M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 872.
M. Jérôme Durain. Pourquoi faut-il supprimer cet article 7 ? Pas parce que la droite est de droite – on peut, chers collègues, vous reconnaître une certaine constance.
Peut-être davantage parce que MM. Macron et Dussopt disent aujourd’hui l’inverse de ce qu’ils disaient naguère.
Peut-être aussi parce que la procédure parlementaire a été détournée et que les raisons qui ont présidé au choix de ce véhicule législatif font douter de la qualité du travail que nous conduisons ensemble. La forme, c’est le fond qui remonte à la surface. Au vu de la forme qui a été retenue, le fond n’est pas bon !
Davantage encore, il faut supprimer cet article 7 à cause de l’unité syndicale que vous avez su réaliser dans la rue contre vous. La concertation a été manquée. Nous ne voulons pas cautionner l’injustice et la brutalité de deux ans de travail supplémentaire imposés à une population qui n’en veut pas et qui n’en peut plus.
Il faut supprimer l’article 7, parce qu’il catalyse toutes les angoisses, toutes les peurs et toutes les colères.
Il faut surtout supprimer l’article 7 parce que vous n’avez pas de plan B.
Quel est le coup d’après ? Qui soutient cette réforme ? Personne ! Vous avez tous été des élus locaux, mes chers collègues. Vous savez ce qui peut passer et ce qui peut ne pas passer, ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
Je veux renvoyer à ce que m’ont dit certains syndicalistes : ils ont peur que les choses tournent mal, parce que la réforme se poursuit avec plusieurs millions de salariés dans la rue, alors que 250 000 « gilets jaunes » qui ont tout cassé avaient réussi à arrêter les réformes. Que faut-il faire alors ? Tout casser ?
Voilà la réalité : ce n’est pas le bon moment ; ce n’est pas la bonne méthode. La population est inquiète face à l’inflation, face aux difficultés du quotidien, face à un profond doute démocratique.
Il n’est pas trop tard pour renoncer à ce mauvais article 7. Il n’est pas trop tard pour renoncer à cette mauvaise réforme ! (Mmes Michelle Meunier, Raymonde Poncet Monge et Laurence Rossignol et M. Daniel Salmon applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour présenter l’amendement n° 935.
Mme Viviane Artigalas. Cet article 7 recule de deux ans l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite, et ce pour tous les salariés, quelles que soient leurs difficultés et la durée de leur carrière. Il prévoit aussi l’accélération de l’augmentation de la durée des cotisations prévue dans la réforme Touraine.
Ces deux dispositifs vont accroître les inégalités pour les plus précaires, les femmes, ceux qui exercent des métiers difficiles.
L’article 7 comporte les dispositions les plus régressives de ce projet de loi.
Se conjuguant à la réforme de l’assurance chômage, qui réduit la durée d’indemnisation, et à celle du RSA, cette réforme va précariser les travailleurs seniors, qui voient leur durée d’indemnisation chômage réduite de huit mois et n’auront donc plus que le RSA pour survivre, s’ils y ont droit !
Qui peut croire raisonnablement que ce que vous proposez, c’est-à-dire un nouvel indicateur que devront publier les entreprises sans aucune obligation de résultat, aura un quelconque effet d’amortisseur sur cette paupérisation des travailleurs seniors ?
De plus, vous n’avez absolument pas mesuré – ou nous ne le savons pas – les coûts supplémentaires induits par cette réforme pour l’assurance chômage, le RSA et l’assurance maladie.
Cette réforme est injuste. Elle est sans aucune mesure avec les prévisions du Conseil d’orientation des retraites sur le déficit du régime de retraite et va, au contraire, augmenter certaines dépenses publiques, comme nous vous l’avons déjà signalé.
C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement visant à supprimer l’article 7. Monsieur le ministre, je pense que vous n’avez pas d’autre choix que de retirer ce projet de loi injuste, inutile et inefficace. Vous devez laisser le choix aux Français : partir à l’âge de 62 ans ou continuer une activité professionnelle, s’ils le souhaitent.
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour présenter l’amendement n° 952.
M. Rémi Cardon. Monsieur le ministre, n’entendez-vous pas la gronde qui, partout en France, d’Abbeville à Montauban, de Marseille à Péronne, vous enjoint de ne pas décaler de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite ?
Après avoir méprisé le dialogue social, après avoir ignoré l’ensemble des revendications des travailleurs, après avoir piétiné le Parlement, vous vous apprêtez à prendre les deux plus belles années de la vie de celles et de ceux qui l’ont passée à travailler et qui méritent le repos.
Et pourquoi tout cela ?
Pour équilibrer les comptes publics asséchés par votre politique intensive des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises, avec notamment la fin de la CVAE, et aux ménages les plus riches, avec en particulier la suppression de l’ISF et la création de la flat tax.
Chez moi, dans la Somme, grâce à vous, l’entreprise Amazon, à Boves – 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires !–, ne paiera plus de contribution de 140 000 euros par an à Amiens Métropole.
Vous me direz que c’est une goutte d’eau, que c’est trois fois rien. Mais, en période de sécheresse, on a justement besoin d’un ruissellement qui arrose les plus fragiles !
Vous le savez, les gouttes d’eau font les grandes rivières.
M. Jean-François Husson. Non, les petits ruisseaux !
M. Rémi Cardon. La suppression de la CVAE, c’est 20 milliards d’euros en moins pour l’État chaque année, que vous entendez compenser en faisant travailler et en taxant deux années supplémentaires les Français.
Drôle de ruissellement, n’est-ce pas ? À l’époque où il n’y a plus d’argent magique, il est grand temps de ne plus offrir « un pognon de dingue » à ceux qui n’en ont pas besoin.
Enfin, je me tourne vers la droite de notre hémicycle pour lui offrir une petite citation. Émile Zola nous prévenait, il y a déjà un siècle : « L’injustice sociale sème la haine éternelle, récolte l’universelle souffrance. » Voilà en quelques mots ce que seront les fruits de cette réforme injuste et inutile, dont vous vous faites complices et coauteurs. Majorité présidentielle et majorité sénatoriale, même combat !
Ne faites pas davantage souffrir les Français, entendez la souffrance…
M. le président. Il faut conclure !
M. Rémi Cardon. … de notre nation et retirez cet article. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. Jean-François Husson. C’est laborieux !
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour présenter l’amendement n° 989.
M. Claude Raynal. Les débats de la soirée s’annoncent passionnants. Je veux répondre à nos collègues de la majorité qui se sont exprimés en faveur de la réforme.
Notre collègue Olivier Cadic, par exemple, s’est amusé à faire une petite comparaison européenne, ce qui est normal vu qu’il représente les Français établis hors de France. Il nous a expliqué que la France, avec son âge de départ à 62 ans, faisait figure d’exception face à l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas ou l’Italie.
Mais cette comparaison tient-elle la route ?
Pour y répondre, je veux invoquer un directeur de recherche du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) qui a travaillé sur ces questions, Bruno Palier. Celui-ci nous rappelle une chose toute simple : l’existence de deux âges de départ est une caractéristique française. Ailleurs en Europe, il n’y a pas deux âges de départ, il y a un nombre de trimestres de cotisations et des droits liés. Dès lors, ce directeur de recherche, qui connaît quand même un peu la question, estime que les comparaisons sont totalement biaisées.
D’ailleurs, selon le COR, sans même reculer l’âge de départ légal, on parviendrait finalement assez rapidement à un âge moyen de départ en retraite de 64 ans. Sauf qu’on aurait la liberté de partir en retraite plus tôt si on le souhaite, avec une décote !
Vous qui êtes un libéral, monsieur Cadic, vous devriez défendre cette notion de liberté de choix !
M. le président. Les amendements nos 1026 et 1038 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 1081.
M. Jean-Claude Tissot. J’ai bien entendu Olivier Véran nous alerter sur le risque d’une catastrophe écologique, agricole et sanitaire que nous ferait courir la mobilisation massive contre cette réforme des retraites.
Il y a, en effet, bien des urgences qui devraient nous occuper aujourd’hui !
L’urgence première, l’urgence écologique, n’est plus à démontrer, mais ce gouvernement, qui a été condamné deux fois pour inaction climatique, n’a pas attendu le mot d’ordre de l’intersyndicale pour se mettre à l’arrêt sur le sujet…
L’urgence sociale est bien réelle, elle aussi, et ce n’est pas le projet de loi indigent sur le pouvoir d’achat voté l’été dernier qui y aura répondu. Dans ce contexte de forte inflation, les Français préféreraient que le Gouvernement s’occupe, enfin, de leur pouvoir d’achat.
Certes, cet article 7 va affecter le pouvoir d’achat, mais dans le sens d’une baisse des pensions pour les personnes qui subiront une augmentation de la décote et un coefficient de proratisation moins favorable.
Sur le plan sanitaire, l’urgence serait de répondre enfin à la crise profonde que traverse notre système de santé, entre désertification médicale et effondrement de l’hôpital public.
Hier, M. le rapporteur nous a renvoyé à la réforme Touraine. Il s’est bien gardé de nous parler de Roselyne Bachelot, qui, en 2010, a fait passer l’âge de départ des infirmières du public de 55 à 62 ans, soit sept ans de travail en plus, auxquels cette réforme va venir ajouter deux années supplémentaires, pour neuf ans supplémentaires de travail ajoutés en l’espace de treize ans ! Il me semble que l’on est un peu au-delà de l’accompagnement de l’allongement de l’espérance de vie… D’ailleurs, celle-ci ne progresse plus depuis 2014.
Pendant ce temps, la charge en soins n’a fait qu’augmenter. Les soignants sont très souvent épuisés, tant physiquement que moralement, bien avant la fin de leur carrière. Cela pousse nombre d’entre eux à quitter l’hôpital, entraînant des vacances de postes et de fortes difficultés à recruter.
Pensez-vous que c’est ainsi que vous redonnerez de l’attractivité aux métiers du soin et de l’accompagnement ?
Non seulement l’article 7 ne répond pas à ces différentes urgences, mais je pense même qu’il va plutôt en aggraver certaines.
Aussi, avec cet amendement, je vous propose de faire œuvre d’efficacité en supprimant tout simplement cet article. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. Les amendements nos 1094 et 1107 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Monique Lubin, pour présenter l’amendement n° 1157 rectifié bis.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, j’ai une question à vous poser : jusqu’à quel âge pensez-vous que les Français, du moins un certain nombre d’entre eux, peuvent travailler ?
On croise tous les jours plein de personnes qui exercent des métiers différents : les femmes de chambre dans les hôtels, les infirmiers et aides-soignants dans les hôpitaux, les gens en train de réparer les routes… Tout le monde sait que, pour ces personnes, travailler devient compliqué au-delà de 60 ans.
Je rappelle que, pour le moment, il n’y a pas de déficit des régimes de retraite. Mais, si la situation financière devait se compliquer terriblement, pensez-vous que l’on pourrait indéfiniment retarder l’âge de la retraite ?
Quel modèle de société voulez-vous ? Je vous pose la question !
Mes chers collègues, je vois que vous vous moquez beaucoup de nous. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Mais si ! Jusqu’à présent, vous n’avez pas apporté grand-chose au débat, restant très silencieux. En revanche, on sent, ce soir, que vous vous lâchez et que vous vous payez notre tête. Passons ! (Mêmes mouvements.)
Parce que l’on ne pourra pas indéfiniment demander aux gens, du moins à certains, de travailler plus, nous avons, pour notre part, essayé d’apporter des idées.
De fait, si nous voulons conserver notre modèle de retraite par répartition, il faudra bien, à un moment, trouver d’autres moyens, d’autres solutions. Il faudra bien élargir l’assiette des cotisations.
J’y insiste, quel modèle de société voulez-vous ?
M. le président. Il faut penser à conclure…
Mme Monique Lubin. Nous aimerions, au moins, y travailler !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 1191.
Mme Sylvie Robert. Nous sommes au cœur de la bataille pour le temps de vivre.
Je pourrais continuer à insister sur le caractère inique de ce texte et répéter, comme nous l’avons tous fait, que la présente réforme est purement financière.
Mais je préfère exprimer ce qui aurait pu être si vous aviez fait les choses dans le bon ordre, c’est-à-dire une grande réflexion sur le travail, puis un projet de loi sur les retraites. En effet, une réflexion sur le travail, dont la retraite n’est que l’aboutissement, nous aurait permis de montrer que les évolutions qui traversent le monde du travail aujourd’hui sont très nombreuses.
Le véhicule législatif que vous avez choisi ne nous le permet pas ; c’est très dommage.
Quoi qu’il en soit, il faut arrêter de feindre que la valeur du travail est uniforme, identique pour toutes et tous, car le travail peut être synonyme, dans certains cas, de souffrance et d’aliénation ; dans d’autres, de bien-être et de reconnaissance.
Les Français ne sont pas les flemmards que certains ont bien voulu décrire ; il suffit de regarder leur productivité. En revanche, ils sont gagnés par une profonde lassitude, qui se nourrit, à mon sens, de deux maux majeurs : un avenir qui apparaît de plus en plus incertain et une perte de sens global.
Sur ce point, l’exigence des jeunes générations ne témoigne que d’une chose : une conscience aiguë des défis et des enjeux qui nous attendent. Beaucoup ne veulent plus reproduire un modèle qui ne leur convient plus et qui, surtout, n’est pas soutenable.
On aurait pu parler expérimentation, organisation des carrières, correction des inégalités.
Votre réforme, monsieur le ministre, est une réforme désuète et déconnectée. Surtout, elle n’est pas à la hauteur des enjeux de notre siècle.
M. le président. La parole est à M. Serge Mérillou, pour présenter l’amendement n° 1216.
M. Serge Mérillou. Vous vous en doutez, cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vise à ne pas décaler l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans.
Monsieur le ministre, la mobilisation massive d’aujourd’hui vous oblige. Entendez la colère des Français, qui ne veulent pas de cette réforme !
Vous faites des cadeaux fiscaux aux plus riches et, dans le même temps, vous créez un nouvel impôt sur la vie des plus modestes.
Le report de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite est inutile et injuste. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un travail passionnant, enrichissant, valorisant.
Ce report est un nouvel exemple de l’acharnement doctrinal d’un exécutif qui ne peut s’empêcher de détruire les acquis sociaux.
Monsieur le ministre, malgré vos interventions répétées dans les médias, les Français ne sont pas dupes. Les perdants de cette réforme se comptent par millions. Ils sont ces femmes et ces hommes qui défilent dans les rues. Ils sont celles et ceux qui ont travaillé toute leur vie, qui se sont levés tôt, qui ont exercé des métiers pénibles, qui ont commencé très jeunes, qui n’ont pas eu, pour certains, la chance de faire des études. Ils sont celles et ceux qui sont utiles à la France, mais que vous pénalisez sans raison valable.
Monsieur le ministre, il semble que, de vos engagements passés, il ne reste que des miettes. Avec cette réforme, vous renoncez à l’humanisme. Avec cette réforme, vous enterrez toute idée de progrès social. Avec cette réforme, le Gouvernement révèle, s’il le fallait, son vrai visage, un visage familier, puisqu’il s’agit de celui de l’ultralibéralisme et de la politique des plus aisés. Le silence complice de la majorité sénatoriale en atteste. C’est main dans la main que l’exécutif et la droite sénatoriale s’apprêtent à porter un coup violent à notre système de retraite.
Monsieur le ministre, écoutez les Français et retirez cette réforme ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. L’amendement n° 1245 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 1289.
M. Franck Montaugé. Nous nous opposons au décalage à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite et à l’accélération de l’application de la réforme Touraine.
Malgré les messages que vous font passer – aujourd’hui tout particulièrement – toutes les organisations syndicales de salariés et plus de huit Français sur dix, vous vous obstinez à vouloir mener cette réforme injuste, qui est un impôt sur la vie.
Alors que notre système de retraites n’est pas menacé à long terme et qu’il doit simplement faire face aux conséquences du « papy-boom » dans les décennies 2030 à 2050, d’autres choix sont possibles.
Pourtant, vous refusez d’envisager une légère augmentation des cotisations patronales. Il suffirait de 14 euros supplémentaires pour un emploi au Smic et de 28 euros supplémentaires pour un emploi au salaire moyen pour combler ce déséquilibre temporaire. Vous auriez pu et même dû vous contenter d’une surcotisation sur les plus hauts salaires.
En plus d’être profondément injuste et inutile, cette réforme, en se conjuguant à celle de l’assurance chômage, qui réduit la période d’indemnisation, et à celle du RSA, va précariser encore davantage les travailleurs seniors. Ceux-ci verront leur indemnisation chômage réduite de huit mois et auront le RSA pour seule perspective de survie, s’ils y ont droit…
Le nouvel indicateur que devront publier les entreprises, sans aucune obligation de résultat ni contrepartie, n’aura aucun effet amortisseur sur la paupérisation en cours des travailleurs seniors.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres, retirez cette réforme inique ! Les Français vous en sauront gré.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 1325.
Mme Angèle Préville. Comment pouvez-vous demander aux Français de travailler plus longtemps avant d’avoir commencé à étudier les problèmes de pénibilité et après avoir même supprimé certains des critères permettant la prise en compte de celle-ci ?
Plus d’un tiers des retraités vivent sous le seuil de pauvreté après une vie de travail. La réforme ne corrigera pas cette injustice sociale. Au contraire, il faudra à ces travailleurs deux ans de plus pour arriver à la retraite ; certains d’entre eux en seront plus abîmés encore, parce qu’ils auront dû poursuivre une activité inadaptée à l’âge de leurs muscles, de leurs artères, de leurs articulations, de leur cœur.
Il y aura nombre de perdantes et de perdants, quoi que vous en disiez. Un travailleur en situation de pénibilité reconnue partira deux ans plus tard du fait de cette réforme. Une personne ayant commencé sa carrière à 18 ans et ayant travaillé sans interruption pouvait partir à la retraite à 62 ans avant la réforme ; elle ne le pourra qu’après 63 ans après la réforme. Voilà la réalité !
De plus, le report de 60 ans à 62 ans de l’âge légal, en 2010, s’est traduit par plus de 100 000 chômeurs supplémentaires.
Vous avez choisi pour seul levier d’action la mesure d’âge, alors que, non seulement, il n’y a pas de réel problème d’équilibre, mais que le taux de chômage des plus de 55 ans est plus que préoccupant. Ceux qui commencent jeunes seront défavorisés et les femmes paieront le prix, très élevé, de cette réforme.
Votre réforme est archaïque. Ouvrez les yeux : le monde change. Les Français aspirent à d’autres choses. Ils rêvent à d’autres vies. La société française bouge, elle bruisse de transformations souterraines que vous ne voyez pas. Votre réforme désespère nos concitoyens, les plongeant, à cause de l’instabilité qu’elle engendre, dans l’impossibilité de se projeter dans un avenir heureux.
Nous avons compris, depuis le début de l’examen de ce texte, que vous songiez à une réforme instaurant un système de retraite par points.
C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement visant à supprimer l’article 7.
M. le président. Les amendements nos 1355 et 1382 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Lucien Stanzione, pour présenter l’amendement n° 1400.
M. Lucien Stanzione. L’objet de cet amendement est de rejeter le décalage de 62 ans à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite, ainsi que l’accélération de la mise en œuvre de la réforme Touraine.
Monsieur le ministre, l’instauration injustifiée de ce nouvel âge de départ à la retraite aura de nombreuses conséquences.
En effet, le recul de l’âge d’ouverture des droits est un mauvais paramètre de pilotage du système de retraite. Si votre gouvernement s’entête à appliquer indifféremment cette mesure à tous les assurés, ceux qui ont commencé à travailler tôt en seront, de nouveau, les grands perdants.
Depuis plus de vingt ans, notre système de retraite tend à substituer le critère de l’âge à celui de la durée d’assurance requise comme clé de voûte du système. Pourtant, la durée d’assurance requise permet d’individualiser les droits selon les parcours professionnels et de mieux cibler les mécanismes de solidarité applicables, notamment par l’octroi de trimestres.
À l’inverse, le critère de l’âge d’ouverture des droits exige de créer des dispositifs dérogatoires dont le calibrage n’est jamais satisfaisant. Le Gouvernement veut imposer un impôt de deux ans sur la vie des travailleurs les plus précaires et les plus fragiles. Une autre réforme des retraites est possible ; nous n’avons eu de cesse de le répéter. Ni la manipulation des chiffres que le COR a présentés, ni la dissimulation de l’avis qu’a rendu le Conseil d’État, ni aucun de vos tours de passe-passe ne dupera les Français !
J’ai assisté à de nombreuses comédies, mais aucune n’était à la hauteur de celle qu’interprètent le Président de la République et ses ministres. Le système de retraite par répartition n’est pas menacé. Si le Gouvernement concentrait enfin ses efforts sur la création d’une société plus juste, dans laquelle on abonderait ceux qui ont peu plutôt que ceux qui ont plus, nous avancerions enfin dans la bonne direction.
Les Français ne croient plus à vos mensonges. Votre réforme n’est que le énième acte d’une pitoyable comédie !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 1421.
M. Jean-Pierre Sueur. Dans le droit de fil de l’intervention de M. Stanzione, je constate que, à cause de cette réforme, les personnes qui atteindront la durée requise pour le taux plein avant l’âge d’ouverture des droits devront travailler au-delà du nombre de trimestres nécessaires sans pouvoir bénéficier de la surcote. Si l’âge réel de l’âge de départ à la retraite, du fait de l’augmentation de la durée de cotisation, excède déjà parfois, selon les situations, l’âge légal de 62 ans, cela sera bien moins le cas avec le recul de l’âge d’ouverture des droits à 64 ans.
À l’inverse, les personnes ayant commencé à travailler plus tardivement et ayant suivi de longues études bénéficieront davantage de la surcote, puisqu’elles atteindront la durée requise pour le taux plein après l’âge légal.
Depuis plus de vingt ans, notre système de retraite tend à substituer le critère de l’âge à celui de la durée d’assurance requise comme clé de voûte du système. Pourtant, la durée d’assurance requise permet d’individualiser les droits selon les parcours professionnels et de mieux cibler – et plus facilement – les mécanismes de solidarité applicables, notamment par l’octroi de trimestres. Au contraire, le critère de l’âge d’ouverture des droits exige de créer des dispositifs dérogatoires dont le calibrage n’est jamais satisfaisant.
En un mot, pourquoi choisir la rigidité préjudiciable d’une norme unique plutôt qu’un système plus souple, qui nous permettrait de mieux nous adapter à la diversité des situations existantes ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 1445.
M. Éric Kerrouche. En tant que sénateur des Landes, je me permettrai d’évoquer Henri Emmanuelli – cela fera plaisir à nos collègues de droite –, qui estimait, en 2010, que le problème n’était pas d’une ampleur telle qu’il mérite que l’on remette en cause une conquête sociale majeure.
Avant de déplacer l’âge de la retraite, il y a beaucoup d’autres possibilités, par exemple celle d’élargir l’assiette des cotisations. Pourquoi faudrait-il choisir la pire option dès le départ ? Je remarque que, lorsque survient une crise financière, on trouve facilement 20 milliards d’euros, cela ne pose même aucun problème. Aussi, je ne comprends pas pourquoi, alors qu’il s’agit de trouver 10 milliards d’euros, on nous présente les choses comme une catastrophe nationale.
Modifier l’âge légal est le pire des symboles. Il vaudrait mieux parler du million de chômeurs qui vont être privés d’indemnisation, du fait de la réforme qui vient d’être mise en œuvre, monsieur le ministre !
Votre approche ne fait que traduire le titre d’un très beau livre de Christian Laval et Pierre Dardot, intitulé La nouvelle raison du monde.
Cette nouvelle raison du monde, nous l’avons entendue sur les travées de la droite : on nous a parlé de compétition, de rationalité… Le néolibéralisme serait une rationalité, donc quelque chose d’inéluctable. Ainsi, il devient le seul modèle devant lequel il faut se plier ou, tout du moins, devant lequel vous vous pliez.
C’est dans ce cadre de pensée que M. Retailleau nous a assené le discours habituel de la responsabilité et du sacrifice, au sein duquel les gens ne comptent plus, car ils ne sont plus que des instruments. Voilà ce qui vous dérange lorsque nous citons tel ou tel de nos concitoyens : les Français, pris individuellement, ne vous intéressent pas, car vous les noyez dans des chiffres.
Peu importe que, à l’âge de la retraite, 25 % des plus pauvres soient déjà morts ! Plus rien ne compte à part les comptes.
M. le président. Il faut conclure !
M. Éric Kerrouche. Pour faire un clin d’œil à Mickaël Vallet, je dis : retirez cette réforme injuste, mot compte triple, comme au Scrabble !
M. le président. Les amendements nos 1477 et 1513 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° 1551.
Mme Marie-Pierre Monier. Cet amendement vise à supprimer l’article 7 du projet de loi, qui prévoit de décaler de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite.
Depuis plusieurs semaines, les Françaises et les Français témoignent avec constance de leur refus de cette réforme injuste, que cet article 7 cristallise. Les organisations syndicales s’y opposent unanimement.
Pourtant, le Gouvernement choisit de rester sourd à ce front solide et de nier, manifestation après manifestation, l’importance de la mobilisation sociale – plus de 3 millions de personnes étaient dans la rue aujourd’hui. Après un tel passage en force, il ne faudra pas s’étonner de la défiance croissante de la population envers le monde politique et nos instances démocratiques.
Je comprends très bien pourquoi mes collègues de la majorité sénatoriale approuvent cet article : il s’inscrit dans la continuité d’amendements qu’ils déposent chaque année lors de l’examen du PLFSS. Reconnaissons la constance dont ils font preuve, ainsi que leur capacité à reconnaître une réforme de droite – car cette réforme n’est en aucun cas de gauche, monsieur le ministre du travail !
Par ailleurs, cette réforme paramétrique, rédigée dans une logique comptable, n’était pas le premier choix du Président de la République. Celui-ci déclarait en 2019, à raison, qu’après 55 ans on ne savait déjà plus quoi faire et qu’il serait hypocrite de décaler l’âge légal de départ à la retraite sans avoir au préalable résolu le problème de l’emploi des seniors.
Or non, l’index seniors ne réglera pas cette question, non plus que le CDI seniors, introduit au Sénat, qui est un nouveau cadeau fait aux entreprises au détriment du financement de notre système de protection sociale. Je rappelle que, entre mi-2010 et mi-2022, le nombre de bénéficiaires de l’allocation chômage âgés d’au moins 60 ans s’est accru de 100 000 et que, selon les derniers chiffres de l’Insee, le taux d’emploi des 60-64 ans est deux fois plus faible que celui du reste de la population.