compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Marie Mercier,
M. Jean-Claude Tissot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Hommage à un journaliste tué en Ukraine
M. le président. Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, c’est avec une vive émotion que nous avons appris le décès du journaliste de l’Agence France-Presse (AFP) Arman Soldin, tué hier après-midi lors d’un bombardement dans l’est de l’Ukraine. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)
Ce jeune homme de 32 ans risquait sa vie chaque jour au cœur du conflit pour nous informer.
Au nom du Sénat tout entier, je présente nos condoléances à sa famille et à ses proches et je veux assurer de notre soutien l’ensemble des journalistes et techniciens qui exercent leur métier dans des circonstances particulièrement difficiles pour nous informer.
C’est avec une émotion aussi vive que nous avons appris l’attaque abjecte perpétrée à la synagogue de la Ghriba, à Djerba en Tunisie, qui a coûté la vie à quatre personnes, dont l’un de nos compatriotes, Benjamin Haddad. Nos pensées vont aux familles des victimes et à leurs proches. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la Première ministre et Mmes et MM. les ministres, observent une minute de silence.)
La parole est à Mme la Première ministre.
Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite à mon tour, au nom du Gouvernement, exprimer toute mon émotion et ma solidarité après le décès, hier, en Ukraine, du journaliste Arman Soldin, qui couvrait le conflit pour l’AFP.
Mes premières pensées vont à sa famille et à ses proches. Elles vont à ses collègues de l’Agence France-Presse. Elles vont à tous les journalistes.
Arman Soldin accomplissait son métier, sa passion, sa vocation. Il est tombé parce qu’il voulait faire connaître des faits. Il est tombé parce qu’il croyait que le devoir d’informer ne doit reculer devant rien. Le journalisme, la presse libre sont essentiels pour nos concitoyens et notre démocratie.
Dans cet hémicycle, à mon tour, je veux rendre hommage à Arman Soldin.
Je veux également exprimer toute mon émotion après l’attentat qui s’est déroulé en Tunisie et toute ma solidarité aux proches des victimes.
M. le président. Je vous remercie de vos propos, madame la Première ministre.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
lycées professionnels
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.
Après la réforme de l’apprentissage, le Président de la République a réaffirmé récemment aux Français son engagement de transformer la voie professionnelle.
Actuellement, dans notre pays, un tiers des lycéens sont scolarisés en lycée professionnel, soit 620 000 jeunes. Or un tiers d’entre eux n’arrive pas jusqu’au bac. Une proportion très importante de ceux qui l’obtiennent n’entre pas sur le marché du travail ; d’autres se dirigent vers des études supérieures, mais, pour la moitié d’entre eux, ne décrochent pas de diplôme.
Nous sommes donc face à une situation qui est loin d’être satisfaisante. Parallèlement, certains métiers ont du mal à recruter et ne trouvent plus de jeunes.
La souveraineté industrielle, numérique et énergétique nécessite aussi de placer le lycée professionnel au centre de nos enjeux de formation et de repenser le parcours des lycéens.
Le lycée professionnel doit donc redevenir, d’une part, un choix pour la plupart des jeunes à la recherche de métiers d’avenir et, d’autre part, une solution pour les entreprises qui doivent s’adapter aux grandes transitions économiques en cours et à venir.
En faisant évoluer l’offre de formations proposée par les lycées, nous redonnerons du sens à la valeur travail et préparerons les compétences de demain, en adéquation bien sûr avec les aspirations des jeunes, de leur temps et du monde dans lequel ils vivent.
Nos territoires, avec leurs spécificités et leurs bassins d’emploi, doivent également être associés étroitement à cette réforme. Tel devrait être le cas notamment pour la révision de la carte des formations. C’est là aussi une question d’égalité des chances.
Il est donc temps de faire en sorte que le lycée professionnel, avant d’être une filière d’excellence, devienne une véritable filière d’avenir.
Aussi, madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant la réforme de la carte des formations, au vu des enjeux économiques de demain, mais aussi des spécificités de nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Monsieur le sénateur Xavier Iacovelli, la réforme du lycée professionnel présentée par le Président de la République la semaine dernière répond à votre souhait que le lycée professionnel soit une voie de choix, une voie de réussite pour tous, pour les élèves, bien sûr, afin de les former aux compétences dont notre pays aura besoin dans le futur, comme pour les enseignants, auxquels il doit offrir de bonnes conditions de travail. Tel est bien le sens que nous avons voulu donner à cette réforme.
Pour ce faire, nous lutterons contre le décrochage et accompagnerons les élèves fragiles, pour qu’ils réussissent mieux dans leur parcours scolaire. Nous favoriserons également leur insertion professionnelle et la poursuite de leurs études. Enfin, nous valoriserons, dans tout le pays, ces filières stratégiques.
Au fond, ce que nous souhaitons, c’est un changement d’image de la voie professionnelle. Il est à notre portée si nous mettons en œuvre les conditions de la réussite et si cette filière offre de réelles perspectives aux jeunes.
Nous nous apprêtons ainsi à ouvrir de nouvelles formations d’avenir, en augmentant le nombre de places dans certaines filières, notamment dans les secteurs de l’énergie, de l’écologie, du numérique, mais aussi des soins. En revanche, nous fermerons des formations dont les taux d’insertion ou de poursuite d’études réussies ne sont pas satisfaisants.
Le lycée professionnel doit devenir une filière de réussite stratégique pour la préparation des compétences de la Nation. Bien que chaque territoire soit spécifique, sept des dix métiers les plus recherchés sont communs à l’ensemble des territoires.
Nous réaliserons un investissement inédit pour accompagner l’évolution de la carte des formations. Par ailleurs, avec un milliard d’euros supplémentaires par an, nous permettrons aux lycées professionnels de travailler sur la pédagogie.
Nous investirons également, via le plan France 2030, pour améliorer les plateaux techniques, en concertation avec les régions, former les professeurs, accroître l’attractivité de ces filières et organiser une dynamique pour les lycées professionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
manifestations d’extrême droite
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. David Assouline. Monsieur le ministre de l’intérieur, nous avons été choqués que vous ayez laissé se dérouler une manifestation non loin d’ici, en plein Paris, à la veille de la commémoration de la libération du joug nazi en Europe, manifestation dont les organisateurs et les participants comptent des proches de Marine Le Pen et ont menacé journalistes et badauds. Ils se réclament de l’idéologie nazie et pétainiste, appellent à abattre la République et incitent explicitement à la haine raciste et antisémite.
Nous avons ensuite été stupéfiés d’apprendre que le préfet de police, la Première ministre et des ministres avaient justifié un tel laisser-faire.
Comment ont-ils pu affirmer que cette manifestation ne constituait pas un trouble à l’ordre public et, dans le même temps, interdire des manifestations syndicales, au prétexte qu’on y faisait du bruit avec des casseroles ?
Je vous remercie, monsieur le ministre de l’intérieur – une fois n’est pas coutume ! – d’avoir recadré le Gouvernement, jusqu’à Mme la Première ministre, en ordonnant aux préfets d’interdire ce type de manifestations.
Vous le savez, le GUD, le Groupe union défense, qui était à la manœuvre lors de cette manifestation, s’est reconstitué en 2022. Avec d’autres, nous vous demandons une nouvelle dissolution de ce groupe.
Par ailleurs, comptez-vous engager des poursuites pour reconstitution de ligue dissoute ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la citoyenneté.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur David Assouline, nous avons tous été choqués par les images de la manifestation de ce week-end, Mme la Première ministre l’a dit, comme M. le ministre de l’intérieur.
Vous avez entendu les propos très clairs prononcés par Gérald Darmanin hier.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Propos très tardifs !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. Le racisme et l’antisémitisme n’ont pas leur place dans la République. Désormais, toute manifestation portant de tels messages sera interdite.
La main du Gouvernement ne tremble pas quand il s’agit de combattre l’ultradroite. Ainsi, en cinq ans, douze groupuscules portant des messages à caractère raciste, antisémite ou homophobe ont été dissous. Plusieurs manifestations d’ultradroite ont été interdites ces derniers mois, à Lyon, à Montpellier et à Paris.
Dimanche prochain, la manifestation prévue à Opéra, en hommage à Jeanne d’Arc, organisée par des groupuscules d’ultradroite,…
M. Rachid Temal. Extrême droite !
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État. … sera interdite par la préfecture de police.
Le Gouvernement continuera de combattre de toutes ses forces et par tous les moyens légaux à sa disposition les actions à caractère antisémite et raciste portées par l’ultradroite.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.
M. David Assouline. Vous n’avez pas répondu à ma question, qui était très précise.
Le GUD, quand il s’est reconstitué en 2022, déclarait : « Nous sommes un groupe qui ne cache pas son racisme ni son antisémitisme ». Ce sont ses membres qui le disent !
Vous le savez, les groupes d’ultradroite violents, qui se propagent, sont considérés comme la principale menace en Europe, dans les démocraties occidentales. On vous demande d’agir vite ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
difficultés financières des collectivités territoriales malgré les dispositifs en place
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Monsieur le ministre, l’Assemblée nationale a voté la semaine dernière, contre l’avis du Gouvernement, l’ouverture à la très grande majorité des communes du bouclier tarifaire sur l’électricité. Aujourd’hui, seules les communes qui comptent moins de dix salariés et dont le budget est inférieur à deux millions d’euros peuvent bénéficier des tarifs réglementés de vente d’électricité.
Il n’est certainement pas pertinent d’apporter la même aide à toutes les communes, quelles que soient leur taille et leur situation financière, mais la hausse du coût de l’énergie fragilise de très nombreuses collectivités. Il ne se passe pas une semaine sans que nous rencontrions des élus démunis face à des factures dont le montant a été multiplié par deux, trois ou quatre. Selon Intercommunalités de France, la facture d’énergie a au moins doublé pour les trois quarts des intercommunalités. Il y a sans doute une cote mal taillée qu’il serait bon d’ajuster, notamment pour les collectivités les plus en difficulté.
La dotation globale de fonctionnement est repartie à la hausse après des années de gel ou de baisse, ce qui devrait donner un peu de marge aux élus locaux. Toutefois, du fait de l’augmentation de dépenses incompressibles – inflation des prix de l’énergie et hausse du point d’indice –, ils ont eu bien du mal à boucler leur budget cette année.
Une telle réalité hypothèque la capacité des élus à assurer leur mission de service public, à investir et, donc, à soutenir l’économie locale. Je rappelle que les collectivités représentent 70 % de l’investissement public. L’enjeu est donc important. Il l’est d’autant plus que, pour réduire les factures d’énergie, l’opération de rénovation énergétique des bâtiments publics, déjà entamée, doit encore être accélérée, mais elle nécessite du temps et de l’argent.
Monsieur le ministre, envisagez-vous l’extension des dispositifs existants ayant fait leurs preuves à certaines collectivités qui en sont aujourd’hui exclues ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Gold, vous connaissez l’attention que nous portons aux finances des collectivités locales. Je sais à quel point il s’agit ici d’un sujet de préoccupation, sur toutes les travées.
Au 1er janvier de cette année, l’épargne brute de la totalité des collectivités locales avait progressé de 2,2 milliards d’euros par rapport au 1er janvier de l’année précédente, même si l’on constate des disparités entre les blocs de collectivités : l’épargne des communes a augmenté de 2 %, celle des intercommunalités de 12 %, celle des départements de 5,8 %, celle des régions de 8 %.
Ces chiffres, bien qu’ils soient agglomérés, reflètent des réalités très diverses. C’est cette diversité que nous avons voulu prendre en compte, en prévoyant 2,5 milliards d’euros dans le cadre du soutien spécifique aux dépenses d’énergie – bouclier tarifaire et amortisseur électricité – et 520 millions d’euros pour le filet de sécurité que vous avez voté.
Nous devons à présent faire le bilan de ce dernier dispositif et calculer son taux de consommation, afin de connaître nos éventuelles disponibilités. Nous venons de l’étendre aux dépenses ferroviaires des régions. Avec Clément Beaune, nous avions repéré la nécessité de compléter ce « trou dans la raquette ».
J’évoquerai également le fonds vert, doté de 2 milliards d’euros, qui viennent s’ajouter aux 2 milliards d’euros de soutien à l’investissement. Au total, 10 476 dossiers ont été déposés. Sur les 1 300 premiers lauréats, 600 portent sur des projets de rénovation énergétique. À l’échelon national, près de 4 000 dossiers portent uniquement sur les questions de rénovation énergétique, auxquels il convient d’ajouter 2 500 dossiers concernant la rénovation de l’éclairage public.
C’est dire si la volonté des élus de continuer d’investir et d’accélérer les rénovations énergétiques et thermiques est bien une réalité !
La Première ministre a annoncé la pérennisation de ce dispositif. Je recevrai le 17 mai toutes les associations d’élus, pour faire un point à la fois sur la territorialisation de la planification écologique, mais aussi sur les difficultés que vous avez remontées. Nous définirons alors ce qu’il convient de faire dans la suite de l’année et à l’occasion des prochains rendez-vous budgétaires.
réforme des lycées
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme Monique de Marco. La réforme des lycées professionnels concerne un tiers des lycéens de notre pays.
Jeudi dernier, à Saintes, le Président de la République a présenté les détails de ce qu’il souhaite mettre en place : allongement de la durée des stages aux dépens des heures d’enseignements généraux, définition des formations par des « partenaires » et des entreprises, orientation des élèves vers les métiers en tension. Cela rejoint les propositions que vous portez depuis l’automne, madame la ministre.
La concertation n’a pas fait évoluer les grandes lignes de la réforme. Seules nouveautés : des revalorisations inconditionnelles destinées à apaiser les enseignants mobilisés contre vos propositions ont été annoncées, ainsi que le glissement vers l’apprentissage, avec la rémunération des élèves, à la charge de l’État et non pas des entreprises, entre 50 euros et 100 euros par semaine.
Beaucoup craignent aujourd’hui un rattachement pur et simple de la voie professionnelle au ministère du travail, ce qui constituerait une régression totale au regard de la mission émancipatrice du lycée.
Madame la ministre, quand assumerez-vous la contradiction, en débattant point par point devant le Parlement du contenu de cette réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Esther Benbassa et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice de Marco, nul ne peut ici se satisfaire d’un statu quo, les échecs des jeunes dans les lycées professionnels étant trop nombreux. Je pense aux décrochages et aux difficultés d’insertion dans l’emploi ou lors de la poursuite d’études. Notre objectif est donc clair : zéro décrochage et un taux d’insertion de 100 %.
D’ailleurs, en 2022, le programme des écologistes prévoyait un enseignement professionnel placé au cœur de la transition écologique. Bonne nouvelle : avec cette réforme, c’est ce que nous faisons !
Nous voulons former les jeunes aux métiers qui leur ouvrent des perspectives dans le cadre des grandes transitions, que ce soit dans les secteurs de l’énergie, de l’alimentation, des mobilités douces ou du numérique, grâce à un investissement massif. Ainsi, plus d’un milliard d’euros supplémentaires par an seront affectés aux lycées professionnels. Ces crédits viendront s’ajouter au maintien des effectifs des professeurs de lycée professionnel à la rentrée prochaine, aux 400 équivalents temps plein qui renforceront les équipes des conseillers principaux d’éducation, des infirmiers et des autres personnels éducatifs, aux projets du Conseil national de la refondation (CNR) Éducation et aux investissements prévus dans le cadre du plan France 2030, notamment dans les plateaux techniques.
Dès la rentrée 2023, plus de 1 000 places seront ouvertes dans les nouvelles formations d’avenir. Dans votre territoire, madame la sénatrice, des formations supplémentaires en cybersécurité ou en biologie spécialisée seront mises en place.
Non, madame la sénatrice, le lycée professionnel n’a pas à apporter une réponse immédiate aux entreprises. Au travers de cette réforme, nous préparons l’avenir de ces jeunes, mais aussi les compétences dont notre pays aura besoin dans le futur.
Pour une réponse de plus court terme, d’autres dispositifs existent et sont déjà en vigueur, tels que le plan d’investissement dans les compétences, le compte personnel de formation (CPF), la validation des acquis de l’expérience (VAE), les plans de développement personnel.
Le Gouvernement souhaite donc faire du lycée professionnel une voie de choix, reconnue par tous et permettant la réussite des jeunes. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour la réplique.
Mme Monique de Marco. Madame la ministre, nous sommes vraiment loin du programme des écologistes ! Vous proposez d’augmenter la durée des stages au détriment des enseignements généraux, ce qui revient, à nos yeux, à accroître les inégalités entre la voie générale et les voies professionnelles.
Valoriser les stages en entreprise, c’est nier la force d’un enseignement associant formation générale et professionnelle.
Adapter les formations aux bassins d’emploi, c’est renforcer les inégalités territoriales, en rendant les lycées dépendants du tissu économique local.
Cette réforme mérite selon nous une loi spécifique et un véritable débat parlementaire. Nos lycéens valent mieux que la voie réglementaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
difficultés des commerçants à s’assurer à la suite des dégradations subies pendant les manifestations
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Jean-Pierre Grand. Dans de nombreuses villes, les manifestations du 1er mai ont dégénéré en violences contre les forces de l’ordre, le mobilier urbain et des commerces. Tel est le cas à Montpellier.
Après avoir connu, ces dernières années, pendant deux ans, tous les samedis, les exactions des « gilets jaunes » – 140 manifestations en quatre ans ! –, les commerçants que j’ai rencontrés m’ont fait part de leur découragement, de leur peur et de leur colère.
Certains, qui ont eu à subir plusieurs sinistres liés aux manifestations et aux casseurs, ont vu leur contrat d’assurance résilié.
Ces commerçants retrouvent avec difficulté des compagnies d’assurances qui acceptent de les couvrir, ces dernières subordonnant le nouveau contrat à une période probatoire de deux ans sans sinistre.
Ces commerçants n’ont plus qu’un seul choix, incroyable : celui de ne pas déclarer le dernier sinistre lié aux manifestations du 1er mai s’ils veulent conserver une couverture pour des risques plus graves dans la période probatoire imposée.
Je sais combien cette situation préoccupe la chambre de commerce et d’industrie de l’Hérault et son président, qui, avec l’ensemble des commerçants, demande au Gouvernement de prendre des mesures législatives ou réglementaires afin de dissocier de toutes les autres clauses contractuelles les risques liés aux manifestations et aux casseurs.
Ces commerçants demandent que soit garanti le maintien d’une couverture assurantielle dès lors que leur responsabilité ne peut être mise en cause. Ils sont les victimes de ces sinistres à répétition ; ils n’en sont pas les responsables.
Je ne demande pas que l’État se substitue aux assureurs. Toutefois, monsieur le ministre, nous souhaiterions que le Gouvernement intègre ce problème vital pour nombre d’entre eux dans le prochain plan en faveur des commerces de proximité. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications.
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Grand, je vous prie d’excuser l’absence d’Olivia Grégoire, retenue à cette heure avec le ministre du tourisme chinois.
La situation des commerçants héraultais que vous évoquez est malheureusement la même que celle que les commerçants de Rennes, de Lille, de Lyon ou de Paris pourraient décrire.
Le Gouvernement déplore que les manifestations entraînent parfois des dégradations, mais également que ces difficultés emportent de lourdes conséquences pour les commerçants.
Concernant la couverture par les assurances, il faut distinguer le cas des dommages matériels, par exemple pour ce qui concerne les vitrines, et celui des pertes d’exploitation, lorsqu’un commerce, trop endommagé, nécessite des travaux entraînant sa fermeture.
Concernant les dommages matériels, les assureurs sont en première ligne, les conséquences des dégradations étant prises en charge dans les contrats multirisques professionnels contractés par les commerçants.
Quant à la garantie des pertes d’exploitation, elle peut être étendue aux conséquences d’autres événements que ceux qui sont prévus dans le contrat, comme les actes de vandalisme et les émeutes de manifestations, par exemple, à condition que ces événements soient intégrés au contrat.
La couverture des dégradations liées à des manifestations n’est donc pas systématique. Nous estimons la part d’artisans et de commerçants couverts en cas de perte d’exploitation à 54 %. Plus les entreprises sont grandes, plus elles sont couvertes.
Concernant la résiliation unilatérale des contrats par les assureurs, la loi prévoit une telle possibilité en cas d’aggravation du risque, mais le Gouvernement veille à ce que des délais de carence d’incidents ne soient pas demandés aux commerçants.
Enfin, je prends l’engagement, au nom de ma collègue Olivia Grégoire, d’étudier de plus près le cas très particulier que vous remontez, en lien avec la chambre de commerce et d’industrie de l’Hérault, si vous en êtes d’accord, monsieur le sénateur.
J’ajoute que l’État est et restera également présent pour accompagner les commerçants touchés. Consigne a été donnée à la direction générale des finances publiques et aux Urssaf d’appliquer avec souplesse les modalités de remise gracieuse aux commerçants affectés par les manifestations et les dégradations.
Ces interventions exceptionnelles s’ajoutent aux actions que le Gouvernement mène au quotidien pour soutenir les commerçants de proximité. Je pense notamment au plafonnement de l’indice des loyers, ainsi qu’au déploiement du plan Action cœur de ville et du programme Petites Villes de demain.
Vous pouvez donc compter sur la mobilisation permanente du Gouvernement, sous l’autorité de la Première ministre, de Bruno Le Maire et d’Olivia Grégoire, pour soutenir les commerçants. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)