Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
Articles 1er et 1er bis
Mme la présidente. Sur les articles 1er et 1er bis, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Article 2
Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
des deux dernières phrases
par les mots :
de la dernière phrase
La parole est à M. le ministre.
M. François Braun, ministre. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à corriger une erreur de référence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission n’a pas pu se réunir, mais, à titre personnel, je suis favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Sur les articles 2 bis à 4 duodecies, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Article 4 terdecies
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa de l’article L. 4161-1, après la première occurrence des mots : « biologie médicale », sont insérés les mots : « ou pour les prélèvements cervico-vaginaux réalisés dans le cadre du dépistage du cancer du col de l’utérus » ;
2° L’article L. 6211-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, le prélèvement cervico-vaginal réalisé dans le cadre du dépistage du cancer du col de l’utérus peut être pratiqué par un pharmacien biologiste. »
La parole est à M. le ministre.
M. François Braun, ministre. Cet amendement vise, en lien avec les positions exprimées par les rapporteures du Sénat et de l’Assemblée nationale, à généraliser tout de suite la possibilité pour les pharmaciens biologistes de dépister par frottis le cancer du col de l’utérus.
Les pharmaciens biologistes sont formés pour réaliser ce geste, et nous estimons ne pas avoir besoin de passer par une expérimentation.
Je vous propose ainsi d’offrir à nos concitoyennes une nouvelle possibilité d’accès à la santé, en particulier en termes de prévention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’article 4 terdecies autorise, à titre expérimental, les pharmaciens biologistes à réaliser des prélèvements cervico-vaginaux dans le cadre du dépistage du cancer du col de l’utérus. Je tiens à préciser que cela s’effectue en laboratoire d’analyses, et non dans les pharmacies d’officine.
Si les pharmaciens biologistes peuvent réaliser l’ensemble des actes de biologie médicale, la réalisation des frottis du col de l’utérus ne leur est pas permise aujourd’hui, car il s’agit d’un examen référencé comme cytopathologique.
Cet amendement va donc plus loin, en permettant de reconnaître une telle compétence à ces professionnels. C’est une généralisation de bon sens que nous avions appelée de nos vœux dès l’examen de ce texte en commission : pharmaciens et médecins biologistes ont une formation identique et suivent exactement le même cursus en termes de spécialisation.
La reconnaissance logique de la compétence des pharmaciens biologistes pour ce prélèvement permettra d’accroître les efforts de prévention déployés dans la lutte contre le cancer du col de l’utérus.
La commission n’a pas pu se réunir pour examiner cet amendement, mais, à titre personnel, j’y suis favorable.
Mme la présidente. Sur l’article 4 quaterdecies, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur cette proposition de loi, aboutir à un accord en commission mixte paritaire n’était pas acquis. Notre fil rouge était le maintien des mesures adoptées par notre assemblée, qui visaient à faciliter le parcours du patient et à valoriser les compétences des professionnels de santé.
Lors de l’examen de ce texte en première lecture, nous avions en effet trouvé un équilibre fragile grâce au travail de notre rapporteure, Corinne Imbert. Nous avions fait en sorte de réduire les tensions parmi les professionnels de santé, de garantir la sécurité des soins et de préserver le rôle du médecin dans le suivi du patient.
Nous avions à ce titre alerté le Gouvernement sur le fait que ce texte faisait l’effet d’un chiffon rouge dans le cadre des négociations conventionnelles.
Monsieur le ministre, le Gouvernement doit être conscient des craintes des médecins par rapport à l’exercice futur de leur métier, notamment en ce qui concerne la place du médecin généraliste.
Avec le manque actuel de médecins, nous faisons supporter trop de choses à ceux qui sont en exercice, qui voient de nombreux patients, qui, pour certains, prennent des gardes et assurent la permanence des soins et qui, sans que soit remise en cause la qualité de leur travail, se sentent parfois considérés comme des boucs émissaires.
Nous avions tenu compte de ces paramètres pour bâtir un texte qui devait répondre aux fortes attentes des professions paramédicales, tout en prenant en considération les inquiétudes des médecins.
Permettez-moi de revenir sur deux points.
Le premier concerne le contrat d’engagement territorial.
Dans un objectif d’apaisement avec les professionnels de santé, le Sénat a supprimé les dispositions relatives à l’engagement territorial des médecins.
Nous avions jugé que celles-ci interféraient inutilement avec les négociations en cours de la convention médicale et en détérioraient le climat. Le contrat d’engagement territorial, proposé par la Caisse nationale de l’assurance maladie, a d’ailleurs été largement rejeté par les syndicats quelques semaines plus tard.
La commission mixte paritaire a maintenu la suppression de l’article 4 quater, qui consacrait législativement le principe d’un engagement territorial des médecins.
Le second sujet porte sur les communautés professionnelles territoriales de santé.
Si le Sénat a validé le principe d’un accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA), aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes, il a toutefois souhaité le réserver, s’agissant des infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes, aux structures d’exercice coordonné les plus intégrées.
Comme l’a fort justement souligné Corinne Imbert, les CPTS ne sont pas des structures de soins. Elles font de la coordination, et cette coordination est très disparate selon les territoires.
Le texte de la commission mixte paritaire retire les CPTS du périmètre de l’accès direct. Il maintient cependant une expérimentation pour cinq ans dans six départements, dont deux d’outre-mer, visant à autoriser les IPA à prendre en charge directement des patients dans le cadre des CPTS.
La prise en charge directe de patients par des IPA sera ainsi autorisée dans les établissements de santé et dans le cadre des structures de soins primaires ou des maisons de santé pluriprofessionnelles.
J’ouvre une parenthèse, monsieur le ministre : lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, nous avions voté des expérimentations d’accès direct ; elles devaient débuter au mois de juin dernier, mais les textes d’application n’ont jamais été adoptés, si bien que les expérimentations n’ont pas pu avoir lieu…
Par ailleurs, lorsque certains voient dans les CPTS la solution aux problèmes de pénurie médicale – je fais référence à la proposition de loi des groupes de la majorité gouvernementale, déposée le 28 avril dernier à l’Assemblée nationale, visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels –, nous considérons qu’il ne suffit pas de décréter qu’il faut des CPTS sur tout le territoire pour régler les problèmes… Mais nous aurons ce débat à un autre moment !
Les syndicats de médecins nous avaient également alertés sur les difficultés auxquelles ils faisaient face en raison des rendez-vous non honorés. Plusieurs enquêtes montrent que, chaque semaine, 6 % à 10 % des patients ne se présentent pas à leur rendez-vous, ce qui correspond à une perte de temps de consultation de près de deux heures hebdomadaires pour le médecin.
Le Sénat avait ainsi adopté un nouvel article, l’article 3 bis, prévoyant une indemnisation des rendez-vous non honorés par les assurés. Cet article, certainement difficile à appliquer, n’a pas été retenu par la commission mixte paritaire.
Pour autant, comme le demandent l’Académie nationale de médecine et l’Ordre des médecins, nous souhaitons que le Gouvernement prenne des mesures, afin de responsabiliser les patients sur ces défections.
La commission mixte paritaire a maintenu, en grande partie, le texte adopté par le Sénat, qui avait retenu une approche équilibrée visant à fluidifier le parcours des patients, à valoriser les compétences des professionnels de santé, à garantir la sécurité des soins et à conserver le rôle central du médecin dans la coordination et le suivi.
C’est pourquoi le groupe Les Républicains votera en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons tous ce constat : l’accès aux soins doit être amélioré dans notre pays. Beaucoup de territoires sont un désert médical, et 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant.
Il est également nécessaire d’améliorer la confiance envers les professionnels de santé. Toutefois, la première mouture de cette proposition de loi ne répondait pas à cet objectif, notamment pour les médecins, et aurait désorganisé l’accès aux soins de premiers recours.
En effet, pour beaucoup de médecins, l’accès direct aux IPA dans le cadre d’une CPTS était un non-sens : les CPTS sont chargées de prendre en charge des soins non programmés dans le cadre de plusieurs patientèles, alors que les IPA doivent travailler en coordination autour d’une patientèle, par exemple dans une maison de santé, avec un logiciel commun et, surtout, avec le médecin généraliste traitant et un protocole de coopération entre eux, afin que l’équipe médecin-IPA voie davantage de patients.
Les IPA en formation que j’ai rencontrés souhaitent travailler dans une MSP en coordination avec un médecin, et non dans le cadre d’une CPTS.
Je voudrais donc féliciter Mme la rapporteure, qui a pu, en commission mixte paritaire, faire modifier le texte dans le sens d’un fonctionnement pragmatique et utile au sein de structures véritablement coordonnées, centre de santé ou maison de santé.
Nous saluons donc le retrait des CPTS du champ d’application de l’accès direct aux IPA.
L’intervention du masseur-kinésithérapeute aurait dû rester soumise à l’adressage préalable d’un médecin, mais, dans la version issue des travaux de la commission mixte paritaire, l’accès direct est limité à huit séances par an, ce qui peut être utile.
Là encore, nous saluons le retrait des CPTS du champ d’application de l’accès direct.
Lors de l’examen du texte en première lecture, nous avions proposé d’autoriser les masseurs-kinésithérapeutes intervenant en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) à renouveler une fois la prescription de séances, après avis du médecin traitant ou du médecin coordonnateur.
Pour ce qui est de l’extension du champ de compétences des infirmiers à la prise en charge des plaies, notamment pour prescrire des examens complémentaires, nous pensons toujours qu’une telle prescription devrait s’accompagner d’un avis préalable du médecin traitant. En effet, une plaie chronique peut être le signe d’une pathologie devant être prise en charge par un médecin, comme un trouble artéritique ou une mauvaise contention effectuée sur une insuffisance veineuse.
Il en est de même de l’accès aux pédicures-podologues des patients diabétiques : un besoin très fréquent de séances, au-delà d’une fois par trimestre, peut traduire chez eux la nécessité de consulter un médecin.
Nous saluons le maintien, dans le texte de la CMP, des nouvelles compétences octroyées aux assistants dentaires dits de niveau 2, ainsi qu’aux opticiens.
L’accès direct aux orthophonistes a été maintenu. Nous y étions favorables, compte tenu du type de prise en charge très ciblé que ces professionnels sont amenés à faire, et parce qu’ils constituent une profession formée au diagnostic.
Je soutiens largement la possibilité étendue de renouvellement des prescriptions par le pharmacien pour le traitement des pathologies chroniques, ainsi que la possibilité de vaccination sous leur responsabilité. Le maintien de l’expérimentation autorisant les pharmaciens biologistes à pratiquer des prélèvements dans le cadre du dépistage du cancer du col de l’utérus est une belle avancée.
Selon moi, nous aurions pu aller plus loin dans l’extension des compétences du pharmacien. J’avais d’ailleurs proposé que les pharmaciens puissent participer aux prescriptions dans le cadre du sevrage tabagique, des examens cytobactériologiques des urines et du traitement de la cystite, en informant le médecin.
Les professionnels de santé doivent travailler ensemble et en coordination, et la place du médecin doit rester centrale dans le parcours de soins du patient, car c’est lui qui détient la compétence en matière de diagnostic. C’est ce sur quoi repose la sécurité tant de la prise en charge du patient que de l’activité des professionnels de santé.
Monsieur le ministre, cette proposition de loi a été heureusement améliorée par le Sénat et par Mme la rapporteure, et elle permettra aux IPA et aux médecins, et à l’ensemble des professionnels de santé, de travailler ensemble, en cohérence et en coordination, dans les formes les plus intégrées d’exercice coordonné, et ainsi, de gagner du temps pour voir plus de malades.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cette proposition de loi ainsi améliorée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, je veux prendre le temps de remercier les membres de la commission mixte paritaire de leur travail. Les conclusions de cette commission comportent des avancées que notre groupe avait portées. Néanmoins, nous restons critiques sur d’autres points.
Commençons par les avancées.
Premièrement, je me réjouis que le texte prévoie l’accès aux masseurs-kinésithérapeutes sans diagnostic préalable et sans prescription. Cela facilitera sans aucun doute la vie de nos concitoyennes et concitoyens, en rendant plus simple la prise des rendez-vous.
Deuxièmement, et dans la même veine, nous saluons l’accès direct aux IPA. Leur permettre de prescrire des produits médicaux soumis à prescription médicale obligatoire me semble une mesure utile. Toutefois, nous souhaitons rappeler que c’est le médecin qui coordonne les soins des patientes et patients.
Troisièmement, les pharmaciens et pharmaciennes biologistes pourront désormais dépister le cancer du col de l’utérus, ce que nous saluons. Avec la vaccination, le dépistage est le moyen le plus efficace pour lutter contre ce cancer, mais moins de 60 % des personnes concernées se font dépister. Je me demande simplement pourquoi cette mesure, bienvenue sur le fond, ne nous a été soumise qu’aujourd’hui…
Enfin, nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait supprimé l’article qui prévoyait des sanctions financières pour chaque rendez-vous médical manqué. Bien entendu, comme je l’avais dit, il faut honorer ses rendez-vous, et nous devons faire en sorte qu’un créneau qui ne sera pas utilisé puisse bénéficier à d’autres. Toutefois, le dispositif prévu allait pénaliser de manière disproportionnée des publics déjà précaires, et donc les éloigner encore davantage du soin, ce qui est à l’opposé de l’objectif.
Comme je l’ai dit, ce compromis comprend aussi des dispositions critiquables. C’est le cas de l’encadrement des effectifs des assistantes et assistants dentaires. D’une part, le texte leur accorde davantage de compétences : ils et elles pourront désormais contribuer aux actes d’imageries à visée diagnostique, comme les radios, aux actes prophylactiques, aux actes orthodontiques et aux soins postchirurgicaux. D’autre part, le compromis prévoit qu’il ne pourra pas y avoir plus d’assistantes et d’assistants dentaires qu’il y a de chirurgiennes-dentistes et de chirurgiens-dentistes dans un établissement.
Bien évidemment, il faut éviter la dérive de la montée en compétences. Et nous sommes tous d’accord pour dire qu’il ne serait pas bon que des structures emploient presque uniquement des assistantes et assistants dentaires. Cela aurait un effet délétère sur la qualité des soins. Toutefois, il faut aussi penser à la charge de travail des assistantes et assistants dentaires. Ils et elles auront plus de travail, comme le texte leur accorde plus de compétences, sans aucune contrepartie.
Cette contradiction relève d’un problème général, malheureusement inhérent à ce texte. La solution proposée, au fond, est de faire monter en compétences toutes les personnes qui constituent la colonne vertébrale de notre système de santé, mais sans améliorer en rien leurs conditions de travail, et sans les payer un euro de plus.
Or le problème de notre système de santé, ce sont des années et des années de sous-investissement. Le résultat est que nous manquons cruellement de professionnels de santé. Alors que nous en comptons 58 pour 1 000 personnes, on en dénombre 84 aux Pays-Bas, 90 au Danemark et 111 en Norvège, soit deux fois plus.
Nous pouvons donner plus de responsabilités à toutes ces personnes qui sont déjà là, qui se lèvent tôt, qui travaillent la nuit et les jours fériés, mais ces efforts seront vains sans amélioration des conditions de travail, sans revalorisation des salaires et sans investissement dans les soins en général.
Au lieu de leur demander de faire toujours plus, de soigner plus vite, plus efficacement, il faut s’attaquer au sous-investissement chronique dans notre système de santé. Il faut accélérer les formations, embaucher plus de professionnels de santé, améliorer leurs conditions de travail et, enfin, leur verser une juste rémunération.
Mettre davantage de pression sur des personnes qui ne sont ni plus nombreuses ni mieux payées n’améliorera ni l’accès aux soins ni la confiance. Celle-ci se fonde plutôt, par exemple, sur la possibilité d’avoir accès facilement à du Sabril contre l’épilepsie de son enfant ou de trouver rapidement un médecin quand on en a besoin, et pas trois mois plus tard. Elle se fonde aussi sur la certitude que l’accès à la pilule abortive n’est pas en danger en France, que les tensions d’approvisionnement seront résolues et que le Gouvernement a pour objectif de bâtir un système de santé fondé sur les besoins et non sur les coûts.
Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra.
Mme la présidente. La parole est à M. Abdallah Hassani, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Abdallah Hassani. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous l’inquiétude des Français face aux difficultés d’accès aux soins. Cette inquiétude est réelle partout, même si certains territoires sont particulièrement touchés. Dans mon département, Mayotte, il y a moins de 50 médecins généralistes pour plus de 300 000 habitants.
Nous manquons de professionnels de santé et la transition démographique médicale risque d’accentuer la pénurie. Il est plus que jamais indispensable de valoriser les professions paramédicales tout en rassurant les médecins sur l’exercice de leur compétence et de leur diagnostic.
L’accord de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi est donc très bienvenu. Il en résulte un texte pertinent, équilibré, qui, s’il ne répond, certes, pas à tous les défis, permet d’avancer de façon consensuelle et pragmatique. Il favorise les synergies, partage les tâches au bénéfice des praticiens et des patients. Il permet un accès direct aux IPA et aux masseurs-kinésithérapeutes exerçant à l’hôpital, en clinique, dans un établissement social ou médico-social ou, en ville, dans une maison ou un centre de santé. En outre, pendant cinq ans, dans six départements, dont deux d’outre-mer, l’accès direct au sein d’une CPTS sera expérimenté. L’accès direct aux orthophonistes est également facilité, y compris dans le cadre d’une CTPS si le projet de santé le prévoit.
Toujours pour faciliter le parcours des patients, le texte élargit les compétences des IPA, infirmiers, assistants dentaires, pédicures-podologues, orthoprothésistes et opticiens lunetiers. Les pharmaciens pourront renouveler une ordonnance expirée pour le traitement d’une pathologie chronique et pratiquer des prélèvements dans le cadre du dépistage du cancer de col de l’utérus.
La profession de préparateur en pharmacie est réformée. Ces préparateurs pourront administrer des vaccins et effectuer des tests rapides d’orientation diagnostiques. Enfin, les assistants de régulation médicale sont reconnus comme profession de santé.
Un consensus s’est fait autour d’un principe de responsabilité collective des professionnels de santé pour la permanence des soins. Les efforts seront partagés par toutes les structures et tous les soignants, pour ne pas priver de soins les malades.
Parfois, le consensus n’a pas été possible. Je pense aux rendez-vous non honorés auprès des médecins et des professionnels de santé, ainsi qu’à la revalorisation de l’engagement territorial des médecins. Les réflexions vont néanmoins se poursuivre. Comme l’a dit le Président de la République le 26 avril, lors d’une visite d’une maison de santé à Vendôme, l’objectif est de « continuer ce qui a été lancé ».
Former davantage de médecins prendra des années. Priorité est donc donnée aux délégations d’actes. La Première ministre, au-delà des mesures déjà mises en œuvre, vient de réaffirmer sa volonté d’apporter des réponses rapides et concrètes à l’une des préoccupations majeures des Français. Un décret va donner davantage de marges de manœuvre aux agences régionales de santé pour adapter les règles à la réalité des territoires. Une attention toute particulière sera accordée aux conditions d’exercice des professionnels de santé : logement, sécurité, mobilité. Le travail sera mené avec les élus ; nous en avons l’assurance.
Le ministre délégué chargé des comptes publics, Gabriel Attal, a confirmé que le Gouvernement souhaite créer un mécanisme permettant de sanctionner les absences à un rendez-vous médical, par un remboursement minoré du rendez-vous suivant. Respecter un rendez-vous médical, ne pas en priver une personne qui cherche en vain à être soignée, c’est aujourd’hui un acte citoyen.
Le groupe RDPI votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre système de santé est à la dérive, et la multiplication de propositions de loi n’est probablement pas le traitement idoine. Alors que nous examinons ce texte, une nouvelle proposition de loi visant – je vous le donne en 1 000 ! – à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels sera déposée avant l’été. La novlangue, elle, se porte bien.
Monsieur le ministre, le manque d’une loi sur la santé devient criant. Avec ce texte, le Gouvernement a notamment souhaité répondre à la pénurie de médecins généralistes par de nouveaux partages de tâches.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain reconnaît depuis longtemps l’opportunité de ces partages nouveaux, à condition que ceux-ci soient articulés au sein d’un parcours de soins, et qu’ils garantissent un haut niveau de compétences, conditions sine qua non d’une prise en charge assurant l’égalité des soins.
Le texte initial était loin de l’équilibre. L’appel à manifester, inédit, d’un ordre professionnel en est une illustration. La marche était donc haute et, pourtant, un consensus a pu être trouvé en commission mixte paritaire – et je m’en réjouis – sur le fondement du texte amendé par le Sénat. Même, alors que les rapporteures avaient indiqué lors de l’ouverture des travaux de la commission mixte paritaire que les conditions d’un accord n’étaient pas réunies, c’est un travail parlementaire concret, un travail de fond, qui a permis de faire émerger un compromis satisfaisant, notamment pour l’accès direct aux IPA. Quand le travail parlementaire est respecté, il est fructueux !
Ainsi, les infirmières, orthophonistes, kinésithérapeutes, pharmaciens biologistes, pédicures-podologues, assistants dentaires et opticiens-lunetiers se verront dotés de compétences nouvelles. Le rôle pivot du médecin généraliste a été préservé. Les dispositions inadaptées, et donc inefficientes ont été retirées. Désormais, cette proposition de loi est globalement équilibrée. Elle ouvre de nouveaux partages de tâches sans désorganiser les parcours de soins.
Pour cette raison, notre groupe votera en faveur de ce texte.
Comme je l’indiquais préalablement, cette proposition de loi demeure cependant parcellaire.
Un de ses angles morts les plus saillants concerne la question de la formation. Aussi longtemps que les moyens manqueront, la pénurie de médecins persistera – nous n’en formerons pas assez – et le déploiement des IPA restera théorique. Il est inutile de se concentrer à l’excès sur le cadre législatif de ce déploiement sans en assurer la réalité. La réalité, c’est que ce texte permet le déploiement de plusieurs milliers d’IPA en ambulatoire. Monsieur le ministre, en assurerez-vous les conditions ?
Enfin, le parcours législatif de cette proposition de loi illustre bien la nécessité d’une véritable concertation avec les corps intermédiaires et les professions concernées. En miroir, il illustre aussi l’impasse des propositions et des décisions technocratiques ou brutales, d’où qu’elles proviennent. Les injonctions ne font pas une politique. Tout au plus, certaines masquent des échecs… De ce point de vue, la proposition de loi à venir, que je citais, porte de nouveau des mesures inutilement clivantes et potentiellement contre-productives.
Monsieur le ministre, recherchons les voies d’accord et négocions ! La loi n’est pas un bâton qu’on brandit face à des professionnels qui, inévitablement, se braquent. Après l’échec cinglant des négociations conventionnelles, il est plus qu’urgent que la majorité et le Gouvernement changent définitivement de méthode face à ces professionnels. Ainsi, la priorité accordée à la santé amènera une nouvelle politique associant étroitement l’ensemble des acteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu’au banc des commissions.)