Mme le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement a le même objet que mon amendement précédent. Étant défavorable à l’article 2 tel qu’il résulte des travaux de la commission, je propose de le remplacer par un dispositif portant directement sur le sujet fondamental de la laïcité.
Mme le président. L’amendement n° 57, présenté par Mme Brulin, MM. Bacchi, Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 411-1 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 411-1. – Un directeur veille à la bonne marche de chaque école maternelle ou élémentaire ; il assure la coordination nécessaire entre les maîtres. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions de recrutement, de formation et d’exercice des fonctions spécifiques des directeurs d’école maternelle et élémentaire. Le directeur de l’école préside le conseil d’école qui réunit les représentants de la communauté éducative et donne son avis sur les principales questions de la vie scolaire. La composition et les attributions du conseil d’école sont précisées par décret. La participation des parents se fait par le biais de l’élection de leurs représentants au conseil d’école chaque année. »
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Le pilotage du premier degré s’appuie sur un supérieur hiérarchique direct et un collectif de travail. Ce mécanisme a fait ses preuves. Lorsqu’il dysfonctionne, les raisons sont majoritairement étrangères à cette organisation.
La gouvernance du système éducatif a beaucoup changé ces dernières années : on est passé d’une hiérarchie qui connaissait ses équipes et impulsait des dynamiques locales à une hiérarchie donneuse d’ordre.
L’absence de statut pour les directeurs et directrices est une protection. Leur transférer de nouvelles responsabilités les placerait en extériorité du collectif de travail, coincés entre les enseignants et le corps d’inspection. Cette volonté politique d’instaurer une autorité hiérarchique dans l’école est récurrente alors même que les personnels des écoles s’y sont toujours opposés. Toutes les enquêtes, même récentes, qu’elles viennent des organisations syndicales, d’instituts de sondages ou du ministère lui-même, montrent que l’autorité hiérarchique est très majoritairement rejetée. Les équipes pédagogiques ont besoin non pas de plus d’autorité, mais de plus de moyens pour bien faire leur métier, avec une hiérarchie en soutien au quotidien et des moyens permettant de répondre aux inégalités scolaires.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. L’amendement n° 11 de M. Masson vise à remplacer le texte de l’article 2 par celui de l’article 10. Or l’article 2 est consacré aux directeurs d’école. Le débat sur les signes religieux aura lieu tout à l’heure, lors de l’examen de l’article 10. Avis défavorable.
L’amendement n° 57 tend à retirer l’autorité fonctionnelle aux directeurs d’école. Or ceux-ci sont des interlocuteurs privilégiés, aux missions diverses, auprès des équipes, des parents d’élèves, des élus locaux : l’autorité fonctionnelle leur est nécessaire et leur confère une autorité décisionnelle pour l’exercice de leurs missions administratives et organisationnelles. Avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Même avis que la commission sur l’amendement n° 11.
L’amendement n° 57 concerne l’autorité fonctionnelle des directeurs d’école, qui est largement attendue ; les organisations syndicales y étaient favorables. Or c’est au moment où nous la mettons en œuvre qu’interviendrait la modification législative proposée. Avis défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Monsieur le ministre, vous travaillez effectivement sur les décrets. Mais, contrairement à ce que vous venez d’indiquer, tous les syndicats ne sont pas, tant s’en faut, favorables à l’autorité fonctionnelle.
L’avènement de l’autorité fonctionnelle devait être assorti de décharges de classes, afin de leur laisser davantage de temps pour régler les problèmes administratifs. Mais c’est là que ça coince ! Et le rapporteur ne nous rassure pas en affirmant que le dispositif serait réservé aux plus grandes écoles, de neuf classes ou de douze classes.
Ça coince aussi sur le fait que l’ensemble des chargés d’école, qui demandent à être reconnus comme directeurs, ne le sont pas.
Ça coince encore sur des histoires d’avancement accéléré.
Le temps mis à publier les décrets en dit long sur l’opposition qui demeure. Revenons-en à ce qui existait auparavant : il n’y avait aucun dysfonctionnement.
Mme le président. L’amendement n° 2 rectifié ter, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Retailleau, H. Leroy et Tabarot, Mme V. Boyer, M. Genet, Mme Schalck, M. C. Vial, Mme Pluchet, MM. Belin et Calvet, Mmes Del Fabro, Drexler et Dumont, MM. Favreau et Laménie, Mmes Micouleau, Muller-Bronn et Noël, MM. Paccaud, Piednoir et Savin et Mme Thomas, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 131-5 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« L’autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants : » ;
2° Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° Un projet éducatif personnalisé, adapté aux capacités et au rythme d’apprentissage de l’enfant, dans le respect de son droit à l’instruction tel que défini à l’article L. 131-1-1. Dans ce cas, la demande d’autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif et l’engagement d’assurer cette instruction majoritairement en langue française. » ;
3° Au neuvième alinéa, après la deuxième phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Elle peut être demandée en cours d’année scolaire. » ;
4° Après le neuvième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans l’attente de l’avis de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, la demande d’autorisation d’instruction en famille déposée par les responsables d’un enfant bénéficie d’un accord provisoire dès le dépôt du dossier.
« Par dérogation, l’autorisation prévue au premier alinéa est accordée de plein droit, aux enfants régulièrement instruits dans la famille au cours de l’année scolaire précédente et pour lesquels les résultats du contrôle organisé en application du troisième alinéa de l’article L. 131-10 ont été jugés suffisants. » ;
5° Le quatorzième alinéa est supprimé.
La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. L’instruction en famille est une liberté fondamentale que la loi Séparatisme – pardon, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République – est venue remettre en cause sous couvert de lutte contre le séparatisme.
Commençons par un constat : 97 % de contrôles positifs en 2020, 90 % de refus en 2022 dans certaines académies. Cette loi promettait pourtant de protéger les familles qui font bien l’école à la maison et de ne s’attaquer qu’aux dérives. Finalement, dans les faits, c’est l’inverse qui se produit.
Pour garantir l’exercice de cette liberté dans le respect des choix parentaux, conformément au principe constitutionnel de la liberté d’enseignement, cet amendement tend à revenir à une formulation simple. Dans un souci de simplification administrative, les familles ayant fait l’objet donc d’un contrôle positif l’année précédente bénéficieraient d’une autorisation de plein droit.
Cet amendement vise donc à simplifier le régime de mise en œuvre pour qu’aucune famille ne soit la victime collatérale de la défaillance de l’État dans sa lutte contre le séparatisme.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Cet amendement tend à assouplir les conditions de l’instruction en famille tout en maintenant les autorisations. Avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Cet amendement tend à beaucoup trop assouplir les conditions de l’instruction en famille. Sur les 59 000 demandes instruites, 90 % ont fait l’objet d’une décision d’autorisation, avec – je vous l’accorde – des variations selon les académies.
Je ne peux donc pas souscrire à votre proposition de modifier le motif 4° en l’élargissant à un projet éducatif personnalisé, ce qui reviendrait à ouvrir l’instruction en famille à tous ceux qui le souhaitent.
De même, il n’est pas souhaitable de sortir du champ de l’autorisation les enfants ayant fait l’objet d’un contrôle au résultat satisfaisant l’année précédente, car, dès lors, il n’y aurait plus à justifier d’un motif s’opposant à la scolarisation.
Enfin, je rappelle que l’autorisation peut être demandée pendant l’année en cas d’urgence, par exemple en cas de menace à l’intégrité physique ou morale d’un élève, ou pour un motif qui surviendrait après le dépôt du dossier, par exemple un motif de santé ou d’éloignement géographique. Avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Ce débat a déjà eu lieu longuement dans cet hémicycle, à l’occasion de l’examen de la loi évoquée tout à l’heure. Il est dommage de revenir sur ce qui avait été assez difficile à mettre en place : que l’école soit l’école de la République, et non pas l’école des parents ! Les parents ne sont pas des enseignants. Même s’ils sont très bons pour inculquer certains savoirs à leurs enfants ou à ceux de leurs voisins – certaines catégories socioprofessionnelles peuvent se le permettre –, ce n’est pas l’école publique.
Et il n’y a pas de mixité sociale, alors que l’école publique est aussi faite pour cela, même si cette proposition de loi n’en parle pas beaucoup… La mixité sociale est un objectif de l’école publique.
L’école à domicile, pour nous, n’était pas la vraie école. C’est pourquoi nous avions soutenu la loi voulue par le Président de la République. Il n’est pas souhaitable de l’assouplir.
Il est plus facile d’examiner sérieusement le cas de certaines familles qui souhaitent, méritent ou ont besoin de cette instruction en famille, pour les raisons prévues dans la loi. Il était en revanche très difficile de contrôler chaque année les quelque 60 000 enfants et plus qui étaient en instruction à domicile avant le vote de la loi.
Avec mon groupe, je soutiens donc la loi votée précédemment, qu’il n’est pas souhaitable d’assouplir.
Mme le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Je vois que M. Magner veut refaire le match et essayer de gagner sur tapis vert. Mais le match a déjà été joué et n’a pas donné ce résultat-là.
Nous avons eu un débat sur l’instruction en famille ici. À l’époque, un compromis avait été trouvé : l’autorisation devait prendre en compte la situation propre de l’enfant.
Mais, aujourd’hui, dans un certain nombre de recours, l’éducation nationale parle non plus de « situation propre motivant » l’autorisation d’instruction à domicile, mais de « situation particulière justifiant » l’autorisation d’instruction à domicile, ce qui est tout de même très différent !
Nous avions pourtant changé cela dans la loi : hier, on parlait de « justification » ; aujourd’hui, on parle de « motivation ». On parle de « situation propre », et non plus de « situation particulière ». C’est très différent !
Vous l’avez dit, monsieur le ministre, dans 90 % des cas, l’autorisation est accordée. Oui, parce que nous sommes encore dans une vague d’autorisations glissantes jusqu’à la fin de l’année. Mais 47 % – et non pas 10 % ! – des demandes au titre du motif 4° sont refusées, et 39 % après recours des familles. Dans leurs justifications, les rectorats interprètent la loi dans un sens qui n’est pas celui que nous avons voté ici. Or il n’existe malheureusement aucun texte du ministère de l’éducation nationale, ni circulaire, ni note de service, ni directive : toutes les consignes ont été données oralement. Comme si le ministère attendait que la jurisprudence des tribunaux réécrive la loi.
Mais nous sommes ici au Parlement. Nous avons voté un texte et trouvé un compromis avec le ministère et les collègues parlementaires. Il serait dangereux de laisser M. Magner ou la jurisprudence réécrire la loi.
Adoptons des dispositions qui soient conformes à ce qui a été voté précédemment.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Ce texte devait cliver : c’est réussi ! Nous revenons sur des débats que nous avons déjà eus. Au groupe Les Républicains, nous sommes constants. Comme nous l’avons toujours dit, nous sommes profondément attachés à la liberté d’enseignement et à un système équilibré depuis Jules Ferry. Je pourrais également évoquer Victor Hugo, qui a eu des paroles fortes sur la liberté d’enseignement.
Nous avions indiqué au ministre de l’époque que son texte ne s’attaquait pas vraiment au séparatisme – nous serions sans doute tous d’accord pour lutter contre ce fléau –, mais irait en réalité contre des personnes ayant fait le choix particulier de l’instruction en famille. C’est bien ce qui est en train de se produire.
Vous avez reconnu vous-même, monsieur le ministre, qu’il existait de grandes inégalités selon les académies. Vous les traitez de manière un peu technocratique. Mais, derrière elles, il y a des élèves et des familles en souffrance confrontés à des inspecteurs qui, comme l’a très bien décrit Cédric Vial, vont bien au-delà de ce que le législateur a voulu.
Il se passe exactement ce que nous avions craint. L’administration de l’éducation nationale fait une interprétation très restrictive du texte, parce qu’on lui a ouvert la porte.
Je suis déçu, monsieur le ministre. Je savais qu’il n’y avait aucune chance que votre prédécesseur nous écoute lorsque l’on parlait de liberté d’enseignement. Je pensais que, compte tenu de ce que vous êtes et de votre passé, vous seriez ouvert à cette notion de liberté d’enseignement et que vous entendriez le drame des parents concernés et de leurs enfants. Ils sont souvent de bonne foi et très éloignés de ce que le texte de M. Blanquer visait à combattre. Les séparatistes ne craignent pas cette loi. En revanche, des familles de braves gens se retrouvent en difficulté face à une interprétation et à une application trop strictes, avec en plus une grande inégalité sur le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Le groupe Union Centriste votera cet amendement. En réalité, l’éducation en famille a besoin, comme le démontrera notre collègue Stéphane Piednoir dans son amendement suivant, de transparence et d’information.
Certes, les débats ont eu lieu et ont abouti à une position équilibrée : la simplification administrative me semble une bonne solution. Toutefois, il faut s’y tenir sans tomber dans le laxisme. Les contrôles persisteront. Ils sont légitimes et doivent être faits sans a priori.
Je considère que l’éducation nationale gagnerait à se poser la question de savoir pourquoi l’instruction en famille se développe autant. Peut-être que l’école présente quelques failles et que, dans certains endroits, elle ne donne plus de solution aux familles, qui trouvent alors une réponse dans cette forme particulière d’instruction ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pap Ndiaye, ministre. Nous sommes restés fidèles à la notion de situation propre, dont le Conseil d’État a d’ailleurs précisé la portée. Je reconnais très volontiers que nous devons en quelque sorte balayer devant notre porte, parce qu’il y a des inégalités entre les académies, qui sont plus ou moins ouvertes sur le sujet, en particulier quand il s’agit du motif 4. Nous tiendrons au ministère de l’éducation nationale un grand séminaire le 5 mai prochain pour établir des règles communes et éviter les disparités entre académies, que vous avez justement notées.
Par ailleurs, nous avons gagné quasiment tous les contentieux au tribunal administratif qui se sont accumulés depuis la rentrée. Cela signifie que les tribunaux administratifs nous ont donné raison. Nous ne faisons donc pas une interprétation trop restrictive de la loi, en particulier du motif 4. Nous devons simplement veiller à une équité territoriale et, bien entendu, à accepter les demandes quand elles sont fondées. Nous acceptons d’ailleurs 90 % d’entre elles en tenant compte des quatre motifs.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 2.
L’amendement n° 46 rectifié, présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, MM. Reichardt, Courtial et Pellevat, Mme Garriaud-Maylam, M. Détraigne, Mme Lassarade, M. Tabarot, Mmes Belrhiti, Billon et Gosselin, M. Meurant, Mme Gatel, MM. Mizzon, Belin et Burgoa, Mme Drexler, M. Saury, Mme Estrosi Sassone, M. Bouchet, Mme Lopez, MM. Lefèvre, P. Martin, Houpert, Gremillet, Rapin, Klinger et Moga et Mme Borchio Fontimp, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation publie chaque année le nombre de demandes d’autorisation formulées au titre de l’article L. 131-5 du code de l’éducation ainsi que celui des autorisations accordées.
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. Nous sommes régulièrement interpellés sur les conséquences de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République s’agissant de l’instruction en famille. Des taux de pourcentage d’acceptation ont été cités. Mon collègue Cédric Vial l’a rappelé, s’il est vrai qu’en année glissante, on peut atteindre le chiffre que vous avez annoncé, monsieur le ministre, on constate en réalité que les disparités sont très fortes d’une académie à l’autre. Nous avions d’ailleurs prévu ce risque d’écart, et nous l’avions signalé lors du vote du texte.
Dans un souci de transparence, cet amendement, qui ne révolutionne en rien le régime d’autorisation pour l’instruction en famille, vise à faire en sorte que les rectorats publient chaque année le nombre de demandes d’instruction en famille formulées, ainsi que le nombre d’autorisations accordées. Nous pourrons ainsi établir, académie par académie, s’il y a des raisons non pas de s’inquiéter, mais d’aller plus avant dans la considération des motifs. Si tout est clair, je suis sûr qu’il n’y aura aucune difficulté pour que chaque rectorat publie ses chiffres.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jacques Grosperrin, rapporteur. Cet amendement est très intéressant, parce qu’il vise à rendre public le nombre d’autorisations et de refus. Cela permettra un suivi sur le temps long. En effet, on a rappelé que des autorisations étaient accordées dans certaines régions académiques, mais refusées dans d’autres. Nous pourrons également constater l’évolution sur une année du nombre d’enfants scolarisés en famille, à l’échelle nationale. Avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pap Ndiaye, ministre. Cet amendement est satisfait, puisque toute personne peut obtenir ces données concernant les autorisations accordées ou refusées, dès lors qu’elle les demande au rectorat, sous réserve, bien entendu, des dispositions relatives à la communication des documents administratifs. Par conséquent, je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. On a en effet besoin de transparence. Et quand le dispositif est nouveau, il faut pouvoir l’évaluer ; cela vaut pour d’autres mesures, comme certains l’ont dit. Nous avons donc besoin de tels chiffres.
Mais, monsieur le ministre, je me permets d’insister sur le fait que nous avons aussi besoin de directives. Le ministère de l’éducation nationale doit jouer son rôle à l’échelle nationale, en expliquant aux rectorats les règles sur lesquelles ils doivent s’appuyer pour fixer les autorisations.
Vous avez mentionné, à raison, les différences qui peuvent exister entre les rectorats. Ainsi, celui de Toulouse prononce 90 % des refus d’autorisation au titre du motif 4. Certes, à l’échelle nationale, 90 % des demandes sont acceptées, comme vous l’avez dit. Mais, encore une fois, ce chiffre s’explique par l’inertie quant aux autorisations données lors de la vague de demandes précédente.
Il faudrait préciser ces statistiques en se concentrant sur le taux de refus au titre du motif 4, soit 47 % ou 39 % si l’on s’en tient au chiffre du ministère tout recours purgé au titre de ce motif. Dans certaines fratries, les aînés ont bénéficié des 80 % d’autorisations accordées lors de la vague précédente, mais, pour leurs cadets, soumis aux conditions du nouveau dispositif, c’est un refus alors même que les motifs de la demande sont vraisemblablement identiques. On ne peut pas nier le problème.
Sans extrapoler, il me semble que, dans certaines académies, on fixe le nombre d’autorisations en fonction du nombre de contrôles que l’on est capable de faire. En effet, les inspecteurs qui assurent le contrôle dans les familles sont aussi ceux qui donnent les autorisations, de sorte qu’ils finissent par les attribuer en fonction de la charge de travail qu’ils pourront assurer dans le courant de l’année. Ce n’est pas acceptable. Il faut des directives claires. Nous avons besoin d’une circulaire écrite du ministère, faute de quoi la jurisprudence risque de remplacer la loi. Le monde de l’oralité ne doit pas avoir cours à ce niveau dans l’éducation nationale.
Mme le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, pour explication de vote.
M. Jacques-Bernard Magner. Il me semble que l’on fait la part belle à un phénomène tout à fait minoritaire. Certes, 60 000 élèves, ce n’est pas rien, mais il faut rapporter ce chiffre aux 5 millions d’élèves qui vont à l’école, publique ou privée.
L’instruction en famille relève du séparatisme, pas forcément religieux, mais d’une forme de séparatisme. Je connais bien ces familles qui veulent garder leurs enfants à la maison. J’ai l’impression qu’elles sont de plus en plus nombreuses depuis que l’on a légiféré sur le sujet. Plusieurs d’entre elles se sont manifestées cette année pour faire une demande, alors que jusqu’à présent l’idée ne les avait pas effleurées. Plus l’on débattra sur l’instruction en famille, plus on en fera la publicité et plus l’on mettra en difficulté l’école publique. Il me semble que ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi.
Nous devons d’abord défendre l’école, notamment publique. Ensuite, si des cas particuliers justifient que les enfants ne puissent pas aller à l’école – je ne dis pas qu’il n’y en a pas –, il faut en tenir compte.
Toutefois, prenons l’exemple de la phobie scolaire, qui est à la mode, et ce quelle que soit la classe, de sorte que l’on trouvera bientôt des cas même en maternelle : c’est une folie ! Sous couvert de phobie scolaire, certaines familles croient bien faire en gardant leurs enfants à la maison. Je suis certain que c’est le plus mauvais service qu’elles puissent rendre à leurs enfants.
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Notre collègue Jacques-Bernard Magner semble dire que l’on ne doit pas s’occuper des minorités au motif qu’elles sont minoritaires dans notre pays. (M. Jacques-Bernard Magner proteste.) C’est un raisonnement que je réfute.
M. le ministre m’invite à étayer mon amendement. Je veux revenir sur les taux de pourcentage qui ont été cités.
Monsieur le ministre, vous avez donné le chiffre de l’éducation nationale, qui recouvre le taux d’autorisations accordées à l’échelle nationale. Les autres chiffres qui ont été mentionnés dans le débat proviennent des associations, qui font elles-mêmes le calcul, à partir des données que leur fournissent les familles.
L’objet de mon amendement est très simple. Nous disposons dans notre pays d’un outil administratif suffisamment puissant pour que les rectorats soient en mesure de publier eux-mêmes leurs chiffres. Il n’y a rien là d’insurmontable, car le nombre de dossiers n’est pas si important. Il me semble donc possible de traiter cette petite statistique académie par académie.
Mme le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Pour ma part, je conteste le terme de « minoritaires ». Vous avez cité le chiffre de 60 000 élèves. Cela signifie-t-il que ces élèves minoritaires seraient autant d’élèves dont on ne s’occuperait pas ?
M. Jacques-Bernard Magner. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !
Mme Annick Billon. Bien entendu, nous sommes ici pour défendre l’école et l’instruction de tous les enfants, quels qu’ils soient.
Je veux remercier notre collègue Stéphane Piednoir d’avoir déposé cet amendement, parce qu’il met en exergue le problème de l’opacité de l’instruction en famille. On a besoin, dans ce domaine, de transparence et d’information, ce que nous n’avons pas aujourd’hui.
En 2020, beaucoup de mandats municipaux ont été renouvelés. Quelle n’a pas été ma surprise de constater, en allant dans les communes, que les maires n’avaient aucune information sur ce qu’étaient leurs devoirs et obligations par rapport à l’instruction en famille ! Oui, il y a de l’opacité et il faut voter cet amendement de notre collègue Stéphane Piednoir.
Mme le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Lors de l’examen du texte visant à conforter les principes de la République, il n’a pas été simple pour la commission de définir sa position sur cet article. Nous n’y étions initialement pas favorables, car nous étions attachés au système de déclaration. Puis, nous avons évolué, notamment à la suite d’un certain nombre de témoignages établissant que, pour lutter contre le phénomène du séparatisme, il était nécessaire de renforcer le dispositif.
Dans notre esprit, le dispositif vise deux cibles particulières : le séparatisme et les dérives sectaires. Pour le reste, la majorité sénatoriale considère que c’est la liberté des parents qui prévaut. La publication des chiffres permettrait simplement de vérifier que le dispositif mis en place est utile pour atteindre les deux cibles que nous avions définies ensemble, à savoir le séparatisme et les dérives sectaires, sans entraver la liberté des parents.
Monsieur le ministre, vous nous avez confirmé que les comportements pouvaient différer d’un rectorat à l’autre. Grâce à davantage de transparence, nous pourrions mieux appréhender la mise en œuvre du dispositif et surtout vérifier qu’elle correspond à l’accord qui avait été esquissé lors de l’examen du texte.