Mme Émilienne Poumirol. … les pénalisera davantage.
M. le président. L’amendement n° 1653 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 1694.
M. Jean-Yves Leconte. Notre collègue Jean-Michel Houllegatte a très bien expliqué tout à l’heure combien cette profession était indispensable à notre pays compte tenu du rôle important qu’elle joue dans l’élaboration des actes administratifs.
Il est assez surprenant de vous entendre dire qu’il faudrait remplacer un régime spécial qui fonctionne, notamment parce que les actifs cotisent davantage, par un système dont vous dites vous-même – je me souviens de l’objet de l’amendement retiré par Valérie Boyer hier – qu’il ne fonctionnera pas et que son financement ne sera pas garanti même après l’entrée en vigueur de la réforme.
Comment voulez-vous que les Français vous fassent confiance si vous proposez de « casser » un système qui fonctionne et de le remplacer par un dispositif qui, de votre propre aveu, n’est pas viable, car son financement ne sera de toute façon pas assuré ?
Nous sommes favorables au maintien des régimes qui fonctionnent. Nous sommes des réformistes : si certaines choses doivent évoluer, nous soutiendrons les réformes. Mais elles doivent être mises en œuvre de manière progressive, en tenant compte du fait que les personnes doivent pouvoir changer de système. Il est en revanche impensable de reconstruire un régime sur la base d’un dispositif que l’on critique soi-même et dans lequel on n’a pas confiance.
Pour les clercs de notaires, le passage d’un système où l’on prend en compte le salaire annuel moyen des dix meilleures années à un mode de calcul fondé sur les vingt-cinq meilleures années est particulièrement préoccupant, surtout quand on sait que cette profession est majoritairement composée de femmes. Rendez-vous compte des conséquences que cette réforme aura pour ces dernières ; je pense notamment aux carrières hachées.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Jean-Yves Leconte. Pourquoi persistez-vous à mener des actions qui entament la confiance des Français dans l’avenir ?
M. le président. Les amendements nos 1750 et 1792 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l’amendement n° 1820.
M. Patrick Kanner. Mes chers collègues, vous connaissez certainement l’adage : Errare humanum est, perseverare diabolicum…
On ne comprend pas, monsieur le ministre, votre entêtement à liquider, à supprimer un régime qui fonctionne correctement. Je joins ma voix à celle de tous nos collègues qui se sont exprimés jusqu’ici pour dénoncer cette mauvaise manière, d’autant que ces mesures touchent une minorité de nos concitoyens.
Le régime de retraite des clercs de notaires se conforme aux règles du régime général : l’âge de départ à la retraite est fixé à 62 ans, et il faut 167 trimestres de cotisation pour une retraite complète.
De plus, ce régime, qui est excédentaire, n’a jamais eu besoin, depuis sa création en 1937, de subventions publiques. Ce ne sera plus le cas à terme si vous le faites disparaître.
Une fois de plus, vous proposez une réforme qui est censée rééquilibrer – nous reviendrons sur ce point le moment venu – notre système de retraite, mais qui, en définitive, le déstabilise et, manifestement, le menace.
Maintenons l’ensemble de ces régimes spéciaux, autofinancés, d’autant plus que leur suppression serait plus néfaste qu’autre chose pour notre système de retraite par répartition.
M. le président. Les amendements nos 1848, 1993 et 2072 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l’amendement n° 2260.
Mme Frédérique Espagnac. Le régime de retraite des clercs de notaires n’est pas déficitaire et ne bénéficie d’aucune subvention d’équilibre provenant soit du régime général de la sécurité sociale soit du budget de l’État.
Repousser l’âge de départ de la retraite de 62 ans à 64 ans n’améliorera pas les conditions de travail au sein des études et pénalisera les femmes, qui représentent 88 % des effectifs. Les femmes devront travailler plus longtemps, plus durement, sans disposer d’une meilleure retraite, car tous les scénarios démontrent qu’elles seront les principales perdantes de cette réforme.
Je voterai donc contre la suppression de ce régime.
M. le président. L’amendement n° 2286 n’est pas soutenu.
Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 1946 rectifié ter est présenté par M. E. Blanc, Mme Goy-Chavent, MM. Mandelli et Saury, Mmes V. Boyer et Belrhiti, MM. Genet, Pellevat, Frassa, Bascher, Houpert, Segouin et Sautarel, Mme Estrosi Sassone, MM. D. Laurent, Tabarot, Rojouan et Piednoir et Mme Bonfanti-Dossat.
L’amendement n° 2224 rectifié est présenté par MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
L’amendement n° 2351 est présenté par MM. Canévet, Duffourg, Prince et Levi, Mme Saint-Pé, M. Détraigne, Mme de La Provôté, M. Le Nay et Mmes Morin-Desailly et Devésa.
L’amendement n° 3920 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 5 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Étienne Blanc, pour présenter l’amendement n° 1946 rectifié ter.
M. Étienne Blanc. Par cohérence, et dans la droite ligne de ce que j’indiquais tout à l’heure à propos du régime de retraite de la Banque de France, permettez-moi de regretter de nouveau que le Sénat ait adopté l’article liminaire sans le modifier. Ainsi, le Sénat a refusé d’ouvrir la porte à un système de retraite par capitalisation, privant la France d’un dispositif efficace, qui contribue à la fois à favoriser le dynamisme économique et à garantir un niveau de retraite convenable.
J’ai défendu ce système de retraite par capitalisation pour la Banque de France, et la cohérence veut que je le fasse aussi pour les notaires.
Il s’agit ici d’un régime spécial qui ne coûte rien à l’État, qui est efficace, qui permet de payer les retraites, d’apporter des réponses en termes de prestations maladie et de recouvrement des cotisations. Le régime fonctionne efficacement.
Permettez-moi d’ajouter un mot à propos de son financement. On a laissé entendre tout à l’heure qu’il serait critiquable, parce qu’il reposerait sur une sorte de taxe parafiscale.
Mais de quoi parlons-nous ? Rien n’est prélevé sur les droits que perçoivent les notaires pour le compte de la puissance publique. La cotisation de 4 % ne porte que sur les émoluments, c’est-à-dire tout ce qui est tarifé, et les honoraires, c’est-à-dire tout ce qui ne l’est pas, mais qui est tout de même plafonné pour éviter les excès. Ce prélèvement de 4 % n’est donc pas une taxe parafiscale.
D’ailleurs, je m’interroge : de quel droit vous permettez-vous d’y toucher ? Je ne sais pas si l’on ne devrait pas se pencher sur la conformité d’une telle mesure à la Constitution.
En résumé, le régime de retraite des clercs de notaire est efficace, ne coûte rien à l’État, fonctionne parfaitement bien, et n’est pas financé au moyen d’une taxe parafiscale : il faut le conserver !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour présenter l’amendement n° 2224 rectifié.
M. Stéphane Artano. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 2351.
M. Michel Canévet. Comme mes collègues cosignataires de cet amendement, j’ai été sensibilisé par les clercs et employés de notaires de nos départements au bon fonctionnement de leurs caisses de retraite et de prévoyance. Nous avons estimé qu’il serait intéressant d’obtenir des éclaircissements de la part de la commission et du Gouvernement sur le devenir de ces dernières.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 3920 rectifié.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Par cet amendement, nous proposons de maintenir le régime spécial de retraite des clercs et employés de notaires.
N’oublions pas que ce régime a été créé pour répondre aux spécificités du secteur et garantir la protection sociale de ses salariés.
Gardons en tête que le maintien de ce régime spécial est nécessaire, car les clercs et employés de notaires sont confrontés à des conditions de travail particulières : horaires atypiques, rythme de travail soutenu, en plus de l’exigence de qualifications élevées.
Ils doivent par ailleurs respecter des obligations de discrétion et de confidentialité qui tiennent à la nature de leur activité et qui sont primordiales – c’est indéniable –, mais qui font évidemment peser une lourde pression sur ces travailleurs.
Or la disparition de ce régime spécial serait préjudiciable aux employés du secteur, notamment en comparaison de ceux des autres secteurs, ce qui pourrait compromettre leur niveau de protection sociale.
Pour la même raison, les employeurs pourraient rencontrer des difficultés à l’avenir pour recruter et fidéliser un personnel qualifié, ce qui pourrait avoir une incidence sur la qualité du service rendu aux usagers.
C’est pourquoi nous sommes favorables au maintien de ce régime spécial. Avec cet amendement, nous proposons de préserver les droits et la protection sociale des clercs et des employés de notaires et, par la même occasion, la qualité du service rendu aux usagers de ce secteur professionnel.
Mes chers collègues, cessez de toucher à ce qui fonctionne ! Ressaisissez-vous, il est encore temps de réfléchir et de revenir en arrière sur cette réforme injustifiée.
Pour terminer, je suis également convaincue que la réforme des régimes de retraite de la Banque de France et des clercs de notaire – ce sont eux qui paieront les pots cassés demain – est un prétexte pour « casser » le régime spécial de la RATP.
M. le président. L’amendement n° 3946 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Varaillas et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je partage l’ensemble des propos qui viennent d’être tenus sur les clercs de notaire. Eux aussi, sous couvert d’égalité, voient tomber leur régime.
Nous l’avons dit, l’intégralité du texte s’inscrit dans une telle logique. Vous prenez la question à l’envers : plutôt que d’accorder des droits plus avantageux et, finalement, plus en phase avec la société à l’ensemble des salariés, vous préférez pénaliser celles et ceux qui bénéficient de régimes plus protecteurs, régimes que nous qualifions pour notre part de pionniers.
Il est vrai que certaines professions sont moins physiques que d’autres et se résument essentiellement à un travail de bureau.
Cela n’empêche pas la pénibilité, la souffrance au travail, l’usure et les difficultés. Longues études ou pas, longues carrières ou pas, tout le monde devra travailler plus longtemps.
En fait, vous refusez absolument de voir cette logique selon laquelle il n’est pas question, pour nous, de privilégier l’argent et le système libéral par rapport à la vie et à l’humain.
C’est pourquoi nous présentons cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Les premiers amendements évoquaient la fermeture du régime spécial des notaires et clercs de notaire. Je pense qu’il s’agit d’une erreur. Comme le disait Patrick Kanner, errare humanum est !
Les amendements suivants, dont ceux de MM. Étienne Blanc, Stéphane Artano, Michel Canévet et Mme Éliane Assassi, avaient le bon objet.
M. Michel Canévet. Merci !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je souhaite apporter quelques éléments un peu différents des propos qui ont été tenus. Je précise que l’ensemble des clercs et employés de notaires dont la durée de travail hebdomadaire est de dix-sept heures trente maximum sont déjà au régime de base.
En réalité, dans un même cabinet notarial, les salariés peuvent relever de deux régimes différents. Il n’est pas question de considérer les uns comme des nantis par rapport aux autres, comme de petites mains ou je ne sais quoi d’autre, ainsi que j’ai pu l’entendre.
Ce sont simplement des professionnels qui remplissent dans les offices notariaux des tâches importantes. À ce titre, nous devons bien les considérer.
La mesure que nous vous proposons concerne les personnes qui seront employées à partir du 1er septembre 2023. Toutes celles qui vous ont écrit – il est important de le rappeler – seront maintenues dans leur régime actuel.
Si nous nous posons la question de la fermeture de ce régime spécial, c’est aussi, là encore, en raison d’un déséquilibre entre le nombre de cotisants et le nombre de pensionnés. On recense en effet environ 63 000 cotisants pour 71 000 pensionnés de droit direct et plus de 7 600 de droit dérivé.
Sur un plan plus technique, on peut parler d’un régime intégré, car il inclut à la fois la retraite de base, la retraite complémentaire et la retraite additionnelle, ce qui correspond à un régime supplémentaire facultatif, comme dans les entreprises du privé.
La commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, qui sont contraires à nos propositions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Madame la rapporteure générale a dit l’essentiel.
Je souligne que le régime des clercs de notaire affiche effectivement un déséquilibre démographique, le nombre de cotisants étant inférieur au nombre de bénéficiaires. C’est évidemment de nature à poser un problème à terme.
Par ailleurs, l’une des motivations principales de la fermeture des régimes spéciaux en flux est le rétablissement de l’égalité.
À cet égard, je suis assez frappé de voir combien, au travers de leurs amendements, certains défendent finalement une situation particulière. Sous prétexte que le système fonctionne, il faudrait ne rien changer, au risque de faire perdurer des situations qui relèvent parfois – je le dis de la manière la plus prudente possible – d’une forme de situation de rente au regard de l’égalité recherchée. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Sébastien Meurant proteste également.)
L’égalité se traduit aussi par l’application de règles identiques en matière de cotisation, d’affiliation et donc de niveau de la pension, pour des métiers comparables qui, lorsqu’ils sont exposés à l’usure, feront l’objet de la prévention visée à l’article 9.
Par ailleurs, je confirme les propos de Mme la rapporteure générale : aujourd’hui, dans les études, il y a déjà cohabitation entre les salariés bénéficiant du régime spécial et les autres. Tous les salariés qui travaillent à mi-temps ou moins relèvent du régime général.
En outre, l’ensemble des salariés des études qui sont situées dans les départements d’outre-mer sont couverts non pas par le régime spécial des clercs et employés de notaire, mais par le régime général, quelle que soit leur quotité de temps de travail.
C’est donc une véritable marche vers l’égalité que nous proposons au travers de cette disposition.
Enfin, le régime des clercs et employés de notaire a une particularité. Au-delà de la description qui en est faite, il peut être qualifié de régime de passage. Statistiquement, très peu de clercs ou d’employés d’étude y restent en réalité durablement.
De ce fait, affilier tout le monde au régime général permet de garantir une plus grande lisibilité à l’échelle d’une carrière.
Pour conclure – cela a été évoqué de manière indirecte –, les réserves du régime, qui sont maintenues, et la clause du grand-père doivent rassurer sur la capacité du régime à faire face aux engagements en matière de gestion et de paiement des pensions des personnes qui y resteront affiliées après le 1er septembre 2023.
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. « Le rat est un des éléments de l’Opéra, car il est à la première danseuse ce que le petit clerc est au notaire. Le rat, c’est l’espérance. » (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Ces mots de Camille Laurens ouvriront mon propos.
Tout d’abord, monsieur le ministre, je vous remercie de ne pas avoir fermé le régime spécial de l’Opéra de Paris, qui bénéficie aujourd’hui à 186 ayants droit, malgré votre souci d’égalité, qui vous conduit à ratiboiser tout le monde.
Le texte dont nous débattons depuis deux jours aborde les enjeux financiers liés à la préservation de la retraite par répartition. L’article 1er s’attaque aux régimes spéciaux, en l’occurrence à celui des clercs de notaire parmi cinq autres.
Cet article fait-il partie de la corbeille de mariage entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement ? Était-il exigé pour le mariage ou s’agit-il d’une décision solitaire du Gouvernement, qui aurait été ensuite désapprouvée – j’ai entendu des remarques en ce sens – du côté droit de l’hémicycle ?
Je trouve qu’il n’est pas tout à fait correct de lancer ainsi à la vindicte populaire les clercs de notaire, une profession peu rémunérée et massivement féminisée.
Enfin, je m’interroge toujours sur le texte choisi comme véhicule législatif, à savoir un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
Je continue de ne pas comprendre pourquoi nous débattons de mesures qui n’ont pas d’impact financier sur le bilan rectificatif de la sécurité sociale. J’aimerais savoir ce que dit la note d’analyse du Conseil d’État sur le sujet… (Rires.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Monsieur le ministre, je crains que, par légèreté ou, plus exactement, par souci de remplir suffisamment une charrette de régimes spéciaux condamnés, afin que les agents de la RATP, les gaziers et les électriciens aient de la compagnie, vous ne commettiez un acte irréfléchi, inutile et maladroit, en d’autres termes un « pas de clerc » ! (Sourires.)
J’espère que le Sénat vous empêchera de faire ce pas. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Je vous avoue que j’éprouve quelques difficultés à me positionner.
Il me semblait que la liberté était un principe défendu par la droite – et un peu au-delà – comme un principe d’organisation de la vie sociale.
Nous nous intéressons aujourd’hui à des systèmes que des organisations ont elles-mêmes mis en place – en 1808, ou peu avant la Deuxième Guerre mondiale… – et qui fonctionnent.
Si notre régime général de retraite fonctionnait, nous n’en serions pas là ! Je ne comprends pas pourquoi il faudrait s’attaquer à ce qui fonctionne.
En recherchant l’égalité, nous risquons de tomber dans l’égalitarisme et le nivellement par le bas. Tellement de choses ne fonctionnent pas en France ! (M. Jacques Fernique applaudit.) Si nous pouvions – Dieu sait si la liste est longue – commencer par nous attaquer à ce qui ne fonctionne pas !
Sur le plan des principes – je m’adresse là à mes amis du côté droit de l’hémicycle –, la liberté est la règle, et l’interdiction l’exception.
Nous répétons à longueur de temps que l’État, la société, les entreprises et les individus sont corsetés par des normes sans cesse plus nombreuses. Il suffit de regarder nos codes, celui du travail par exemple, tous plus épais qu’à l’étranger, pour s’en convaincre. Et nous voudrions encore changer les règles, en l’occurrence celles qui fonctionnent ?
J’avoue mon incompréhension, et je voterai contre la suppression de ces régimes, qui sont bénéficiaires et qui plaisent à la fois aux employeurs et aux salariés !
M. Jacques Fernique. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne reviendrai pas sur l’argument selon lequel ce régime, qui satisfait les salariés comme les notaires, ne coûte rien à l’État.
Monsieur le ministre, vous défendez l’égalité pour la rendre irrecevable pour nos concitoyens. Pour vous, l’égalité, c’est niveler par le bas. Cela n’a jamais été, dans l’histoire républicaine, la conception de l’égalité, qui a toujours été adossée à la notion de progrès pour tous.
Ce qui me frappe par-dessus tout, ce sont les grandes déclarations que vient de faire M. Véran selon lesquelles la réforme des retraites ne ferait pas de perdants.
Mme Monique Lubin. Il n’y aura que des perdants !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il y aura en effet des perdants et, dans ce cas précis, systématiquement des perdantes, cette profession étant avant tout exercée par des femmes.
Ainsi, en tout cas, les nouvelles embauchées verront le niveau de leur retraite reculer de manière significative.
C’est là qu’intervient la clause du grand-père, ou l’égoïsme organisé : « Vous n’avez rien à dire ; la mesure ne vous concerne pas. Elle concerne vos enfants et vos futurs collègues ; ce n’est pas grave ! Ne pensez qu’à vous ! »
Eh bien non ! Les clercs de notaire, comme les notaires, pensent à l’avenir de leur métier et de leurs salariés.
Franchement, monsieur le ministre, quand on voit les problèmes du pays, l’immense inflation, les graves difficultés de pouvoir d’achat, n’avez-vous vraiment rien d’autre à faire que de vous occuper des clercs de notaire, qui ne posent aucune difficulté à la Nation ?
Je n’ai jamais entendu le matin en prenant mon café des gens me dire : « Madame la sénatrice, quel scandale ces clercs de notaire ! Ils sont en train de nous ruiner ! Quels privilégiés ! »
Franchement, vous accumulez les mauvais coups, métier par métier, là où il n’y a aucune nécessité !
Nous voterons contre la suppression de ce régime. (Applaudissements sur des travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. Vincent Segouin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Cette réforme aurait pu être idéologique. Nous aurions alors pu entendre le Gouvernement nous annoncer la fermeture de l’ensemble des régimes spéciaux.
Mais, là, nous nous retrouvons dans une situation assez bizarre. Personnellement, je plains les clercs de notaire : il a fallu choisir des gens pour accompagner les agents de la RATP dans la charrette. J’imagine cette réunion intéressante, à l’Élysée ou à Matignon, au cours de laquelle on s’est demandé, entre autres questions, qui serait placé dans la charrette, qui pourrait servir de camouflage, quelle serait la quantité suffisante… Tout cela n’est pas sérieux !
Par ailleurs, je rebondis sur les explications de Mme la rapporteure générale et de M. le ministre. Très honnêtement, nous parlons de 70 000 personnes, dont le salaire net se situe entre 1 500 euros et 2000 euros et dont le régime de retraite, qui est équilibré, fonctionne parfaitement.
On nous oppose le fait que plusieurs régimes coexistent déjà au sein de la profession. C’est vrai, mais cela ne pose pas de problème !
M. le ministre propose d’aligner par le bas. Nous pensons au contraire aligner par le haut. C’est en cela, monsieur le ministre, que nous ne pouvons pas être d’accord.
Vous nous dites qu’il y a plusieurs caisses. Or n’importe quel citoyen est affilié, au cours de sa vie, à plusieurs caisses. Ce n’est donc pas un problème de caisses. Trouvez-nous des arguments solides !
La véritable question qui vous est posée est : pourquoi les clercs de notaires et pas les autres ?
Pourquoi, en outre, toutes les informations relatives à cette réforme, notamment la note du Conseil d’État, ne sont-elles pas communiquées à la représentation nationale ? Jusqu’à preuve du contraire, le Parlement doit pouvoir disposer de tous les éléments pour légiférer convenablement.
En définitive, cette réforme est bricolée. Les points de vue changent fréquemment et, malheureusement, des gens perdront beaucoup si vos propositions sont adoptées.
Pour toutes ces raisons, je voterai pour ces amendements. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Convaincu par les explications de Mme la rapporteure générale et de M. le ministre, que je remercie, je retire mon amendement. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe SER.)
M. le président. L’amendement n° 2351 est retiré.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.
Mme Florence Blatrix Contat. Permettez-moi de revenir sur l’argument de Mme la rapporteure générale selon lequel cohabiteraient, dans les études, des salariés qui sont soumis au régime du CRPCEN et d’autres qui ne le sont pas.
En réalité, le seuil de dix-sept heures trente correspond à moins d’un mi-temps. Ce cas de figure ne concerne donc que très peu de personnes, ou alors de manière temporaire.
Pour l’écrasante majorité des salariés du notariat – ce ne sont pas que des clercs ; il y a parmi eux des collaborateurs de premier niveau, dont les salaires sont très faibles –, renoncer à ce régime représenterait une perte de revenus.
Par ailleurs, j’ai été profondément choquée quand le ministre a parlé de « rente » à propos des travailleurs. Tout de même, où est la rente, quand depuis cinq ans, sous ce quinquennat comme sous le précédent, on n’a jamais aussi peu taxé le capital ? La rente n’est pas du côté des travailleurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et GEST.)
M. Rachid Temal. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. À la différence de mon collègue, je ferai non pas un pas de clerc, mais un pas de sénateur, auquel le président Larcher nous a, savamment et avec beaucoup d’humour, initiés.
J’ignore pour quelle raison mes collègues ont une dent contre les clercs, disons la cléricature, au sens laïque du terme. Pour ma part, je défendrai la cléricature. Ne sommes-nous pas nous-mêmes, disons-le clairement, une forme de cléricature dont on ne touche pas au régime ?
Madame la rapporteure générale nous explique qu’en deçà de dix-sept heures trente de travail hebdomadaire, les clercs de notaire sont affiliés au régime général. Mais c’est déjà le cas pour la fonction publique !
Lorsque vous travaillez moins de vingt-huit heures par semaine, vous êtes affilié non pas à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), mais à l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec). Ce n’est donc pas une spécificité de ce régime.
Le ministre nous dit par ailleurs : « Vous comprenez, cela se fait déjà dans les outre-mer ». Pour une fois, les outre-mer sont pionniers…
Non, monsieur le ministre, la loi Macron, c’est 25 % de plus pour les notaires. Une cotisation de 4 % est appliquée au chiffre d’affaires. En quoi cela gêne-t-il ?
Il est vrai que le fondement juridique, voire constitutionnel de tout cela pose question, parce qu’il revient au Parlement de voter les taxes de toute nature. S’agit-il d’une taxe ?
J’ai entendu M. le ministre plaider pour que soient mis à contribution uniquement les usagers et clients, et pas le contribuable. Je ne comprends pas cet acharnement. Nous voterons ces amendements avec allégresse ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)