M. Max Brisson. Oh !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi la République n’est-elle plus perçue comme un idéal qui fait rêver ? Parce que la promesse républicaine n’est pas tenue !
Aussi ne nous étonnons pas que certains se tournent vers d’autres promesses et cèdent aux emprises idéologiques qui leur sont proposées.
Monsieur le ministre, voilà un mois j’ai rappelé, ici même, devant vous, les vœux du Président de la République : « La principale injustice de notre pays demeure le déterminisme familial, la trop faible mobilité sociale. Et la réponse se trouve dans l’école, dans l’orientation. »
Vous nous aviez annoncé pour la fin du mois de mars de nouvelles dispositions d’affectation des élèves plus équitables entre les écoles publiques et privées. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Cette proposition de loi pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité a pour objet de vous interpeller sur le constat accablant du modèle éducatif français, marqué par des classements internationaux catastrophiques et la crise du recrutement des enseignants. Contrairement aux déserts médicaux, les déserts de République – des zones de non-droit – ne doivent pas se développer !
Les vérités scientifiques sont contestées par des croyances révélées, les principes de la République sont ignorés et la laïcité est bafouée.
Nous ne pouvons pas laisser se dégrader ce pan essentiel de notre société, dont les ressources humaines sont la principale richesse ! L’éducation devrait être la priorité de nos investissements. À quoi bon vouloir relocaliser, réindustrialiser et investir, sans former des ressources humaines pour qu’elles soient à la hauteur et épanouies ?
Il faut également rétablir une autorité scientifique indiscutable, une autorité morale affirmée et, comme marqueur, l’autorité de compétence des maîtres qui enseignent sous l’autorité des directeurs, chefs d’établissement.
Cette absence de hiérarchie est l’un des handicaps de l’école publique par rapport à l’école privée.
M. Max Brisson. Très bien !
M. Bernard Fialaire. Donnons de l’autonomie aux établissements ! L’égalité n’a jamais été l’uniformité ni l’unicité. Elle est au contraire l’adaptation au terrain et aux circonstances. Pour cela, elle doit associer les collectivités locales – les mairies, bien sûr, mais également les services médico-sociaux des départements, les services des régions chargés de l’orientation –, les parents d’élèves et l’éducation nationale, avec l’école pour chef de file.
L’expérimentation d’établissements publics autonomes d’éducation va dans ce sens, tout comme la proposition d’instituer une réserve éducative.
Le périscolaire, qui a été reçu par nombre de collectivités comme une contrainte précipitée, n’est pas partout à la hauteur de l’enjeu majeur que constitue le temps d’accompagnement des enfants. Ils ne doivent pas être livrés aux réseaux sociaux ni confrontés au désœuvrement, qui les exposent à nombre de risques !
L’encadrement des enfants par une communauté éducative doit être renforcé. Combien de parents font le choix de l’enseignement privé à cause de l’absentéisme non remplacé ?
Les enseignants doivent être soutenus et respectés financièrement et socialement.
Comme l’a dit Jacques Grosperrin, faire classe dans le primaire n’est pas la même chose que faire cours dans le secondaire. Il faut une formation spécifique et adaptée.
Les écoles supérieures du professorat des écoles, dont l’instauration nous est proposée pour succéder aux Inspé, lesquels ont eux-mêmes succédé aux Espé (écoles supérieures du professorat et de l’éducation), qui avaient déjà succédé aux IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres), ne seraient-elles pas à l’image de nos regrettées écoles normales ?
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
M. Bernard Fialaire. Alors, appelons un chat un chat ! Revenons aux écoles normales… (M. Jean-Claude Requier marque son approbation.)
M. Olivier Paccaud. Très bien !
M. Bernard Fialaire. … auxquelles, d’ailleurs, le Président de la République ne serait pas hostile, pour enseigner les fondamentaux et affirmer les vérités scientifiques qui ne doivent plus être contestées ou menacées pas plus que ne doivent l’être ceux qui les professent.
Dans une enquête récente, Jean-Pierre Obin révèle que 50 % des enseignants, particulièrement les plus jeunes, s’autocensurent à cause des menaces et des craintes de représailles. L’humilité du savoir est vécue comme une faiblesse par ceux qui le contestent.
Ne cédons rien sur la laïcité, sur ses principes et sur la neutralité qu’elle exige, en matière de tenue vestimentaire aussi bien des enseignants et des élèves que des accompagnants scolaires.
M. Olivier Paccaud. Très bien !
M. Bernard Fialaire. Si la proposition du port de l’uniforme à l’école nous semble excessive, elle réaffirme toutefois qu’aucune culture ni aucune expression religieuse ne peuvent porter atteinte à l’émancipation et à la liberté des femmes, par exemple.
Le curé, l’imam ou le rabbin ne peuvent remplacer l’instituteur. Je suis heureux que nous partagions enfin tous cette affirmation de l’école de la République.
Il faut revoir la participation des communes au financement des écoles privées. Dans le contexte de l’augmentation des charges, du coût de l’énergie et des salaires, une baisse d’effectifs d’une école pour cause démographique ou de mutation d’élèves dans le privé renchérit automatiquement la participation des communes. Elle divise leur coût fixe par un nombre moindre d’élèves et abonde ainsi les ressources de leurs concurrentes. Cela rend tout nouvel investissement supplémentaire encore plus pénalisant. Les charges devraient être divisées par le nombre de places potentielles et non par le nombre d’élèves effectif. Je vous ai déjà alerté sur ce sujet, monsieur le ministre.
Bien évidemment le groupe du RDSE soutient ce cri d’alerte qui vous est adressé pour rétablir l’excellence de l’école de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus que jamais, l’éducation est le pilier fondamental de notre société.
Le système éducatif français fournit un apprentissage de qualité à des millions d’élèves chaque année. Malgré cela, la crise de l’école est un constat qui ne fait plus débat : perte de confiance des familles et des élèves, manque de soutien auprès du personnel de l’éducation nationale, crise d’attractivité du métier d’enseignant, baisse du sentiment d’appartenance. Ce sont tout autant de manifestations d’une institution affaiblie, qui peine à trouver un nouveau souffle.
Il est clair que nous devons renforcer l’école. Davantage d’autonomie pour les établissements scolaires permettrait de mieux répondre aux besoins et aux attentes des élèves, des parents et des enseignants. Cela favoriserait l’innovation et l’expérimentation pédagogiques, en donnant aux établissements davantage de latitude pour adapter les méthodes d’enseignement aux particularités de leurs élèves et à leurs contextes spécifiques.
Tel est l’objet de la proposition de loi de notre collègue Max Brisson, que nous partageons sans réserve.
Je souhaite également remercier chaleureusement le rapporteur, Jacques Grosperrin, pour l’ensemble du travail qu’il a réalisé.
À l’heure où l’intégration de nouveaux outils technologiques et l’influence des réseaux sociaux bouleversent les rapports à l’apprentissage et à la transmission des savoirs, je suis convaincue que nous devons concentrer nos efforts pour contribuer à améliorer l’égalité des chances.
Les mots « respect », « autorité », « fierté d’appartenance » et « altruisme » ne sont pas désuets. Il est temps de sanctuariser de nouveau l’école autour de ces valeurs. Il est temps de recentrer l’école sur les savoirs fondamentaux, au premier rang desquels se trouve le savoir-être, avec pragmatisme et loin des positions idéologiques.
L’article 11 de la proposition de loi vise à rendre obligatoire la tenue d’établissement scolaire. Je crois qu’il est temps de réévaluer le rôle de cette dernière dans l’éducation et de la considérer sous un nouveau jour dans l’école de 2023 ; ce serait même un gage de modernité et d’efficacité.
Je m’explique : nous avons choisi le terme de tenue d’établissement plutôt que celui d’uniforme, car il met en avant l’autonomie des établissements dans la mise en application de cette obligation. Elle sera réalisée en concertation avec les parents, la communauté éducative et les élèves, en fonction des particularités géographiques, sociales et économiques locales, soit, en somme, en fonction des spécificités des territoires !
Cette question a suscité beaucoup de débats en métropole ces dernières années. Je précise toutefois que les partisans de la tenue d’établissement au sein de l’école républicaine sont majoritaires en France. En effet, un sondage CSA diffusé le 12 janvier 2023 révèle que près de 60 % des Français y sont favorables. D’ailleurs, la tenue d’établissement a fait ses preuves dans les outre-mer. Elle permet de renforcer l’entraide et le sentiment d’appartenance. Pourquoi ce qui fonctionne dans le cas d’une association ou d’une équipe sportive ne fonctionnerait-il pas à plus grande échelle ?
Par ailleurs, elle sera un moyen de préparer les élèves à la vie professionnelle. L’enfant qui franchit le seuil de son école devient un élève et entre dans une situation de travail. La tenue, comme dans d’autres professions, aide au respect des règles. En matière de sécurité – ce point est à prendre en compte –, elle réduit le risque d’éventuelles intrusions dans l’enceinte des établissements.
Par ailleurs, la tenue d’établissement scolaire permet d’évacuer la question du port de signes ostensibles d’appartenance religieuse ou communautaire, assurant ainsi une pleine application du principe de laïcité. C’est un outil de simplification au service de la communauté éducative, à qui est soumise l’interprétation de tenues susceptibles d’être à caractère prosélyte.
Monsieur le ministre, sur ce point nous sommes en désaccord : nier les vertus de la tenue obligatoire reviendrait à priver les enseignants d’un outil qui les protège. (Mme Esther Benbassa s’exclame.) Pour preuve, en novembre dernier, les services de votre ministère ont fait savoir que, depuis la rentrée scolaire 2022, les atteintes à la laïcité étaient en forte hausse, sans parler de toutes celles qui ne sont pas signalées !
Dernier point, et non des moindres : la tenue d’établissement scolaire est une mesure sociale. Elle permettra de limiter le diktat des marques coûteuses pour les familles, pouvant conduire l’élève au racket, au harcèlement et à l’exclusion.
Concernant le financement, l’État abondera pour les familles ne disposant pas de ressources suffisantes par le biais de l’allocation scolaire. Cette mesure aussi pourrait profiter à nos entreprises françaises et mettre en avant le made in France, par exemple. À mon sens, il faudra explorer cette piste.
Pour conclure, ma conviction est que la tenue d’établissement est un outil efficace. Bien sûr, il ne suffira pas à résoudre tous les maux de l’école ; il n’en a d’ailleurs pas la prétention. Ce n’est pas non plus une potion magique ! Cette tenue contribuera néanmoins à renforcer une culture commune fondée sur le respect, qui est le ciment indispensable de l’école.
La majorité des acteurs de l’éducation et des élèves que j’ai interrogés m’ont confortée dans cette conviction. Chère Annick Billon, cher Julien Bargeton, pour moi la meilleure évaluation, c’est la consultation à grande échelle !
Notre groupe, vous l’avez compris, votera la proposition de loi de notre collègue Max Brisson, car elle a l’ambition de proposer de véritables solutions à des difficultés indéniables. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Franck Menonville. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la gravité de la crise que traverse notre école est réelle. Une défiance s’installe peu à peu. Le niveau d’ensemble baisse. Le métier d’enseignant attire de moins en moins.
Pourtant, l’école et ses enseignants sont en première ligne pour transmettre à notre jeunesse les grandes valeurs de la République. La citoyenneté, la laïcité et la culture de l’engagement sont au cœur des missions de l’école, qui est un acteur majeur de l’égalité des chances. Ce contrat liant la République à ses enfants et futurs citoyens est aujourd’hui à renouveler.
L’école a aujourd’hui besoin d’un nouveau souffle et de perspectives renouvelées.
C’est tout l’objet de cette proposition de loi, qui s’attelle à ce vaste chantier, notamment sur l’égalité des chances, tout d’abord, en proposant la création d’un service public de soutien scolaire. En effet, nous constatons que c’est un véritable sujet de fracture sociale au sein des familles ; il a d’ailleurs été exacerbé pendant la crise sanitaire et le confinement en 2020.
Ensuite, en ce qui concerne les savoirs fondamentaux, le texte tend à réarmer les enseignants du premier degré en améliorant leur formation. Il est prévu de créer des écoles supérieures du professorat des écoles, qui prépareraient aux concours et qui formeraient les enseignants stagiaires. Cela représenterait une véritable avancée pour mieux préparer les enseignants du premier degré à l’apprentissage des savoirs fondamentaux.
Cette proposition de loi vise également à accroître l’autonomie des établissements par voie d’expérimentation. Il est en effet essentiel de donner aux établissements la capacité d’initiative et d’innovation qui s’impose. Cela participe aussi à la motivation des enseignants. Peut-être faudrait-il s’inspirer du système éducatif des pays nordiques, qui repose sur l’autonomie des professeurs, et sur celui du Portugal, qui tend à décentraliser le processus de recrutement et à octroyer davantage d’autonomie aux établissements.
De plus, il faut aller plus loin, me semble-t-il, en réformant le statut de directeur d’école, afin de renforcer son rôle, notamment dans les écoles les plus importantes.
L’auteur du texte n’a pas non plus oublié la ruralité. Une approche différenciée est défendue en matière scolaire. Les territoires ruraux nécessitent des critères spécifiques et adaptés aux défis auxquels ils doivent faire face.
Ce texte prévoit également qu’une décision de fermeture de classe sera soumise à l’avis du conseil municipal ou intercommunal. Il est absolument essentiel d’associer davantage les élus locaux dans ce processus, car les conséquences tant humaines que financières d’une telle décision sont lourdes pour les territoires.
En matière de laïcité, cette proposition de loi vise à étendre notamment aux accompagnateurs le principe de neutralité politique et religieuse lors de sorties scolaires. La laïcité est l’un des grands principes qui doivent être réaffirmés dans l’école de la République.
En 2021, l’Ifop a publié une étude pour la fondation Jean-Jaurès et Charlie Hebdo, quelques mois après l’assassinat de Samuel Paty. L’enquête souligne un fait important : 34 % des professeurs en réseau d’éducation prioritaire ont témoigné de perturbations lors des cérémonies d’hommage. Par ailleurs, selon le rapport de Jean-Pierre Obin, la moitié des professeurs déclarent s’être autocensurés pour éviter des incidents avec certains élèves.
Ces chiffres doivent nous alerter et nous pousser à agir au plus près des difficultés dont témoignent les enseignants et à les soutenir dans l’exercice de leur noble mission. Nous devons cesser les petits renoncements du quotidien qui font reculer la République et son idéal.
Mes chers collègues, nous devons, ensemble, engager un grand chantier pour refonder les bases de notre école républicaine. Elle doit être émancipatrice, préparer nos enfants aux défis de demain et les guider sur le chemin ardu de la connaissance.
Nous devons mener une véritable réforme structurelle pour que les établissements disposent d’une plus grande autonomie et le personnel, de plus de liberté et de capacité d’initiative, afin de mieux s’adapter aux besoins des élèves.
Le mérite de cette proposition de loi est de poser quelques premières pierres et d’ouvrir la porte à d’autres améliorations.
C’est un très bon signal que notre assemblée s’empare de ce sujet qui nous tient à cœur et qui est le moteur de l’espérance républicaine.
C’est pour cela que je salue le travail de l’auteur de cette proposition de loi, Max Brisson, et du rapporteur, Jacques Grosperrin. Notre groupe votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école passionne. Elle est parfois clivante. Elle peut susciter la caricature. Caricaturer notre pauvre Max Brisson en vieux réactionnaire, ce n’était pas très gentil, chère Céline Brulin ! (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. C’est vous qui clivez !
M. Olivier Paccaud. Je ne dirais tout de même pas que vous êtes une bolchevique rose ! (Mme Céline Brulin sourit. – Exclamations amusées et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Réjouissons-nous de débattre et de ne pas penser la même chose. Réjouissons-nous d’avoir des visions différentes ! La démocratie, c’est le débat !
M. Pierre Ouzoulias. Encore faut-il vouloir débattre !
M. Olivier Paccaud. Après la pause du dîner, nous débattrons de visions et de propositions différentes pour insuffler un nouvel élan à cette école qui en a tant besoin.
L’école est le sanctuaire républicain par excellence. La République française y est pour ainsi dire née. Son idéal y a été cultivé, s’y est affermi et s’est propagé à l’ensemble du corps social. Chez nous, l’école et la République sont consubstantielles.
Hélas ! ce cœur battant de la République, cet organe essentiel de notre démocratie, celui-là même qui est censé insuffler toute sa vitalité et sa cohésion à notre société, est malade. Il souffre depuis trop longtemps de maux nombreux, souvent niés. Faute de diagnostics effectués à temps, l’affection qui ronge l’école est devenue générale. Toutes ses fonctions sont atteintes.
Le tableau symptomatologique, si je puis dire, de cette maladie de l’école n’est guère reluisant. Et pour cause ! Là où elle obtenait des résultats pédagogiques excellents, donnant une instruction vaste et ferme à des générations entières de jeunes, l’école peine aujourd’hui à inculquer à ses élèves les fondamentaux : lire, écrire, compter. Et je n’évoque même pas tous ceux qui sortent du système sans bagage ni diplôme. La dégringolade de notre pays dans les différents classements internationaux n’en est que l’insigne illustration, cela a été mentionné.
L’école est devenue l’institution où apparaît la première lézarde sur la cuirasse de l’autorité. La volonté de s’affranchir des règles communes y devient courante. La figure tutélaire de l’enseignant est méprisée. Or comment attendre des générations futures qu’elles respectent notre État et ses lois, si elles ne sont déjà plus capables d’obéir aux enseignants censés les faire venir à la citoyenneté ?
Par ailleurs, l’école, cela a été rappelé précédemment, est devenue un lieu de souffrances et de violences pour les élèves. La cloche qui sonne la fin de la récréation n’interrompt plus la tragédie du harcèlement scolaire, devenu permanent sous sa forme cyber. Brimades, moqueries et autres persécutions ne sont plus contenues par les grilles fermées de l’école. Elles cheminent à travers les écrans ; elles sont colportées par les réseaux sociaux et s’insinuent jusque dans l’intimité du foyer, ne laissant plus la moindre trêve à leurs malheureuses victimes.
Le tableau brossé jusqu’à présent est déjà bien sombre, mais comment pourrait-il en être autrement quand les chevilles ouvrières de l’institution scolaire sont si mal considérées ? Je veux bien évidemment parler des professeurs. Comment exiger d’eux qu’ils accomplissent ce qui s’apparente à un véritable sacerdoce républicain dans des conditions si navrantes ? Leurs rémunérations les classent parmi les enseignants les moins bien payés en Europe. Un constant opprobre est jeté sur une profession bien souvent ingrate et aux difficultés mal connues.
Les sessions de recrutement hâtives, parfois par la voie douteuse du job dating, les concours qui comptent deux à trois fois moins de lauréats que de postes à pourvoir sont d’autres symptômes inquiétants de la crise dans laquelle s’enlise notre modèle éducatif.
Se trouvera-t-il encore suffisamment d’enseignants compétents et dévoués devant nos enfants à la fin de la décennie ?
Enfin, que dire de l’abandon des territoires ruraux par les politiques éducatives ? Si d’aucuns ont pu dire, de façon caricaturale, qu’il existait une école à deux vitesses en opposant un enseignement public en difficulté à un enseignement privé prisé pour avoir conservé les qualités évanouies du premier, alors force est de constater qu’il existe également un enseignement prioritaire à deux vitesses ! Les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont choyés au détriment des non moins déshéritées zones rurales.
En politique d’éducation comme en tout, c’est encore une fois les métropoles ou les agglomérations et le « désert français » !
Une répartition plus équitable des ressources de l’enseignement prioritaire ne serait que justice et permettrait à l’école de retrouver certaines des pièces mécaniques manquantes permettant de relancer le fameux ascenseur social disparu.
N’oublions jamais ce chiffre édifiant et accusateur pour notre école : près de 70 % des élèves relevant de l’éducation prioritaire n’en bénéficient pas. Depuis six ans, on nous annonce une réforme de la carte de l’éducation prioritaire qui ne vient pas. Or la République c’est l’égalité des chances, partout et pour tous, mais ce n’est plus le cas !
Face à cette situation alarmante, la présente proposition de loi tend à prescrire un début de remède et à administrer les premiers soins sans toutefois se contenter d’expédients. Son auteur s’y attelle avec courage et ambition. On ne pourra que se réjouir des mesures qu’il propose : la création d’un service public de soutien scolaire, un partenariat réel avec les collectivités pour l’établissement de la carte scolaire, une attention particulière portée aux territoires ruraux défavorisés, la possibilité pour les professeurs d’élargir leurs horizons via l’encouragement de la bivalence, le respect d’une laïcité vigilante et cohérente, et la volonté de rasséréner le climat scolaire par le port d’une tenue vestimentaire commune.
Une occasion nous est offerte d’enrayer la maladie de l’école, afin de rétablir cette dernière dans la noblesse de ses missions et la vigueur de ses succès. Tâchons de nous en saisir, car c’est dans l’école d’aujourd’hui et de demain que se forme la société à venir et que l’égalité des droits, et surtout des chances, peut prendre forme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. Max Brisson. Très bien !
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)