exposée au British Museum à Londres, alors qu’elle pourrait l’être à Sartène…
Il en va de même d’objets et artefacts de l’âge du bronze découverts à Vizzavona ou à Carbuccia, mais que l’on retrouve en Suisse ou en Italie, alors que les musées de Corte, de Levie, d’Ajaccio ou de Sartène pourraient très bien les accueillir ou, à tout le moins, les partager dans le temps, dans le cadre de conventions.
L’intercession fructueuse de la ministre de la culture en faveur du retour en Corse de la Madone de Brando le mois dernier a pu se faire parce qu’il y avait une vente aux enchères en cours. Néanmoins, bon nombre des œuvres qui pourraient être conservées en Corse appartiennent à des musées situés à l’étranger.
Aussi, ma demande consiste à vous solliciter pour savoir comment nous pourrions procéder pour les rapatrier dans des musées insulaires, qui restent les meilleures vitrines de l’histoire de la Corse. Si vous souscrivez à ce projet, sachez que ce travail risque d’être long et sinueux, dans un environnement juridique impliquant des législations nationales différentes.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Panunzi, le Gouvernement salue le développement d’une politique culturelle dynamique en Corse et la soutient.
Nous comprenons que les Corses déplorent que la Vénus de Campu Fiureddu ou des objets archéologiques trouvés à Vizzavona soient, bien que découverts en Corse, conservés à l’étranger.
Toutefois, ces objets ont semble-t-il quitté la Corse à une époque où il n’existait pas de règles internationales ou nationales de protection susceptibles d’empêcher ces mouvements. De ce fait, leur situation actuelle semble peu contestable en droit et seule la négociation de prêts pourrait être entreprise pour permettre leur présentation en Corse.
Bien que le ministère de la culture soit évidemment sensible à la protection du patrimoine en général, y compris celui des régions françaises, et engagé à prévenir et à réparer les atteintes que celui-ci peut subir, il est vrai que beaucoup d’œuvres ne restent pas dans le lieu où elles ont été créées ou découvertes, qu’elles soient originaires de Corse ou d’ailleurs.
Quoi qu’il en soit, ma collègue ministre de la culture reste très attentive au sort de la Madone de Brando et à la possibilité qu’elle retourne en Corse, qui reste évidemment sa destination privilégiée. Elle s’est entretenue à ce sujet avec le président du conseil exécutif de la Corse. Les services du ministère, en administration centrale et en Drac, sont pleinement mobilisés auprès de la collectivité de Corse et de la commune de Brando pour trouver une solution en ce sens, mais celle-ci ne pourra être que respectueuse des droits et des intérêts des différentes parties.
conséquences fiscales de l’extension des zones tendues
Mme le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 683, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Mme Annick Billon. L’article 73 de la loi du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 prévoit un élargissement du zonage de la taxe sur les logements vacants aux communes touristiques tendues, ainsi qu’une actualisation de la liste des territoires urbains préalablement concernés. Si ce dispositif est très attendu, certaines communes nouvellement entrantes perdront le bénéfice de la taxe d’habitation sur les logements vacants, lorsqu’elles l’avaient instituée.
Quand une commune perçoit cette taxe, cela sous-entend que la fiscalité ne produit pas les effets attendus, à savoir augmenter l’offre de logements à l’année ; toutefois, le dispositif apporte tout de même une recette complémentaire à la commune pour lutter contre la carence de logements.
Avec l’application de l’article 73 de la loi précitée, les communes concernées subiront la double peine : carence de logements et baisse des recettes. Le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, s’est engagé auprès du président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) à corriger cet effet défavorable. Concrètement, qu’entendez-vous proposer ?
Au-delà de cette mesure, il conviendrait d’écouter les élus et d’envisager avec eux des solutions durables pour leur permettre de loger convenablement et raisonnablement les travailleurs à l’année. Demain, l’objectif « zéro artificialisation nette » freinera le développement des villes et les contraintes énergétiques pour la location accentueront les problèmes que des dispositifs fiscaux ne sauront seuls résoudre.
« Redonner du pouvoir d’habiter aux Français » ; pour mettre en œuvre ce slogan du ministre délégué chargé de la ville et du logement, les annonces faites hier par la Première ministre ne suffiront pas. Qu’entendez-vous donc mettre en place pour remédier aux carences de logement dans les villes considérées comme zones tendues, sans pour autant grever leurs capacités financières ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui revient sur une réforme importante de la loi de finances pour 2023.
Comme vous le relevez, une solution était vivement attendue pour répondre aux difficultés liées à l’attrition du nombre de logements disponibles dans certaines communes, notamment touristiques. C’est à cette fin que le Parlement a prévu, dans la loi de finances pour 2023, l’extension du zonage de la taxe annuelle sur les logements vacants (TLV) et de la majoration facultative de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) au-delà des seules communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants.
Cette extension vise notamment des communes touristiques qui, sans atteindre ce seuil de population, sont confrontées à une forte tension immobilière, par exemple en raison d’une proportion élevée de résidences secondaires.
Après une phase de consultation, le décret procédant à la modification de la liste des communes concernées devrait être très prochainement publié. L’entrée dans le nouveau zonage se traduira par l’assujettissement à la TLV des logements vacants, y compris pour les logements situés sur le territoire de communes qui avaient préalablement institué la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV). L’incitation à faire cesser la situation de vacance de ces logements sera ainsi accrue, en les imposant dès la première année de vacance à un taux national, relevé dans la loi de finances pour 2023 et qui est, en moyenne, plus élevé que celui de la THLV.
Pour les communes concernées, le renforcement de la fiscalité sur les logements vacants s’accompagnera d’une perte de recettes, mais leur entrée dans le zonage leur permettra d’instituer la majoration de THRS et de bénéficier ainsi d’un surcroît de recettes.
Nous sommes conscients que les changements de périmètre pourraient avoir des conséquences budgétaires pour certaines collectivités. Comme le Gouvernement s’y est engagé devant l’AMF, nous aurons l’occasion de discuter, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, des moyens qui seront mobilisés pour y répondre.
Mme le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre ; le décret tant attendu arrive en effet.
Aux Sables-d’Olonne, c’est vrai, les pertes de recettes seront en partie compensées, mais elles ne le seront pas totalement. Cela demeure un problème majeur pour toutes les communes qui n’arrivent pas à loger leurs salariés.
Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Annick Billon. Je vous saurai donc gré de poursuivre le travail sur ce sujet.
conséquences fiscales de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les communes
Mme le président. La parole est à M. Thierry Cozic, auteur de la question n° 686, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Thierry Cozic. Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, le Gouvernement a décidé unilatéralement et contre l’avis de toutes les associations de collectivités territoriales de supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Une fois de plus, comme après chaque suppression de recette fiscale locale, monsieur le ministre, vous nous avez affirmé, dans cet hémicycle et la main sur le cœur, que la perte de cet impôt serait compensée « à l’euro près ».
Les promesses n’engagent que ceux qui y croient et l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité s’est insurgée contre le fait que, dans certaines collectivités, le montant de la compensation théorique était nettement inférieur au montant de CVAE qui aurait été perçue en 2023. Force est de constater que l’engagement de compenser la CVAE à l’euro près n’est pas tenu : je le rappelle, cette année, près de 650 millions d’euros manquent à l’appel…
Face à cette situation, il faut trouver des marges de manœuvre budgétaires et vous semblez en avoir trouvé une très surprenante, à l’heure du réchauffement climatique. Vous le savez, il a été institué par la loi de finances pour 2023 un fonds vert ayant pour objectif d’accompagner les collectivités territoriales dans la lutte contre la crise climatique et contre l’effondrement de la biodiversité. Pourtant, sur les 2 milliards d’euros alloués au dispositif en 2023, 530 millions d’euros seront fléchés pour compenser la suppression de la CVAE. La circulaire du 14 décembre 2022 relative au déploiement du fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires demande ainsi aux préfets de s’assurer que les collectivités concernées par la suppression de la CVAE « bénéficient […] du fonds […] a minima à hauteur de la compensation prévue ».
Or, s’il était bien convenu que les collectivités bénéficieraient d’un accès favorisé au fonds vert pour retrouver une compensation intégrale de la CVAE, intégrer de cette manière la compensation au sein du fonds vert est de nature à rendre plus difficile l’accès au fonds lui-même pour les collectivités bénéficiant de la compensation.
Par conséquent, monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer que la part du fonds vert destinée aux collectivités concernées par la suppression de la CVAE…