M. David Assouline. Alors ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. … mais il n’est pas pour autant accessoire ! C’est une condition indispensable à ce que nous voulons faire : permettre qu’une vie de travail donne droit à une retraite décente.
Enfin, puisque j’ai aussi vu dans vos amendements des propositions en ce sens, je souhaite dès le début de nos débats vous rendre compte des progrès que nous accomplissons en matière de lutte contre la fraude.
Grâce à la mesure que vous avez adoptée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, les caisses d’assurance vieillesse ne verseront plus l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) à compter de juillet prochain sur des comptes bancaires étrangers. Cette disposition, que j’avais proposée à l’Assemblée nationale, devait entrer en vigueur au 1er janvier 2024, mais à la suite d’un amendement sénatorial elle a été avancée au 1er juillet 2023.
Ces mêmes caisses de sécurité sociale auront accès – enfin ! – au fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) pour lutter non seulement contre la fraude à la résidence, mais aussi contre les fraudes à l’usurpation d’identité. J’ai eu l’occasion il y a quelques jours de communiquer sur le bilan des fraudes en 2022 : nous avons notamment démantelé un réseau de fraude aux relevés d’identité bancaire (RIB) lituanien pour les caisses d’allocations familiales. Évidemment, nous devons continuer à agir pour mieux renforcer le contrôle de l’identité.
Concernant les pensions versées à l’étranger, qui concernent 1,1 million de retraités, dont 510 000 en Europe et 440 000 dans les pays du Maghreb, nous avons également renforcé nos contrôles. Nous prévoyons en outre de déployer dès les prochains mois des outils biométriques pour permettre aux assurés volontaires de procéder au contrôle d’existence. Un décret en ce sens est en cours d’examen par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et sera publié au cours des prochaines semaines.
Soyez assurés que, compte tenu de l’ampleur du déficit pour nos retraites, nous prenons toutes les mesures de lutte contre la fraude pour assurer le paiement au juste droit (M. Sébastien Meurant s’en félicite. – M. Mickaël Vallet proteste.) et ne pas ajouter au déficit structurel un déficit imputable aux fraudeurs.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bien !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques-uns des débats que nous devrons avoir. Je sais que nous serons à la hauteur de ce qu’attendent nos compatriotes et de l’idée qu’ils se font du débat parlementaire. J’essaierai, pour ma part, de faire preuve d’écoute et d’ouverture pour construire avec vous un système de retraite plus juste et plus soutenable. (Marques d’ironie sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. D’ouverture à droite !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. En introduction de mon intervention, je vous lançais un appel, un appel pour agir afin de payer nos retraites, un appel pour échanger et nous entendre, un appel pour un compromis politique au service des Français.
Mais s’il est un appel que nous devons entendre, c’est celui des Français, qui, au cours des débats auxquels ils ont assisté, se sont parfois demandé si, au fond, cela valait la peine d’avoir des débats. (Vives exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.) Ils ont trop souvent eu le sentiment de n’être ni entendus ni défendus, y compris par ceux qui s’opposent à cette réforme !
À nous de leur prouver le contraire. Discutons et avançons pour eux ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme vous le savez, depuis 2020, la commission des affaires sociales a souvent réclamé que le Gouvernement dépose un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, afin que le Parlement puisse se prononcer en temps utile sur les bouleversements que cette crise a entraînés sur les comptes sociaux.
Trois années de suite, les prévisions et objectifs de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ont été rendus caducs en cours d’exercice, aussi bien en recettes qu’en dépenses.
Pourtant, nous n’avons pas été entendus et c’est en ce début d’année 2023 que nous sommes saisis d’un « collectif social » afin de porter la réforme des retraites, alors même que les prévisions de la dernière LFSS n’ont pas été modifiées en profondeur.
Je sais que cet apparent paradoxe motive le dépôt d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, motion dont nous débattrons tout à l’heure. J’indique tout de suite qu’à mes yeux un tel véhicule législatif peut contenir de telles dispositions. La commission des affaires sociales aurait d’ailleurs mauvaise grâce à prétendre le contraire, puisque cela fait des années qu’elle propose une telle réforme lors de l’examen du PLFSS de l’automne.
Sur le fond, peu de mesures pourraient avoir un impact sur les comptes de la sécurité sociale supérieur à celui d’une réforme paramétrique des retraites.
Qu’un texte budgétaire soit le cadre dans lequel le Parlement débat de la pérennité financière de notre système de retraite ne me choque pas, au contraire.
Il n’empêche, la plupart des mesures dont nous allons discuter auront un impact financier à terme et la rectification des comptes de l’année 2023 ne sera que mineure. En effet, le Gouvernement n’a pas fait évoluer les prévisions macroéconomiques sur lesquelles il s’est appuyé cet automne. Il ne fait que tirer les conséquences, pour la seule année 2023, de la réforme des retraites proposée par le présent texte. Or celles-ci sont faibles et font apparaître une légère dégradation du solde de la branche vieillesse de 0,4 milliard d’euros. C’est le résultat de l’augmentation des dépenses à hauteur de 600 millions d’euros, en raison notamment de la majoration des minima de pension, et, à l’inverse, d’une économie de 200 millions d’euros, grâce à la première application du relèvement des bornes d’âge à compter du 1er septembre.
Au total, le déficit consolidé des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) serait dégradé de ce montant, passant de 7,1 milliards d’euros à 7,5 milliards d’euros.
J’ajoute simplement que le Gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale un amendement, qui n’a pas été examiné, visant à augmenter l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2023 de 750 millions d’euros. En prenant en compte ce recalibrage, la dégradation du solde pourrait donc dépasser 1 milliard d’euros par rapport à la LFSS pour 2023.
Les débats sur l’article 15, si, comme je l’espère, nous parvenons jusque-là, vous permettront, monsieur le ministre, d’expliquer pourquoi cet Ondam pour 2023 doit être revalorisé dès à présent, alors qu’en novembre le Gouvernement soutenait, contre l’avis du Sénat, qu’il était parfaitement calibré.
Bien entendu, le cadrage financier le plus important intervient à terme, puisque l’objet même de ce texte est d’organiser le retour à l’équilibre financier de notre système de retraite à l’horizon de 2030, et ce dans un contexte démographique délicat.
À titre personnel, je souscris à cet objectif, qui me semble cohérent avec les positions que notre commission et, au-delà, le Sénat ont défendues depuis longtemps. Je relève qu’au fil de ces années le message du Gouvernement a varié bien davantage, puisqu’il s’est agi, successivement, de refonder le système sans objectif financier, puis de refonder le système en l’assortissant d’un âge pivot, ensuite de le réformer de façon paramétrique afin de financer toute sorte de dépenses publiques et, enfin, comme le Sénat, de présenter une réforme paramétrique pour équilibrer le seul système de retraite.
Dès lors, il est difficile de reprocher à nos concitoyens d’avoir du mal à suivre. La pédagogie, ce mot est à la mode, naît de la répétition et non des changements de pied.
Je reviens rapidement aux chiffres.
Les projections pour l’année 2030 font apparaître un déficit du système, pris dans son ensemble, de quelque 13,5 milliards d’euros en l’absence de réforme. Il s’agit bien d’un chiffre annuel, dont le cumul, année après année, creuserait une dette susceptible de remettre en cause la pérennité du système par répartition créé à la Libération, un système fondé sur le principe de solidarité entre générations, qui fait que chaque génération d’actifs finance par ses cotisations les retraites de ses aînés, en comptant sur le fait que les générations suivantes feront de même.
Face à ce trou de 13,5 milliards d’euros, le relèvement de l’âge légal et l’accélération de la mise en œuvre de l’allongement de la durée de cotisation devraient rapporter 17,7 milliards d’euros en 2030, ce qui se traduirait par un excédent théorique de 4,2 milliards d’euros à cette échéance.
Néanmoins, le présent PLFRSS contient diverses mesures dites d’accompagnement pour un total de 5,9 milliards d’euros. Le « trou » de 1,7 milliard qui en résulte a été comblé dans le projet initial par deux mesures, d’ailleurs d’ordre réglementaire : d’une part, l’augmentation de 0,12 point des cotisations patronales vieillesse, qui sera compensée par la baisse à due concurrence des cotisations AT-MP ; d’autre part, l’augmentation de 1 point des cotisations patronales de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
C’est donc d’un projet tout juste à l’équilibre en 2030, par ailleurs fondé sur des hypothèses qu’il est permis de juger optimistes, que l’Assemblée nationale a été saisie le 23 janvier dernier.
Comme vous le savez, les débats n’ont pas permis aux députés d’aller au-delà de l’examen de l’article 2 ter, et seule une mesure adoptée par l’Assemblée nationale aura un impact financier significatif : l’harmonisation à 30 % du taux de la contribution assise sur les indemnités de mise à la retraite d’un salarié sur l’initiative de l’employeur et de celles qui sont versées à l’occasion d’une rupture conventionnelle, prévue à l’article 2 bis. Le rendement de cette mesure en 2030 est estimé à 300 millions d’euros.
Cependant, nous le savons aussi, le Gouvernement a déposé des amendements à l’Assemblée nationale, qui n’ont pas pu être examinés, mais qui auraient eu un coût de l’ordre de 850 millions d’euros s’ils avaient été adoptés.
Mes chers collègues, cette présentation quelque peu aride vise à montrer que le Sénat disposera de fort peu de latitude, en recettes comme en dépenses, pour imposer ses propres marqueurs et adopter des mesures généreuses. Les quelques marges de manœuvre existantes ont déjà été utilisées et il ne serait pas responsable de notre part de voter une réforme ne rétablissant pas véritablement la trajectoire budgétaire de notre système de retraite, alors que le pays est déjà en émoi.
M. Pierre Laurent. On n’est pas obligé de l’accepter !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. La vraie générosité consiste à laisser aux générations futures un système de retraite financièrement solide et dans lequel elles peuvent avoir confiance.
Je conclurai en disant quelques mots des articles que j’ai plus particulièrement instruits, en dehors des articles récapitulatifs.
L’article 1er concerne la fermeture de plusieurs régimes spéciaux selon la clause dite du grand-père.
Concrètement, les nouveaux personnels embauchés à partir du 1er septembre 2023 cotiseraient désormais au régime général et non plus dans le régime spécial. Cette mesure concernerait les régimes suivants : les industries électriques et gazières (IEG) ; la Régie autonome des transports parisiens (RATP), les clercs et employés de notaire, la Banque de France et les membres du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Même si cette liste peut sembler présenter un certain aléa, les régimes retenus se caractérisent par un déséquilibre financier, compensé soit par une subvention d’équilibre de l’État, ou de l’employeur dans le cas de la Banque de France, soit par une taxe spécifique.
La commission proposera donc au Sénat de s’en tenir à l’équilibre ainsi défini, au bénéfice de l’adoption d’un amendement de coordination.
L’article 1er bis a introduit une demande de rapport que je vous proposerai de supprimer.
Par ailleurs, l’article 3, qui prévoit l’abandon du projet de transfert aux Urssaf de l’activité de recouvrement de l’Agirc-Arrco et de la Caisse des dépôts et consignations, constitue un motif de satisfaction pour notre commission.
Enfin, c’est dans l’annexe A que figure le principe de l’augmentation des cotisations patronales pour la CNRACL. Je vous proposerai, au nom de la commission, un amendement introduisant dans la loi le principe d’une compensation intégrale par l’État dès 2023.
Pour conclure, je m’appuierai sur les propos de l’abbé Pierre (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.), qui disait : « La responsabilité de chacun implique deux actes : vouloir savoir et oser dire. »
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Bravo !
Mme Éliane Assassi. Il aurait été contre cette réforme !
M. David Assouline. Absolument !
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Notre responsabilité, ici, au Sénat, repose, me semble-t-il, sur ces deux volontés complémentaires : comprendre et débattre. Je ne doute pas de chacune et de chacun d’entre vous, mes chers collègues. Notre Haute Assemblée saura se montrer à la hauteur de ces enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE.)
Mme Françoise Gatel. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la voilà enfin, cette réforme tant attendue, si nécessaire, si pressante, si urgente, mais si longtemps reportée. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. David Assouline. Vous l’attendiez !
M. René-Paul Savary, rapporteur. La voilà enfin, reprise par le Gouvernement, cette proposition sénatoriale, renouvelée année après année, votée et revotée, contre l’avis de ce même gouvernement. (Sourires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Laurent applaudit.)
Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il donc pas jugé bon de se rallier, dès 2018, aux recommandations du Sénat ? La pente serait moins raide, le déficit, moins abyssal.
Que de temps perdu ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Néanmoins, le résultat est là, messieurs les ministres. Il n’est jamais trop tard pour bien faire ! (Sourires sur plusieurs travées.) Les mesures de redressement des comptes de la branche vieillesse sont plus que jamais impératives, madame la rapporteure générale. C’est la raison pour laquelle la commission approuve les dispositions d’âge de l’article 7.
En même temps qu’il prévoit l’accélération de l’allongement à 43 ans de la durée d’assurance requise pour le taux plein, votée par la gauche de cet hémicycle,…
M. Éric Bocquet. Pas nous !
M. René-Paul Savary, rapporteur. … cet article 7 reprend le relèvement à 64 ans de l’âge, proposé par la droite de l’hémicycle. (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
Sachez que nous serons cependant toujours attentifs au rendement de ces mesures.
En ce qui concerne l’article 8, comme je le soulignais en novembre dernier, pour la quatrième fois devant vous, mes chers collègues, il est nécessaire que ces mesures ne pénalisent pas les travailleurs les plus fragiles et que soient prises en compte les spécificités des différentes carrières.
Aussi, la commission vous propose d’améliorer cet article, qui aménage les différents dispositifs de retraite anticipée, de façon à accorder une surcote de 5 % aux assurés ayant obtenu au moins un trimestre de majoration de durée d’assurance au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation des enfants et ayant une carrière complète. En d’autres termes, ces assurés doivent pouvoir bénéficier d’une surcote à 64 ans.
M. David Assouline. Ils ont 10 % aujourd’hui et partent à 62 ans !
M. René-Paul Savary, rapporteur. C’est un élément déterminant pour améliorer les pensions des mères de famille et réduire l’écart des pensions entre les hommes et les femmes.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Égalité des salaires !
Mme Michelle Gréaume. Oui, qu’en est-il de l’écart des salaires ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Il s’agira pour la Nation de compenser les difficultés professionnelles rencontrées par ces femmes du fait de leurs charges de famille.
Il s’agira de réduire l’écart de pension entre les femmes et les hommes.
C’est de la natalité que dépend l’équilibre financier d’un système de retraite par répartition. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme Valérie Boyer. Bravo !
M. Bernard Jomier. Je dirais même : magnifique !
M. Pierre Laurent. Et les salaires ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Cependant, il n’est pas envisageable de demander un effort collectif à nos concitoyens sans lutter contre ceux qui ne respectent pas la générosité de notre modèle social.
Mme Laurence Cohen. Quelle générosité ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Nous exigeons plus de fermeté de la part du Gouvernement. A minima, il faut que soient appliquées dès le 1er septembre 2023 les dispositions, que nous avons votées en 2020 et qui permettent de recourir à la biométrie pour contrôler l’existence des bénéficiaires de pensions de retraite françaises résidant à l’étranger.
Mme Valérie Boyer. Très bien !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Par ailleurs, allonger la durée du travail implique d’améliorer la prévention de l’usure professionnelle et de garantir une juste compensation des effets de la pénibilité. À cet égard, les assouplissements du dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente proposés à l’article 9 du texte, associés à un recul de l’âge de départ à 62 ans, nous semblent insuffisants.
La commission propose donc de maintenir l’âge de départ à 60 ans s’agissant des victimes de maladies professionnelles ayant connu des années d’exposition à des facteurs de pénibilité.
S’agissant du compte professionnel de prévention, le C2P, les améliorations proposées, qu’il s’agisse de son déplafonnement ou de la création d’une possibilité d’utilisation dans le cadre d’un projet de reconversion professionnelle, nous semblent, elles, aller dans le bon sens pour renforcer la prévention par rapport à la réparation.
Il en est de même pour les facteurs de risques ergonomiques, qui représentent une cause majeure de maladies professionnelles. Il paraît pertinent que ces facteurs fassent l’objet de mesures spécifiques, telle la création d’un fonds d’investissement. La commission propose cependant d’y intégrer les agents chimiques dangereux, qui ont été exclus du C2P en 2017.
En outre, il est également nécessaire de mobiliser la solidarité nationale pour soutenir le revenu des retraités frappés par la précarité et par l’inflation, après plusieurs années de sous-indexation des pensions par le Gouvernement. (Mmes Valérie Boyer et Brigitte Micouleau applaudissent.)
À cet égard, l’article 10 permettra de revaloriser les minima de pension des assurés des régimes alignés et du régime des salariés agricoles liquidant leur pension à compter du 1er septembre prochain à hauteur de 100 euros pour une carrière complète cotisée au niveau du Smic, de façon à porter leur pension brute globale à 85 % du Smic net. J’y insiste, il s’agit bien des carrières complètes cotisées au niveau du Smic.
Quant aux retraités actuels, une majoration de pension pouvant atteindre elle aussi 100 euros maximum sera versée aux assurés bénéficiant du taux plein et justifiant d’au moins 120 trimestres cotisés. C’est ce que nous réclamions : nous l’avons obtenu.
Dans la même logique, la commission proposera notamment d’ouvrir la majoration de 10 % des pensions des parents d’au moins trois enfants aux professionnels libéraux, sans oublier, monsieur le ministre, les avocats. (Mme Brigitte Micouleau applaudit.)
Mme Nadine Bellurot. Très bien !
M. René-Paul Savary, rapporteur. L’article 11 vise à prendre en compte certains stages d’insertion dans la vie professionnelle, dont les travaux d’utilité collective, comme périodes assimilées à des durées d’assurance. C’est une juste reconnaissance.
L’article 12 a pour objet la création d’une assurance vieillesse des aidants. Là aussi, c’est une juste reconnaissance envers celles et ceux qui mettent leur carrière professionnelle entre parenthèses au profit d’un proche plus vulnérable.
J’en viens à l’article 13. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
Une réforme des retraites qui allonge la durée du travail ne peut être envisagée sans favoriser l’emploi des seniors.
Pour nous, ce texte est insuffisamment imaginatif.
Mme Monique Lubin. Ça, c’est sûr !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Il eût été de bon ton, me semble-t-il, de débattre d’une loi Travail prenant en compte l’employabilité des seniors avant de leur en demander plus.
M. Claude Raynal. On est d’accord, il aurait fallu le faire avant !
Mme Nadine Bellurot. Tout à fait !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Remettons les choses dans le bon sens !
Nous souhaitons engager, dès à présent, une campagne de mobilisation « 1 senior, 1 solution » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Exclamations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.), calée sur le dispositif « 1 jeune, 1 solution », que nous connaissons bien.
De premières mesures permettront de favoriser leur recrutement, leur maintien en emploi et leur transition vers la retraite. La commission propose aussi de rehausser à 300 salariés le seuil des entreprises concernées par la publication du fameux « index seniors ».
Convenez, monsieur le ministre, que le seuil de 50 salariés n’est pas adapté : 300, c’est le seuil à partir duquel les entreprises doivent aborder le thème de l’emploi des seniors lorsqu’elles négocient sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.
Si ce dispositif, dont la présence dans un PLFSS est à la limite de la constitutionnalité, donne quelques informations sur la situation de l’emploi des seniors, il est loin, avouons-le, d’être suffisant.
Aussi, pour favoriser le recrutement de seniors au chômage, nous vous proposons du concret : un « contrat de fin de carrière » exonéré de cotisations familiales et réservé aux plus de 60 ans poursuivant leurs activités jusqu’à la liquidation de leur retraite à taux plein, éventuellement jusqu’à l’âge d’annulation de la décote. C’est une marque de confiance importante entre le senior et son employeur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Antoine Levi et Mme Véronique Guillotin applaudissent également.)
Par ailleurs, afin d’inciter les employeurs à maintenir les seniors en emploi, il est judicieux de porter à 30 % le taux de la contribution assise sur les indemnités à l’occasion d’une rupture conventionnelle et de mutualiser entre les entreprises le coût lié aux maladies professionnelles à effet retardé.
Toujours dans l’optique de favoriser l’emploi des seniors, l’article 13 ouvre aux fonctionnaires, aux assurés des régimes spéciaux et aux professionnels libéraux la possibilité de partir en retraite progressive, un dispositif dont bénéficient déjà les salariés du privé, tout en portant l’âge d’éligibilité de 60 ans à 62 ans, ce que nous regrettons. La retraite progressive, c’est aménager les transitions entre l’emploi et la retraite ; c’est tenir compte de la pénibilité en allégeant la charge de travail en fin de carrière. Pour en faire un instrument véritablement attractif, la commission vous propose de maintenir l’âge de 60 ans.
En parallèle, le cumul emploi-retraite sera enfin créateur de droits, ce que nous réclamons depuis un certain nombre d’années.
Je dirai pour conclure que ce texte doit être soutenu par notre assemblée, bien qu’il soit tardif, incomplet et insuffisant. Il y va de la sauvegarde de notre système par répartition. Il y va de la garantie pour les générations futures de bénéficier d’une pension descente au terme d’une vie de travail.
Pour autant, nous réservons notre soutien à l’adoption des amendements de justice sociale que nous proposons.
Nous vous savons de bonne volonté, messieurs les ministres : à vous de nous en donner maintenant des preuves !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est terminé !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Oui, mes chers collègues, nous devons nous inspirer d’autres pays autour de nous, qui, eux, ont déjà pris leurs responsabilités. (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRCE.)
La France vieillit. Les naissances ne comblent plus notre longévité croissante. Nous devons avoir le courage de réagir.
Non, nous ne voulons pas que nos enfants travaillent plus de 45 ans. Non, nous ne voulons pas que nos enfants travaillent après 65 ans.
À nous de prendre nos responsabilités, dans la sérénité et le respect. (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Emmanuel Capus et Bernard Fialaire applaudissent également.)
Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des finances a souhaité se saisir pour avis de l’ensemble du PLFRSS au regard de ses effets certains sur les finances publiques.
Notre système de retraite repose sur le principe de répartition, selon lequel les cotisations des actifs financent les pensions des retraités, soit 345,1 milliards d’euros en 2021.
Dans le scénario retenu par le Gouvernement, avec une croissance de 1 % et un taux de chômage à 4,5 %, ce qui est jugé optimiste par la commission des finances, le déficit du système atteindrait 13,5 milliards d’euros à la fin de 2030 et 150 milliards d’euros en cumul pour les dix années à venir.
La stabilisation relative des dépenses ne compensera pas la baisse des ressources, qui provient de la réduction du nombre de cotisants, de la diminution de l’emploi public, donc des cotisations, et de la réduction des transferts en provenance des branches famille et chômage.
En dépenses, le Conseil d’orientation des retraites souligne que les effets de la hausse du nombre de pensionnés, qui seront 23 millions en 2027 contre 19 millions aujourd’hui, seront partiellement atténués par la stabilisation, voire la baisse du niveau des retraites rapporté au PIB.
Les dépenses progresseront néanmoins de 1,8 % par an en volume sur le quinquennat, progression incompatible avec l’objectif du Gouvernement de réduction du déficit public à l’horizon de 2027.
La réforme est centrée sur une majoration de l’âge d’ouverture des droits de 62 ans à 64 ans et sur l’accélération de la mise en œuvre de l’allongement de la durée de cotisation, portée à 43 annuités dès 2027.
Le Gouvernement écarte l’hypothèse d’une hausse des cotisations, qui réduirait le pouvoir d’achat de 442 euros annuels par cotisant en 2030 ou la diminution des pensions, qui serait de 719 euros annuels par retraité en 2030 pour compenser le déficit. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
La progression de l’emploi des seniors constitue un enjeu majeur. En effet, bien qu’en nette hausse depuis 2003, celui-ci reste inférieur à la moyenne européenne de 59,6 %. Une attention sur mesure devra être portée aux 55-64 ans, car la réforme de 2010 avait induit une progression du chômage pour ces classes d’âge.
Le montant des réserves placées par les régimes de retraite atteignait, à la fin de 2021, 180,4 milliards d’euros, dont 86,5 milliards d’euros à l’Agirc-Arrco, qui va pouvoir réfléchir à l’utilisation de ces excédents confortés par la réforme.
La perspective de recettes supplémentaires pour le système des retraites, mais également pour les autres branches de la sécurité sociale et le budget de l’État, doit nous inciter à réviser le devenir du Fonds de réserve pour les retraites, admirablement géré depuis 2001. Afin de nous prémunir d’autres aléas démographiques, n’est-il pas indispensable de flécher les recettes supplémentaires liées à la réforme vers ce fonds, qui sécuriserait notre système par répartition ?
Le projet de loi initial propose plusieurs mesures d’accompagnement, estimées à 5,9 milliards d’euros en 2030, année prévue pour l’équilibre du système. Cependant, ce retour à l’équilibre est fragilisé par les amendements du Gouvernement, déposés en première lecture à l’Assemblée nationale et dont le coût est estimé à 800 millions d’euros à l’horizon 2030. Nous serons vigilants sur ce point.
La réforme prévoit également qu’à compter du 1er septembre 2023 les régimes de retraite des industries électriques et gazières, de la RATP, de la Banque de France, des clercs et employés de notaire et des élus du Conseil économique, social et environnemental n’affilient plus de nouveaux cotisants.
Actuellement, ces régimes sont soit équilibrés au moyen d’une taxe spéciale ou d’une subvention d’équilibre versée par l’État, soit structurellement déficitaires, le montant des cotisations ne couvrant pas celui des pensions. Leur fermeture entraînera mécaniquement une attrition du nombre de cotisants pour les caisses concernées. Je m’étonne que les conséquences financières ne soient pas d’ores et déjà prévues. On pourrait ainsi imaginer le reversement par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et l’Agirc-Arrco des cotisations des nouveaux affiliés, à l’instar de ce qui fonctionne pour la SNCF.
Le relèvement de l’âge d’ouverture des droits de deux ans concerne également tous les agents de la fonction publique. Il ne devrait avoir que peu d’effets, car l’âge de départ est déjà de 63 ans et 8 mois pour les sédentaires et de 60 ans pour les actifs.
Le solde technique du compte d’affectation spéciale « Pensions » pourrait être de 0,7 milliard d’euros en 2027, puis de 1,1 milliard d’euros en 2030. De nouveau, je préconise une immobilisation de ces excédents au sein du Fonds de réserve pour les retraites afin de garantir l’avenir des retraites publiques.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances du Sénat estime que ce projet de loi va dans le sens d’un rééquilibrage du système de retraite et que cet objectif doit être soutenu. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et RDPI.)