Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement a bien des vertus.
La première est qu’il vise à protéger le droit au départ à la retraite à 60 ans des salariés en incapacité permanente. La seconde est que son adoption ne ferait tomber aucun amendement. On n’en voudrait que des pareils !
Pour autant, il n’est pas tout à fait exact, monsieur le ministre, de dire que l’adoption de cet amendement augmenterait les dépenses. Il s’agirait en effet non pas d’une dépense nouvelle, mais d’une moindre économie sur votre projet de réforme des retraites. Ce n’est pas tout à fait la même chose.
En outre, il y aurait un transfert de charges de l’assurance vieillesse vers la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Nous devons être plus précis dans notre manière de nous exprimer, afin de ne pas faire croire aux gens qui nous regardent – ils sont très nombreux, comme vous l’aurez remarqué vous aussi, mes chers collègues – que les amendements qui sont déposés seraient des dispositions irresponsables ne prenant pas en compte le nécessaire équilibre des dépenses publiques.
Monsieur le ministre, le piège que vous nous tendez est assez diabolique. C’est le chantage permanent : « Si vous votez l’amendement de M. Savary, alors vous supprimerez des mesures importantes sur la durée d’exposition. »
Nous ne pouvons accepter ce chantage ! Nous voterons donc l’amendement de M. Savary, tout en dénonçant votre discours.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Comme vient de le préciser Laurence Rossignol, nous voterons cet amendement, dont les dispositions vont dans le bon sens.
Depuis le début de ce débat, nous n’avons de cesse de dénoncer le report d’âge de deux ans pour l’ensemble des assurés, quelle que soit leur situation. En effet, les personnes qui devaient partir à 62 ans partiront à 64 ans et celles qui devaient partir à 60 ans partiront à 62 ans.
Cet amendement vise à maintenir la possibilité de départ à 60 ans. Ses dispositions vont véritablement dans le bon sens, en ce qu’elles reconnaissent la pénibilité et la situation parfois extrêmement difficile de celles et ceux qui relèvent de ce dispositif.
En outre, il ne s’agit nullement d’une dépense nouvelle, puisque le dispositif actuel serait maintenu. Notre groupe votera donc cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Après le spectacle assez désolant de ces derniers jours, je souhaite vivement que le Gouvernement, à l’occasion de l’examen d’amendements quelque peu construits,…
M. René-Paul Savary, rapporteur. Merci !
M. Roger Karoutchi. … fasse un effort.
Monsieur le ministre, même si vous avez déjà réalisé des efforts au début de ce débat, vous ne pouvez pas considérer l’équilibre de votre texte comme un frein aux nouvelles avancées qui sont nécessaires.
Si vous souhaitez travailler avec l’ensemble du Sénat, vous devez accepter des modifications. Malgré le désordre généralisé, nous avons beaucoup insisté, hier, sur l’usure professionnelle, sur la difficulté de certaines carrières et sur la nécessité, pour ceux qui souffrent en fin de parcours professionnel, de partir à la retraite de manière anticipée.
La mesure de M. le rapporteur permet de dire que l’allongement de la durée de cotisation ou le report de l’âge que vous souhaitez ne s’applique pas de manière indifférenciée pour tout le monde et que, clairement, lorsqu’une personne n’est plus en situation de travailler, il ne faut pas le lui imposer. (M. Jean-Michel Houllegatte acquiesce.)
Je reconnais bien volontiers que de telles mesures ont un coût. Certes, il faut sauver les comptes publics et l’équilibre du système de retraites, mais il y a aussi la justice, monsieur le ministre ! Lorsque l’on présente aux Français une réforme difficile, le Gouvernement et le Sénat doivent reconnaître qu’il y a des gens pour lesquels cela n’est pas possible.
Aussi, nous prenons les mesures nécessaires pour trouver des solutions. N’hésitez pas, monsieur le ministre, à les prendre avec nous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot et M. Alain Duffourg applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Nous avions, nous aussi, des arguments construits, mais tous ont été frappés d’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution…
Tout en constatant que vous contournez cet article pour défendre votre amendement, je le soutiendrai néanmoins, à l’instar de mes collègues.
La réforme s’accompagne de nombreux transferts de ses effets aux autres branches de la sécurité sociale. Ainsi, la branche AT-MP n’est pas la seule concernée : il y a aussi des transferts « invisibilisés » vers la branche maladie – la Cnam –, sur l’assurance chômage ou encore sur le revenu de solidarité active (RSA) et autres minima sociaux.
Pour pérenniser votre réforme, vous rendez visible, par nécessité, l’un de ces transferts, dont le total s’élève plutôt à 5 milliards d’euros qu’à 200 millions d’euros.
Monsieur le ministre, vous affirmez que vous conserverez les mesures d’accompagnement, que vous prendrez peut-être par décret, comme le suggère M. le rapporteur.
Permettez-moi néanmoins de revenir sur les 3,1 milliards d’euros que vous attribuez à tort, puisque vous maintenez simplement le dispositif existant, aux mesures d’accompagnement en matière d’incapacité permanente.
Nous avons là 3,1 milliards d’euros de marges de manœuvre, soit bien plus que les 250 à 300 millions d’euros annoncés, à consacrer à d’éventuelles mesures additionnelles.
Je n’ai jamais eu de réponse sur ce point. Je m’étonne d’ailleurs que, depuis le temps que j’alerte sur le fait que 3 milliards d’euros sont indûment affectés aux mesures d’accompagnement, la commission des finances et la commission des affaires sociales ne se soient pas encore saisies de cette question.
J’estime ainsi que nous disposons de marges de manœuvre à hauteur de 3,1 milliards d’euros pour prendre des mesures visant à atténuer la brutalité de votre réforme.
Nous ne pouvons qu’être favorables à cet amendement. Nous aurions d’ailleurs proposé cette mesure très naturellement…
Mme la présidente. Merci de conclure, ma chère collègue !
Mme Raymonde Poncet Monge. … si nous avions disposé des mêmes moyens que vous.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Je veux reprendre un argument que j’ai déjà développé ici : pourquoi, si vous cherchez vraiment à atténuer certains effets de cette réforme, ne pas mettre ce projet de loi à profit pour faire en sorte que l’ensemble des personnes qui sont qualifiées de handicapées puissent partir à la retraite à 60 ans ?
Je n’arrive pas bien à comprendre pourquoi – et surtout selon quel critère – certaines de ces personnes devraient continuer de partir à la retraite à 62 ans. Je rappelle tout de même que ces personnes ne travaillent pas et qu’elles perçoivent des revenus de la solidarité nationale, mais de la part d’autres branches de la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je veux soutenir cet amendement, dont les dispositions constituent une avancée importante.
Passer d’une incapacité de 20 % à 10 % après un accident du travail ou une maladie professionnelle pour bénéficier de la retraite à 60 ans et diminuer la durée minimale d’exposition de dix-sept ans à cinq ans sont des améliorations très importantes pour nos concitoyens.
Certains disent que nos débats sont beaucoup regardés. Je veux donc remercier publiquement nos rapporteurs d’avoir déposé cet amendement, dont l’adoption permettra de maintenir à 60 ans l’âge minimum de départ à la retraite anticipée pour incapacité permanente. Ainsi, nous réparons les dommages subis par les assurés au cours de leur carrière et liés à la pénibilité.
J’espère que le Gouvernement acceptera de prendre en compte cet amendement dans la suite de la navette parlementaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai également ce très bon amendement et je remercie les rapporteurs de l’avoir déposé.
Monsieur le ministre, vous devez faire confiance au Sénat, en particulier lorsqu’une mesure est soutenue sur l’ensemble de nos travées, comme c’est le cas pour cet amendement.
J’ajoute que cet amendement n’a pas été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, alors que la commission de finances, vous le savez bien, est très vigilante en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Certains se sont étonnés qu’un amendement de ce type, clairement passible de l’article 40, ait pu être déclaré recevable par la commission des finances, tandis que d’autres amendements ont été frappés d’irrecevabilité à ce titre.
Je veux apporter une réponse en tant que président de la commission des finances : il faut en remercier le ministre Attal !
Si cet amendement a été déclaré recevable, c’est parce que, lors de la discussion générale, le ministre a indiqué, dans des propos certes ambigus, et sans approuver formellement une telle ouverture, qu’il y avait un intérêt à discuter de ce sujet. Il faut savoir en effet que la recevabilité financière s’apprécie aussi en fonction des déclarations du Gouvernement.
Les propos du ministre n’engageaient pas formellement le Gouvernement – les juristes pourront un jour s’emparer de cette question… D’ailleurs, le ministre du travail vient de donner un avis défavorable. J’ai cependant souhaité aider la commission des affaires sociales, en ne déclarant pas son amendement irrecevable.
Enfin, vous pouvez remercier également le ministre qui est au banc du Gouvernement en cet instant, parce qu’il pourrait tout à fait se lever et invoquer lui-même l’article 40 de la Constitution.
Profitons donc de ce moment de grâce pour voter cet amendement ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Les dispositions de cet amendement vont dans le bon sens et nous allons les voter, mais on ne peut pas vraiment les qualifier d’avancées ou de conquêtes sociales – on est tout de même loin de la philosophie d’Ambroise Croizat !
Il suffit de revenir aux chiffres pour s’en rendre compte. Les dispositions de ce texte relatives aux départs anticipés pour accident du travail ou maladie professionnelle entraînant une incapacité permanente ne concerneraient que 3 000 personnes par an – M. le ministre l’a lui-même reconnu.
Je ne suis pas sûr qu’élargir les critères nous permette d’aller beaucoup plus loin. Cela pourrait concerner, au maximum, 20 000 personnes… D’ailleurs, monsieur le rapporteur, quelle est votre estimation quant au nombre de personnes concernées par votre proposition ?
Le Sénat a voté le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans, une mesure qui va toucher des millions de travailleurs et de travailleuses. On voit donc bien que l’on ne peut pas parler, avec cet amendement, d’une grande conquête sociale…
En outre, je vous le rappelle, quatre critères de pénibilités ont été supprimés en 2017 : l’exposition aux agents chimiques dangereux, la manutention manuelle de charges, les postures pénibles et les vibrations mécaniques.
Faut-il réintégrer ces critères ou maintenir leur suppression ? Il serait tout de même intéressant d’avoir un débat sur ce sujet. Si nous les réintégrions, nous élargirions vraiment le nombre des personnes concernées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Depuis dix jours, nous insistons sur la suppression, décidée par M. Macron en 2017, des quatre critères de pénibilité qui viennent d’être cités.
Les dispositions de cet amendement vont dans le bon sens, mais, comme vient de le dire Fabien Gay, elles ne toucheront que très peu de personnes. On ne peut donc pas parler d’avancée sociale : il s’agit tout juste d’un non-recul… Si nous voulons vraiment élargir l’assiette, nous devons plutôt progresser sur la question des critères.
Pour autant, je le redis, les dispositions de cet amendement vont dans le bon sens et nous les voterons avec plaisir, monsieur le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Votons, alors !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je veux simplement préciser à M. le président de la commission des finances que si cet amendement est recevable au titre de l’article 40 de la Constitution, c’est parce que ses dispositions ne vont pas au-delà du droit actuel – nous restons dans le même périmètre.
Il me semble que vous faisiez référence, monsieur le président de la commission, à un autre sujet – la retraite progressive – que nous examinerons un peu plus tard.
Nous savons bien que le passage de 62 ans à 64 ans est une mesure difficile. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, dont les dispositions constituent une mesure de solidarité envers des personnes pour lesquelles cet effort n’est pas concevable.
Je remercie les orateurs qui se sont exprimés en faveur de cet amendement et je vous invite maintenant, mes chers collègues, à le voter.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Monsieur Karoutchi, si ma fonction me permettait de donner des avis favorables à tous les amendements déposés, y compris quand je considère qu’ils ont un intérêt sur le fond, alors qu’ils visent à contrevenir à notre objectif d’équilibre budgétaire, et quand bien même le financement ne concerne pas les régimes de retraite, ma vie serait certainement plus agréable… (Sourires.)
Les dispositions de l’amendement n° 2138 présenté par M. Savary présentent naturellement un intérêt, je l’ai dit, et nous pouvons en discuter de manière sereine. Deux problèmes se posent toutefois.
Tout d’abord, monsieur Raynal, le Gouvernement a été circonspect s’agissant de l’article 40 de la Constitution.
Ensuite, comme l’a indiqué à raison M. le rapporteur, les questions liées à la durée d’exposition ou à la commission pluridisciplinaire relèvent du champ réglementaire.
C’est un sujet sérieux, je ne veux donc pas utiliser une expression comme « fromage ou dessert », mais c’est un peu l’idée : le Gouvernement a annoncé qu’il mettrait en œuvre par voie réglementaire un certain nombre d’assouplissements. L’adoption de cet amendement renchérirait encore davantage le coût du dispositif.
Cela étant, le Gouvernement respecte le vote de la commission des affaires sociales et son avis sur cet amendement n’empêche évidemment pas le Sénat de se prononcer. Nous verrons ensuite, dans le cadre de la commission mixte paritaire, si ces mesures prospèrent ou non.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous informe que onze sous-amendements viennent d’être déposés sur cet amendement, alors même que les explications de vote avaient commencé… (Exclamations.)
Opposition à l’examen de sous-amendements
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement souhaite que le Sénat puisse se prononcer sur de telles questions de fond.
Or Mme la présidente nous annonce que des sous-amendements viennent d’être déposés sur l’amendement n° 2138 de la commission, dont nous débattons justement.
Si le Gouvernement n’a pas à se prononcer sur l’opportunité du dépôt de ces sous-amendements, il constate que ceux-ci n’ont pas été examinés par la commission. Par conséquent, conformément à l’article 44, alinéa 2, de la Constitution, ces sous-amendements ne peuvent être examinés. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Emmanuel Capus. Très bien !
Mme la présidente. Conformément à l’article 44, alinéa 2, de la Constitution et à l’article 46 bis, alinéa 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement s’oppose à l’examen des sous-amendements à l’amendement n° 2138 qui n’ont pas été antérieurement soumis à la commission.
Madame la présidente de la commission, confirmez-vous que ces sous-amendements n’ont pas été soumis antérieurement à la commission avant l’ouverture du débat ?
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je vous le confirme, madame la présidente.
Mme la présidente. Dans ces conditions, ces sous-amendements ne peuvent être examinés. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, ce qui s’est passé hier soir ne vous a donc pas suffi ? Vous avez aimé ça ? Vous avez une addiction ? (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et RDPI.)
M. Martin Lévrier. Sur quel article du règlement porte ce rappel ?
M. Emmanuel Capus. Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme la présidente. Madame Rossignol, je vous remercie d’en rester à votre rappel au règlement.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, avez-vous une addiction aux rappels au règlement ? Voulez-vous vraiment déclencher l’irrecevabilité pour onze sous-amendements ?
Je peux éventuellement comprendre, en me mettant à votre place, que vous agissiez ainsi quand il y a un grand nombre de sous-amendements en discussion. Mais quand il y en a onze, cela ne peut être que pour nous priver d’un débat approfondi, alors même que le sujet est sérieux.
Si vous vous énervez à onze, comment allons-nous finir ? Si vous ne voulez pas débattre, dites-le franchement ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Combien avons-nous le droit d’en déposer ? Trois ? Un ? Zéro, peut-être ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Cohen. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 44 bis.
Hier, il y a eu des rappels au règlement du fait de la procédure que vous avez déclenchée, monsieur le ministre. Aujourd’hui, vous le faites pour onze sous-amendements, alors même qu’ils sont très importants, parce qu’ils nous auraient permis de parler de la vie des gens, de leurs métiers et de la pénibilité.
M. Emmanuel Capus. Il fallait les déposer avant !
Mme Laurence Cohen. Je suis donc tout à fait étonnée de la manière dont les choses se passent.
Tout à l’heure, la présidente de la commission s’est levée pour demander un examen en priorité de l’amendement n° 2138, alors que la commission ne s’était pas réunie pour prendre une telle décision.
Ensuite, la présidente de la commission s’est levée pour dire que la commission n’avait pas examiné les sous-amendements. Madame la présidente, réunissez-nous, et nous déciderons collectivement !
M. Vincent Éblé. Très bien !
Mme Laurence Cohen. Il est tout de même extraordinaire de parler au nom de la commission, alors que celle-ci ne s’est pas réunie ! La commission, c’est la présidente, c’est le rapporteur ? C’est qui ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est nous !
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour un rappel au règlement.
M. Fabien Gay. Je ne voulais pas intervenir sur ce sujet, mais je vais le faire, et cela sans provocation.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le règlement n’est pas fait pour régler une question politique. Il est fait pour organiser notre vie commune.
Ce matin, l’examen en priorité d’un amendement a été demandé. Il s’agissait d’un amendement important, et un débat était nécessaire.
Quand on est au banc des commissions, ce qui ne m’est encore jamais arrivé, on représente la commission, pas un groupe politique, fût-il majoritaire.
Or l’article 44, alinéa 6, du règlement précise que, lorsque les priorités ou réserves dont l’effet, en cas d’adoption, est de modifier l’ordre de discussion des articles d’un texte ou des amendements sont demandées par la commission, elles sont de droit.
Le règlement parle donc de la commission, pas de sa présidente ou de son rapporteur.
Mme Laurence Cohen. Absolument !
M. Fabien Gay. Ma question est donc simple : quand la commission s’est-elle réunie pour délibérer sur cette demande de priorité ? (Oui, quand ? sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Encore une fois, le règlement sert à organiser nos débats, et non à répondre à une question politique. De ce point de vue, si nous continuons d’innover, comme nous le faisons depuis deux jours, cela laissera des traces !
M. Philippe Mouiller. C’est sûr !
M. Roger Karoutchi. En effet !
M. Fabien Gay. Je le dis tranquillement et de façon apaisée, d’autant que je sais très bien que, si la commission se réunissait et qu’il y avait un vote, la majorité sénatoriale l’emporterait. Mais dans ce cas-là, il n’y aurait pas de problème !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Les choses avaient bien commencé. (Eh oui ! sur les travées du groupe SER.)
Mes chers collègues, de grâce, redescendez sur terre et pensez à nos concitoyens qui demandent des réponses !
Quand cet amendement a-t-il été présenté à la commission ?… C’était le 28 février dernier. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales le confirme.) Ne pensez-vous pas que vous aviez largement le temps de déposer des sous-amendements, si cela vous semblait nécessaire ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – MM. Vincent Capo-Canellas et François Bonneau applaudissent également.)
Depuis la réunion de la commission, chacun a pu procéder à des consultations, organiser des auditions complémentaires – je l’ai fait pour ma part – et préparer les débats. Vous aviez donc le temps de m’alerter pour que nous discutions d’éventuelles difficultés.
C’est pour cette raison que je considère – peut-être ai-je tort – que ces sous-amendements, déposés dans la précipitation et sans étude d’impact,…
Mme Laurence Cohen. Parlons-en, des études d’impact !
M. René-Paul Savary, rapporteur. … ne relèvent pas de la commission.
Nos concitoyens attendent de nous que nous approfondissions ce texte et que nous travaillions de manière sereine sur tous ces sujets.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas la question !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Le Sénat doit être en situation d’examiner ce projet de loi de manière approfondie.
Les explications de vote qui ont déjà eu lieu montraient que cet amendement était largement soutenu dans l’hémicycle. Je ne crois pas qu’il mérite le dépôt de tant de sous-amendements. S’il avait fallu le modifier, je pense que vous vous en seriez rendu compte avant.
Par conséquent, tout le monde s’étant exprimé, il me semble normal que nous passions au vote ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.
M. Patrick Kanner. Je veux tout d’abord revenir sur un rappel au règlement fait hier soir, tardivement, par Olivier Henno, dans une tonalité accusatoire assez particulière.
M. Patrick Kanner. Sachez, monsieur Henno, que je surmonte très bien mon mal-être ! Les groupes de gauche sont parfaitement unis, ce qui n’est pas tout à fait le cas, que je sache, du groupe Union Centriste… Mais je ferme la parenthèse. (Protestations sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Martin Lévrier. Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme la présidente. Venez-en à votre rappel au règlement, mon cher collègue !
M. Patrick Kanner. Le règlement interdit toute attaque personnelle, madame la présidente.
Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 46 bis. Je veux poser une question à la droite sénatoriale et à la droite élyséenne.
M. Vincent Capo-Canellas. Ce n’est donc pas un rappel au règlement !
M. Patrick Kanner. Mais si !
Cette question est simple : combien de sous-amendements nous autorisez-vous à déposer ? Jusqu’où va votre générosité ? Trois, cinq, huit ?…
Mme Sophie Primas. Il faut les déposer dans les délais !
M. Patrick Kanner. C’est peut-être dérangeant pour vous (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais nous avons le droit de déposer des sous-amendements !
Par ailleurs, monsieur le ministre, c’est la seconde fois que vous utilisez l’article 44, alinéa 2 de la Constitution, pour bloquer nos débats. C’est une sorte d’arme nucléaire tactique, mais vous disposez aussi d’une arme nucléaire stratégique : l’alinéa 3 de ce même article, c’est-à-dire le vote bloqué.
Si c’est ce que vous voulez, dites-le-nous le plus vite possible. Les Français doivent savoir en quelle estime vous tenez le Parlement !
M. Roger Karoutchi. C’est vous qui bloquez le Parlement !
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour un rappel au règlement.
M. Guillaume Gontard. « Monsieur le ministre, il y a le droit, mais il y a aussi l’abus de droit, quand on s’écarte de l’esprit de la Constitution. La décision du Gouvernement me paraît d’ailleurs largement improvisée. Elle augure mal des discussions à venir sur le débat parlementaire.
« Monsieur le ministre, je vous demande solennellement de prendre les mesures nécessaires dans la journée pour que le débat ait lieu. Il n’est pas bon de soumettre ainsi le Parlement à un rapport de force inadmissible.
« Recourir à des instruments de rationalisation du parlementarisme quand l’on dispose d’une telle majorité constitue à mes yeux un aveu de faiblesse de la part du Gouvernement.
« Nul besoin de recourir à de tels artifices si l’on dispose d’arguments convaincants. Pardonnez la véhémence et la solennité de mon propos, mais un autre ton ne pouvait convenir, quand le moment est si grave. »
Telles sont les paroles qu’a tenues Philippe Bas, en 2018, à propos du texte d’André Chassaigne sur les retraites agricoles, parce que le Gouvernement utilisait justement le même type d’artifices qu’aujourd’hui.
Aussi, un peu de sérieux, monsieur le ministre ! Il n’est pas raisonnable d’utiliser un artifice de procédure pour supprimer une douzaine de sous-amendements, alors qu’il s’agit d’un sujet important. M. Karoutchi a même dit que cet amendement était plutôt bien construit ; continuons donc d’y travailler.
Le groupe écologiste n’a déposé pour sa part qu’un sous-amendement ; nous sommes donc bien loin de l’obstruction. Nous souhaitions simplement discuter et améliorer l’amendement de la commission.
Nous avions bien commencé cette séance, et je pensais que la nuit avait été bonne pour chacun.