M. Didier Mandelli. C’est vous qui attisez la colère du pays !
Mme Céline Brulin. Pour ce qui nous concerne, nous continuerons de dénoncer, argument après argument, les méfaits de cette réforme repoussant l’âge de départ à la retraite de deux ans. Vous pouvez compter sur nous : nous ne lâcherons rien !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour un rappel au règlement.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Tout à fait !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Vous ne l’avez pas gagné non plus !
M. Fabien Gay. Le recours au 49.3 sénatorial le prouve.
Vous avez tout d’abord accepté la procédure contrainte de l’article 47-1 de la Constitution, qui n’a pas permis au texte d’être voté à l’Assemblée nationale. Puis, dans cet hémicycle, après l’obstruction silencieuse, vous avez appliqué une obstruction réglementaire, en allant chercher ce volume (L’orateur brandit le règlement du Sénat.), au fin fond d’une armoire poussiéreuse…
M. Roger Karoutchi. Vous parlez du règlement du Sénat !
M. Fabien Gay. … et en déterrant des arguments et des points de règlement qui n’avaient jamais été employés auparavant. Je vous le dis de nouveau : vous ne réglerez pas la question politique par des arguties réglementaires.
Maintenant, vous vous en remettez au Gouvernement, qui active l’arme du 49.3 sénatorial pour mettre fin à nos débats. Mais le débat continue à l’extérieur : des millions de travailleurs et de travailleuses se sont massivement mis en grève.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Fabien Gay. Que celles et ceux qui nous regardent soient assurés d’une chose : nous continuerons de défendre nos amendements et de développer nos arguments jusqu’au bout ! Vous serez contraints d’entendre tout ce dont nous voulions débattre.
Il faut se mobiliser en force samedi ! (Marques d’impatience sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Gérard Longuet. Eh bien, mobilisez-vous !
M. Fabien Gay. Nous ne céderons rien. Les trois groupes de gauche, écologiste, socialiste et communiste, resteront unis et rassemblés jusqu’au retrait de cette réforme inique ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mes chers collègues, vous êtes entrés forts et majoritaires dans ce débat, vous en sortez affaiblis et tout petits ! Si vous pensez que vous allez régler le problème à quatorze dans une salle en commission mixte paritaire, contre l’avis majoritaire des Français, vous vous trompez ! (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Nous ne lâcherons rien, jusqu’au retrait du texte ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour un rappel au règlement.
M. Pascal Savoldelli. Ce rappel se fonde sur l’article 44 bis de notre règlement.
Mme Borne a évoqué mercredi la séparation des pouvoirs. Je suis donc pour le moins scandalisé que M. Dussopt prenne une telle décision en l’absence du président du Sénat. Il s’agit d’un événement important pour notre institution, donc le moment doit être bien choisi. C’est une question de respect.
Je le dis d’autant plus franchement que j’ai moi-même porté, à un moment du débat, une appréciation assez dure à l’encontre de notre président, avec la sincérité que vous me connaissez. (M. Roger Karoutchi le confirme.)
En ce qui concerne l’obstruction, monsieur Henno, épargnez-nous les invectives. Personne n’a à avoir honte. Quelque 127 des 145 sénateurs du groupe Les Républicains ont voté pour l’article 7. Les autres n’ont pas à avoir honte !
Mme Dominique Estrosi Sassone. Nous sommes libres !
M. Pascal Savoldelli. Seuls 35 des 57 sénateurs centristes ont voté pour ; les autres n’ont pas à avoir honte ! 2 des 24 membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires ont voté contre ; ils n’ont pas à avoir honte !
Il n’y a pas eu d’obstruction : des sénateurs ont simplement exprimé des votes et avis contraires, y compris au sein de la majorité. Le débat n’a pas été obstrué !
Nous sommes face à un duo impressionnant, qui a réécrit l’article 7 en dix minutes, puis déclenché l’article 38 de notre règlement… Ce qui se passe, c’est que vous créez un régime des pleins pouvoirs. (Marques d’indignation sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
M. Roger Karoutchi. Du calme !
M. Pascal Savoldelli. Mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, en acceptant le diktat du Gouvernement, vous en devenez la béquille.
Vous préparez un nouveau régime en participant de l’affaiblissement des deux assemblées et du pouvoir parlementaire. Je le dis sans invective et sans intention polémique : 82 % des Français sont en colère ce matin ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour un rappel au règlement.
Mme Sabine Van Heghe. Je formule ce rappel au règlement en vertu de l’article 44 bis.
Personne n’est dupe, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité sénatoriale.
Mme Sophie Primas. Ça, c’est sûr !
Mme Sabine Van Heghe. Votre pénible liste à la Prévert de justifications à votre décision de piétiner l’opposition n’a rien à voir avec la réalité de ce qui s’est passé dans cet hémicycle, ni avec la brutalité qui s’y est exprimée.
M. Gérard Longuet. Vous en êtes responsables !
Mme Sabine Van Heghe. C’est vous qui nous avez muselés (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), car vous êtes embarrassés par nos arguments et par nos propositions contre votre réforme réactionnaire et néfaste pour les Français.
Mme Françoise Gatel. Oh !
Mme Sabine Van Heghe. Nos compatriotes n’y comprennent plus rien, mais ils doivent savoir que vous venez de déclencher un coup d’État, ici, au Sénat. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Les mots ont un sens !
Mme Sabine Van Heghe. Vous allez tristement marquer l’histoire. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour un rappel au règlement.
M. Bernard Jomier. Mon rappel se fonde sur au moins trois articles de notre règlement : les articles 46 bis, 44 bis et 44 ter.
La discussion a commencé par un accord politique, légitime,…
M. Roger Karoutchi. Je pensais que vous alliez parler de l’amendement, cher collègue !
M. Bernard Jomier. Vous nous avez donné l’habitude de plus de placidité, monsieur Karoutchi…
La discussion, disais-je, a commencé par un accord politique légitime entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement, sur le fond d’un texte, mais cet accord politique s’est transformé – c’est là qu’est le problème – en un accord institutionnel.
La Constitution de notre République donne beaucoup de pouvoir à l’exécutif, plus que dans toute autre démocratie parlementaire, et le règlement du Sénat tente de préserver les droits de l’institution parlementaire.
L’activation du 44.3 fait partie des prérogatives constitutionnelles du Gouvernement. Le ministre choisit d’y recourir, soit, mais là, nous assistons à autre chose : nous voyons la majorité sénatoriale organiser elle-même l’activation de cet article avec le Gouvernement !
Il en résulte une confusion institutionnelle grave.
M. Gérard Longuet. C’est votre sentiment…
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous ne défendez plus le Sénat, vous utilisez les outils que notre Constitution accorde à l’exécutif pour accélérer l’adoption d’un texte au Sénat !
M. Vincent Éblé. Très juste.
M. Bernard Jomier. Il ne s’agit donc pas du fait majoritaire : vous vous pliez à une demande du Gouvernement consistant à utiliser les outils de l’exécutif. C’est grave.
M. Pascal Savoldelli. Oui !
M. Bernard Jomier. Je comprends que le fait majoritaire vous donne le droit de voter un texte, tout comme nos droits, comme membres de l’opposition, nous permettent d’en freiner l’examen, mais, en l’occurrence, vous avez franchi le Rubicon et vous vous êtes mis dans la main de l’exécutif. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour un rappel au règlement.
M. Daniel Breuiller. Au travers de mon rappel au règlement, qui se fonde sur l’article 42, alinéa 9, de notre règlement, je veux évoquer la mise en œuvre de l’article 44.3 de la Constitution.
Au début de nos discussions, nous évoquions les traditionnels « débats feutrés » du Sénat. Nous les terminons avec des débats bâillonnés. (M. Sophie Primas s’exclame.)
Dans un pays, le niveau de démocratie se mesure au respect des minorités, mais aussi des syndicats et des corps sociaux. Or, lorsque les syndicats demandent à être reçus par le Président de la République, la Première ministre les renvoie dans le bureau de M. Dussopt !
M. Daniel Breuiller. Est-ce là du respect ? Je ne le sais pas, mais, sans vouloir être désagréable pour M. le ministre, je pense que l’ampleur de la manifestation nécessitait que le Président de la République les reçût.
En ce qui nous concerne, après le choix d’un véhicule législatif qui contraint nos débats en nous obligeant à terminer nos travaux dans les délais fixés par l’article 47-1 de la Constitution, afin d’adopter vite, trop vite, cette mauvaise réforme, voilà donc que l’on utilise le 44.3 pour bâillonner, c’est le mot, l’opposition sénatoriale, avec, hélas, la complicité de la majorité sénatoriale.
Je suis tout récemment arrivé ici, mais j’ai toujours vu les sénateurs batailler pour faire respecter leurs droits et pour préserver la capacité du Parlement à agir et à débattre. Si cette capacité est mise à mal, que reste-t-il ?
Que reste-t-il également lorsque les manifestations sont méprisées ? Monsieur le ministre, quel article de la Constitution permet-il de bâillonner des millions de manifestants ? Vers quel régime allons-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour un rappel au règlement.
M. Ronan Dantec. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44 bis.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux vous relire l’article 28 de la Constitution : « Le Premier ministre, après consultation du président de l’assemblée concernée, ou la majorité des membres de chaque assemblée peut décider la tenue de jours supplémentaires de séance. »
Par ailleurs, en vertu de l’article 47-1 de la Constitution, le Parlement a cinquante jours pour se prononcer sur le présent texte. Nous pouvons donc prolonger nos débats au-delà de dimanche prochain. Si vous vouliez vraiment que nous débattions, vous pourriez, tout en respectant la Constitution, ajouter des jours d’examen.
M. Roger Karoutchi. Non !
M. Ronan Dantec. C’est d’ailleurs ce que j’ai proposé hier soir.
Simplement, vous ne le voulez pas et vous avez même multiplié les provocations ce matin, notamment en déclarant irrecevables 11 sous-amendements, afin d’arriver, in fine, à ce que vous aviez décidé il y a longtemps. Cela représente un terrible affaiblissement du Parlement et du Sénat, avec le soutien de la majorité sénatoriale.
Je ne serai pas plus long,…
Mme Sophie Primas. Chiche !
M. Ronan Dantec. … mais, pour parler aux quelques gaullistes qu’il reste sur les travées de droite, je dirai que le titre de l’épisode de ce matin pourrait être : « Bal tragique au Sénat – 1 mort : la société française, plus fragilisée que jamais. » (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Françoise Gatel. C’est votre faute !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. C’est malin ! Bonjour l’humanité…
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour un rappel au règlement.
M. Olivier Paccaud. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44 bis du règlement.
Nous venons d’entendre des mots assez forts. M. Kanner a employé le terme de « réactionnaire », notre ami Savoldelli a évoqué les « pleins pouvoirs » – je rappelle que ceux-ci ont été votés à Pétain en juillet 1940,…
M. Emmanuel Capus. Par un Parlement de gauche !
M. Olivier Paccaud. … c’est tout de même une référence navrante –, et l’on a parlé de « bonapartisme ». Or nous ne sommes pas le 18 Brumaire, le ministre Dussopt n’est pas Joachim Murat et il n’y a pas de grenadiers à nos portes pour vous sortir d’ici… (M. Thomas Dossus s’exclame.)
M. Pascal Savoldelli. Vous le regrettez ?
M. Olivier Paccaud. Vous avez dit, mes chers collègues, que vous n’aviez qu’un seul regret : que nous soyons contraints de subir ce que vous appelez un « 49.3 sénatorial ».
Mais nous aurions tous aimé, vous et nous – peut-être pas avec la même sincérité –, aller jusqu’au bout du vrai débat ! Ce 49.3 sénatorial, comme vous dites, est provoqué, il faut que vous l’assumiez, par la coagulation des débats. Votre attitude aboutissait à une embolie sénatoriale !
Je suis donc navré de devoir conclure en convoquant la fable « Le Rat et l’huître » de La Fontaine,…
M. Emmanuel Capus. Très bien !
M. Olivier Paccaud. … « Tel est pris qui croyait prendre ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Ouzoulias. Messieurs les ministres, mes chers collègues, les Français nous regardent et ne comprennent qu’une seule chose en considérant cet hémicycle : les sénateurs Les Républicains sont entrés au Gouvernement !
Mme Sophie Primas. Non, c’est le Gouvernement qui est entré chez Les Républicains !
M. Pierre Ouzoulias. Nous sommes face à une crise politique majeure, j’y insiste : l’autorité du Président de la République est mise en cause, celle de la Première ministre l’est également et le groupe majoritaire de l’Assemblée nationale a éclaté.
Il ne reste donc plus au Gouvernement que l’assurance de pouvoir disposer des votes du groupe Les Républicains au Sénat. Chers collègues de la majorité, je vous pose la question : allez-vous sauver le quinquennat d’Emmanuel Macron ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Emmanuel Capus. Nous allons sauver les retraites !
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour un rappel au règlement.
M. Thomas Dossus. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44 bis.
Rappelons un peu le contexte, parce que j’entends dire n’importe quoi sur les travées de la droite,…
M. Jérôme Bascher. C’est l’écho ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Thomas Dossus. … où l’on réécrit largement l’histoire de ce débat.
Nous avons eu des discussions sereines, à peu près jusqu’à mardi dernier. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Il n’y avait que vous qui parliez !
M. Thomas Dossus. Cela a été long, évidemment, mais nous avons étudié six articles sereinement (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.), jusqu’à mardi.
Mardi, il s’est passé quelque chose : les Français se sont levés, ils vous ont dit à quel point ils rejetaient cette réforme, les grèves ont commencé et cela a marqué le début de la panique : 1 000 amendements de la gauche sont tombés, sous l’effet d’un acte de procédure.
Ensuite, nous avons assisté à la montée en puissance du règlement – articles 42 et 38 du règlement et 44.2 de la Constitution –, mais aussi aux débuts de la fissure, puisque certains sénateurs de la droite et du centre n’ont pas voté l’article 7.
Par ailleurs, à l’Assemblée nationale, les menaces ont commencé de pleuvoir sur les députés de la majorité qui ne voteraient pas ce texte.
Aujourd’hui, pour 11 sous-amendements – soit une demi-heure de débat –, le ministre a craqué et a sorti le 44.3.
Il nous reste 900 amendements à examiner.
Mme Sophie Primas. 1 000 ! Et vous en rajoutez sans cesse ! C’est la vis sans fin…
M. Thomas Dossus. Certes, 1 000 amendements. Mais il nous restait trois jours de débat et on aurait pu ouvrir une journée de plus. Nous aurions donc pu aller au bout de ce texte, d’autant qu’il s’agissait de la partie sucrée de la réforme, des mesures d’atténuation de sa brutalité.
Nous avons vu hier, quand nous avons commencé à en débattre, que l’on n’arrivait même plus à expliquer ces mesures d’atténuation, que personne ne les comprenait et qu’elles n’étaient pas à la hauteur. Mais nous venons à l’instant de comprendre ce qui se passe : vous n’arrivez pas à masquer la brutalité de la réforme et à assumer ces débats, donc vous essayez de nous faire taire.
Tout le monde l’a compris, mais vous n’y arriverez pas et, demain, les manifestations seront massives ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Claude Tissot. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 42, alinéa 9, de notre règlement.
Je suis profondément choqué, alors que l’avenir des Français est en jeu et que nous débattons du droit à avoir une retraite en bonne santé et un repos mérité après une longue carrière éreintante, de voir le Gouvernement décider, en seulement trente minutes, de contourner ainsi le Parlement et le débat démocratique.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, avez-vous seulement conscience, en ratifiant la proposition du Gouvernement, de ce que vous venez d’accepter, alors que vous ne cessez de rappeler la grandeur du Sénat, à laquelle je crois également ? Vous venez de réduire à néant son rôle institutionnel au sein de notre République !
Je souhaite revenir sur les propos de notre collègue qui parlait d’« obstruction honteuse » des groupes de gauche. Et vous, mon cher collègue, n’avez-vous pas honte de refuser un débat sur un texte qui privera les Français de deux ans de vie et de projets à accomplir ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’aime bien quand la droite proteste quand je parle : cela montre que, en tant qu’élu de gauche, je touche juste. (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Roger Karoutchi. Vous n’êtes pas ici un élu de gauche, vous êtes un sénateur qui fait un rappel au règlement !
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le ministre, vous justifiez cette manœuvre de contournement par la volonté de faire aboutir un texte de loi prétendument de justice sociale. Pourtant, mardi dernier, plus de 6 000 personnes étaient réunies dans une ville que vous connaissez bien, Annonay, dont vous avez été maire et député, une commune qui jouxte le département dont je suis élu.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Jean-Claude Tissot. Nombre de manifestants rappelaient que, voilà douze ans, vous manifestiez à leurs côtés contre la réforme des retraites d’Éric Woerth, en dénonçant, selon vos mots de l’époque, une réforme « doublement injuste ». (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ce n’est pas un rappel au règlement ! Il faut le dire, madame la présidente !
M. Jean-Claude Tissot. Pensez-vous que, cette fois, la réforme est juste, monsieur le ministre ? L’ensemble des interventions des orateurs de gauche prouvent le contraire !
Mme la présidente. Monsieur Tissot, ce n’est pas un rappel au règlement !
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Je souhaitais réagir à quelques-uns des rappels au règlement, notamment sur un point, mais, M. Tissot, en évoquant une commune qui m’est chère, m’invite à réagir plus tôt que je ne le pensais.
Monsieur Tissot, vous évoquez la manifestation qui s’est déroulée dans ma commune, celle où j’habite. Cela me permet d’apporter un élément nouveau au débat, en précisant d’emblée qu’aucun sénateur ici présent n’en est responsable.
Il y a quelques heures de débat, voilà peut-être deux jours, j’ai indiqué que, mardi, de dix heures à quinze heures, 2 400 foyers de ma commune avaient été privés d’électricité à la suite d’une coupure volontaire.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ce n’est pas notre faute !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. C’est ce que vient de dire M. le ministre !
M. Olivier Dussopt, ministre. Cette coupure a obligé les lycées à fermer leurs portes, a empêché les commerçants de travailler, a nécessité des interventions des pompiers pour délivrer des personnes bloquées dans des ascenseurs, a contraint les résidents d’un foyer de personnes âgées à manger froid, a suscité des interventions des pompiers pour assister des personnes placées sous respirateur et a causé le désordre que vous pouvez imaginer.
Depuis lors, monsieur le sénateur, cette coupure volontaire a été revendiquée par la CGT Énergie. Si c’est de ce mouvement social que vous vous réclamez, je ne suis pas sûr que cela contribue à la clarté ou à la légitimité des débats. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
J’ai également entendu, à plusieurs reprises, des mots qui me semblent dépasser largement le cadre de nos débats.
M. Roger Karoutchi. Et du cadre des rappels au règlement…
M. Olivier Dussopt, ministre. Sans doute, monsieur Karoutchi, mais, n’étant pas moi-même sénateur, je n’oserai pas me prononcer sur cet aspect.
J’ai entendu les expressions « coup de force », « bâillon », « censure », « régime illibéral » ou « antidémocratique », « coup d’État », « régime autoritaire »… Je crois véritablement que ces mots ne sont pas adéquats pour qualifier la mise en œuvre d’une procédure prévue dans la Constitution, notre texte fondamental. Il s’agit de dispositions qui autorisent le Gouvernement à solliciter du Parlement une seule chose : la clarté d’un positionnement et d’un débat.
J’ai également entendu des interventions offusquées prétendant que personne n’avait jamais osé faire cela et que cette action était absolument incroyable.
Au cours des quelques rappels au règlement qui se sont succédé, j’ai eu le loisir de consulter les archives du Sénat. Le 20 avril 2013, après dix-huit heures de débat, à l’issue de l’examen de 156 amendements sur les 679 déposés sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, qui comptait d’ailleurs vingt articles également – c’est le hasard de la comparaison –, l’un de mes prédécesseurs, Michel Sapin, avait recours à l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, considérant qu’il n’y avait plus d’autre possibilité de faire aboutir le texte.
C’est d’autant plus remarquable que le gouvernement qu’il représentait à l’époque, et que je soutenais – j’ai voté cette loi en tant que député –, bénéficiait d’une majorité au sein de la Haute Assemblée.
C’est la démonstration que, même lorsqu’un gouvernement est majoritaire dans une assemblée, s’il fait face à l’obstruction, il recourt à des dispositions constitutionnelles pour permettre la clarté des débats. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC et Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. David Assouline. N’importe quoi !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.
M. Roger Karoutchi. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 43 bis du règlement.
Le débat est contraint, c’est vrai, par le recours à l’article 47-1 de la Constitution. L’auteur d’un rappel au règlement a excipé de l’article 28 de la Constitution pour affirmer que le Gouvernement aurait très bien pu laisser un jour de plus pour l’examen du texte, mais c’est faux, pardonnez-moi de vous le dire !
L’article 28 dispose qu’il y a cent vingt jours de séance par session ordinaire et que le Gouvernement peut en ajouter, en cas de besoin. Cela n’a rien à voir avec l’article 47-1, qui fixe très clairement le nombre de jours d’examen d’un texte, auxquels on ne peut rien ajouter. (M. Ronan Dantec proteste.) Pardon, mon cher collègue, je veux bien que l’on torde le cou à la Constitution, mais il y a des limites !
Par ailleurs, ce que j’entends ici me désole. On remet en cause le règlement du Sénat, adopté à l’unanimité de tous les groupes en 2015, ainsi que de la Constitution, dont les articles incriminés, notamment l’article 44, datent de 1958.
Or, depuis 1958, aucun gouvernement de gauche n’a modifié cet aspect de la Constitution, aucun, parce que chaque gouvernement a considéré qu’il fallait évidemment conserver une capacité de passer outre à l’obstruction. Gouvernements de gauche, gouvernements de droite, gouvernements Macron : personne n’a envisagé, jusques et y compris dans de vagues projets de révision, de remettre en cause l’article 44. Ces remises en cause constituent donc un problème !
M. Rémi Cardon. Il y a des idées de réforme… La VIe République !
M. Roger Karoutchi. J’entends des expressions comme « coup d’État », mais la vérité est que nous avons essayé de débattre. À plusieurs reprises, j’ai demandé, pour garantir la sérénité des débats, que l’on cesse les dépôts de sous-amendements…
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il fallait nous réunir en commission !
M. Roger Karoutchi. … et les explications de vote multiples, afin de nous consacrer au fond des débats, dans le respect de tous.
Cela n’a pas été possible. Si le débat parlementaire doit donc aujourd’hui, malheureusement, céder le pas à une méthode plus autoritaire, vous en portez, à gauche, la responsabilité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, INDEP et RDPI, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Cohen. Sur le fondement de quel article ?
M. Bruno Retailleau. Le 46 bis !
Mes chers collègues de gauche, vous surjouez l’indignation et vous faites mine d’être surpris, alors que vous ne l’êtes pas.
M. Bruno Retailleau. La mise en œuvre du vote bloqué, c’est l’application de la Constitution. Ce n’est pas une application illibérale de notre loi fondamentale ! Nous sommes sous la Ve République, non pas sous la IVe ! La cause de cette application du vote bloqué, c’est vous, c’est votre obstruction !
Vous n’avez donné que votre version des faits. Je vous donne maintenant la nôtre. Bien sûr, jusqu’au mardi 7 mars, tout se passait bien, puisque nous avions un engagement réciproque : vous souhaitiez que l’on discute l’article 7 et qu’il soit mis aux voix, mais pas avant le 7 mars. Nous nous sommes tus,…