Présidence de Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
M. Dominique Théophile.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 29 mars 2023 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Organisation des travaux
Mme la présidente. La conférence des présidents a inscrit un débat sur le thème « Harcèlement scolaire : quel plan d’action pour des résultats concrets ?» à l’ordre du jour du mardi 11 avril 2023, à quatorze heures trente et le soir. À la demande du groupe Les Républicains, auteur de la demande d’inscription, ce débat aurait lieu sous forme d’une discussion générale.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
4
Questions orales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
déploiement des nouvelles brigades de gendarmerie
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, auteur de la question n° 467, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Françoise Gatel. Ma question concerne la situation des brigades de gendarmerie.
Chacun sait l’importance du rôle des gendarmes auprès des élus et de nos concitoyens. Le ministre de l’intérieur a annoncé la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Cette décision est extrêmement importante et nous sommes heureux qu’elle ait été prise.
Toutefois, il faut rappeler que 450 brigades ont été fermées depuis 2010, la majorité d’entre elles ayant été absorbées dans des communautés de brigades, ce qui a rendu le travail plus facile et plus opérationnel. Toutefois, cette décision a quelque peu éloigné les gendarmes des citoyens.
Je le redis, la création de nouvelles brigades est une excellente nouvelle, dont nous nous réjouissons tous. Mais il existe des brigades sous-dimensionnées, qui fonctionnent difficilement : les gendarmes sortent rarement, car ils sont absorbés par leurs tâches administratives. En Ille-et-Vilaine, la brigade de Retiers, dans l’arrondissement de Fougères-Vitré, est particulièrement concernée par ce problème de sous-effectif.
Ma question est simple : la création de nouvelles brigades de gendarmerie s’accompagnera-t-elle du renforcement des brigades existantes, afin que celles-ci puissent faire leur travail correctement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Gatel, la lutte contre toutes les formes de délinquance est, vous le savez, une priorité du Gouvernement. Elle passe notamment par une plus grande proximité entre nos forces de sécurité et la population, comme le montre la stratégie Gend 20.24.
Ce vaste plan a déjà permis à la gendarmerie nationale non seulement de répondre présent lors de la crise sanitaire, mais également de modifier son paradigme opérationnel pour « aller vers » nos concitoyens.
En matière d’effectifs, des efforts importants ont déjà été consentis lors du précédent quinquennat : je pense aux 10 000 recrutements de policiers et gendarmes. La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) prévoit des effectifs supplémentaires pour renforcer la présence sur la voie publique, notamment par la création de 200 brigades territoriales. Ces effectifs ont vocation non pas à renforcer les unités déjà existantes, mais à créer de nouvelles unités opérationnelles.
Un tiers des 200 nouvelles brigades ainsi créées prendra la forme d’unités itinérantes, vouées à se déplacer dans les communes les plus éloignées des autres services publics de proximité. La création des brigades fixes permettra par ailleurs de réduire géographiquement la zone de compétence des brigades existantes, et donc d’alléger leur charge.
Avec le déploiement de nouvelles capacités numériques, les gendarmes bénéficieront d’outils de travail qui permettront d’améliorer leur mobilité, de se rapprocher des usagers et d’optimiser le service. Les usagers pourront également contacter des gendarmes vingt-quatre sur vingt-quatre et sept jours sur sept grâce à différents portails numériques, parmi lesquels la brigade numérique, créée en 2018, qui rencontre un véritable succès auprès de nos concitoyens.
L’optimisation du temps des gendarmes reste une préoccupation de la gendarmerie nationale. Elle expérimente dans plusieurs unités l’affectation de militaires du corps de soutien afin de décharger les gendarmes des tâches administratives. Cette démarche devrait monter en puissance.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour la réplique.
Mme Françoise Gatel. Madame la secrétaire d’État, vous avez compris ma question, puisque vous l’avez reformulée. Je vois bien l’esprit qui sous-tend votre propos, mais je n’ai pas eu de réponse à ma question sur la commune de Retiers. Je solliciterai donc de nouveau le ministre de l’intérieur.
fermeture de l’antenne de la brigade mobile de recherche du calvados
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, auteure de la question n° 522, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Sonia de La Provôté. Madame la secrétaire d’État, à l’instar de Françoise Gatel, je souhaite attirer votre attention sur une question de sécurité publique, à savoir la fermeture de l’antenne de la brigade mobile de recherche (BMR) du Calvados, décision prise dans le cadre de la réforme de la direction départementale de la sécurité publique (DDSP).
Créée voilà plus de quinze ans, cette unité de recherche et d’investigation s’est développée et comprend aujourd’hui dix personnes. Elle est la seule BMR à compter deux spécialistes en réglementation transfrontalière – et pour cause ! – et deux analystes en fraude documentaire.
Depuis sa création, cette unité a su développer une expertise certaine dans tout le Grand Ouest et des relations de confiance avec les élus et les habitants, tout en menant un travail partenarial avec de nombreux services, notamment sociaux.
Dès lors, fermer cette antenne au profit d’autres brigades éloignées géographiquement et parfois même sous-dimensionnées, comme vient de le souligner Mme Gatel, signifierait la fin d’une unité d’enquête dont l’expertise et l’efficacité sont largement reconnues et en laquelle on peut avoir confiance. Cet éloignement de la compétence affecterait la rapidité et la qualité de la réponse aux actes de délinquance.
Qui plus est, cette fermeture s’ajouterait à d’autres restructurations préjudiciables au Calvados, comme celle du commissariat de la commune d’Hérouville-Saint-Clair à propos de laquelle j’ai déjà attiré l’attention du Gouvernement.
Le maire, Rodolphe Thomas, avait d’ailleurs alerté le ministre de l’intérieur sur ce sujet à la fin de l’année 2022. Il lui fut répondu qu’il avait été demandé au directeur général de la police nationale de procéder à un examen approprié de sa requête. Fort logiquement, madame la secrétaire d’État, j’aimerais savoir où en est l’examen de cette requête…
Je souhaiterais surtout que la décision soit reconsidérée et que l’antenne de la BMR soit maintenue : il y va de la sécurité d’un territoire qui s’étend bien au-delà du département du Calvados.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice de La Provôté, le Gouvernement fait de la lutte contre l’immigration clandestine une priorité. Parmi les mesures prises, je veux citer la création, le 1er janvier dernier, d’un nouvel office central spécialisé, l’Office de lutte contre le trafic illicite de migrants (Oltim), rattaché à la police aux frontières (PAF).
Par sa forte dimension interministérielle et ses capacités de pilotage opérationnel et stratégique, ce nouvel office va permettre de lutter plus efficacement contre les réseaux criminels de passeurs.
Pour ce faire, il s’appuiera sur un réseau territorial – antennes et détachements – constitué à partir des actuelles BMR et de la PAF. Le réseau des BMR est donc amené à évoluer : une grande majorité des brigades deviendront des antennes ou des détachements de l’Oltim.
La cartographie définitive de ce nouveau réseau territorial n’est pas encore arrêtée : nous y travaillons encore, avec nos services, pour trouver l’organisation territoriale la plus efficace et adaptée possible. Vous serez informée personnellement de la place qu’occupera dans ce dispositif l’actuelle BMR du Calvados.
Sur le second point de votre question, la circonscription de sécurité publique de Caen, dont dépend Hérouville-Saint-Clair, compte en effet à ce jour un effectif opérationnel de 310 gradés et gardiens de la paix, alors qu’ils étaient 272 à la fin de 2016. J’ajoute que 28 policiers adjoints sont affectés à cette circonscription de police. Quant au commissariat de secteur d’Hérouville-Saint-Clair, qui fait partie de cette dernière et qui bénéficie donc de ses moyens, il dispose en propre d’un effectif opérationnel de 17 gradés et gardiens de la paix ; il peut également s’appuyer sur 4 policiers adjoints.
Pour lutter aussi bien contre l’immigration illégale que contre la délinquance du quotidien, vous pouvez compter, madame la sénatrice, sur notre détermination à fournir, grâce aux crédits consentis par le Parlement, tous les moyens nécessaires aux forces de police et de gendarmerie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sonia de La Provôté, pour la réplique.
Mme Sonia de La Provôté. Madame la secrétaire d’État, la cartographie n’est pas arrêtée : je retiens donc que tout est possible et que tous les espoirs sont permis !
Le Calvados est un département particulier, puisque les passeurs y sévissent très largement et que nous sommes régulièrement confrontés aux problèmes d’immigration irrégulière. De facto, maintenir cette brigade serait essentiel.
décharge sur le site de la redoute des hautes-bruyères à villejuif
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la question n° 528, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
M. Laurent Lafon. Mon attention a été attirée par Mme Christel Esclangon, conseillère municipale d’opposition à Villejuif, et par de nombreux Villejuifois sur l’existence de la décharge sauvage envahissant le fort militaire de la Redoute, propriété du ministère de l’intérieur. Cette décharge à ciel ouvert est située à proximité immédiate de l’Institut Gustave-Roussy, ainsi que du parc départemental des Hautes-Bruyères.
Le contraste entre ces trois lieux est saisissant.
Le premier est le théâtre d’un scandale sanitaire majeur, résultat d’une criminalité environnementale sur laquelle la justice s’est déjà prononcée.
Depuis la période du confinement, ce sont près de 40 000 mètres cubes de déchets toxiques, soit environ 20 800 tonnes de gravats, en vrac ou ensachés, de plaques de fibrociment brisées, de carcasses d’électroménager, d’amiante, de plomb, de cyanure et de mercure qui jonchent le site, qui pénètrent les sols avec les eaux qui en découlent et qui aggravent dangereusement la qualité de l’air. Les amoncellements de matériaux culminent jusqu’à douze de mètres de hauteur et envahissent les espaces voisins.
Le second site, l’Institut Gustave-Roussy, a vocation à devenir l’un des premiers pôles mondiaux de recherche et de traitement du cancer. En investissant 100 millions d’euros dans le Campus Grand Parc de l’Institut, notre pays a pour ambition de devenir le leader mondial d’innovation biomédicale en oncologie.
Le troisième site, le parc départemental des Hautes-Bruyères, un point culminant du Val-de-Marne situé à proximité de la décharge, est un espace de curiosité, de détente et de loisirs qui accueille 85 parcelles de jardins familiaux et de nombreux promeneurs.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser le calendrier et les mesures prises par l’État pour procéder, dans les plus brefs délais, au déblaiement puis à la dépollution du site des Bruyères, afin de résoudre définitivement ce problème sanitaire et environnemental ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Lafon, vous m’interrogez sur le cas d’un dépôt de déchets qui se trouve sur le territoire de la commune de Villejuif dans le Val-de-Marne.
Tout d’abord, je souhaite être claire : il est inadmissible que nos paysages et nos espaces naturels ou urbanisés soient pollués par des déchets abandonnés ou stockés en toute illégalité.
Qu’il s’agisse de dépôts illégaux ou de véritables décharges exploitées illégalement, ces amas de déchets non seulement sont de vrais dangers environnementaux et sanitaires, mais peuvent aussi, dans certains cas, mettre en danger nos concitoyens en cas d’incendie.
Pour le cas particulier du site de la Redoute de Villejuif, le terrain a été occupé par la préfecture de police pour des activités de formation depuis la fin des années 1960. L’activité a cessé progressivement à partir des années 2000 et la préfecture de police a quitté le site en 2016. Entre 2020 et 2021, les bâtiments du fort de la Redoute ont été illégalement occupés et dégradés et des déchets se sont accumulés lors de cette occupation.
Le Gouvernement est conscient de la situation et confirme que des études sont en cours pour la mise en œuvre de mesures visant à l’évacuation des déchets présents.
De manière générale, la résorption des dépôts sauvages de déchets ou de décharges illégales est un sujet sur lequel il faut passer à la vitesse supérieure. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020 a ainsi introduit des mesures pour agir à la racine sur les causes de la gestion illégale des déchets, financer certaines opérations de nettoyage, renforcer l’efficacité de la police des déchets, informer et former sur cette question.
Le Gouvernement souhaite aller plus loin et donner à l’inspection générale de l’environnement et du développement durable davantage d’outils pour combattre les activités illégales en matière de déchets. C’est bien le sens des orientations prioritaires données pour 2023 à l’inspection des installations classées sur ce sujet.
site pyrotechnique sensible à saint-martin-de-crau
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 536, adressée à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Depuis 2006, les élus de la commune de Saint-Martin-de-Crau alertent les autorités de la République sur la dangerosité du site de la Carougnade, situé sur le territoire de leur commune.
Ce site accueillait il y a une dizaine d’années la Société industrielle de munitions et travaux, qui avait pour but de retraiter les explosifs, obus, torpilles et autres munitions de l’armée française.
À la suite de la cessation d’activité de la société, le site est resté en l’état et regorge encore aujourd’hui d’armes instables, enterrées ou pas, en très grande quantité. Le pire est à craindre dans un lieu qui n’est même pas gardienné !
En 2015, le préfet prévoyait le placement de panneaux rappelant l’interdiction de pénétrer et informant du danger de mort : autant dire une véritable publicité pour des personnes mal intentionnées !
Il faut savoir qu’à quelques mètres de ce terrain se trouvent un pipeline de pétrole brut et une usine de stockage de gaz. À ce stade, la menace d’une explosion en chaîne n’est donc pas à exclure. La nappe phréatique qui circule sous le site alimente tout le bassin de vie.
Une opération de déminage a été menée du 19 au 23 avril 2021 au cours de laquelle 1 421 obus au phosphore ont été découverts. Depuis, plus rien ! Les déminages programmés n’ont pas été effectués.
Le ministre de l’intérieur en faisait état dans une lettre qu’il a adressée à Mme la maire de Saint-Martin-de-Crau le 28 mars 2022 et dans laquelle il s’engageait « à étudier les solutions existantes pour assurer le traitement et la destruction de ces engins ».
Un an après, votre étude devrait être enfin terminée – je l’espère, en tout cas ! – et vous devriez avoir la capacité d’agir pour dépolluer le site. Mais les élus locaux n’ont plus aucune réponse de la part du ministre.
Madame la secrétaire d’État, comptez-vous prendre les mesures afin de mettre un terme au danger qui pèse sur la population de Saint-Martin-de-Crau ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Carlotti, le groupement d’intervention du déminage a procédé, de 2008 à 2021, à la sécurisation du terrain privé de la Carougnade, à Saint-Martin-de-Crau, appartenant à la Société industrielle de munitions et travaux.
À la suite de l’arrêt définitif de l’exploitation du site, le liquidateur judiciaire a été mis en demeure de procéder à la cessation d’activité de l’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) exploitée, et de procéder à la remise en état du site dont la maîtrise d’ouvrage a été confiée à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) en 2016 pour l’enlèvement de la pollution restante.
Ces opérations de dépollution, liées à la prise en compte et à la destruction de déchets pyrotechniques, dont les armées conservaient la responsabilité à la suite de la défaillance d’un opérateur privé, ont entraîné l’élimination de 120 tonnes d’engins de guerre.
Aujourd’hui, la remise en état du terrain nécessite encore le traitement de plusieurs centaines de tonnes de munitions enterrées, dont environ 25 000 obus au phosphore. En surface, une caractérisation de danger doit encore être réalisée sur un amas de 350 tonnes de munitions diverses.
Les opérations de dépollution, dont le financement doit être supporté par l’Ademe, restent du ressort de sociétés privées de dépollution pyrotechnique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour la réplique.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Madame la secrétaire d’État, votre réponse ne me rassure pas. Vous l’avez dit vous-même, il reste 25 00 obus au phosphore ! Depuis 2006, il serait vraiment temps que l’État agisse…
règles de financement des projets d’implantation ou de réhabilitation d’une caserne de gendarmerie dans une commune
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, auteur de la question n° 557, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur les règles de financement des projets d’implantation ou de réhabilitation d’un casernement de gendarmerie, lesquelles sont définies par décret.
Aujourd’hui, de nombreux élus estiment que ces dispositions sont inadaptées et qu’elles posent de graves difficultés, notamment au moment où les marges de manœuvre financières de nos collectivités locales se réduisent. Historiquement, le modèle d’investissement des collectivités dans la construction d’une gendarmerie permettait de ne pas faire peser l’accueil d’un casernement sur leurs charges de fonctionnement.
Les nouveaux référentiels de sécurité établis par la gendarmerie nationale, la réglementation relative à l’isolation thermique et l’inflation engendrent une augmentation substantielle des dépenses que les communes doivent supporter.
En Mayenne, la commune d’Évron s’est engagée aux côtés de l’État dans la construction d’une nouvelle caserne et de seize logements répondant aux normes environnementales et de qualité de vie au travail – un engagement local fort et légitime pour nos gendarmes. Mais le bilan prévisionnel de ce projet fait apparaître une perte importante pour la commune, de l’ordre de 100 000 euros par an. En effet, le budget est estimé à plus de 5 millions d’euros et il manque 1 million d’euros de financement, hors frais d’entretien, pour que l’équilibre financier soit respecté.
Aussi, alors que 200 nouvelles brigades de gendarmes vont être déployées dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), ce dont je me réjouis, je souhaite savoir les dispositions que le Gouvernement compte prendre pour permettre aux communes de mener à bien leurs projets de construction de caserne de gendarmerie, tout en conservant l’équilibre de leur budget, notamment dans les territoires ruraux.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Chevrollier, l’immobilier constitue le cœur du système d’arme de la gendarmerie nationale et occupe une part importante des projets à venir dans le cadre de la Lopmi.
Au vu des difficultés financières rencontrées par la commune d’Évron, un ajustement des prescriptions attendues en termes de sécurisation de l’emprise et de l’ouvrage est en cours d’étude.
Par ailleurs, des précisions seront apportées à la collectivité afin qu’elle puisse actualiser son plan de financement sur la base du programme fonctionnel désormais stabilisé, en intégrant le montant de la subvention d’État qui pourra être sollicitée en cours de chantier ainsi que le montant prévisible du loyer qui sera arrêté à la livraison.
En outre, des financements complémentaires pourront utilement être recherchés, tant auprès de la préfecture que d’autres collectivités.
Enfin, en application de la nouvelle réglementation sur les baux, le loyer – après une période invariable de neuf ans – sera révisé triennalement, selon la variation des indices de l’Insee qui prennent notamment en compte l’inflation, et cela jusqu’au terme de la vingt-septième année de location.
Au regard de ces éléments, et si l’on prend en considération les garanties octroyées au maître d’ouvrage pendant les trois premiers baux de neuf ans, la chronique des différents flux financiers permettra de couvrir et de sécuriser l’investissement consenti par la collectivité.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.
M. Guillaume Chevrollier. Merci, madame la secrétaire d’État, pour ces éléments. Les élus de la commune d’Évron comptent sur le soutien de l’État pour mener à bien ce projet au bénéfice de la sécurité dans nos territoires et de nos gendarmes, qui pourront avoir un beau casernement et des logements, dans le respect des équilibres financiers de la commune.
Nous attendons un soutien plus fort dans le cadre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et souhaitons des ajustements des normes de construction. Nous suivrons cette question de près.
Mme la présidente. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures cinquante, est reprise à dix heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
conséquences de la réforme de l’assurance récolte sur les agriculteurs pluri-sinistrés
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, auteure de la question n° 482, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Marie-Pierre Monier. La réforme de l’assurance récolte a pris effet au 1er janvier de cette année. Du fait de la répétition des événements calamiteux en raison du changement climatique, certains agriculteurs ont été sinistrés à plusieurs reprises au cours des dernières années.
Tel est le cas des producteurs d’abricots des Baronnies qui, de 2017 à 2022, ont été chaque année victimes de gels ayant engendré des pertes importantes sur les récoltes, alors même qu’ils n’avaient connu aucun épisode similaire au cours des dix années précédentes.
Pour ces agriculteurs pluri-sinistrés, la conséquence directe est que la référence historique de production, qui sert de base à tout calcul d’indemnisation, est très faible sur les cinq dernières années, quel que soit le mode de calcul retenu – moyenne triennale ou moyenne olympique.
Ils se retrouvent donc sans protection possible pour 2023, puisqu’ils ne seraient que très faiblement couverts, que ce soit par un contrat d’assurance récolte ou par le fonds de solidarité nationale prévu pour les agriculteurs non assurés. En outre, il ne leur est plus possible d’augmenter leur capital garanti en évaluant leur production à un niveau de prix supérieur de plus de 20 % au prix de référence du barème national, car cela les priverait du bénéfice de la subvention politique agricole commune (PAC) sur les cotisations d’assurance.
Cette situation inquiète non seulement les producteurs, mais aussi les organisations professionnelles et les services administratifs départementaux qui craignent, en cas de nouveaux aléas climatiques importants, de ne pouvoir déterminer les taux de perte de récolte demandés pour que les non-assurés puissent être indemnisés.
Madame la ministre, ma question est simple : est-il possible de faire évoluer la réglementation en matière d’assurance récolte afin de prendre en compte les nombreux cas d’agriculteurs pluri-sinistrés au cours des dernières années ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. Madame la sénatrice Marie-Pierre Monier, en ce qui concerne les barèmes de rendement, la réglementation européenne tend à ce que le calcul des indemnisations ait pour référence le rendement historique de chaque exploitant. Il n’est donc pas possible d’avoir recours à des barèmes similaires à ceux qui sont utilisés en cas de calamités agricoles.
La vraie question est celle de la moyenne olympique, définie en application des accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette disposition permet aux exploitants d’utiliser la moyenne triennale pour les calculs – ils ont donc le choix entre deux valeurs de référence – et aux assureurs de proposer des garanties non subventionnables permettant de souscrire des contrats pour des rendements assurés plus élevés.
À long terme, le Gouvernement se fait le porte-voix de ces préoccupations relatives à la référence historique auprès des instances européennes.
Dans certaines situations, l’augmentation de la fréquence des aléas climatiques peut conduire à ce que la référence à un potentiel de rendement historique entraîne une dégradation de la référence de production historique, quelle qu’en soit sa définition. C’est pourquoi nous accompagnons l’adaptation des systèmes de production, afin de les rendre plus résilients.
Par ailleurs, l’encadrement réglementaire de l’assurance récolte permet aux exploitants de s’assurer dans la limite d’une valeur de prix définie dans le barème du dispositif. Ce barème correspond aux coûts de production, de manière à indemniser l’exploitant des frais qu’il a engagés. Il ne s’agit pas de l’indemniser au prix de vente sur le marché de la production.
Pour autant, et pour tenir compte de l’évolution des coûts de production, les exploitants ont la possibilité de s’assurer à un prix allant jusqu’à 120 % de la valeur de ce barème tout en bénéficiant de garanties subventionnables.
Enfin, les exploitants qui désireraient s’assurer à une valeur de prix plus élevée peuvent le faire sans perdre le bénéfice des aides à l’assurance en souscrivant à des garanties non subventionnables complémentaires proposées par les assureurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour la réplique.
Mme Marie-Pierre Monier. Madame la ministre, vous avez conscience des problèmes et vous savez que tout se joue au niveau européen. Les choses étant très contraintes, on ne peut faire comme on veut. Toutefois, il y va de l’avenir de notre agriculture : on ne peut en rester à la situation actuelle.
Je regrette l’absence, ce matin, du ministre en charge de ce dossier : vous vous occupez d’éducation, alors que ma question relève de l’agriculture. Je sais bien que M. Fesneau est mobilisé sur ce thème, mais il faut agir et ce que vous avez proposé ne suffit pas. Comme je l’ai souligné, ce ne sont pas seulement les producteurs, mais aussi les professionnels et les services départementaux qui s’inquiètent de la réglementation actuelle.