Vous le savez, lors de la dernière campagne présidentielle, cette question a fait l’objet d’un engagement du Président de la République. Celui-ci s’est déclaré favorable à l’inscription dans notre droit de la notion de « résidence de repli » – ou de « résidence d’attache » pour reprendre les termes de la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui.
Quel est le cadre actuel ?
Depuis cette année, plus aucune résidence principale n’est assujettie à la taxe d’habitation, ce qui est une bonne nouvelle pour les contribuables français. Celle-ci reste toutefois due au titre des résidences secondaires et, plus généralement, des locaux meublés destinés à un usage autre que d’habitation principale.
Ainsi, les locaux d’habitation situés en France et détenus ou loués par des Français résidant ordinairement dans un autre logement, en France ou à l’étranger, sont regardés comme des résidences secondaires, dans la mesure où ils ne répondent pas aux critères retenus par l’administration fiscale pour qualifier un logement de résidence principale.
Les résidences secondaires sont également susceptibles de se voir appliquer la majoration de taxe d’habitation prévue en zone urbaine tendue ou, en application de la loi de finances pour 2023, dans les communes touristiques présentant des critères de tension immobilière.
Cette majoration est fixée par les communes à un taux variant de 5 % à 60 %. Elle a pour finalité d’inciter à ce que des logements sous-occupés soient remis sur le marché, uniquement dans les zones où de fortes tensions sur le marché du logement le justifient.
Pour rappel, on estime à près de 300 000 le nombre de résidences secondaires dont le propriétaire réside hors de France, sans que l’on soit en mesure de savoir si ces dernières sont détenues par des ressortissants français ou étrangers.
Le paiement de l’impôt dépend en effet non pas de la nationalité, mais de la résidence, et la direction générale des finances publiques n’effectue pas de croisement avec les données de nationalité.
Ainsi, si nous connaissons le nombre de résidences secondaires situées en France et dont le propriétaire réside hors de France, nous ignorons le pourcentage de Français parmi ces 300 000 propriétaires.
Nous savons en revanche que l’imposition liée auxdites résidences représente un montant total de 340 millions d’euros d’impôts locaux.
Le texte qui nous occupe a été profondément remanié par M. le rapporteur Jérôme Bascher, dont je souhaite saluer l’ampleur du travail.
M. Jean-François Husson. Et la qualité !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. L’article 1er précise ainsi la définition de la résidence d’attache et, surtout, l’article 2 modifie les avantages fiscaux attachés à ce statut.
D’une part, le statut de résidence d’attache entraînerait l’exemption de majoration de la THRS dans les zones tendues. D’autre part, le texte prévoit l’application d’un dégrèvement de taxe d’habitation, uniquement l’année du retour et sur demande, pour les Français résidant hors de France qui seraient contraints de rejoindre leur résidence d’attache pour des motifs indépendants de leur volonté et pour assurer leur sécurité.
Nous devons évidemment nous tenir aux côtés de nos compatriotes, qui sont parfois plongés – M. le sénateur Le Gleut a cité des exemples concrets – dans des situations d’extrême urgence et d’extrême gravité.
M. Jean-François Husson. C’est un bon début !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. J’ai d’ailleurs noté qu’un amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et un sous-amendement de l’auteur de cette proposition de loi visent à limiter le bénéfice de ce dégrèvement, respectivement, aux résidents des zones classées « rouge » ou « rouge ou orange » par les services du Quai d’Orsay.
L’intention qui sous-tend ce texte est évidemment louable. Nous l’accueillons même avec bienveillance, dans la mesure où il propose une réponse – parmi d’autres – à cette question de la « résidence de repli » qu’avait abordée le Président de la République durant la campagne présidentielle.
Pour autant, le statut fiscal de la résidence de repli soulève des questions juridiques majeures éminemment complexes et un risque élevé de non-conformité au droit européen et à la Constitution. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’en discuter lors des derniers débats budgétaires, la question étant régulièrement abordée lors de l’examen des projets de loi de finances.
Si les ajustements apportés en commission vont dans le bon sens – ils recentrent l’avantage fiscal sur les situations véritablement à risque –, nous considérons néanmoins que ce texte présente, j’y reviendrai, des fragilités juridiques importantes.
Au nom du Gouvernement, je ne peux donc que formuler une demande de retrait, au profit des travaux qui s’ouvriront dans les tout prochains jours dans le cadre d’un groupe de travail.
M. Jean-François Husson. Non, non !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Attention, ce groupe de travail n’est pas un groupe de travail comme un autre !
M. Jean-François Husson. Pas de groupe de travail, cela suffit !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je vois que M. le rapporteur général Husson est dubitatif…
M. Jean-François Husson. Eh oui !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je suis sûr que je parviendrai à le convaincre. (Sourires.)
Les fragilités juridiques que j’évoquais à l’instant font encourir au dispositif un risque élevé d’inconstitutionnalité, mais aussi de non-conformité au droit de l’Union européenne. Il faut donc poursuivre le travail pour le neutraliser.
Rien ne serait pire que de laisser penser à nos compatriotes, au travers de la lecture de dépêches ou d’articles, qu’ils sont sur le point de bénéficier d’un nouveau droit, puis de voir ensuite ce droit annulé pour inconstitutionnalité.
M. Jérôme Bascher, rapporteur. Cela arrive !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. De même, rien ne serait pire que de créer un avantage fiscal destiné à l’origine à nos seuls compatriotes et d’être contraint, in fine, pour des raisons constitutionnelles et d’égalité de traitement devant l’impôt, de l’élargir aux étrangers possédant une résidence secondaire en France.
Pour neutraliser ce risque inhérent au dispositif proposé, il faudrait d’abord intégrer la notion de « Français de l’étranger » dans notre droit fiscal.
En excluant du bénéfice de la mesure les propriétaires étrangers de résidences secondaires, cette proposition de loi créerait une différence de traitement sur le fondement de la nationalité.
Or les impôts locaux sont dus indépendamment de la nationalité, laquelle n’entraîne aucune différenciation entre les Français de l’étranger et les autres contribuables, qu’il s’agisse de la détention ou de l’occupation du bien.
M. Jérôme Bascher, rapporteur. Justement, c’est l’idée !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. La nationalité n’a d’ailleurs pas plus d’incidence en matière d’imposition sur le revenu.
Malgré la restriction importante de son champ dans le texte proposé en commission par M. le rapporteur, la justification de cette différence de traitement entre non-résidents et résidents reste extrêmement fragile.
En effet, des résidents peuvent se trouver dans des situations entièrement comparables à celles des Français de l’étranger, notamment en cas de mobilité professionnelle subie.
Le lien qu’établit la commission entre les situations de crise et d’urgence, ainsi que l’avantage fiscal attaché à la résidence de repli, se révèle également fragile sur le plan juridique.
En particulier, au lieu d’aider à la prise en charge des frais de rapatriement lorsqu’ils excèdent les capacités financières du contribuable, l’avantage fiscal dépendrait, d’une part, du taux appliqué par la commune et, d’autre part, de la valeur du bien.
Son montant serait donc sans lien avec le risque auquel est exposé le Français de l’étranger bénéficiaire de l’avantage fiscal ni avec les coûts liés à son retour en France.
Il est évident que nous souhaitons venir en aide, par exemple en prenant en charge ses frais de rapatriement, à tout Français résidant hors de France qui se retrouverait dans une situation de péril dramatique le conduisant à être rapatrié d’urgence.
M. Jérôme Bascher, rapporteur. Ah !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. En application du dispositif proposé, l’aide serait néanmoins différente selon le lieu et la valeur de la résidence de ce compatriote. Ce lien ne me paraît pas prioritaire dès lors que nous souhaitons accompagner la personne à hauteur du risque qu’elle encourt.
Par ailleurs, cela créerait un avantage proportionnellement bien plus important pour les Français de l’étranger possédant des biens immobiliers dont la valeur est plus importante. L’avantage conféré porterait en lui une forme d’inégalité.
Je ne balaie pas d’un revers de main la préoccupation qu’ont exprimée M. le sénateur Le Gleut, Mmes et MM. les sénateurs représentant les Français établis hors de France et d’autres encore, qui ont montré leur intérêt pour ce sujet – d’autant que le Président de la République s’est engagé, lors de sa campagne, à ce que nous agissions sur cette question.
Et chacun sait – l’actualité nous le rappelle – que le Président de la République tient les engagements qu’il a pris devant les Français, quel que soit le sujet. (Murmures.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Pas de provocation s’il vous plaît, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Pour toutes ces raisons, je propose le retrait de ce texte, au profit des travaux du groupe de travail qui vient d’être lancé pour avancer rapidement sur ces sujets.
Lors de l’examen du dernier projet de loi de finances, j’ai pris devant vous des engagements très clairs. J’ai annoncé que nous allions mettre en place, avec Olivier Becht, non pas un groupe de travail interministériel, mais un groupe de travail associant le Gouvernement et tous les parlementaires représentant les Français établis hors de France.
Ce groupe de travail a vocation à aborder le sujet de la résidence d’attache sous l’angle fiscal, mais aussi non fiscal, ainsi que toute autre mesure susceptible de soutenir les Français de l’étranger face aux risques auxquels ils sont exposés.
Sa première réunion aura lieu d’ici à la mi-avril. Nous souhaitons aboutir rapidement à des propositions concrètes, sur la base d’un diagnostic partagé par l’ensemble des parlementaires qui représentent les Français de l’étranger et qui, à ce titre, ont naturellement vocation à participer à ces travaux.
Dans ces conditions, le texte que nous discutons aujourd’hui est utile, en ce qu’il me permet de renouveler les engagements que j’ai pris lors de l’examen de la dernière loi de finances et de clarifier le calendrier, la composition et les objectifs du groupe de travail.
Il est un fondement solide pour nos discussions à venir. Monsieur le rapporteur, c’est une certitude : ces débats seront utiles aux travaux que nous mènerons au sein de ce groupe de travail.
M. Jean-François Husson. Cela ne suffit pas, il faut aller plus loin !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Compte tenu des fragilités que j’évoquais, il me semble prématuré de prendre des décisions à ce stade.
Travaillons ensemble, Gouvernement et Parlement, afin de trouver, pour nos compatriotes qui vivent loin de nos frontières, les réponses les plus pertinentes.
Sur ce sujet qui me tient particulièrement à cœur, vous pourrez compter sur mon implication la plus totale et la plus personnelle.
Ces centaines de milliers de Français contribuent – j’en suis convaincu – à notre influence et à notre rayonnement.
Par les réponses que nous saurons leur apporter ensemble, nous devons continuer à leur témoigner notre soutien, à leur montrer que nous cherchons à réduire les complexités de toute nature auxquelles ils sont parfois confrontés, à leur montrer, enfin, que nous sommes fiers de ce qu’ils apportent à notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Daniel Breuiller et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret. (M. le rapporteur applaudit.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les Français ont un coin de France qui leur est cher. C’est souvent le lieu de leur enfance, toujours un endroit où ils nouent attache avec leur pays.
C’est généralement dans ce lieu que nos compatriotes souhaitent posséder une résidence. Elle matérialise ce puissant lien d’affection avec le pays.
Cet appartement ou cette maison ne se situe pas toujours dans une grande ville ou dans une zone tendue. Il s’agit parfois d’un bien familial, situé dans un petit village au cœur de nos campagnes. Cette résidence a une valeur spéciale pour chaque Français.
Cela vaut tout particulièrement pour nos compatriotes expatriés. Pour eux, cette résidence est un ancrage avec le territoire, une attache avec le pays. Lorsqu’ils reviennent en France, par choix ou par contrainte, cette résidence est pour eux un point de retour.
C’est pourquoi notre groupe accueille avec bienveillance l’intention de cette proposition de loi, qui vise à reconnaître le statut particulier de cette résidence.
Cette dernière n’est ni une résidence principale, puisque ces Français n’y ont pas établi leur domicile, ni tout à fait une résidence secondaire, puisqu’elle peut être amenée à redevenir une résidence principale dès que l’expatriation prend fin.
Sur ce point, les cas de figure soulevés par les auteurs du texte ne peuvent laisser insensibles. Je pense notamment à nos compatriotes qui vivaient en Ukraine au moment où la Russie a lancé son offensive absurde et sanguinaire, et qui ont dû être rapatriés en urgence pour fuir l’horreur de la guerre.
Pour eux, la maison ou l’appartement qu’ils possèdent en France est effectivement devenu un refuge. Que ces Français soient traités par les services fiscaux comme des citadins en escapade, pour une partie de campagne ou un week-end à la mer, a en effet de quoi surprendre.
C’est pourquoi cette proposition de loi nous invite à créer une nouvelle catégorie de résidence fiscale, permettant un traitement différencié.
L’article 1er, qui crée cette nouvelle catégorie de résidence, ne pose pas de difficultés. Il nous est proposé d’appeler cette résidence « résidence d’attache », ce qui est assez élégant.
Le Président de la République, qui avait fait une promesse de campagne voisine, avait opté pour « résidence de repli », ce qui est plus précis.
Quelle que soit l’épithète retenue, notre groupe n’est pas hostile à la création de cette catégorie, qui correspond à une demande formulée depuis plusieurs années par les expatriés.
Elle a certes l’inconvénient d’ajouter un nouvel article au code général des impôts et donc de la complexité à notre droit. Or c’est par la superposition des bonnes intentions que l’on crée des monstres juridiques tels que nos codes de droit.
M. Jérôme Bascher, rapporteur. Ce n’est pas faux !
M. Claude Malhuret. Cette nouvelle catégorie de résidence a toutefois le mérite de reconnaître la spécificité du lien qui unit les expatriés au territoire national.
Reste à déterminer l’avantage fiscal qui lui est associé. Sur ce point, on ne peut se contenter, pour légiférer, de s’intéresser aux cas extrêmes, comme celui des Français en Ukraine, confrontés à l’horreur de la guerre.
Nous devons aussi considérer le cas de tous les expatriés qui ont fait le choix de l’expatriation, le plus souvent pour leur carrière. Ceux-là obtiennent généralement, par les conditions de leur expatriation, des compensations à la hauteur des contraintes auxquelles ils consentent en vivant loin de la France.
Alors que la dette publique dépassera très prochainement les 3 000 milliards d’euros,…
M. Jérôme Bascher, rapporteur. C’est fait ! Le trimestre est fini !
M. Claude Malhuret. … alors que nous devons de toute urgence réduire la dépense publique, créer une dépense fiscale pour exonérer de taxe d’habitation tel trader de la City ou tel entrepreneur de la Silicon Valley a aussi de quoi surprendre.
C’est pourquoi je me réjouis que la commission des finances ait joué son rôle de gardienne des deniers publics, en limitant l’impact financier de ce texte.
M. Jean-François Husson. Très bien !
M. Claude Malhuret. En remplaçant le mécanisme d’exonération par un dégrèvement et en limitant l’éligibilité aux seuls expatriés contraints de revenir en France à cause de circonstances exceptionnelles indépendantes de leur volonté, le dispositif se concentre désormais sur les cas de figure qui ne font pas débat. La résidence d’attache devient la résidence de repli.
Monsieur le ministre, j’ai écouté avec attention l’ensemble des arguments que vous avez présentés pour nous proposer de réfléchir plus longuement aux conditions posées par ce texte.
Néanmoins, pour toutes les raisons que j’ai exposées et sous réserve d’une réflexion future, notre groupe ne peut être hostile à cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, manifestement, le cadre qui permet le retour en France des Français de l’étranger doit être amélioré.
Dans la nuit du 5 au 6 février dernier, Augustin dort dans une chambre qu’il loue à Antioche. Il y fait des recherches pour son mémoire. Rien n’annonce une catastrophe, mais à quatorze heures dix-sept, Augustin est brutalement réveillé par de violentes secousses. Un mur de sa chambre s’effondre, le plafond s’ouvre.
Dans ce double tremblement de terre qui a frappé la Turquie et la Syrie, plus de 53 000 personnes ont trouvé la mort, dont 8 Français. Augustin est chanceux, il sort vivant de cette catastrophe.
Quelques jours plus tard, il témoigne au micro de Radio France internationale (RFI) : « Je regardais autour de moi et je me suis dit que tout était terminé ici. » Il prend alors la décision de quitter la région dévastée. Heureusement pour lui, Augustin, parti depuis peu, disposait toujours de fortes attaches en France et il a pu rentrer facilement.
Pour beaucoup d’autres, le retour en France est très compliqué. Il est entravé par de nombreuses barrières et quand ce dernier est possible, se loger peut se révéler extrêmement difficile. Les raisons sont multiples : que l’on n’ait pas pu garder le bien immobilier que l’on détenait éventuellement, qu’on loue ce dernier, désormais occupé, ou simplement que l’on soit confronté aux difficultés de louer un logement, faute de bulletin de salaire français, d’avis d’imposition faisant apparaître les revenus étrangers ou de garantie locative.
Le besoin d’aider au retour des Françaises et Français qui souhaitent rentrer en France existe donc bel et bien, en particulier lorsqu’ils et elles vivent dans des pays en crise et que ce besoin de retour est, par définition, soudain et urgent.
Il est nécessaire également de supprimer les inégalités fiscales que subissent les Français et les Françaises de l’étranger. Le fait, par exemple, que ces derniers ne soient pas éligibles aux crédits d’impôt pour les rénovations énergétiques ou pour les dons aux associations est contre-productif et n’a pas grand sens.
Oui à la suppression d’injustices, mais non à la création de nouvelles !
Cette proposition de loi tend à créer la catégorie de résidence d’attache. Très bien !
M. Jérôme Bascher, rapporteur. C’est une bonne mesure !
Mme Mélanie Vogel. Cependant, elle y associe un avantage fiscal sur les logements vides. Les résidences d’attache de Français établis hors de France qui ne seraient pas louées seraient en effet exonérées de taxe d’habitation.
Cette mesure, au fond, bénéficierait aux personnes qui en ont le moins besoin, à savoir celles qui possèdent un logement qu’elles ont les moyens de ne pas mettre en location et dans lequel elles peuvent venir résider en cas de besoin.
Dans la mesure où seuls les logements non loués pourraient être déclarés comme résidence d’attache, une telle catégorie bénéficierait aux personnes qui font le choix de laisser leur logement vide, ce qui n’est évidemment pas le sens des politiques de logement que nous devons mener.
Par ailleurs, la taxe d’habitation sur les résidences secondaires étant calculée sur la valeur locative nette, cette mesure aurait pour effet d’accorder, de fait, un avantage fiscal plus important à celles qui possèdent un patrimoine plus élevé.
Enfin, l’exonération de taxe d’habitation n’est pas une mesure qui aide au retour et qui sécurise. Quand on réside en Éthiopie ou en Ukraine, le fait de payer la taxe d’habitation n’est pas un obstacle au retour. Je n’ai jamais entendu quelqu’un dire qu’il avait renoncé à rentrer en France parce qu’il aurait eu à payer la taxe d’habitation ! (M. le ministre délégué sourit.)
En l’état, cette proposition de loi ne viendra pas en aide aux Françaises et Français de l’étranger qui en ont besoin. C’est la raison pour laquelle nous avions formulé, pour régler véritablement le problème, des propositions qui ont été, malheureusement et pour la plupart, déclarées irrecevables.
Nous avions ainsi proposé d’élargir l’accès à la garantie locative Visale aux Françaises et Français établis hors de France qui rentrent en France, d’adapter les conditions d’octroi des aides personnelles au logement (APL) et de la prime au déménagement afin d’y rendre éligibles les Françaises et Français de l’étranger.
M. Laurent Duplomb. Vous voulez renforcer l’assistanat ! (M. Christophe-André Frassa marque son approbation.)
Mme Mélanie Vogel. Nous avons également proposé d’adapter les conditions d’adhésion à la Caisse des Français de l’étranger pour pouvoir bénéficier sans délai d’une protection sociale, de mettre en place les fonds nécessaires pour l’aide au retour ou encore de supprimer les discriminations fiscales à l’encontre des Français de l’étranger, par exemple pour les rénovations ou pour les dons aux associations.
En conclusion, nous sommes disposés à travailler à des propositions visant à améliorer les conditions de retour des Françaises et des Français qui en ont besoin et visant à lutter contre les discriminations, mais nous refusons de créer une niche fiscale sur des logements vides.
De plus, à part diminuer les impôts des personnes concernées, cette mesure ne réglerait en rien le problème des personnes qui seraient contraintes de rentrer en France dans le besoin et qui ne le pourraient pas, à cause de la taxe d’habitation.
Nous participerons avec plaisir au groupe de travail mis en place par M. le ministre. J’espère que nous parviendrons à des propositions plus consensuelles, qui ne créent pas de discriminations fiscales, ne posent pas de difficultés d’accès au logement et contribuent concrètement à régler le problème. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Samantha Cazebonne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Samantha Cazebonne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons vise à créer la notion de « résidence d’attache » et fixe les conditions selon lesquelles les Français établis hors de France peuvent rattacher l’une de leurs résidences à ce statut. Elle tend également à leur accorder une exonération de taxe d’habitation.
Le Président de la République s’était engagé, lors de la campagne présidentielle, à créer une notion de « résidence de repli » à laquelle s’attacheraient « certains avantages de la résidence principale ».
La création de cette notion répond notamment au besoin de protection et d’accompagnement des Français établis hors de France, qui peuvent être menacés par des crises de nature sanitaire ou encore géopolitique, comme l’irruption d’un conflit armé sur le sol européen nous l’a récemment rappelé.
Néanmoins, cette proposition de loi n’est pas exempte d’incohérences et comporte des limites. Elle vise à octroyer à nos compatriotes établis hors de France des avantages fiscaux leur permettant de rester propriétaires ou locataires d’un bien sur le territoire français, afin de pouvoir revenir en urgence si des circonstances exceptionnelles le justifiaient.
Ainsi, l’article 1er institue la catégorie de résidence d’attache et prévoit les modalités par lesquelles les Français établis hors de France qui possèdent ou louent un logement secondaire en France peuvent – pour l’un de leurs biens seulement – revendiquer ce statut.
Nous pouvons cependant nous étonner qu’aucune des conditions ni aucun des droits attachés à ce nouveau statut ne soient définis dans cet article et que ses modalités et conditions d’application soient renvoyées à un simple décret.
En outre, un tel dispositif risque, s’il est insuffisamment encadré, de causer une rupture d’égalité avec des résidences secondaires qui répondraient aux mêmes caractéristiques que la résidence d’attache.
Il risque également d’être contraire au droit européen, en privilégiant certains contribuables non-résidents, en raison de leur nationalité.
Aussi le Gouvernement a-t-il lancé un groupe de travail sur le sujet en vue d’aboutir à une solution qui soit conforme à la fois à la Constitution et au droit européen.
Par ailleurs, l’article 2 présente des écueils importants. En effet, la proposition de loi prévoyait initialement une exonération de taxe d’habitation sur les résidences secondaires pour les résidences d’attache.
M. le rapporteur ayant jugé cette exonération « trop générale et trop permanente », la commission l’a transformée en un dégrèvement permanent de la majoration « zone tendue » et en un dégrèvement de THRS valable un an, pour la résidence de repli des Français contraints au rapatriement « en raison de la survenue d’un événement extérieur à leur volonté dans leur pays d’accueil qui met en danger leur vie ou celle de leur famille ou qui y rend matériellement impossible une habitation durable ».
Cette solution, bien qu’elle permette d’encadrer le dispositif, présente deux défauts majeurs.
Premièrement, la majoration de THRS applicable en zone tendue est défendue par les élus locaux comme un outil d’aménagement et de revitalisation du territoire communal. Dans les zones où la part de résidences secondaires pèse sur le dynamisme de la commune, il permet d’inciter les propriétaires à habiter les logements ou à les mettre en location.
Deuxièmement, le dégrèvement envisagé priverait les élus locaux d’un outil qui a été pourtant largement réclamé, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, par la majorité sénatoriale et par les sénateurs de tous bords.
Par ailleurs, nous pouvons nous étonner que M. le rapporteur ait fait ajouter par la commission, en 2023, une mesure consistant en un dégrèvement portant sur l’ensemble de la THRS alors que, dans le cadre d’une proposition de loi similaire, il avait proposé, en 2020, de dégrever uniquement la majoration de THRS dite zone tendue.
M. Jérôme Bascher, rapporteur. La loi a changé, il n’y a plus de taxe d’habitation !
Mme Samantha Cazebonne. Le second dégrèvement concerne la THRS et s’applique à la résidence de repli des Français contraints au rapatriement.
Or, en cas de rapatriement, il est nécessaire de régulariser sans délai sa situation fiscale, ce qui implique de déclarer une nouvelle résidence principale qui remplacera ainsi la résidence de repli. Cette disposition est donc inopérante.
Enfin, cette proposition sélectionne grandement les Français établis hors de France concernés par la mesure. En effet, les conditions à réunir pour déclarer cette résidence d’attache – posséder un bien en France qui ne génère pas de revenus locatifs – ne permettent pas de cibler tous les Français établis hors de France.