M. le président. Je mets aux voix l’article 1er B, modifié.
(L’article 1er B est adopté.)
Après l’article 1er B
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 3142-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … ° Pour la survenue d’une interruption spontanée de grossesse pour la mère et pour le père et, le cas échéant, pour le conjoint ou la personne vivant maritalement avec la mère ou la personne liée à elle par un pacte civil de solidarité. » ;
2° Après le 6° de l’article L. 3142-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … ° Trois jours pour la survenue d’une interruption spontanée de grossesse. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Bien qu’il s’agisse, le plus souvent, d’une expérience traumatisante, et alors même qu’on estime – cela a déjà été rappelé – qu’une femme sur dix a vécu une fausse couche, ce traumatisme reste aujourd’hui, malgré tout, un véritable tabou en France.
Pour les futurs parents, cette épreuve est souvent un drame silencieux dont les douleurs sont vécues dans l’ombre. Nous l’avons dit, un mois après l’interruption spontanée de leur grossesse, 24 % des femmes souffrent d’une anxiété modérée à sévère ; 11 % d’entre elles, d’une dépression. S’il ne faut ni généraliser les douleurs ni dramatiser les expériences, il n’en demeure pas moins nécessaire d’informer et d’accompagner les couples, et en particulier les femmes ; je pense que cela fait l’unanimité sur nos travées.
L’accompagnement psychologique est un premier pas ; nous proposons de lui associer l’ouverture d’un congé spécifique de trois jours pour la survenue d’une fausse couche, à destination de la mère ou des parents concernés.
Ce congé serait un moyen de reconnaître officiellement la perte engendrée par une fausse couche et les conséquences psychologiques pour les personnes traversant cette épreuve.
L’article L. 3142-1 du code du travail donne droit, dans sa rédaction actuelle, à un congé pour les mariages, les naissances, le décès d’un proche, mais aussi l’annonce de la survenue d’un handicap, d’une pathologie chronique ou d’un cancer chez un enfant. Y ajouter un congé en cas de survenue d’une fausse couche nous paraît donc possible, utile et nécessaire.
Dans la mesure où ce congé serait ouvert autant pour la femme que pour son ou sa partenaire, il ne créerait pas de risque de discrimination pour les femmes, mais permettrait d’offrir aux personnes affectées un peu de temps pour s’en remettre, physiquement sinon mentalement.
Enfin, ce congé favoriserait l’avancée vers une plus grande égalité au sein du couple et une déconstruction des rôles et des tâches, en permettant au conjoint, quel que soit son genre ou son statut, de s’impliquer tout au long des événements liés à la grossesse et de se sentir directement concerné dans les hauts comme dans les bas, si je puis m’exprimer ainsi. Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 3142-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Pour la survenue d’une interruption spontanée de grossesse au sein de son couple. » ;
2° Après le 6° de l’article L. 3142-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Trois jours pour la survenue d’une interruption spontanée de grossesse au sein de son couple. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je défends cet amendement au nom de ma collègue Mélanie Vogel, qui n’a toujours pas retrouvé sa voix…
Plusieurs questions doivent être posées. Une fausse couche est-elle une maladie ? Non. A-t-on le droit de se poser et de se reposer après une fausse couche ? Oui, tout à fait, parce qu’une fausse couche est parfois traumatisante, même si ce n’est pas systématique. Pourtant, aujourd’hui, en France, une femme qui a subi une fausse couche doit prétendre être malade si elle veut se reposer, car elle n’a qu’une option : l’arrêt maladie. Cette fausse assimilation de la fausse couche à une maladie constitue une barrière pour les femmes, alors que certaines auraient besoin, tout simplement, de se reposer après cet événement qui peut être extrêmement bouleversant. Il ne faudrait pas qu’elles aient à mentir en déclarant être malades : elles ne le sont pas, non plus que leur partenaire : elles ont simplement besoin de temps face à cet événement.
Dès lors, pour alléger la charge qui pèse sur elles, il suffirait de créer un congé spécial en cas de fausse couche, qu’elles prendraient si elles le souhaitent, bien sûr. La femme pourrait demander ce congé spécial plutôt que de devoir prétendre être malade ; son ou sa partenaire pourrait tout autant en bénéficier, ce qui permettrait par ailleurs, comme l’a relevé Laurence Cohen, de déconstruire les rôles, parce que lui aussi est affecté par cet événement.
En la matière, comme je l’ai rappelé en discussion générale, d’autres pays, y compris des pays européens, ont de l’avance sur nous. Depuis peu, un tel congé figure aussi dans une convention collective en France, la convention Syntec.
Nous proposons donc de modifier la loi pour permettre à toutes les femmes salariées de demander ce congé spécial après une fausse couche. Nous pensons que c’est important pour lever ce non-dit, afin que les femmes qui veulent le dire ne soient pas obligées de passer par un faux arrêt maladie.
Il faut laisser aux femmes, ainsi qu’à leur partenaire, le choix d’y avoir recours ou non. Notre amendement, comme celui qu’a défendu Laurence Cohen, vise donc à créer un congé spécial de trois jours pour les personnes et les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse.
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° L’article L. 3142-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Pour la survenue d’une interruption spontanée de grossesse. » ;
2° Après le 6° de l’article L. 3142-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Trois jours pour la survenue d’une interruption spontanée de grossesse. »
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Notre amendement a bien sûr le même objet que ceux que viennent de défendre mes collègues. Nous considérons en effet qu’il y a urgence à « dépathologiser » la fausse couche et à la reconnaître à son juste titre : ce n’est pas une maladie au sens propre du terme, sauf cas exceptionnel, mais une perte.
Certes, des femmes préféreront bénéficier d’un congé maladie par souhait de ne pas révéler leur grossesse ; cela peut évidemment se comprendre, dans la mesure où le projet d’enfant est, aujourd’hui encore, source de discrimination dans le monde de l’entreprise. Mais nous croyons qu’il est indispensable de leur laisser le choix de prendre ce congé de trois jours que nous proposons d’instaurer, au titre non pas de la maladie, mais d’un accident de la vie. L’instauration d’un congé pour fausse couche permettra aux patientes qui le souhaitent de ne pas dépendre de leur médecin pour avoir accès au congé.
On l’a dit et répété, les fausses couches peuvent être vécues comme traumatisantes, ou en tout cas avoir des conséquences psychologiques lourdes. Dès lors, proposer un congé spécifique pour fausse couche, c’est être à la hauteur de la douleur physique et psychologique liée à l’échec du projet d’enfant ; créer ce congé, c’est créer un droit automatique qui n’a pas à être négocié, qui peut être choisi ou écarté, mais qui représente une liberté et une protection pour les femmes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martin Lévrier, rapporteur. Au contraire de l’arrêt maladie sans jour de carence prévu par le texte, ces amendements visent tous trois à instaurer un congé pour événement familial d’au moins trois jours ; comme il serait financé par l’employeur, celui-ci serait informé des motifs de l’arrêt de travail.
Seul le champ des bénéficiaires distingue les dispositifs de ces amendements. L’amendement n° 15 rectifié, de Mme Poumirol, l’ouvre aux femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse ; l’amendement n° 17 rectifié, de Mme Vogel, également aux couples dans la même situation ; l’amendement n° 3 rectifié, de Mme Cohen, au père, à la mère et à l’éventuel partenaire de la mère.
Or révéler son interruption spontanée de grossesse à son employeur pourrait, bien malheureusement, exposer les personnes qui y sont confrontées à des discriminations supplémentaires, pour raisons familiales, en dévoilant un désir réel ou supposé de parentalité. La commission a exprimé sa préoccupation pour l’égalité professionnelle, qui passe ici par la garantie de la discrétion professionnelle, comme l’ont révélé les auditions que nous avons conduites.
En ce sens, il nous apparaît précipité de généraliser ce congé dès aujourd’hui. Attendons, avant de trancher ce débat, d’avoir un bilan de l’instauration d’un tel congé dans certaines branches professionnelles, à l’image de la branche Syntec, qui applique, ce que je salue, ce congé automatique depuis le 1er mai.
C’est pour ces raisons que la commission, qui avait déjà rejeté un amendement similaire lors de son examen du texte, a émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. Bien sûr, vivre une interruption spontanée de grossesse est une épreuve pour la femme et pour le couple, une épreuve qui peut susciter un temps d’arrêt de travail.
Il n’est pas opportun de figer la durée de cet arrêt de travail, car elle doit s’adapter aux besoins de chaque femme, mais aussi être fixée en fonction de l’évaluation qu’en fait le professionnel médical qui le prescrit.
C’est pour mieux prendre en compte ces situations qu’un régime d’indemnisation spécifique figure dans le présent texte, qui prévoit une indemnisation totale, sans perte, de cet arrêt de travail.
Autre élément important de la proposition de loi : sa rédaction garantit la confidentialité vis-à-vis de l’employeur. Celui-ci n’aura donc pas à connaître le motif pour lequel la femme est arrêtée. Il s’agit d’un enjeu particulièrement important en matière d’égalité professionnelle : la femme doit rester libre d’informer son employeur d’une grossesse en cours ou d’un projet de grossesse, quand elle le choisit.
En complément de ce nouveau dispositif légal, les partenaires sociaux peuvent, par accord collectif, marquer leur volonté de contribuer au développement d’un environnement de travail permettant une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Ils ont un rôle à jouer en tant qu’acteurs clés de cette conciliation.
On constate aussi que les entreprises investissent davantage les thèmes de la parentalité et des aidants. Il faut saluer ces initiatives et faire confiance aux partenaires sociaux.
Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Bien entendu, le congé que nous proposons n’est pas obligatoire.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous dites qu’il faut évaluer les effets de ce congé dans la branche Syntec. Je veux à ce propos rappeler que, dans les entreprises, les femmes déclarent en général leur grossesse dès la fin du troisième mois afin de bénéficier de la réduction du temps de travail – d’une heure par jour, ou d’une journée toutes les deux semaines – qui leur est offerte par le droit du travail.
Pour une fois, je vais faire comme Mme Gruny, je vais parler de mon expérience professionnelle : j’ai dirigé une association où travaillaient essentiellement des femmes, puisqu’elle regroupait des aides à domicile et des aides-soignantes. Or 100 % des femmes avaient recours à ce droit et déclaraient leur grossesse ; personne ne renonçait à cette réduction du temps de travail par crainte de subir une discrimination.
Alors, monsieur le rapporteur, si vous voulez faire une bonne évaluation, vous n’avez pas besoin d’attendre les résultats de la branche Syntec, où ce congé n’est offert qu’à partir de ce mois-ci ; évaluez plutôt le recours à la réduction du temps de travail pour les femmes après le troisième mois de grossesse.
Ce que nous proposons n’est ni obligatoire ni exclusif d’un arrêt maladie. Si elles veulent, s’il y a des interrogations médicales, ces personnes pourront d’ailleurs prendre plus que trois jours de congé. Mais c’est important.
Avec Mme Cohen, nous disons que ce congé doit être offert au couple. Aujourd’hui, le ou la partenaire de la femme victime d’une fausse couche ne peut pas aller voir le médecin et obtenir un arrêt à ce titre. Le congé maladie est individuel, mais un tel événement affecte le couple. Nous proposons donc un congé spécial pour le couple, de nature tout à fait différente.
Il ne faut pas prendre de retard sur de telles choses ; vous savez, mes chers collègues, rien n’empêche une idée dont le temps est venu. Le temps est venu d’un tel congé, nous prendrons du retard si nous ne l’adoptons pas.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Merci, monsieur le rapporteur, madame la ministre, pour vos explications, mais je trouve qu’il y a un paradoxe.
Si l’on examine aujourd’hui ce texte, c’est parce que l’on considère qu’il faut faire en sorte que la fausse couche ne soit plus un tabou ; il faut accompagner les femmes qui subissent ce traumatisme, mais aussi, au-delà de ces femmes, le couple, la famille, parce qu’on sait que cet événement affecte tout le monde.
Pourtant, au moment de l’examen de ces amendements, on recule, on se récrie : les femmes vont devoir révéler le motif de leur congé, elles vont s’en trouver discriminées. Je ne comprends pas bien : actuellement, comme je l’ai rappelé dans ma présentation de l’amendement, l’article L. 3142-1 du code du travail donne déjà droit à un congé pour mariage, naissance, décès, ou survenue d’un handicap, d’une pathologie chronique ou d’un cancer chez un enfant. Pour tout cela, il n’y aurait pas de honte, pas de sujet tabou, mais pour une fausse couche, si !
Je pense quand même, mes chers collègues, qu’on marche un peu sur la tête. Il faudrait parfois réfléchir à essayer d’aller un peu plus loin. Si vous avez vraiment peur des conséquences que notre proposition pourrait avoir, alors, faisons comme souvent dans cet hémicycle : tentons une expérimentation !
Un dernier argument : le congé que nous proposons n’est pas une obligation ; c’est un droit. Chacun et chacune pourrait le prendre ou non. On ne peut pas être timoré face à de tels amendements ; j’encourage donc notre assemblée à les voter.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 279 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 90 |
Contre | 253 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par M. Lévrier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 1225-4-2, il est inséré un article L. 1225-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1225-4-…. – Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée pendant les dix semaines suivant une interruption spontanée de grossesse médicalement constatée ayant eu lieu entre la quatorzième et la vingt-et-unième semaine d’aménorrhée incluses.
« Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’interruption spontanée de grossesse. » ;
2° À l’article L. 1225-6, après la référence : « L. 1225-4 », est insérée la référence : « , L. 1225-4-… ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Martin Lévrier, rapporteur. Le présent amendement vise à créer une protection de dix semaines contre le licenciement à destination des salariées confrontées à une fausse couche tardive, c’est-à-dire à une interruption spontanée de grossesse entre la 14e et la 21e semaine d’aménorrhée incluses, soit moins de 1 % des grossesses. Cette protection ne couvrirait pas les cas de force majeure ou de faute grave de la salariée.
Compte tenu des répercussions psychologiques qui peuvent survenir à la suite de la perte d’un fœtus après la quatorzième semaine d’aménorrhée, ainsi que des discriminations associées au désir réel ou supposé de parentalité qu’elle peut révéler à l’employeur, une telle protection apparaît justifiée.
L’adoption de cet amendement permettra également de rapprocher le droit applicable aux fausses couches tardives de celui qui régit de nombreuses situations ayant trait à la grossesse ou à la perte d’un fœtus pour lesquelles la loi prévoit déjà des protections contre le licenciement : grossesse, naissance récente, congé maternité, ou encore perte de grossesse après la 22e semaine.
Il revient donc bien ici à la loi de compléter les protections existantes afin de limiter les effets de seuil : aujourd’hui, une grossesse arrêtée à 22 semaines d’aménorrhée moins un jour ne donne lieu à aucune protection, alors qu’une interruption de grossesse à compter de la 22e semaine donne droit à une protection pour 26 semaines au minimum. Une telle différence de traitement apparaît disproportionnée par rapport à la différence de situation dont elle découle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, qui vise à mieux protéger la femme confrontée à une fausse couche tardive, c’est-à-dire une interruption de grossesse dans une période particulièrement éprouvante, en instituant une protection contre le licenciement de cette salariée au cours des dix semaines suivant cet événement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er B.
L’amendement n° 22, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 312-16 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elles sensibilisent également aux risques liés à la grossesse, notamment en matière de fausse couche, ainsi qu’aux moyens de les prévenir. »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement vise à intégrer les sujets de la grossesse et des risques associés – notamment en matière de fausse couche – aux cours d’éducation à la santé sexuelle et reproductive. Il est en effet primordial de sensibiliser les élèves à ces sujets.
Dans une tribune, le collectif « Fausse couche, vrai vécu » soulignait : « Subir un arrêt naturel de grossesse […], c’est recevoir des injonctions à aller de l’avant (“Au moins, tu sais que ça fonctionne !”, “Ce sera pour la prochaine fois.”) […]. C’est s’apercevoir que personne n’a appris à accueillir une telle annonce. »
Les femmes sont parfois rendues responsables des pertes de grossesse précoces qu’elles subissent, à coups d’idées préconçues, au travers de phrases telles que : « Tu étais stressée » ; « Tu aurais dû te reposer » ; « Tu n’étais pas prête » ; « Mais qu’as-tu fait ? » ; « Tu le voulais vraiment ? »…
L’association dénonce le manque d’information à l’école et de vulgarisation scientifique, responsable de la culpabilisation des femmes qui subissent une perte de grossesse précoce, autant que du passage sous silence de cet événement – et, nous venons de le voir, cela ne va pas s’améliorer.
Ainsi, l’association appelle à intégrer aux cours d’éducation à la sexualité, dès le collège, un enseignement sur les arrêts naturels de grossesse, leurs causes et leurs manifestations concrètes et corporelles.
J’ai bien compris que seulement 10 % des trois séances d’éducation à la sexualité prévues annuellement sont dispensées dans la pratique. Nous ne demandons pas pour autant que la durée de cet enseignement soit réduite à une demi-journée au lieu de trois. S’il faut tenir compte de l’offre, nous devons faire en sorte que ces trois séances soient dispensées au cours du cycle scolaire et qu’elles intègrent cette question.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martin Lévrier, rapporteur. Je partage pleinement le constat qui sous-tend cet amendement : l’information et la sensibilisation autour des interruptions spontanées de grossesse sont largement insuffisantes.
J’estime également nécessaire de mieux intégrer les interruptions spontanées de grossesse dans le tronc commun de connaissances dispensées dans l’enseignement secondaire – les auditions que nous avons menées l’ont bien montré.
Toutefois, le moyen retenu par les auteures de cet amendement n’est pas apparu le plus adéquat aux yeux de la commission.
En effet, les séances d’éducation à la sexualité, dont le programme – déjà particulièrement chargé – inclut la sexualité, les violences sexistes et sexuelles et les mutilations sexuelles, n’ont pas été pensées pour englober, au surplus, les divers aspects de la grossesse.
L’objet de ces séances est de former les élèves, dans une approche moins académique, à la découverte de la vie sexuelle, que tous ne peuvent pas sereinement aborder à la maison.
L’interruption spontanée de grossesse gagnerait plutôt à faire l’objet d’une formation académique, intégrée dans les programmes de sciences de la vie et de la terre au collège, puis au lycée. Une telle formation, plus rigoureuse scientifiquement, semble mieux à même de répondre aux idées préconçues inexactes qu’évoque le collectif « Fausse couche, vrai vécu » dans sa tribune.
Les programmes scolaires relevant du domaine réglementaire, il appartiendra au ministre de l’éducation nationale de saisir le Conseil supérieur des programmes pour étudier l’opportunité de renforcer la place qui y est consacrée aux interruptions spontanées de grossesse.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Isabelle Rome, ministre déléguée. Je me suis déjà exprimée au sujet de l’éducation à la sexualité. Je précise que la rédaction actuelle de l’article L. 312-16 du code de l’éducation promeut déjà une approche globale bienveillante de la sexualité, quel que soit le sujet – santé sexuelle, reproduction, etc. – et inclut, de fait, les risques liés à la grossesse.
Comme je l’ai indiqué, nous travaillons à rendre plus effective l’éducation à la sexualité.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre, comme vous l’aviez fait plus tôt en réponse à Annick Billon, vous affirmez votre volonté de modifier et de mettre en œuvre le programme de l’éducation à la sexualité, mais je vous rappelle qu’il s’agit d’un apprentissage relatif à la vie sexuelle, mais aussi reproductive.
Dans ce cadre, la grossesse, menée à terme ou non, fait partie de cet enseignement. Sans trop en faire sur les interruptions spontanées de grossesses – nous nous adressons à des adolescents et des adolescentes –, je crois que la question doit être abordée.
Ce que nous vous demandons, madame la ministre, c’est que le ministère de l’éducation nationale fasse tout pour que l’ensemble des adolescents, et non seulement 10 % d’entre eux, profitent de cette formation, laquelle doit être aussi bienveillante et large que possible et intégrer tous les thèmes à la fois de la sexualité et de la reproduction.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’abonde dans le sens de ma collègue : il s’agit d’éducation sexuelle et reproductive. Nous ne sommes donc pas hors sujet, monsieur le rapporteur.
Madame la ministre, vous estimez que cet amendement est satisfait ; j’ai été tentée de vous croire et de le retirer, mais je le maintiendrai toutefois en espérant que, s’il n’est pas adopté, vous ayez en effet raison.