M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Ce n’est pas parce que quelqu’un est élu au suffrage universel local qu’il n’a pas de préoccupations environnementales. Les élus locaux représentent la diversité des sensibilités économiques et environnementales. L’affrontement de deux représentativités, celle des associations et celle des élus, viendrait considérablement compliquer la tâche de la région, qui devra s’appuyer sur cet échelon de concertation.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je n’ai proposé que deux représentants, un représentant d’organismes compétents et un représentant d’associations, au sein de la conférence, qui comportera une dizaine de personnes élues. Il s’agit simplement d’apporter un éclairage complémentaire.
M. le président. L’amendement n° 113 rectifié, présenté par MM. Genet, Rojouan et Mandelli, Mmes Lassarade et Dumas, M. Longuet, Mme Schalck, MM. E. Blanc, Darnaud, Brisson, Pellevat et Chatillon, Mme Belrhiti, M. Burgoa, Mme Goy-Chavent, MM. Paccaud et Somon, Mme Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy, Bascher, Sautarel et Charon, Mme Dumont, M. Sido, Mmes Borchio Fontimp et Chauvin, M. Gremillet et Mme M. Mercier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Elle assure, au niveau régional, le respect de l’objectif de recyclage des friches de 5 % par an jusqu’en 2050 inscrit au deuxième alinéa de l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à faciliter la mise en œuvre de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires.
La parole est à M. Fabien Genet.
M. Fabien Genet. Cet amendement vise à assurer le respect de l’objectif de recyclage des friches à l’échelle régionale, qui correspond à une échelle de territoire pertinente pour un tel objectif, et de rendre la conférence régionale de gouvernance compétente pour son application.
Après tout ce que nous venons de dire sur la composition et le rôle de ces conférences régionales, il semble légitime qu’elle puisse étudier la problématique des friches.
En effet, pour que le zéro artificialisation nette ne conduise pas à bloquer des projets, la seule possibilité, c’est d’utiliser des friches. Toutefois, en raison des problèmes de localisation, de pollution et dépollution, et de renaturation, le recyclage de la friche peut s’avérer moins simple qu’il n’y paraît.
Par conséquent, la conférence régionale de gouvernance, composée exclusivement d’élus, nous l’avons bien compris, et sensibilisée à ces sujets, pourrait, dans ses avis, inciter les régions et les acteurs locaux à financer le recyclage des friches.
C’est un sujet qui mérite certainement qu’on puisse s’y arrêter quelques instants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. Notre collègue Fabien Genet soumet de nouveau à notre assemblée une idée intéressante.
Toutefois, il nous semble que la conférence régionale doit d’abord s’occuper de la trajectoire du ZAN. Peut-être le sujet des friches et de leur recyclage viendra ensuite.
En l’état, il ne convient pas d’élargir l’objet de cette instance consultative. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christophe Béchu, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, fixer un objectif annuel en matière d’aménagement paraît compliqué, dans la mesure où une durée plus importante peut s’avérer nécessaire, en particulier pour ce qui concerne la dépollution des friches.
Ensuite, moins la région a de pouvoir prescriptif, plus il devient compliqué de lui demander de coordonner un objectif de réduction des friches.
Je dis donc, sans malice, qu’à partir du moment où vous avez voté la prise en compte plutôt que la compatibilité, on ne peut pas demander à la région d’avoir une trajectoire annuelle concernant les friches, bien que l’objectif soit tout à fait légitime. Sinon, on rend la région responsable d’une politique sur laquelle elle n’a plus la main, contrairement à ce que prévoyait le texte initial.
M. le président. La parole est à M. Fabien Genet, pour explication de vote.
M. Fabien Genet. Je remercie M. le rapporteur de sa première appréciation sur l’amendement. Je ne comprends pas tout à fait la logique selon laquelle la trajectoire du ZAN, qui signifie, je le répète, zéro artificialisation nette, soit un équilibre entre des espaces qui pourraient être consommés et d’autres qui seraient rendus aux activités agricoles ou à la nature, ne prendrait pas en considération les friches !
Ces dernières sont des éléments importants, si l’on se réfère aux surfaces qu’elles représentent au niveau national, dans la trajectoire du ZAN. Sinon, je n’ai rien compris à tout ce que nous disons.
Je dois l’avouer, pour une fois, les arguments de M. le ministre sont de nature à me convaincre. Effectivement, l’objectif annuel prévu par l’amendement semble difficile à réaliser.
Ainsi, par respect pour M. le rapporteur et parce que j’ai confiance dans son travail, mais aussi en vertu de l’argument avancé par M. le ministre, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 113 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission spéciale.
Mme Valérie Létard, présidente de la commission spéciale. Mes chers collègues, je tiens à vous alerter au sujet du rythme auquel nous examinons ce texte. En effet, nous avons examiné quarante-cinq amendements depuis le début de la séance, à seize heures trente. Il est vingt-trois heures vingt-deux minutes. Nous avançons donc au rythme de dix amendements à l’heure. Si nous conservions ce rythme, il nous faudrait dix-huit heures pour achever l’examen de ce texte, puisqu’il en reste 179.
Nous n’aurions pas assez d’aujourd’hui ni de jeudi pour venir à bout de l’ensemble des amendements déposés sur ce texte. Je vous encourage donc à réduire quelque peu vos temps de parole. Il ne s’agit pas de vous interdire de vous exprimer ! Il y a eu trente-cinq prises de parole sur l’article 1er. Il semble donc que chacun a eu largement l’occasion d’exprimer son point de vue, au-delà de la discussion générale.
Mme Françoise Gatel. Un peu plus, et nous battrons le record de la semaine dernière… (Sourires)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Sortez l’article 38 !
Chapitre II
Accompagner les projets structurants de demain
Article 4
I. – Le III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi modifié :
1° Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « 6° » ;
2° Il est ajouté un 7° ainsi rédigé :
« 7° L’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers, résultant de projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements d’ampleur nationale ou européenne et qui présentent un intérêt général majeur, n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus au présent article et intégrés aux documents de planification mentionnés au présent article.
« Sont considérés d’ampleur nationale ou européenne au titre du présent 7° les projets :
« a) À maîtrise d’ouvrage directe ou déléguée de l’État ;
« a bis) (nouveau) Relevant d’une concession de service public de l’État ;
« b) D’implantation d’unités industrielles valorisant l’utilisation d’une ressource naturelle renouvelable, concourant à la transition énergétique ou relevant de l’indépendance nationale ;
« c) D’agrandissement ou de création d’infrastructures ou d’équipements interrégionaux, nationaux ou européens.
« Les projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur identifiés font l’objet d’une inscription au schéma mentionné à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales. Avant l’arrêt du projet de schéma, la conférence prévue au V du présent article, ainsi que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale sur le territoire desquels ces projets sont implantés, rendent dans un délai de deux mois un avis sur la liste préliminaire des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur qui leur est transmise par l’autorité compétente pour élaborer le schéma. Pour procéder à l’inscription des projets au schéma, il peut être recouru à la déclaration de projet mentionnée à l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme.
« Lors de la première modification du schéma précité à compter de la promulgation de la présente loi, sont inscrits au schéma précité les projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur dont la réalisation a débuté au cours des dix années précédant la promulgation de la présente loi, et ceux dont la réalisation débutera dans les dix années suivant ladite promulgation.
« L’artificialisation des sols résultant des projets mentionnés au premier alinéa du présent 7° fait l’objet d’une comptabilisation séparée et d’une trajectoire spécifique permettant d’atteindre l’objectif national prévu à l’article 191 de la présente loi par l’autorité compétente de l’État désignée par décret, en distinguant l’artificialisation évaluée pour la tranche de dix années précédant la promulgation de la présente loi et l’artificialisation évaluée pour chaque période de dix années ultérieure. Le Gouvernement remet au Parlement, tous les trois ans au moins, un rapport relatif à l’état d’avancement de ces mêmes projets, aux chiffres de l’artificialisation projetée et constatée en résultant, et qui présente les actions de réduction du rythme de l’artificialisation que l’État met en œuvre pour respecter la trajectoire susmentionnée. »
II (nouveau). – Le 6° de l’article L. 141-8 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :
« 6° Des projets d’ampleur nationale ou européenne et d’intérêt général majeur et des projets d’ampleur régionale, dans les conditions prévues au III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ; ».
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, sur l’article.
Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier Mme la présidente de la commission spéciale et M. le rapporteur de leur excellent travail, extrêmement précis concernant les modalités de mise en place de ces ZAN.
L’obtention d’un décompte spécifique pour les projets nationaux dans une enveloppe distincte de la trajectoire envisagée pour le bloc local, qui se traduit par un premier effort territorialisé de 50 % pour les dix prochaines années, avant le zéro artificialisation nette en 2050, m’apparaît constituer une avancée importante que je tiens à souligner.
De même, il est tout à fait pertinent d’appliquer la trajectoire ZAN à ces projets d’intérêt national, comme aux autres projets de l’enveloppe régionale ou du bloc local. Ainsi, collectivités et État sont logés à la même enseigne.
Pour autant, si la solidarité s’exprime entre les territoires avec cette enveloppe et conduit à ce que certains projets, consommateurs d’espaces et pour autant indispensables, restent réalisables, il importe néanmoins d’être vigilants sur le contenu des projets pouvant entrer dans le cadre de l’enveloppe de ces projets nationaux et de l’encadrer, par exemple par décret. En effet, l’objectif étant national, le compte foncier à répartir entre les régions françaises sera bien celui qui sera déduit de cette enveloppe. Cela est vrai, par ricochet, pour l’enveloppe locale.
Aussi, par période, il se pourrait que certains territoires ou régions puissent être pénalisés parce que l’État aura concentré sur une période donnée des priorités dans un endroit pour lequel l’enveloppe nationale aura été consommée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 181, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi modifié :
1° Le 3° du III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce plafond est modulé par un coefficient de péréquation pour tenir compte des projets mutualisés au niveau national en application du III bis du présent article. » ;
2° Après le III, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. 1° Pour la première tranche de dix années mentionnée au III du présent article, la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers induite par les projets d’envergure nationale ou européenne qui présentent un intérêt général majeur et implantés dans les régions couvertes par un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires est mutualisée au niveau national.
« Pour respecter l’objectif fixé à l’article 191 de la présente loi, un coefficient de péréquation est appliqué au plafond régional de consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers mentionné au 3° du III du présent article.
« La consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers emportée par des projets listés et mutualisés en application du présent III bis n’est pas comptabilisée pour la détermination et l’évaluation de l’atteinte des objectifs chiffrés fixés par le schéma mentionné à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales. Cette consommation est évaluée et renseignée dans le cadre du rapport prévu à l’article 207 de la présente loi. »
« 2° Peuvent être considérés comme des projets d’envergure nationale ou européenne :
« a) les travaux ou opérations qui sont ou peuvent être, en raison de leur nature ou de leur importance, déclarés d’utilité publique par décret en Conseil d’État ou par arrêté ministériel en application de l’article L. 121-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Pour les infrastructures fluviales, sont concernés ces travaux ou opérations qui sont réalisés sur le domaine public de l’État ou de ses opérateurs ;
« b) les travaux ou opérations de construction de ligne ferroviaire à grande vitesse et leurs débranchements ;
« c) les actions ou opérations d’aménagement réalisées par un grand port maritime ou fluviomaritime de l’État mentionné à l’article L. 5312-1 du code des transports, ou pour leur compte, dans le cadre de ses missions prévues à l’article L. 5312-2 du même code et qui sont conformes aux orientations prévues dans son projet stratégique pour sa circonscription, ainsi que celles réalisées par le port autonome de Strasbourg ;
« d) les opérations intéressant la défense ou de la sécurité nationales ;
« e) la réalisation d’opérations de construction ou de réhabilitation d’un établissement pénitentiaire par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice ;
« f) les actions ou opérations d’aménagement de l’État ou de l’un de ses établissements publics réalisées pour leur compte, le cas échéant par un concessionnaire, dans le périmètre d’une opération d’intérêt national mentionnée à l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme ;
« 3° Un arrêté du ministre en charge de l’urbanisme liste les projets qui font l’objet d’une mutualisation au niveau national au sens du 1° du présent III bis. Il comprend une estimation de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers qu’ils induisent et fixe en conséquence le coefficient de péréquation prévu mentionné au 3° du III du présent article.
« Le projet d’arrêté est établi dans le cadre de l’évolution du schéma régional prévue au 1° du IV. Il est transmis pour avis aux présidents des conseils régionaux concernés par cette évolution, qui consultent la conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols prévue au V.
« Il est également transmis, dès lors que le périmètre d’un projet figurant sur la liste se situe en tout ou partie sur leur territoire :
« a) Aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière de plan local d’urbanisme mentionnés au premier alinéa de l’article L. 153-8 du code de l’urbanisme ;
« b) Aux maires ;
« c) Aux présidents des établissements publics mentionnés à l’article L. 143-16 du code de l’urbanisme.
« Ces avis sont réputés favorables s’ils n’ont pas été rendus dans un délai de deux mois.
« Le projet d’arrêté est mis à disposition du public par voie électronique selon les modalités prévues à l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement.
« L’arrêté peut être modifié dans les mêmes formes, notamment si un nouveau projet d’envergure nationale ou européenne qui présente un intérêt général majeur est identifié après la dernière modification ou révision du schéma mentionné à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales. »
La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Béchu, ministre. Sortir les grands projets d’envergure nationale des trajectoires régionales, c’est l’engagement qu’Élisabeth Borne a pris devant l’AMF, à la fin du congrès des maires.
Le sujet, qui rejoint la préoccupation du Sénat, y compris avant cette officialisation par la Première ministre que nous y étions prêts, se heurte maintenant à la délimitation du champ. Je dois le dire, la discussion qui nous attend, malgré les consignes de Valérie Létard, promet sans doute des échanges nourris, puisque, entre les bâtiments agricoles, les projets participant à la transition écologique, les projets liés à l’eau, les projets liés aux déchets, les projets d’économie circulaire, les projets en lien avec la protection des populations et des risques, tous les bâtiments publics d’intérêt collectif, les routes départementales, les projets portés par les EPIC, les logements rendus nécessaires par les grands projets industriels, les projets de la circonscription portuaire du Havre, les projets inscrits dans la circonscription administrative de tous les ports, les opérations de revitalisation, les quartiers de gare, les quartiers autour des stations de transports publics et les exutoires de déchets du Grand Paris Express – cette énumération récapitule la quasi-totalité des amendements que vous avez déposés, dont les dispositions s’ajoutent à celles qui figurent d’ores et déjà dans l’article –, nous serons capables d’artificialiser davantage dans les années qui viennent que ce qu’on a fait par le passé.
La proposition du Gouvernement est triple. D’abord, elle consiste à assumer la sortie des grands projets d’envergure nationale, en listant les grandes catégories et en prévoyant un mécanisme d’association.
Ensuite, la réindustrialisation ne peut pas être un sujet qu’on met sous le tapis. Elle est nécessaire pour des questions de transition écologique et de souveraineté. Mais je ne vois pas comment on pourrait – votre assemblée a produit un travail de qualité sur ce point – exclure les gigafactories de la trajectoire du ZAN. Par cet amendement, précisément, je vous propose de définir les grands projets d’envergure nationale à caractère économique dans le cadre du projet de loi Industrie verte. Ainsi, les commissions des affaires économiques des deux chambres, qui ont déjà commencé à travailler avec Bruno Le Maire, auront le temps de réfléchir à ces questions.
Nous ne bottons pas en touche ; simplement, nous définissons une procédure pour intégrer ces grands projets d’envergure nationale. Sinon, la porte de l’économique sera relativement large.
Enfin, une fois que ces grands projets auront été listés et auront trouvé une place dans le projet de loi Industrie verte, nous devrons répondre à la question suivante : quel sera le « compté à part » pour ces projets ?
La position du Gouvernement est la suivante : ces projets seront recensés au sein d’une enveloppe nationale, mais ne disparaîtront pas de la trajectoire d’artificialisation, puisque des hectares seront bel et bien artificialisés. Nous assumons donc une péréquation par région.
En l’état actuel du droit, ce qui n’est pas supportable, c’est que des territoires seraient privés d’une très grande part de leur capacité à agir à cause du poids des infrastructures nationales. C’est particulièrement vrai pour les Hauts-de-France, région la plus touchée. Il y aurait ainsi une sorte de double peine pour des territoires qui ont attendu pendant longtemps des infrastructures de désenclavement : non seulement ils n’auront pas bénéficié par le passé de ces infrastructures – je pense à l’Occitanie –, mais aussi ils devraient faire moins tout en intégrant ces infrastructures, alors que ceux qui ont déjà bénéficié d’infrastructures auraient droit, dans la trajectoire, à la moitié de celles-ci sans avoir besoin de les reconstruire.
C’est la raison pour laquelle le « compté à part » ne disparaîtrait pas de l’artificialisation. En effet, à la fin, tous les projets participent bien au recul des terres agricoles et des espaces naturels dont nous avons besoin pour préserver la biodiversité.
Voilà l’amendement en trois points : un compté à part, qui ne fait pas disparaître l’artificialisation, une liste des grands projets d’envergure nationale, ce qui permet une discussion, et une procédure spécifique pour la partie industrielle, avec les commissions des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 109 rectifié bis, présenté par MM. Genet, Rojouan et Mandelli, Mmes Lassarade et Dumas, M. Longuet, Mme Schalck, MM. E. Blanc, Darnaud, Brisson et Chatillon, Mme Belrhiti, M. Burgoa, Mme Goy-Chavent, MM. Paccaud et Somon, Mme Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy, Bascher, Sautarel et Charon, Mmes Dumont et Chauvin, M. Sido, Mme Borchio Fontimp, M. Gremillet et Mmes M. Mercier et Joseph, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est ainsi modifié :
1° Au début du dernier alinéa du III, est ajoutée la mention : « 6° » ;
2° Le III est complété par un 7° ainsi rédigé :
« 7° L’artificialisation des sols ou la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers résultant de projets de construction, d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements d’ampleur nationale ou européenne ou qui présentent un intérêt écologique n’est pas comptabilisée pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation ou de la consommation d’espaces prévus au présent article et intégrés aux documents de planification mentionnés au présent article.
« Sont considérés d’ampleur nationale ou européenne ou d’intérêt écologique au titre du présent 7° les projets :
« a) À maîtrise d’ouvrage directe ou déléguée de l’État ;
« b) Ou d’implantation d’unités industrielles valorisant l’utilisation d’une ressource naturelle renouvelable, concourant à la transition énergétique ou relevant de l’indépendance nationale ;
« c) Ou d’agrandissement ou de création d’infrastructures ou d’équipements interrégionaux, nationaux ou européens ;
« d) Ou d’infrastructures concourant à la gestion de l’eau, à la décarbonation ou à la protection des territoires face aux changements climatiques ;
« e) Ou d’infrastructures permettant la gestion et le stockage des déchets.
« Après avis de la conférence prévue au V du présent article et des communes et des établissements publics de coopération intercommunale sur le territoire desquels ces projets sont implantés, ces projets font l’objet d’une inscription au schéma mentionné à l’article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales. Pour procéder à cette inscription, il peut être recouru à la déclaration de projet mentionnée à l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme.
« L’artificialisation des sols résultant des projets mentionnés aux a et c du présent 7° fait l’objet d’une comptabilisation séparée par l’autorité compétente de l’État désignée par décret. Les projets mentionnés aux b, d et e du présent 7° ne sont pas comptabilisés pour évaluer l’atteinte des objectifs de réduction du rythme de l’artificialisation. Le Gouvernement remet au Parlement, tous les trois ans au moins, un rapport relatif à l’artificialisation résultant des projets visés au a et c du présent 7°, qui présente les chiffres de l’artificialisation constatée ainsi que projetée et qui formule des propositions de réduction du rythme de cette artificialisation ; ».
La parole est à M. Fabien Genet.
M. Fabien Genet. J’entends bien la proposition de M. le ministre pour le compté à part.
Il est proposé, au travers de cet amendement, d’ajouter à la liste des projets non comptabilisés les projets qui représentent un intérêt écologique – vous connaissez la fibre écologique du Sénat. Je pense en particulier à l’ensemble des projets d’infrastructures qui concourent à la transition écologique.
La mise en œuvre du zéro artificialisation nette dans les territoires ne doit pas entrer en opposition avec d’autres objectifs visés en matière de transition écologique, en particulier la décarbonation des activités humaines, l’efficacité énergétique, l’économie de ressource ou l’adaptation des territoires au changement climatique.
Par ailleurs, dans d’autres domaines comme la gestion et le stockage des déchets, les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés impliquent la multiplication de plateformes de recyclage, par exemple, qui peuvent nécessiter du foncier.
C’est la raison pour laquelle le présent amendement vise à exclure les projets d’infrastructure qui participent à la transition écologique et énergétique de toute comptabilité afin d’encourager leur réalisation rapide et de concilier ainsi l’ensemble des efforts qui doivent être menés simultanément en matière de transition écologique.
Il s’agit certes d’un amendement ambitieux, mais il méritait d’être porté au débat.