M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, je vous propose de présenter en même temps mes trois amendements nos 13 rectifié, 16 rectifié et 14 rectifié bis afin de gagner du temps – j’essaierai même d’ajouter un commentaire.
Je me félicite de la rédaction proposée par la commission pour les articles 8 et 9. Je précise qu’il s’agit non pas toujours d’une question de moyens, mais de choix d’orientation et d’affectation, y compris de choix entre un poste de professeur devant des élèves ou un autre type de poste.
Les trois amendements tendent à l’ajout de précisions complémentaires.
L’amendement n° 13 rectifié fixe à deux mois le délai dans lequel le conseil municipal doit rendre son avis. L’amendement n° 16 rectifié établit à huit élèves le seuil à partir duquel une fermeture de classe peut être envisagée. Quant à l’amendement n° 14 rectifié bis, il prévoit une information renforcée en direction des parents d’élèves, au-delà de l’affichage qui peut être fait dans la mairie et les salles de classe.
Je n’ai pas pu prendre la parole sur l’article 7 ter, aussi je profite des quelques instants qui me restent pour remercier la commission d’avoir pris en compte un de mes amendements pour intégrer dans le texte que l’égalité des chances passe par le respect de la personne, des élèves et des étudiants.
Cet amendement me permet de rebondir sur un point qui n’a absolument pas été évoqué ce soir et qui ne le sera pas – les amendements que j’avais déposés sur le sujet ont été rejetés. Quand on parle d’égalité des chances et de respect des élèves et des étudiants, comment ne pas évoquer Parcoursup ? Je n’en dis pas plus.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. L’amendement n° 13 rectifié tend à allonger d’un mois le calendrier d’élaboration de la carte scolaire, ce qui entraîne des conséquences sur les mouvements de personnel : connaissance des postes, candidatures, affectations. Il est important de ne pas faire trop glisser ce calendrier vers la fin de l’année. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu un délai d’un mois.
L’avis est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, MM. Courtial et Pellevat, Mme Garriaud-Maylam, M. Détraigne, Mme Lassarade, M. Tabarot, Mmes Belrhiti et Gosselin, MM. Meurant, Belin et Burgoa, Mme Drexler, M. Saury, Mme Estrosi Sassone, MM. Bouchet, Lefèvre et Houpert, Mme Guidez, MM. Rapin, Klinger et Moga et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 6
Remplacer les mots :
aucune fermeture de classe ne peut intervenir durant les trois années suivantes
par les mots :
un moratoire est prononcé pour la prochaine année, et est reconductible une fois
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Je me félicite à mon tour que l’article 9 prévoie de solliciter les conseils municipaux lorsqu’une fermeture de classe est envisagée dans la commune. Plutôt qu’un moratoire de trois ans qui me paraît un peu excessif, je propose une autre modalité : que l’avis du conseil municipal, éventuellement défavorable, entraîne de manière automatique un moratoire d’un an, reconductible une fois.
Cette modalité de consultation me semble plus appropriée aux réalités du terrain.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Le travail sur la carte scolaire doit s’inscrire dans une perspective pluriannuelle, sans être remis en cause par un moratoire reconductible qui constituerait un élément de rigidité.
L’avis est défavorable.
Mme le président. L’amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Sautarel, D. Laurent et Burgoa, Mmes Puissat et Goy-Chavent, MM. Chaize, Babary, Bouloux et Anglars, Mme Imbert et MM. Bouchet, Sido, Houpert et Rapin, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 6
Compléter ces alinéas par les mots et une phrase ainsi rédigée :
si la classe compte au moins huit élèves à la date à laquelle est émis l’avis. Cet avis doit être pris par une délibération motivée au regard de la nécessité de garantir, notamment par un encadrement pédagogique suffisant, l’effectivité du droit à la formation scolaire de tout enfant et la poursuite dans de bonnes conditions des objectifs mentionnés à l’article L. 111-2 du code de l’éducation, mais aussi des perspectives de développement offertes au niveau de la commune.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. L’avis est défavorable, parce que les classes de moins de huit élèves sont des classes uniques : la fermeture de la classe coïncide avec la fermeture de l’école, pour laquelle un accord de la commune est nécessaire.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Sautarel. Je le retire !
Mme le président. L’amendement n° 16 rectifié est retiré.
L’amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Courtial, Mme V. Boyer, MM. Charon, Perrin, Rietmann, Mouiller, Tabarot, Guerriau, Chasseing et Menonville, Mme Lopez, MM. Allizard, Klinger et Chatillon, Mme Pluchet, MM. Regnard et H. Leroy, Mmes Dumont et Drexler, MM. Daubresse, Saury, Sido, Laménie, Cigolotti et B. Fournier, Mme Belrhiti, MM. Gremillet et Moga, Mme Garriaud-Maylam et M. Cadec, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À l’occasion de la fermeture d’une classe, une consultation est organisée à laquelle prennent part un représentant de l’État dans le département et celui de l’Éducation nationale, les sénateurs du département, le député et les conseillers départementaux du ressort de la commune, le maire de la commune et éventuellement son adjoint, les autres maires concernés en cas de regroupement scolaire et les associations de parents d’élèves, afin d’établir une perspective du nombre de classes prévues lors des trois prochaines années à l’échelle de la commune et des communes voisines. »
La parole est à Mme Sabine Drexler.
Mme Sabine Drexler. Cet amendement a été déposé par mon collègue Édouard Courtial.
L’un des fléaux pour une commune, surtout rurale avec des moyens limités, est l’incertitude qui pèse chaque année sur le devenir de ses classes, alors même que les élus mettent en place des projets pour les années à venir.
L’article 9 de la proposition de loi prévoit que, en cas de vote défavorable du conseil municipal, un moratoire pour l’année suivante soit prononcé. Cette disposition répond à l’urgence, mais ne suffit pas à améliorer la visibilité pour la commune.
Le présent amendement tend à créer un espace d’échange avec tous les acteurs afin de permettre un nécessaire travail de prospective pour les prochaines années.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. L’avis est défavorable, parce que les parents d’élèves sont déjà informés des projets de fermeture de classe. Il ne paraît pas nécessaire de l’inscrire dans la loi.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sabine Drexler. Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme le président. L’amendement n° 12 rectifié est retiré.
L’amendement n° 14 rectifié bis, présenté par M. Sautarel, Mme Goy-Chavent, MM. Saury, Burgoa et D. Laurent, Mme Thomas, MM. Milon, Anglars, B. Fournier et Frassa, Mme Dumont, MM. Mandelli et Bouchet, Mme Raimond-Pavero, MM. Cadec, Somon, de Nicolaÿ et Chaize, Mme Drexler, M. Laménie, Mmes Ventalon et F. Gerbaud, MM. Belin et Mouiller, Mmes Bellurot et Puissat, MM. Rietmann, Perrin, Babary et Bouloux, Mme Imbert, MM. Sido et Houpert, Mme Pluchet, M. Rapin et Mme Del Fabro, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice de la possibilité pour les services compétents de l’État de recourir à tout autre procédé approprié, l’information des parents d’élèves prévue dans le présent article est regardée comme effectuée dès lors qu’elle donne lieu à un affichage en mairie et dans l’école. »
II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« “Sans préjudice de la possibilité pour les services compétents de l’État de recourir à tout autre procédé approprié, l’information des parents d’élèves prévue dans le présent article est regardée comme effectuée dès lors qu’elle donne lieu à un affichage en mairie et dans l’école.” »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Sautarel. Je retire mon amendement !
Mme le président. L’amendement n° 14 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 69, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le 1° de l’article L. 421-2 du code de l’éducation est complété par les mots : « et dans les collèges, les délégués départementaux de l’éducation nationale ».
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement tend à faire siéger de droit les délégués départementaux de l’éducation nationale dans les conseils d’administration des collèges.
Nous avions voté ici au Sénat le même amendement, qui avait été ensuite rejeté en commission mixte paritaire (CMP) pour des raisons que j’ignore.
Je me permets de vous le proposer de nouveau, en espérant qu’il connaisse le même sort que lorsque nous l’avions examiné la première fois.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Le Sénat persiste et signe, et reste fidèle à sa position. Avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Les missions des délégués départementaux de l’éducation nationale portent sur le premier degré. L’adjonction de ces délégués dans les conseils d’administration des collèges et lycées n’a pas de sens, puisque leur mission ne concerne pas le second degré. Avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Un petit correctif : ces délégués siègent dans les conseils départementaux de l’éducation nationale (CDEN), qui sont aussi compétents pour les collèges. Il n’y a pas de raison de les écarter.
Je siège au CDEN de mon département et j’y vois les délégués départementaux de l’éducation nationale.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pap Ndiaye, ministre. Monsieur le sénateur, en effet, ils y siègent, mais au titre du premier degré et non du second degré.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Après l’article 9
Mme le président. Les amendements nos 3 et 7 ne sont pas soutenus.
Article 10
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa de l’article L. 111-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les personnes qui participent au service public de l’éducation sont également tenues de respecter ces valeurs. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 141-5-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La même interdiction s’applique aux personnes qui participent, y compris lors des sorties scolaires, aux activités liées à l’enseignement dans ou en dehors des établissements, organisées par ces écoles et ces établissements publics locaux d’enseignement. »
Mme le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, sur l’article.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je voulais tout d’abord remercier mon collègue Max Brisson d’avoir pris l’initiative de cette proposition de loi pour « une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité », et de m’y avoir associée, en particulier à l’article 10.
En effet, je tiens à le rappeler, le 29 octobre 2019, le Sénat votait ma proposition de loi tendant à assurer la neutralité religieuse des personnes concourant au service public de l’éducation, qui a été transmise à l’Assemblée nationale, laquelle n’a pas jugé bon de l’inscrire à son ordre du jour.
Cette même proposition a été également adoptée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République en 2021, mais a malheureusement été rejetée par l’Assemblée nationale, qui comme d’habitude est toujours dans le déni sur ces sujets.
Deux ans plus tard, où en sommes-nous, monsieur le ministre ? La laïcité est de plus en plus remise en cause. Le nombre d’atteintes à la laïcité s’est encore aggravé depuis la dernière rentrée et le port des qamis et des abayas s’est invité dans le débat – c’est une réalité. Dans les Yvelines, la semaine dernière, des lycéens ont même fait circuler une pétition pour demander l’autorisation de porter ces vêtements religieux, parce que personne ne peut contester le fait que c’est bien ce dont il s’agit.
Alors, monsieur le ministre, je voudrais profiter de cette occasion pour attirer votre attention sur cet entrisme rampant, qui fragilise le cadre scolaire aujourd’hui. Je suis désolée de vous le dire, mais votre absence de clarté et de fermeté sur ce sujet ouvre la porte à toutes les revendications communautaires.
L’école de la République doit préserver à tout prix la liberté de conscience, la laïcité, tous ces facteurs d’émancipation qui donnent un socle commun à tous les enfants de la République.
Je terminerai mon intervention par une phrase du Clemenceau : « Toute tolérance devient à la longue un droit acquis. »
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Cet article me pose problème. Monsieur Brisson, j’ai bien compris que vous proposiez d’étendre à tous les personnels participant au service public les principes de laïcité et de neutralité religieuse.
Mais vous condamnez les services d’aumônerie ! Les aumôniers sont proposés par l’éducation nationale et font partie du service public : je ne vois pas comment un aumônier peut être soumis au principe de laïcité et à la neutralité religieuse.
Pour ce qui est de l’Alsace-Moselle, c’est la même chose. L’enseignement religieux fait partie du service public, aux termes du décret du 17 mai 1881. Vous n’excluez pas l’Alsace-Moselle de ce texte. Il faut que vous m’expliquiez comment la neutralité religieuse pourrait être imposée à des enseignants de la religion. Votre texte porte atteinte à des principes essentiels.
Je trouve que vous y allez un peu fort ; personnellement, je défendrai un amendement plus anodin. Votre proposition est radicale : vous faites tomber d’un seul coup tout le droit local ! (M. Claude Kern s’exclame.)
De façon plus générale, je considère, comme mon groupe, que l’école hors les murs relève du service public de l’éducation nationale. En tant que tel, celui-ci est tout simplement assuré par du personnel de l’éducation nationale. Que les accompagnateurs soient habillés de telle ou telle manière, peu importe : il faut que les activités soient encadrées par des fonctionnaires, ce qui rend la situation plus facile pour tout le monde.
Mme le président. La parole est à M. Yan Chantrel, sur l’article.
M. Yan Chantrel. Cet article, qui dénature le principe de neutralité et le devoir de réserve, représente la quatrième offensive de la droite sénatoriale sur le sujet en quatre ans. On peut constater une véritable obsession de la part de certains collègues… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Non, c’est de la constance !
M. Yan Chantrel. Je souligne le risque d’inconstitutionnalité de la mesure. En effet, dans son étude du 19 décembre 2013, qui fait autorité, le Conseil d’État reconnaît que la loi et la jurisprudence n’ont pas identifié, outre les agents et les usagers, une troisième catégorie, celle de collaborateurs ou participants, qui serait soumise en tant que telle à l’exigence de neutralité religieuse ; les parents accompagnateurs ne sont pas considérés comme des agents auxiliaires du service public et ne sont donc pas soumis à ce principe. Autrement dit, une femme qui porte le voile peut accompagner une classe en sortie à condition qu’elle ne se livre pas à de la propagande ou à du prosélytisme, ce qui vaut pour toutes les religions.
Même s’ils peuvent parfois, pour des raisons pratiques liées aux assurances et parce qu’ils sont bénévoles, être appelés « collaborateurs occasionnels du service public », les parents n’exercent pas une mission de service public de l’éducation : celle-ci ne peut être exercée que par l’enseignant. Un parent accompagnateur de sortie scolaire aide à la logistique et non, par exemple, à commenter un tableau dans un musée lors d’une visite. Il reste un usager du service public et n’est donc pas soumis au principe de neutralité comme le sont les agents publics et tous ceux qui exercent une mission de service public. La charte de la laïcité dans les services publics exclut l’application du devoir de réserve et du principe de neutralité aux usagers.
Ce type de propositions peut avoir un effet d’engrenage : l’organisation des sorties scolaires risque d’être rendue plus difficile dans certains établissements. On affaiblit ainsi l’école en créant des obstacles à l’apprentissage et à l’ouverture au monde. On réduit l’égalité des chances. Jusqu’où irez-vous ? Imposerez-vous aussi ce principe de neutralité au conseil d’administration de l’école ? aux fêtes d’école ?
La dérive est totale…
M. Thomas Dossus. En effet !
M. Max Brisson. Nous sommes constants, parce que nous sommes désormais obligés de suppléer une gauche qui ne défend plus la laïcité dans le creuset même où celle-ci s’est développée et a construit la République. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio et M. Stéphane Piednoir. Exactement !
M. Max Brisson. Nous en sommes ainsi réduits à vous remplacer et à porter à votre place des valeurs profondément républicaines.
L’école exige depuis longtemps un degré de neutralité supplémentaire. Je suis surpris de lire dans l’objet de l’amendement du Gouvernement que la neutralité ne s’impose pas aux usagers : elle s’impose aux élèves, donc aux usagers. C’est la spécificité de la laïcité à l’école. C’est bien ce qui différencie l’école de beaucoup d’autres services publics.
Nous notons bien que vous avez abandonné, à gauche, un héritage qui était noble.
M. Thomas Dossus. N’importe quoi !
M. Max Brisson. Vous avez décidé d’emprunter d’autres voies… Pour notre part, nous conserverons cet héritage et nous le porterons haut et fort.
Il y a bel et bien une exigence de laïcité supplémentaire à l’école, un supplément d’âme, depuis les origines. Elle a été confortée par le texte de 2004 : à l’école, la neutralité s’impose aux agents et aux usagers. Nous souhaitons qu’elle s’impose à celles et à ceux qui font la classe – nous le répéterons lors de l’examen des amendements de suppression –, car une sortie scolaire n’a de raison d’être que pédagogique. Dans la classe hors les murs comme dans la classe dans les murs, il me paraît nécessaire que les enfants soient protégés de tout prosélytisme et de toute forme d’expression religieuse. La neutralité doit être la règle.
Mme le président. Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 22 est présenté par M. Dossus, Mme de Marco, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.
L’amendement n° 43 est présenté par Mme S. Robert, MM. Magner, Kanner, Antiste, Assouline, Chantrel, Lozach et Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 54 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 66 est présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 75 est présenté par M. Cabanel.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 22.
M. Thomas Dossus. Nous retombons – cela a été répété – dans une lubie idéologique de la droite à l’égard de l’éducation, mais plus globalement de la laïcité, qui est instrumentalisée en permanence à des fins discriminatoires. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est un classique !
L’article 10 vise concrètement à étendre le principe de neutralité religieuse aux accompagnantes scolaires. En effet, la droite vise les accompagnantes, puisque l’objectif est d’interdire le voile à ces personnes.
Actuellement, le port du voile, comme l’a précisé Max Brisson, est déjà réglementé par la loi de 2004 qui interdit le port de signes religieux ostentatoires aux élèves des établissements et par les articles L. 121-1 à L. 121-11 du code général de la fonction publique qui obligent les agents publics à être neutres et à ne pas manifester leurs opinions religieuses.
Les accompagnantes ne sont ni des élèves ni des agents du service public : elles sont uniquement présentes pour aider le personnel éducatif à encadrer les sorties scolaires. Elles ne prennent pas part à l’activité pédagogique en tant que telle. Au nom de quoi voulons-nous imposer des contraintes liées à une fonction à des personnes qui ne l’exercent pas ?
Je m’inscris en faux contre ce que vient d’affirmer Max Brisson sur le prosélytisme. Les textes sont très clairs : « le professeur en charge de la classe au moment de l’activité garde la responsabilité pédagogique permanente », ce qui protège les enfants face aux éventuelles interférences des parents accompagnants.
La vérité est que vous cherchez au travers de cet article et d’un texte portant sur l’école à instrumentaliser une nouvelle fois la laïcité pour discriminer nos compatriotes de confession musulmane. Un petit fumet de racisme permanent entoure vos propositions sur la laïcité. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. C’est scandaleux !
M. Thomas Dossus. La loi de 1905 est claire et robuste. La laïcité doit nous rassembler, pas nous diviser. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
Mme le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 43.
Mme Sylvie Robert. Je ne céderai pas à la provocation de Max Brisson à notre encontre. Je lui répondrai tout de même que nous avons déjà débattu quatre fois de ce sujet dans cet hémicycle. Après 2018, 2019, 2021 et 2022, la proposition de loi de notre collègue Max Brisson n’échappe pas, en 2023, à cette série.
Dès lors, qu’ajouter à ce qui a déjà été amplement développé ? En réalité, rien ! Nous avons déjà débattu de ce sujet – j’ai fait les comptes – pendant plus d’une dizaine d’heures. Nous connaissons parfaitement vos raisonnements et vos conclusions – la preuve ! – et vous connaissez parfaitement nos arguments et notre positionnement.
M. Philippe Mouiller. Vous pouvez vous rasseoir, alors…
Mme Sylvie Robert. La seule différence entre nous est de taille : le droit est de notre côté. Ne voulant pas l’accepter, vous décidez à chaque texte portant sur l’éducation de rejouer la scène comme s’il était possible d’en changer l’issue.
Mes chers collègues, malgré tous vos efforts et votre entêtement, vous ne changerez pas les conclusions du Conseil d’État. Vous ne changerez pas non plus le fait que les parents qui accompagnent les sorties scolaires sont des collaborateurs occasionnels du service public ; en conséquence, n’exerçant pas une mission de service public, ils ne sont donc pas soumis au principe de neutralité. En revanche, ils doivent bel et bien s’abstenir de provoquer tout trouble à l’ordre public et de tout prosélytisme, ce qui est évidemment essentiel.
À l’inverse de ce que vous postulez, notre droit n’est pas perméable : il est simplement équilibré, juste et conforme à la philosophie de la laïcité.
Mme le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 54.
M. Pap Ndiaye, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cette disposition, conformément à la position constante de tous ses prédécesseurs, aux observations du Conseil d’État et aux arguments de fond qui viennent d’être énoncés.
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 66.
Mme Céline Brulin. Les parents d’élèves sont des usagers du service public. Ils ne peuvent donc être soumis aux mêmes règles que celles qui s’appliquent aux fonctionnaires de l’État et aux agents des services publics.
Nous voulons tous lutter contre le séparatisme et les obscurantismes, quels qu’ils soient ; pour cela, il ne faut éloigner personne de l’école. Elle est le lieu consacré à cet objectif.
Je confirme : vous avez déjà fait revenir quatre fois en dix ans, par voie d’amendement ou de proposition de loi, cette disposition. Malgré la campagne que vous menez, la présence dans l’espace public de ce que vous considérez comme des signes religieux – ils le sont en partie – est en progression. Votre stratégie n’est donc pas tout à fait la bonne face à ce que vous prétendez combattre…
Nous savons tous ici que les citoyens préfèrent l’original à la copie. Penser reconquérir de cette manière-là le terrain politique que vous avez perdu est donc non seulement inefficace, mais aussi extrêmement dangereux. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)