M. le président. Le sous-amendement n° 4746, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Amendement n° 1968, alinéa 3
Après les mots :
et à un régime par capitalisation
Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et évalue la perte de pension que représentera pour les assurés le recours à un système par capitalisation, notamment dans l’hypothèse d’une crise sociale, sanitaire, économique ou écologique.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Chers collègues de la droite, je suis très étonnée des arguments que vous avancez pour régler le problème de notre système de retraite.
Nous défendons le système par répartition en plaidant pour une augmentation des cotisations salariales et patronales. Car je rappelle qu’une majorité de Français préfère une telle mesure à l’allongement du temps de travail. On nous dit : « Ouh là là, vous, la gauche, vous ne défendez plus le pouvoir d’achat ! »
Dans le régime que vous avez appelé « minimum garanti » – il faudra le mettre au minimum, ce qui n’est pas le cas actuellement, il a permis d’éradiquer la pauvreté chez des personnes âgées –,…
M. Jean-François Husson. Universel, pas minimum !
Mme Raymonde Poncet Monge. … le salarié aurait suffisamment de pouvoir d’achat pour préparer sa retraite par capitalisation.
S’agissant de l’employeur, quand on propose d’augmenter ses cotisations, on nous répond : « Ouh là là, la compétitivité ! » Et là, tout à coup, il aurait la capacité d’abonder un plan d’épargne retraite – il faut dire que ce dernier est défiscalisé.
Il faudrait accorder vos violons !
Dans le même ordre d’idées, je l’ai déjà dit, la libération des sommes épargnées constitue toujours un prélèvement sur la richesse. Si les actifs ne créent pas assez de richesse pour épargner, s’ils ne sont pas assez productifs, les actions du système par capitalisation vont s’effondrer. Il s’agit de livrer ces centaines de milliards d’euros du régime par répartition à la spéculation du marché.
M. le président. Le sous-amendement n° 4747, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, MM. Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Amendement n° 1968, alinéa 3, troisième et quatrième phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Notre sous-amendement vise à supprimer les deux dernières phrases de l’amendement n° 1968 rectifié quater.
Ma collègue Laurence Cohen l’a dit, nous sommes contre la capitalisation, comme vous le savez toutes et tous. Étudier les modalités d’instauration d’un nouveau régime social applicable à des cotisations versées à un régime obligatoire d’assurance vieillesse par capitalisation destiné aux salariés et aux indépendants, régime qui serait intégré dans le système de retraite sans aucun débat démocratique avec les Français et les parlementaires, n’est évidemment pas acceptable.
Une telle modification du système de retraite ne peut se faire sans une consultation préalable du peuple. Définir une structure administrative qui pourrait être retenue pour piloter ce nouveau régime obligatoire, ses modalités de financement, la composition de son conseil d’administration, ainsi que les règles entourant les placements de ses actifs, donne évidemment l’impression que la réforme est déjà dans les cartons et qu’il suffit d’une nouvelle majorité politique pour que cette réforme soit faite.
Les auteurs de l’amendement justifient la pertinence d’une dose de capitalisation dans notre système de retraite en prenant l’exemple de l’Agirc-Arrco, alors que les cadres ont dû accepter une hausse de leurs cotisations salariales.
Nous contestons l’introduction de la capitalisation dans notre système par répartition, dont les fondements reposent sur la solidarité entre les actifs et les retraités. Si la démographie modifie l’équilibre entre ces deux catégories, il faudrait augmenter la cotisation des employeurs pour garantir l’équilibre du système.
M. le président. Le sous-amendement n° 4749, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, MM. Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Amendement n° 1968, alinéa 3, troisième phrase
Après les mots :
Il étudie
insérer les mots :
les risques sociaux économiques et
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Chers collègues de droite, nous avons bien compris, avec le débat qui s’amorce, que le projet gouvernemental n’était finalement que le préambule, la première étape d’une réforme beaucoup plus importante, celle de la retraite par capitalisation.
Je partage les arguments qui ont été exposés par mes collègues. J’aimerais en ajouter un, particulièrement fort, provenant de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) : « Une génération qui remettrait en cause le système serait spoliée puisqu’elle devrait à la fois assurer une retraite à ses parents et se constituer un capital pour financer sa retraite par capitalisation. »
Le passage de la retraite par répartition à la retraite par capitalisation est un problème pour les jeunes générations, obligées de supporter une double charge.
Autre problème, vous êtes en train de tirer des plans sur la comète en affirmant que la retraite par capitalisation est intéressante. Dans un monde où nous ne savons rien de ce que sera l’économie dans trente ans, où l’économie française fait face à des changements radicaux, comment pouvez-vous prévoir ce qu’il en sera des fonds de capitalisation à cette échéance ?
Pour conclure, monsieur le ministre, j’aurai une question à vous poser. Il existe un fonds de pension pour l’État : la retraite additionnelle de la fonction publique (Rafp). Pouvez-vous nous indiquer ce qu’il en est de l’évolution de ce fonds particulier ? De plus, car le point est important, quelles sont les conséquences de l’augmentation des rémunérations accessoires, des heures supplémentaires, sur le financement par l’État de ce fonds spécifique ?
M. le président. L’amendement n° 1959 rectifié quater, présenté par M. E. Blanc, Mme Goy-Chavent, MM. Mandelli et Saury, Mmes V. Boyer et Belrhiti, MM. Genet, Pellevat, Frassa, Bascher, Houpert, Segouin et Sautarel, Mme Muller-Bronn, MM. Cuypers, Rojouan et Piednoir et Mmes Boulay-Espéronnier et Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant le bilan de l’application de l’article 15 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018. Sur le modèle du Fonds de réserve des retraites, le rapport étudie l’introduction d’une dose de capitalisation collective dans le système de retraite par la création d’un fonds public d’épargne retraite souverain et obligatoire pour les assurés du secteur privé. Ce rapport s’attache à établir le coût, la faisabilité, les avantages, les conditions et les échéances de la mise en place d’une telle réforme. Il étudie la création d’un établissement public placé sous la tutelle de l’État et responsable de ce fonds, la composition de son conseil d’administration et la mise en place d’un règlement intérieur fixant les conditions d’utilisation du fonds et les modalités de placement de celui-ci.
L’amendement n° 2102 rectifié quater, présenté par M. E. Blanc, Mme Goy-Chavent, MM. Mandelli et Saury, Mmes V. Boyer et Belrhiti, MM. Genet, Pellevat, Frassa, Bascher, Houpert, Segouin, Cuypers, Rojouan et Piednoir et Mmes Boulay-Espéronnier et Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 31 décembre 2023 un rapport sur l’application de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l’article 4 de la présente loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Ce rapport envisage les conséquences de la création d’un fonds public d’épargne retraite souverain collectif et obligatoire pour les assurés du secteur privé. Ce rapport s’attache à établir le coût, la faisabilité, les avantages, les conditions et les échéances de la mise en place d’une telle réforme. Il étudie la création d’un établissement public placé sous la tutelle de l’État et responsable de ce fonds, la composition de son conseil d’administration et la mise en place d’un règlement intérieur fixant les conditions d’utilisation du fonds et les modalités de placement de celui-ci.
La parole est à M. Étienne Blanc.
M. Étienne Blanc. Ces deux amendements sont dans la droite ligne de ce que je soutiens depuis le début du débat : il faut introduire dans notre système de retraite une part réservée à la capitalisation.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi ?
M. Étienne Blanc. Je l’ai proposé lors de la discussion sur l’article liminaire puis au travers de différents amendements.
Je formulerai rapidement trois remarques.
Premièrement, la critique du système par capitalisation est qu’elle n’est pas un système collectif. Or le fonds de réserve pour les retraites est un système collectif ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.) Qu’est-ce qui interdirait d’introduire, au sein d’un système par capitalisation, des dispositions rendant plus collectif l’usage de ce fonds ? C’est parfaitement faisable, comme le prouvent un grand nombre de pays européens. L’un d’entre eux est un très bel exemple de système mixte et collectif : la Suisse. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme Valérie Boyer. Vous avez bien parlé du Chili !
M. Étienne Blanc. Deuxièmement, il ne faut pas être exclusif. Les systèmes qui fonctionnent à l’heure actuelle en Europe sont des systèmes mixtes. Une part importante de répartition garantit une retraite de base et une part de capitalisation permet à tous de bénéficier de la croissance et de la richesse économique.
Troisièmement, j’ai regardé vos amendements, mes chers collègues de l’autre côté de l’hémicycle. C’est assez extraordinaire : vous refusez même d’étudier le système par capitalisation ! L’ouverture du dossier, pour vous, relève presque du criminel. Regardez le monde autour de vous : des systèmes qui fonctionnent relèvent de systèmes mixtes.
Enfin, réfléchir ne devrait pas vous être interdit ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. Franck Montaugé. Il s’agit de choix de société !
M. Étienne Blanc. Étudier ne devrait pas vous être interdit ! Comprendre le monde tel qu’il est ne devrait pas vous être interdit ! Voilà pourquoi j’ai déposé ces deux amendements qui me paraissent être de bon sens. Ils devraient ainsi recueillir l’agrément de notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Pas de suspense : l’avis sur ces amendements et sous-amendements sera défavorable. Toutefois, je salue le fait d’avoir soulevé le sujet de la capitalisation, parce qu’il est important de pouvoir soupeser les qualités de l’ensemble des systèmes de retraite.
Le texte qui nous incombe et sur lequel nous débattons est un projet de loi apportant des mesures paramétriques au système de retraite par répartition, mais poser la question de la capitalisation est intéressant.
En effet, je veux rappeler quelques chiffres provenant d’une enquête récente : 63 % des Français sont favorables à la retraite par répartition, tandis que 24 % y sont défavorables. Cette étude montre que le principe de la répartition est majoritaire. Toutefois, un système où chacun préparerait individuellement sa retraite recueille tout de même l’adhésion d’une solide minorité, soit 39 % des sondés, quand 56 % des interrogés y sont opposés.
Qui sont les plus en accord avec la capitalisation ? Les jeunes générations. (Protestations sur les travées du groupe SER.) On voit bien là ce qui a été dit depuis le début des débats : les jeunes générations ne croient pas en notre système, ou, en tout cas, elles ne croient pas en son financement.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Parce qu’il faut le financer !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Il est donc important d’en parler. Le fait que ces amendements soient déposés pour formuler une demande de rapport permet également, à mon sens, de débattre de la question des retraites.
Nous pourrions aussi évoquer le système par points Préfon de la fonction publique, qui a son intérêt. Pourtant, ce n’est pas vraiment en rapport avec le texte : depuis quelques jours, nous nous déportons un peu du sujet. Il n’en demeure pas moins que c’était une belle occasion de parler de la capitalisation ; aussi, je remercie tous ceux qui ont déposé ces amendements.
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. L’avis est donc défavorable, comme il l’est pour toutes les demandes de rapport.
Je vous ferai part de mon expérience en tant que rapporteur depuis quatre ans sur de tels projets de réforme. M. Delevoye et moi…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. A-t-on des nouvelles de M. Delevoye ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. … avons eu l’occasion, en 2018, d’aller voir ce qui se passait à l’étranger, pour comparer les expériences. Nous nous sommes notamment rendus au Danemark, en Suède, en Italie et en Allemagne, et certains d’entre vous nous ont accompagnés. Ce que nous pouvons retenir de ces voyages est tout à fait instructif, nous étant rendus dans ces pays parce qu’un système de retraite par points ou un régime en comptes notionnels y sont en place.
D’abord, dans de tels systèmes, peu de points accumulés au cours d’une carrière à faibles revenus donnent une pension de faible montant : soyons attentifs à cette dimension.
Ensuite, il y a eu dans différents pays une volonté de trouver un système plus égalitaire en essayant de supprimer les régimes spéciaux : ils n’y sont jamais arrivés ! Aucun pays n’a réussi à tout unifier.
Enfin, nous avons constaté que les systèmes de retraite de base étaient souvent des systèmes par répartition, mais que les systèmes complémentaires étaient gérés par les partenaires sociaux selon un système par capitalisation. Nous sommes les seuls en France dont les partenaires sociaux gèrent un système par répartition. La courbe de l’évolution des rendements du système de retraite par capitalisation – je la revois très bien – est toujours ascendante à la regarder sur le long terme, malgré des hauts et des bas.
Quel bilan avons-nous tiré de nos observations ?
En premier lieu, ce système mérite considération, obéissant à la philosophie de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, en retenant une retraite de base par répartition à laquelle est ajouté un échelon supplémentaire fonctionnant par capitalisation.
En second lieu, ces régimes, qu’ils relèvent de la répartition ou de la capitalisation, nécessitent tous un même élément pour fonctionner : les fonds de réserve des retraites. C’est la raison pour laquelle il faut être attentif, notamment dans notre système français, à nous pencher sur le Fonds de réserve pour les retraites, qu’il s’agirait de consolider, dans un souci d’apporter des garanties à nos jeunes. Cela étant dit, toute adaptation du système est compliquée du fait des engagements liés aux régimes complémentaires.
Nous sommes un pays où les prélèvements sont particulièrement élevés. Aussi, il nous importe d’étudier les modalités d’introduction d’un dispositif qui garantirait notre système de retraite et qui donnerait confiance à nos jeunes.
Quelle est la réflexion qui anime la plupart de nos concitoyens ? Ils se disent : « J’ai suffisamment contribué, à force d’avoir payé des cotisations. J’ai bien le droit à un niveau de retraite satisfaisant ! » Voilà un raisonnement par capitalisation plus que par répartition…
M. Franck Montaugé. Mais non !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Les Français, me semble-t-il, sont prêts à une évolution. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, il est important dans cette réflexion de commencer à aborder tranquillement la question. À ce titre, le rapport sur la retraite par capitalisation me paraît une proposition tout à fait intéressante. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Duffourg applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Comme vous l’avez vu, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a fait le choix de ne pas ouvrir le sujet de la capitalisation dans ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Mauvais choix !
M. Olivier Dussopt, ministre. Pour qu’il n’y ait pas de suspense, rejoignant Mme la rapporteure générale, dès lors qu’il y a demande de rapport, le Gouvernement, par principe ou en tout cas de manière très générale, émet un avis défavorable.
En revanche, je saisis l’occasion de cette demande et de ces amendements et sous-amendements pour souligner à la fois la complexité du sujet de la retraite par capitalisation et le fait qu’elle révèle un certain nombre de contradictions qui peuvent toutes et tous nous traverser.
Premièrement, j’entends les défenseurs des sous-amendements affirmer qu’ils veulent limiter le champ du rapport à un certain nombre d’aspects pour ne pas ouvrir la question de la capitalisation, mais ceux-là mêmes, hier, dans une logique de protection des régimes spéciaux, ont défendu le régime spécial de la Banque de France, qui est fondé sur un système par capitalisation, quand bien même cette dernière serait collective.
M. Max Brisson. Exact !
M. Olivier Dussopt, ministre. Deuxièmement, au cours des concertations, un certain nombre de partenaires sociaux nous ont affirmé leur hostilité au système par capitalisation ; les mêmes seront amenés dans d’autres sphères, dans d’autres milieux d’activité, à défendre de tels systèmes, voire à les gérer.
Le régime de retraite additionnelle de la fonction publique a été évoqué par M. Ouzoulias. Géré par l’Erafp (Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique), ce système – vous avez raison, monsieur le sénateur – est un système par capitalisation collective. Vous m’avez interrogé sur l’effet de l’augmentation de la part des rémunérations accessoires ou indemnitaires sur le financement et l’équilibre financier de l’Erafp. L’effet est neutre. La raison est que l’assiette de cotisations au titre du régime de retraite additionnelle de la fonction publique des agents qui y ont recours est limitée par la loi à 20 % du traitement indiciaire global. Quand bien même la part des revenus indemnitaires ou complémentaires accessoires augmenterait, cela signifie que l’assiette de cotisations resterait plafonnée à 20 % du régime indiciaire.
Troisièmement, toujours au sujet des contradictions chez certains partenaires sociaux, outre le Rafp, régime arrêté par la loi et fondé sur la capitalisation collective, il existe un régime de capitalisation à destination de la fonction publique : Préfon.
M. Max Brisson. Absolument !
M. Olivier Dussopt, ministre. Intégralement géré par les partenaires sociaux de la fonction publique et proposé aux agents, il est fondé sur un système d’assurance vie ou de capitalisation avec une nature purement individuelle. Il recueille un véritable succès.
Quatrièmement, pour évoquer une contradiction qui, en réalité, nous concerne tous, les premiers contempteurs des régimes par capitalisation sont souvent ceux qui par leur parcours personnel ont la possibilité d’avoir recours à un certain nombre d’assurances vie. Ces dernières, en fonction de la manière dont elles sont liquidées, ressemblent étrangement à des systèmes par capitalisation, dès lors qu’est fait le choix d’une rente mensuelle plutôt que d’un versement de capital.
M. Max Brisson. Très bien !
M. Olivier Dussopt, ministre. Nous n’avons pas ouvert le sujet de la retraite par capitalisation parce que nous avons comme priorité la préservation du système par répartition, en particulier son caractère intergénérationnel. Pourtant, nous nous posons tous des questions, y compris sur l’évolution démographique que la France connaîtra, malgré notre incapacité à la prévoir véritablement à très long terme.
J’ajoute une interrogation, en insistant sur le fait qu’elle est totalement personnelle : si les équilibres démographiques venaient à se détériorer encore davantage, il faudrait nous poser collectivement la question, par pur principe de solidarité, de donner aux plus modestes la capacité de se garantir eux-mêmes un niveau de revenus satisfaisant. En effet, je n’ai absolument aucune inquiétude pour ceux qui ont les revenus les plus élevés, qui, d’ores et déjà, ont la capacité de capitaliser, ou du moins de thésauriser, pour assurer leur avenir.
Pour conclure – je suis désolé, monsieur le président, d’être un peu long –, au-delà des rapports auxquels nous opposons, je le répète, un avis défavorable de principe, une autre difficulté se pose au sujet de la capitalisation : la complexité des systèmes. Tous les systèmes qui ont recours à la capitalisation sont des systèmes mixtes particulièrement compliqués.
J’illustrerai cela avec l’exemple du système suédois, au-delà des appréciations portées sur les bornes d’âge. Le système suédois, que tout le monde présente, de manière assez rapide, comme un système cumulant répartition et capitalisation, est en réalité un système à trois, voire quatre étages.
Le premier étage est une cotisation versée par les salariés. Tenez-vous bien : répartie en deux quotes-parts, le salarié suédois sait que la quote-part principale de cette cotisation est affectée à un système par répartition ; mais il doit lui-même choisir parmi une liste de quarante fonds de pension ou de capitalisation celui ou ceux sur lesquels il souhaite que sa quote-part consacrée à la capitalisation soit dédiée ; un choix par défaut sinon s’impose.
Le deuxième étage est un étage conventionnel.
Le troisième est la possibilité de capitalisation à titre individuel.
J’ajoute une dernière difficulté du système par capitalisation, le système suédois m’y invitant. Parfois, dans le débat, une confusion ou en tout cas une absence de distinction peut être entretenue entre, d’une part, ce qui relève d’un système par capitalisation s’appuyant uniquement sur des fonds de pension privés ayant une finalité totalement lucrative, et, d’autre part, des fonds de pension s’appuyant potentiellement sur des fonds souverains, lesquels, par définition, permettent la mise en place de réserves et de garanties pour les épargnants.
La complexité du système par capitalisation nous oblige à creuser davantage la question, mais pas dans le cadre de ce projet de loi, comme je l’ai indiqué. Il me semble que personne ne peut raisonnablement avancer qu’aucune réflexion ne doit avoir lieu au sujet de la capitalisation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Max Brisson. Un petit effort !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, je vous annonce dès à présent que je suis saisi de cinq demandes de scrutin public sur l’ensemble des amendements et des sous-amendements.
La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Je tiens à préciser que mon explication de vote porte sur l’amendement n° 174 rectifié, puisque j’aurai ensuite une explication sur un autre amendement.
Nous y voilà, chers collègues : il a fallu attendre le dimanche matin pour que le bâillon Retailleau se dénoue légèrement et que les masques tombent ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Provocation !
M. Yan Chantrel. Le mot est désormais lâché : « capitalisation ». Depuis le début des débats, même si elles n’ont pas beaucoup pris la parole, les travées de la droite, comme le banc du Gouvernement, nous racontent que nous sommes ici à infliger deux ans de labeur supplémentaires aux travailleurs et travailleuses de ce pays pour « sauvegarder le système par répartition ».
L’amendement objet de mon explication de vote illustre particulièrement le fait que les travées de la droite ne croient pas, ne croient plus, au système de retraite par répartition. (Mme Sophie Primas proteste.) Vous voulez introduire une dose de capitalisation dans notre système de retraite, capitalisation que je connais très bien : j’ai vécu en Amérique du Nord, donc je pourrais passer des heures là-dessus, si vous le voulez.
M. Max Brisson. Mais ça n’a rien à voir !
M. Sébastien Meurant. Capitaliste !
M. Yan Chantrel. Cette capitalisation serait, je cite, « collective » et « obligatoire ». Vous allez livrer la retraite des Françaises et des Français, fruit d’une vie de labeur, aux fonds de pension.
Nous savons pourtant, vous et moi, que ces fonds sont des organismes sans aucune éthique. Ils se fichent complètement des enjeux environnementaux et sociaux dans le cadre de leurs investissements. Surtout, ils sont prêts à tout pour assurer le rendement de leurs placements.
Vous allez donc siphonner les caisses du régime par répartition pour alimenter un système de retraite par capitalisation n’ayant pour effet que d’enrichir des investisseurs sans foi ni loi et de faire prendre des risques inconsidérés à notre régime de retraite sur lequel comptent nos compatriotes. (Mmes Victoire Jasmin, Émilienne Poumirol et Laurence Cohen applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Enfin, le voile tombe ! M. Husson a commencé son propos en assurant que le système par répartition tel qu’on s’apprête à le réformer ne tiendra pas. Vous venez ensuite pleurer sur le fait que les jeunes générations n’ont pas confiance dans notre système ! Depuis des années, c’est ce que vous nous expliquez ; depuis des années, vous vous refusez à consolider de manière viable notre système de répartition. Le COR – je le rappelle au passage – explique que le retour à l’équilibre se fera en 2050, il me semble ; il n’y a pas de menaces à cet horizon.
J’ai bien compris que la capitalisation individuelle ne sera pas évoquée, tout le monde connaissant les dangers qu’elle représente. Vous essayez alors de contourner la chose en avançant que la solution est de mettre en place une capitalisation collective obligatoire.
M. Max Brisson. Oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si elle est obligatoire, il s’agit, excusez-moi de le dire, d’un prélèvement obligatoire. Quelle différence alors avec une cotisation ? La différence est, pensez-vous, que le placement financier sera plus rentable que l’évolution salariale. Vous faites donc le pari d’une société où la financiarisation continue à nous vider de notre substance et à vider le monde du travail de sa rémunération, tout en essayant de pousser les gens à être solidaires : il ne faudrait quand même pas que votre retraite par capitalisation diminue…
Pendant ce temps-là, vous baissez les salaires, ou, en tout cas, vous ne les augmentez pas. Il s’agit d’un choix de société majeur.
En outre, la capitalisation est-elle un choix de bon père de famille ? Non ! Le rapporteur assure que les rendements du système de retraite par capitalisation, certes, font du yoyo, mais que, en tendance lourde, ils augmentent : pendant le yoyo, qui paie ?
Sachant qu’il y aura des trous d’air dans les ressources, la bonne mesure est celle du fonds de réserve, une forme de placement collectif abondée non pas, je vous le rappelle, par des cotisations, mais par un prélèvement sur des richesses gagnées par le pays. Il est possible de discuter de la manière dont ce fonds est alimenté, mais l’objectif est que cet airbag du système de retraite (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains, où l’on signale que le temps de parole de l’oratrice est écoulé.), permettant de trouver collectivement des moyens pour assurer la viabilité de l’ensemble, soit prélevé sur les richesses. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Thomas Dossus applaudit également.)