M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour explication de vote.
Mme Florence Blatrix Contat. Les régimes spéciaux sont le résultat de conquêtes sociales, cela a déjà été dit, et ont été créés dans le cadre de négociations. Ils sont une juste compensation de conditions de travail difficiles, de perspectives de carrière et d’évolution de salaire parfois plus limitées qu’ailleurs.
Aujourd’hui, on stigmatise de nouveau ces régimes et ceux qui bénéficieraient prétendument d’avantages exorbitants. On évoque sur certaines travées l’équité pour justifier cette nouvelle régression. On cherche surtout à faire quelques économies de bouts de chandelle sur le dos des travailleurs et à faire diversion pour mieux masquer l’injustice que constitue l’allongement de la durée du travail. Vous cherchez surtout à opposer les Français les uns aux autres pour justifier cette réforme.
Vous évoquez le coût de ces régimes. Cet argument en dit long sur la philosophie de votre réforme, une réforme paramétrique destinée à réaliser des économies. Votre problème, ce sont bien les déficits et la dette que vous avez creusés en supprimant l’impôt de solidarité sur la fortune, en refusant de trouver des ressources nouvelles issues, par exemple, de la taxation des superprofits.
Dans un très bon rapport, nos collègues communistes ont démontré que l’évasion et l’optimisation fiscales coûtaient entre 30 milliards et 36 milliards d’euros au minimum à l’État, voire 50 milliards d’euros si l’on prend en compte certains critères. On voit bien que les économies que l’on cherche à réaliser sur les régimes spéciaux et sur l’ensemble des retraités sont sans commune mesure avec les ressources dont on se prive pour réduire nos déficits.
Cette réforme et cette volonté de supprimer les régimes spéciaux illustrent l’esprit de la start-up nation, dans laquelle on décore, certes discrètement, un champion de l’optimisation fiscale tout en stigmatisant ceux qui travaillent et en réduisant leurs droits.
Cette réforme est injuste, comme le démontre cet acharnement sur les régimes spéciaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je ne suis pas d’accord avec mon collègue Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Ah !
M. Fabien Gay. Nous n’avons pas obtenu de réponses à toutes nos questions. Pour ma part, j’ai encore deux ou trois questions.
Il est beaucoup question d’égalité, d’équité. Pour vous, les régimes spéciaux, c’est horrible. Il faut en finir et mettre tout le monde au même niveau. Vous l’aurez compris, ce n’est pas notre choix.
Je voudrais comprendre selon quels critères il a été décidé d’éteindre ou de sauvegarder tel ou tel régime. Pourquoi est-ce qu’on s’attaque aux régimes de la RATP et des IEG, des clercs de notaire et de la Banque de France, mais pas à ceux de l’Opéra de Paris, de la Comédie française, des marins-pêcheurs, des avocats et des professions libérales ?
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. Le ministre l’a dit, mais vous ne l’avez pas écouté !
M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, on vous pose la question : quels sont les critères ?
M. Martin Lévrier. Ça a été dit, il faut écouter !
M. Fabien Gay. On vous l’a déjà dit, casser le statut coûtera très cher. Aujourd’hui, lorsqu’un nouvel embauché bénéficie, par exemple, du statut des IEG, il passe un contrat avec la Nation. Il sait qu’il partira plus tôt à la retraite, qu’il est protégé par un statut. En contrepartie, il accepte d’être moins payé que dans le privé et de travailler de jour et de nuit toute l’année. Casser le statut, cela signifie payer ces salariés beaucoup plus cher, autrement vous aurez un problème d’attractivité.
Je vous repose la question, monsieur le ministre : comment allez-vous faire dans les entreprises électriques et gazières, mais aussi à la RATP ? Le grand problème de la RATP, c’est qu’il lui manque des milliers de chauffeurs, on vous l’a dit. Sachez que cette année, plus de 300 personnes ont abandonné leur poste sans même passer par la case du service des ressources humaines ! La voilà, la réalité, aujourd’hui !
C’est la même chose chez les cheminots. On vous l’avait dit en 2018 que la SNCF aurait du mal à recruter ! C’est aujourd’hui le cas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Depuis le début de notre séance, je trouve que le silence est parfois le plus cruel des mensonges ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il faut expliquer ce silence, et le silence complice du ministre. C’est vrai, monsieur Dussopt, que vous avez émis un avis extrêmement bref !
Il faut dire la vérité aux Françaises et aux Français sur les régimes spéciaux. Quel problème pose le régime spécial de la RATP en Île-de-France ? Le problème, ce n’est pas le régime en tant que tel, ce ne sont pas non plus les privilèges de ceux qui en bénéficient. Le véritable sujet, c’est la mise en concurrence de la RATP avec Keolis et Transdev ! Vous proposez aux machinistes de la RATP et aux cheminots de prendre un sac à dos social ! Vous en faites des routards du malheur en leur proposant d’aller travailler dans le privé et en cassant tous les statuts. Or les statuts sont une garantie du service public.
L’enjeu, ce ne sont pas les régimes spéciaux. Vous êtes en train de livrer la France pieds et poings liés à des intérêts étrangers ! Ainsi, quand vous choisissez Transdev en Île-de-France ou Keolis, vous donnez à l’un des principaux investisseurs, qui est un capitaliste allemand, le moyen d’entrer sur le marché du transport français. La voilà, la vérité !
Votre silence est cruel, mes chers collègues, c’est un mensonge ! Alors que les Français, qui manifestent, ont tant de sujets d’inquiétude – l’inflation, les retraites –, vous voulez leur imposer deux ans de travaux forcés ! Depuis deux jours, vous êtes incapables d’avancer des arguments et de présenter votre projet de société. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Il y a des silences qui valent mieux que certaines prises de parole !
M. Pascal Savoldelli. Le Parlement est en difficulté à cause de vous !
M. le président. Des explications de vote, ce n’est pas ça ! (M. Pierre Laurent s’exclame.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. Les explications de vote, ce ne sont pas des injures !
M. le président. Vous ne respectez pas le règlement ! Monsieur le vice-président Laurent, vous devriez être le premier à le respecter !
M. Pascal Savoldelli. Est-ce qu’on vous dérange, monsieur le président ?
M. le président. Rien ne me dérange ! Je demande simplement que le règlement du Sénat soit respecté et vous devez le respecter comme tout le monde !
M. Pascal Savoldelli. Ce n’est pas moi qui ai choisi Pécresse comme candidate !
M. le président. Monsieur Savoldelli, ne m’obligez pas à appliquer des articles du règlement plus sévères !
La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Ce débat est absolument essentiel. Il est très concret : sommes-nous ici pour résoudre des problèmes qui existent dans notre pays ou pour les aggraver ?
Nous parlons de plusieurs régimes spéciaux, notamment de celui de la RATP. Quel est l’un des principaux problèmes que nous rencontrons aujourd’hui dans notre pays ? C’est la crise dans les transports publics, en particulier en Île-de-France. Nous faisons face à une difficulté financière et à des difficultés de recrutement.
Lorsque nous dénonçons les injustices dans certaines lois de nature financière, vous nous répondez que, certes, c’est injuste, mais qu’il faut penser à l’attractivité. Ici, nous faisons face à un enjeu d’attractivité. Allons-nous rendre de nouveau attractifs les métiers de la RATP, notamment de machiniste et de conducteur de bus, en fermant le régime spécial de la RATP ? Non ! Au contraire, nous allons aggraver le problème, qui est d’abord, on le sait, un problème d’attractivité.
Notre assemblée a déjà refusé d’augmenter le versement mobilité des entreprises afin de financer les transports publics en Île-de-France. Elle a par ailleurs refusé d’augmenter, comme elle aurait dû le faire, la participation financière de l’État. Aujourd’hui, nous serions bien inspirés, je pense, de refuser la suppression du régime spécial de la RATP, parce que nous allons aggraver des problèmes que nous devrions plutôt résoudre, à savoir le manque d’attractivité des métiers dans le secteur des transports publics et les difficiles conditions de travail des personnels. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Dans les réponses qui nous ont été faites, on a beaucoup entendu le mot « convergence ». Or, en matière de droit social, la convergence, toute l’histoire du droit social le montre, c’est la généralisation progressive des dispositions les plus protectrices. Cela n’a jamais été le contraire !
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous voulez la retraite à 57 ans pour tous ? Qui va la financer ?
M. Pierre Laurent. Que ce soit en matière de temps de travail, de congés payés, de pénibilité ou, aujourd’hui, de droits des femmes, c’est en généralisant une disposition plus protectrice que les précédentes que l’on fait progresser le droit social. Alors que vous nous proposez de faire exactement le contraire, vous parlez de convergence !
Si nous avions réellement engagé une discussion sur la convergence au sens du droit social, les syndicats auraient été les premiers à accepter d’y participer. Or, s’ils sont tous opposés à la réforme aujourd’hui, c’est parce que ce n’est pas le cas.
En matière de pénibilité, vous allez vers la suppression de toutes les garanties collectives. Vous voulez individualiser ce droit. La voilà, la réalité ! Vous supprimez les régimes spéciaux parce qu’ils offrent des garanties collectives. C’est cela, à la vérité, que vous voulez supprimer.
Je dis, à l’instar de mes collègues, que nous allons vers des pénuries d’effectifs dramatiques dans des secteurs stratégiques. Quand les transports publics ne fonctionneront pas en Île-de-France pendant les jeux Olympiques l’année prochaine, vous serez les premiers à verser des larmes de crocodile sur l’image de la France dans le monde entier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je ne suis pas d’accord avec notre collègue Gay. Pour ma part, j’ai trouvé l’intervention de Martin Lévrier excellente ! (Sourires.) D’abord, je le remercie d’avoir pris la parole. (Nouveaux sourires.) Ensuite, je le remercie d’avoir effectué une synthèse aussi brillante de nos travaux. Certes, il ne nous a pas livré son point de vue personnel,…
M. Martin Lévrier. Si !
M. Claude Raynal. … mais on a au moins eu droit à une synthèse.
Vous nous avez fait la démonstration extraordinaire, cher collègue, qu’en discutant d’un amendement de suppression, on pouvait traiter de dizaines de sujets différents. Il fallait faire cette démonstration et je vous remercie de nous y avoir aidés. Je dois dire que j’ai été très heureux de voir notre groupe être aussi prolixe et faire autant de propositions, qui ne seront malheureusement pas reprises.
Le ministre nous a parlé d’équité. Le débat entre équité et égalité est toujours compliqué. Des livres sur ce sujet sont publiés tous les ans. Dans le cas précis qui nous occupe, l’équité consiste à bien prendre en compte les différences entre les professions. L’objectif est non pas l’égalité, mais l’équité. Il s’agit de mieux rendre compte des difficultés du travail. Peut-être faudrait-il d’ailleurs régulièrement regarder ce point. Nous ne travaillons pas du tout sur un projet de loi équitable. Il s’agit plutôt de tout tailler à la serpe pour atteindre un niveau plutôt bas.
Par ailleurs, la rapporteure générale nous a dit qu’il n’y avait pas d’urgence à faire converger les régimes de retraite, la preuve étant que vous proposez la clause du grand-père. Mais s’il n’y a pas d’urgence, que faisons-nous ? Nous avions le temps de traiter cette question tranquillement.
Enfin, et ce sera mon dernier point, notre système est financé à 80 % par les cotisations et à 20 % par la solidarité nationale. Si ces taux étaient respectivement de 75 % et de 25 %, notre système fonctionnerait toujours sur la base de la répartition !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je vais tenter de tenir des propos qui vous agréent, monsieur le président, afin de ne pas être rappelée à l’ordre !
Afin d’y voir clair et avant de décider de notre vote, il faut bien comprendre quels sont les enjeux.
J’ai écouté avec attention la rapporteure générale et le rapporteur Savary, puis j’ai lu l’amendement n° 2057 de M. Retailleau et d’un certain nombre de ses collègues. Depuis, je ne m’y retrouve plus !
J’ai compris que vous souteniez la fermeture de certains régimes spéciaux. L’amendement de M. Retailleau, que nous examinerons beaucoup plus tard, ce qui est vraiment dommage pour la clarté de nos débats, tend à anticiper cette fermeture, même si, prudemment, aucune date précise ni trop proche n’est indiquée.
Mme Doineau nous dit de ne pas nous inquiéter, que ça va bien se passer – comme dirait votre ami Darmanin ! –, puisque l’extinction des régimes spéciaux se fera lentement grâce à la clause du grand-père. M. Savary nous le dit aussi. Je le redis : je n’y comprends plus rien !
Êtes-vous pour la fermeture des régimes spéciaux maintenant ? Êtes-vous pour la fermeture des régimes spéciaux plus tard ? Souhaitez-vous que cette fermeture soit anticipée ? Voterez-vous l’amendement tout à l’heure ?
Je vous conseille de faire comme moi et de voter la suppression de cet article. Autrement, vous allez vous aussi avoir la tête qui tourne ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.
M. Patrice Joly. Défendre les régimes spéciaux de retraite, c’est lutter contre une forme de régression sociale, inspirée par les adeptes d’une philosophie néolibérale qui prétendent ici, aujourd’hui, agir au nom de l’égalité. Cela nous a été dit.
La suppression proposée vise en réalité un alignement vers le bas et, finalement, la destruction de ce qui peut être qualifié de droit visant à une plus grande justice sociale.
Il faut plutôt voir ces régimes spéciaux comme des modèles. Ils ont servi de point d’appui à la mise en place d’une couverture vieillesse généralisée. Nous pouvons encore nous en inspirer pour continuer à améliorer le régime général d’assurance vieillesse, notamment par la prise en compte des spécificités des différents métiers, dont la nature évolue, tout comme la pénibilité qui les caractérise.
Je voterai donc l’amendement visant à maintenir ces régimes spéciaux. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Comme l’ensemble de mes collègues sur ces travées, je ne peux que constater, et déplorer, le silence de cathédrale qui règne dans les travées de la droite. Votre bâillon, monsieur Retailleau, est solidement attaché sur les parlementaires de votre groupe. Vous pratiquez, en somme, ce qu’on pourrait appeler l’occlusion parlementaire,…
M. Marc-Philippe Daubresse. Cela vaut mieux que la diarrhée verbale !
M. Yan Chantrel. … faute d’être capables de défendre une réforme dont vous êtes pourtant les coauteurs.
M. Daniel Laurent. Ce n’est pas une explication de vote !
M. Yan Chantrel. J’ai néanmoins relevé un propos du rapporteur Savary que je trouve particulièrement scandaleux, et révélateur de votre brutalité vis-à-vis des plus démunis. Il a dit, à propos des métiers pénibles, que « plus on met en exergue la brutalité de ces métiers, moins on trouvera de nouveaux entrants ». Je répète : « Plus on met en exergue la brutalité de ces métiers, moins on trouvera de nouveaux entrants. » (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Voyez les enseignants !
M. Yan Chantrel. Cela en dit long sur votre insensibilité et votre volonté d’invisibiliser les métiers qui abîment les corps. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) La brutalité, vous ne voulez pas qu’elle soit connue… C’est typique de cette majorité sénatoriale, qui ne souhaite pas agir, justement, pour rendre ces métiers moins pénibles, en améliorant les conditions de travail, en aménageant le temps de travail, en le réduisant, même, éventuellement… Surtout, en faisant jouer la reconnaissance de la Nation, qui doit permettre un départ à la retraite à un âge décent, avec une pension décente ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.
Mme Corinne Féret. Je rappelle que les régimes spéciaux ne constituent pas des privilèges : ils représentent l’héritage de régimes fonctionnant sur la base d’une solidarité interprofessionnelle ou propre à une entreprise. Ils prévoient des règles de départ à la retraite spécifiques, car ils prennent en compte une pénibilité spécifique à laquelle les travailleurs qui cotisent sont exposés : horaires atypiques, fréquence des astreintes, usure physique…
En raccrochant ces régimes spéciaux au régime général, le Gouvernement prévoit pour l’ensemble des nouveaux entrants dans ces régimes un départ à la retraite à 64 ans, avec 43 annuités, sans mesures suffisantes pour prendre en compte la pénibilité intrinsèque à ces métiers. C’est l’article 9 qui concerne la prévention et la réparation de l’« usure professionnelle » – je préfère utiliser le mot de pénibilité. Mais nous n’en débattrons qu’après avoir voté sur ces amendements.
Il aurait été extrêmement intéressant et constructif, chers collègues du groupe Les Républicains, d’entendre vos interventions et de connaître votre point de vue sur ces amendements de suppression et sur la remise en question des régimes spéciaux. Là encore, je considère que le débat est tronqué, puisque nous ne connaissons pas votre point de vue sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. Je souhaite revenir sur les propos partiels de Mme la rapporteure. Auparavant, je salue les propos de Pascal Savoldelli sur la RATP. Oui, nous jouons les prolongations : le silence de la majorité est éloquent. Avec le nouveau pacte ferroviaire, en 2018, elle a voté pour l’ouverture à la concurrence, dont la suppression des régimes spéciaux est la conséquence. Pascal Savoldelli a rappelé à juste titre les difficultés de recrutement de Keolis, qui peine à trouver des chauffeurs de bus en Île-de-France.
Vous avez dit, madame la rapporteure, qu’une partie des régimes spéciaux avaient été créés à titre temporaire en 1945 et devaient être supprimés. Celui des mineurs l’a été, en effet. Je tiens à vous préciser, madame la rapporteure, qu’il n’y a plus de mineurs en France…
En fait, il reste une mine de sel en France, dans notre département de Meurthe-et-Moselle. Des mineurs descendent encore tous les jours à 400 mètres de fond pour travailler. Je vous invite, madame la rapporteure, monsieur le ministre, à visiter cette mine. Un circuit touristique permet d’ailleurs d’y déjeuner : je vous invite à le faire, tout comme Jean-François Husson…
M. Jean-François Husson. J’y suis déjà allé !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Moi aussi !
M. Olivier Jacquin. M. le président Karoutchi serait aussi le bienvenu ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Un séjour dans une mine de sel… Pas dans l’immédiat ! (Sourires.)
La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Nous avons entendu très peu d’explications convaincantes sur la place de cet article dans le texte. La rapporteure nous a dit qu’il n’y avait pas urgence à fermer ces régimes. J’en reviens donc à notre débat d’hier, sur l’architecture de ce véhicule législatif. Quelle urgence y a-t-il donc à modifier le PLFSS deux mois après son adoption par notre assemblée ? Je comprends pourquoi vous vous entêtez à garder confidentielle la note du Conseil d’État : cela tient certainement à la fragilité de la place de cet article dans le texte…
J’ai parlé tout à l’heure de la paresse, voire de la torpeur qui avait gagné les rangs de la majorité sénatoriale. Mais on pourrait parler aussi de la vôtre, monsieur le ministre : issu de la gauche, vous avez rapidement glissé vos pas dans les pantoufles du sarkozysme et de la recherche fainéante du bouc émissaire.
Mme Frédérique Puissat. Un peu de respect !
M. Marc-Philippe Daubresse. Souvenez-vous de Mme Touraine et de sa réforme…
M. Thomas Dossus. Contre le nivellement par le bas et la casse du service public, nous demandons et nous voterons la suppression de cet article. (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je souhaite remercier M. Lévrier, seul de son groupe à avoir pris la parole ce matin. Ce constat est assez troublant, et révélateur d’une obstruction silencieuse qui est en train de s’installer. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pourtant, l’article 1er porte sur les fameux régimes spéciaux, auxquels on s’attaque, comme à chaque réforme. Nous avons entendu des arguments très différents. Mme la rapporteure nous dit qu’il n’y a pas urgence à revenir sur la clause du grand-père. M. Retailleau nous propose un amendement, après l’article 7, qui n’est pas anodin, puisqu’il changera en fait la nature de l’article 1er.
Je souhaiterais donc des explications. Y a-t-il urgence, ou non ? Que pensent les ministres de cet amendement du président Retailleau ? Hier soir, ils ont donné des avis sur des amendements qui n’avaient pas été présentés, ils pourraient donc le faire maintenant. (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.)
M. René-Paul Savary, rapporteur. C’est hors sujet…
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Nous devrions nous inquiéter collectivement d’une tendance de fond, qui n’a pas dû vous échapper et qui fait l’objet d’un certain nombre de publications. Cette tendance de fond touche particulièrement la jeunesse et se manifeste par une baisse constante de l’intérêt pour le travail, qui disparaît derrière le souhait de profiter du temps libre et de moments considérés comme plus épanouissants. (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
Cette tendance est l’une des raisons du désamour des Français pour bon nombre de métiers qui apparaissent, à tort ou à raison, comme peu attractifs. La conséquence est qu’on observe des tensions extrêmes dans certains secteurs, comme la restauration, l’entretien, le bâtiment, les transports, l’énergie.
Ajoutez la remise en cause d’un certain nombre d’acquis sociaux, le refus d’augmenter le Smic et de convoquer une grande conférence sur les salaires, ajoutez la perte de pouvoir d’achat : pour beaucoup, travailler, ce n’est plus la santé, pour paraphraser Henri Salvador.
Et vous leur envoyez le message que la pénibilité n’existe pas ! Ceux qui bénéficiaient d’une prise en compte de celle-ci au travers de leur régime de retraite vont perdre ce qui n’était pas un avantage, mais une juste prise en compte de leur engagement professionnel.
Si nous voulons réhabiliter le travail et réduire les tensions dans un certain nombre de secteurs, ce n’est pas en alignant par le bas les acquis sociaux que l’on y arrivera. C’est la raison pour laquelle il faut maintenir ces cinq régimes dits spéciaux et surtout engager des négociations avec les partenaires sociaux sur la pénibilité. Mais ce mot a été rayé du projet de loi et ne fait l’objet d’aucun article…
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. J’aimerais faire un rappel au règlement, sur la base de l’article 36, alinéa 5, de notre Règlement…
M. le président. Non, vous avez la parole pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Comme m’y autorise l’alinéa 5 de l’article 36, je souhaite m’exprimer depuis la tribune.
M. le président. Pardon ?
M. Victorin Lurel. Je vous en cite les termes exacts : « L’orateur parle à la tribune ou de sa place. Le Président peut l’inviter à monter à la tribune. » (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) M’interdirez-vous de monter à la tribune ?
M. Daniel Laurent. Quel cinéma !
M. le président. Vous interviendrez de votre place, comme tous les orateurs précédents.
M. Victorin Lurel. Il y a un problème d’interprétation, à tout le moins : je devrais pouvoir monter à la tribune. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Monsieur Lurel, vous avez déjà utilisé une minute de votre temps de parole.
M. Victorin Lurel. On dira que c’est de l’obstruction, mais c’est l’arme du parlementaire démuni. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Pas si démuni que cela…
M. Victorin Lurel. Comme Laurence Rossignol l’a dit, les ministres ne nous ont pas répondu, non plus que la majorité sénatoriale. Nous voterons donc un peu à l’aveugle.
Nous allons accélérer la mise en extinction, c’est-à-dire la mort, de ces régimes, qui disparaîtraient avant 2025. Nous aimerions avoir une explication. J’ai même cru entendre le président Retailleau dire qu’on n’attendra pas 43 ans pour la mise à mort de ces régimes…
M. Daniel Laurent. C’est terminé !
M. Victorin Lurel. Pourriez-vous éclairer notre vote ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Il y a une logique qui ne nous surprend pas. Le Gouvernement a supprimé les critères de pénibilité en 2017 par ordonnance. À présent, il veut supprimer plusieurs des régimes spéciaux qui prennent en compte cette pénibilité. Il respecte une forme de logique, même si ce n’est pas la nôtre.
Mais lorsque nous vous interrogeons sur la capacité des services publics à recruter, en particulier dans les transports, ou sur l’avenir de notre secteur énergétique, qu’il s’agisse d’EDF ou de ses sous-traitants, nous ne recevons aucune réponse. Comment assurer l’attractivité des métiers en tension ? Pas de réponse. C’est étonnant, de la part d’un ministre chargé de l’emploi. Nous sommes convaincus, nous, que les régimes spéciaux, s’ils ne sont pas la réponse parfaite, contribuent à rendre ces métiers attractifs. À ce titre, ils mériteraient d’être élargis et non fermés.