M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Braun, ministre. S’agissant du nombre des orthophonistes et de leur formation, nous comptions, au 31 décembre 2021, quelque 24 208 orthophonistes, dont l’immense majorité – 20 657 – exerçait en libéral ou en exercice mixte. Très peu d’entre eux – 71 – pratiquaient en centre de santé, et un peu plus de 1 000 le faisaient en maisons de santé. Cela montre que les orthophonistes exercent essentiellement de manière isolée et ne sont pas encore intégrés à des équipes de soins.

Il faut tout de même noter que, entre 2012 et 2022, les effectifs d’orthophonistes ont augmenté de 25 % et que le quota de praticiens en formation est passé de 800 à presque 1 000 sur cette même période.

L’adaptation des effectifs aux besoins concerne l’ensemble des professionnels de santé, y compris les orthophonistes. Aussi continuerons-nous de favoriser l’augmentation des effectifs de ces derniers, tant le besoin est important pour la population française.

En ce qui concerne les CPTS, vous savez comme moi qu’elles ont un degré de maturité différent selon les territoires. Je me suis engagé à ce qu’il y en ait partout sur le territoire national d’ici à la fin de l’année, et je compte tenir cet engagement.

Pour autant, j’ai eu la même hésitation que Mme la rapporteure, et je m’en remets donc sur cet amendement à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. J’y insiste de nouveau, si les orthophonistes sont peu nombreux à travailler dans des structures pluridisciplinaires, la plupart exerçant de manière individuelle, leur statut est insuffisamment reconnu. Nous manquons cruellement d’orthophonistes dans les hôpitaux et dans les centres médico-psychologiques (CMP). Or l’orthophoniste intervient pour remédier aux problèmes du langage de tous ordres, y compris neurologiques.

Lorsque, avec les membres de mon groupe, j’ai visité des services de neurologie dans le cadre d’un tour de France des hôpitaux, on me disait toujours qu’il manquait des kinésithérapeutes. Quand je demandais ce qu’il en était des orthophonistes, dont l’intervention immédiate est primordiale en cas d’aphasie pour éviter une perte de chance, on me répondait : « On se débrouille »…

Monsieur le ministre, je vois que vous portez une attention particulière aux orthophonistes. Aussi, il faut que vous alliez jusqu’au bout et que vous reconnaissiez leurs compétences en leur conférant un autre statut et un autre niveau salarial dans les hôpitaux et dans les CMP. Vous verrez alors que ces praticiens iront travailler dans ces centres !

Par ailleurs, si les orthophonistes travaillent de manière isolée, ils le font toujours, comme l’a dit mon collègue Jomier, en lien de proximité avec les médecins, auxquels ils envoient leurs bilans et leurs comptes rendus de fin de rééducation.

Il n’y a donc pas de souci particulier avec les orthophonistes. Il est dommage qu’ils soient logés à la même enseigne que les autres professionnels, car leur niveau de compétence justifie un accès direct.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Je me suis fait la même réflexion que Mme la rapporteure, ainsi que M. le ministre visiblement, et l’article 40 de la Constitution m’a freiné de la même façon. Corinne Imbert a soulevé une notion importante en disant qu’elle voulait se montrer équitable, ce qui signifie être juste. Car l’équité diffère de l’égalité, sauf à verser dans l’égalitarisme.

Les professions ont des caractéristiques et des niveaux d’intervention différents. Lors des travaux en commission, chacun a reconnu que les orthophonistes étaient formés à des prises en charge et diagnostics, à l’instar des sages-femmes, qui ont leurs propres spécificités.

Nous sommes donc obligés de différencier les conditions d’accès, faute de quoi nous entrons dans une forme de nivellement qui n’est pas souhaitable.

Nous sommes d’accord, cet amendement constitue peut-être une cote mal taillée, en cela qu’il ne respecte pas tout à fait le principe que nous aimerions défendre. Mais il le respecte mieux que la rédaction actuelle. En effet, dans de nombreux départements, la rédaction actuelle susciterait très peu d’évolutions.

C’est la raison pour laquelle l’adoption de cet amendement, bien qu’il n’ait pas la pureté que l’on aimerait obtenir, permettrait au moins d’améliorer considérablement la situation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Anglars. Je partage totalement les réflexions et les arguments de notre collègue Jomier. Le métier d’orthophoniste est singulier et important dans les réseaux de soins, notamment en direction des plus jeunes de nos concitoyens.

Au vu de la présence de ces professionnelles, puisque ce sont essentiellement des dames, pour la majeure partie d’entre elles libérales, au plus près des réseaux d’écoles, en particulier en milieu rural, il est important que l’accès soit direct, dans les conditions évoquées.

Malgré les réserves d’ordre juridique formulées par Mme la rapporteure, il me semble souhaitable d’intégrer au texte cet amendement de M. Jomier, afin qu’un débat ultérieur ait lieu, par exemple en commission mixte paritaire, pour trouver une solution intelligente permettant de conforter cette profession très utile.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 22.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 55 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 67 rectifié est présenté par MM. Gremillet, Pellevat, Bacci et Belin, Mme Férat, MM. Bouchet, de Nicolaÿ, Klinger, Charon, Somon, Bonhomme et Darnaud, Mme Perrot et MM. Hingray et Pointereau.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, deuxième phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, lorsqu’il est ouvert

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 55.

Mme Laurence Cohen. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 67 rectifié.

M. Daniel Gremillet. Il s’agit simplement de préciser que l’obligation de déposer le compte rendu de bilan orthophonique au dossier médical partagé (DMP) ne vaut que lorsque celui-ci est ouvert.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. La loi de 2019 offre en effet au patient la possibilité de refuser l’ouverture de son espace numérique de santé. Mais la disposition ne peut se lire que comme visant les cas dans lesquels le DMP est ouvert. Il ne pourrait pas être reproché à un orthophoniste de ne pas avoir alimenté un DMP qui n’existe pas !

Dans ces conditions, la commission a considéré que ces amendements identiques étaient satisfaits. Elle demande donc leur retrait ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Braun, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 55 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 55 est retiré.

Monsieur Gremillet, l’amendement n° 67 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Gremillet. Dès lors qu’il est satisfait, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 67 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(Larticle 3 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Alain Richard.)

PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.

Dans le texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 3 bis.

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé
Article 4

Article 3 bis (nouveau)

Après le 2° bis de l’article L. 162-5 du code de la santé publique, il est inséré un 2° ter ainsi rédigé :

« 2° ter Les modalités et les conditions d’indemnisation du médecin au titre d’un rendez-vous non honoré par l’assuré social et les conditions dans lesquelles les sommes ainsi versées sont mises à la charge de ce dernier ; ».

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 28 est présenté par Mme Poumirol, M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Rossignol et Bonnefoy, M. Mérillou, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 50 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 73 rectifié est présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Grand, A. Marc, Pellevat, Somon et Milon et Mmes Dumont et Perrot.

L’amendement n° 86 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 28.

Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement a pour objet de supprimer les dispositions visant à sanctionner les patients au titre des rendez-vous médicaux non honorés.

La question des rendez-vous non honorés nous appelle avant tout à réfléchir sur les dysfonctionnements de notre système de santé, qui relèvent tant du consumérisme que de la pénurie de médecins. Plutôt que d’apporter une réponse simpliste et stigmatisante, nous devons nous interroger sur la raison de ces rendez-vous manqués.

Or, loin de l’expliquer par une prétendue irresponsabilité des patients ou par un manque de considération à l’égard des soignants, plusieurs études démontrent que la majorité des patients absentéistes sont en situation de précarité ou atteints d’une affection de longue durée, notamment liée à des troubles psychiatriques. S’ils ne se rendent pas à leurs rendez-vous, ce serait avant tout pour des raisons directement liées à leur situation personnelle.

Cet article est sous-tendu par une philosophie libérale de la santé : celle-ci est pensée comme un bien de consommation, avec des demandeurs exigeant une réponse immédiate et des offreurs de soins qui se rencontrent sur un marché libre.

À ce titre, la gestion de la prise de rendez-vous par des plateformes externes dépourvues d’humanité et de flexibilité pose question. En effet, ces plateformes favorisent le consumérisme médical en multipliant les rendez-vous que peut prendre un seul patient. La présence d’une secrétaire médicale connaissant la patientèle permet une prise de rendez-vous bien plus pertinente, car celle-ci peut au besoin reporter un rendez-vous ou le réattribuer à un autre patient en cas d’absence.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défend l’idée que la santé est un bien commun, qui doit être préservé de la loi du marché et financé par l’ensemble de la Nation.

Aussi nous opposons-nous à cet article, qui stigmatise des patients avant tout des victimes des dysfonctionnements de notre système de santé, à commencer par l’ubérisation de celui-ci.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 50.

Mme Laurence Cohen. Comme vient de le dire Émilienne Poumirol, nous proposons de supprimer l’article 3 bis, adopté en commission sur l’initiative de notre rapporteure.

Si le phénomène des rendez-vous médicaux non honorés est réel, ceux-ci étant estimés entre 6 % et 10 % de l’ensemble des rendez-vous pris, il nous semble que la réponse envisagée n’est pas la bonne.

Mon groupe et moi-même refusons catégoriquement le principe d’une taxation des malades. Des personnes particulièrement vulnérables ou précaires se trouvent parfois dans l’incapacité psychologique ou matérielle d’honorer des rendez-vous qui avaient été fixés et d’en prévenir le médecin.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur les critères qui seront retenus pour évaluer le caractère intentionnel ou non du rendez-vous non honoré. Les délais sont tellement longs pour accéder à certains professionnels que les patients qui n’honorent pas les rendez-vous ne le font vraisemblablement pas de gaieté de cœur.

Au contraire, nous estimons qu’il serait plus pertinent de comprendre les raisons réelles de ces « lapins », si j’ose dire.

Le développement et le monopole de la plateforme numérique Doctolib, pour n’en citer qu’une, en remplacement quasi total des secrétariats humains, joue selon nous un rôle fondamental dans ces annulations. Avec une telle relation dématérialisée, le patient, faute d’un lien personnel et humain, est éloigné du cabinet et de son thérapeute.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer l’article 3 bis, qui pénaliserait financièrement les patients. Nous suivons en cela la recommandation de l’association France Assos Santé.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 73 rectifié.

M. Daniel Chasseing. Je pourrais presque dire que cet amendement est défendu, car je partage tout à fait les propos de mes collègues. La précarité, les troubles psychiatriques ou des problèmes personnels ou familiaux peuvent en effet expliquer ces rendez-vous non honorés.

Si Doctolib a fait son apparition, des patients ont toujours manqué des rendez-vous, pour des raisons parfois légitimes et non fautives. Il serait bien difficile de déterminer le type de preuves qui seraient demandées au patient pour justifier son absence…

Il faut donc, à mon sens, supprimer cet article.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 86.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les dispositions de cet amendement de suppression de l’article 3 bis nous invitent à penser la problématique des rendez-vous médicaux non honorés de manière plus globale.

Ce phénomène est en effet accentué par la substitution d’un outil numérique à un contact humain, qui empêche toute régulation relationnelle. Il peut également être appréhendé sous l’angle des inégalités sociales de santé.

Il est dommage que cette proposition ne tienne pas compte des effets du remplacement d’une secrétaire par des plateformes numériques telles que Doctolib pour prendre les rendez-vous.

Cette numérisation de la prise de rendez-vous implique une déshumanisation qui, si elle peut dans certains cas déresponsabiliser le patient, rend aussi l’annulation du rendez-vous difficile pour les milliers de personnes qui sont moins à l’aise avec les outils numériques et qui le feraient plus facilement par un simple appel téléphonique.

Pénaliser, pour autant que cela soit possible, sans analyser le problème risque de se révéler une solution de faible efficacité. En revanche, cette mesure va précariser des patients qui sont déjà socialement vulnérables.

En effet, les études indiquent que les patients en tiers payant social manquent plus fréquemment leurs rendez-vous. Dans sa thèse, le docteur Francis Gatier démontre que « les absences aux rendez-vous des patients précaires surviennent dans le contexte d’un quotidien difficile où la santé n’est pas forcément une priorité ». Parmi les raisons qu’il a mises au jour, il cite la précarité au travail, les contraintes de temps, les rendez-vous multiples, les troubles psychiatriques, les difficultés de gestion ou encore les violences familiales. Ce médecin nous invite donc à considérer les absences liées à la précarité sociale comme des signaux d’alerte.

La mesure dont nous discutons me semble ainsi inapplicable : imagine-t-on vraiment répercuter le coût d’une consultation non honorée sur le remboursement des soins d’une telle population ?

Ainsi, cette proposition ne nous semble en rien résoudre ce problème, qu’il nous faut par ailleurs effectivement traiter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Au travers de cet article introduit en commission, il s’agit non pas de stigmatiser tel ou tel patient, mais de poser sur la table un problème qui nous a été rapporté lors des auditions, à savoir l’augmentation importante du nombre des rendez-vous non honorés.

Comme vous, mes chers collègues, je regrette la numérisation excessive des prises de rendez-vous. En effet, il est très facile de cliquer pour prendre rendez-vous chez tel ou tel professionnel de santé ; à cet égard, les médecins ne sont pas les seuls concernés.

Ces amendements identiques visent donc tous à supprimer l’article 3 bis.

Pourtant, les rendez-vous annulés au dernier moment sans raison légitime ou auxquels les patients ne se présentent jamais réduisent inutilement la file active des professionnels de santé. Le dispositif que nous proposons vise à responsabiliser les patients pour dissuader les comportements non vertueux, et non pas à pénaliser sans discernement les patients. Seuls les patients fautifs pourraient être pénalisés. (Marques de scepticisme sur les travées des groupes SER et GEST.)

Par ailleurs, je le rappelle, l’article 3 bis, tel qu’il est rédigé ici, ne fait que rendre possible une discussion sur cette question entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins. Ceux-ci s’en saisiront ou non lors de la discussion conventionnelle, mais cela leur permettra au moins d’aborder le sujet.

M. Bernard Jomier. Cela reste à voir…

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Mon cher collègue, l’article, tel qu’il est rédigé, ne dit pas autre chose ! Il ne prévoit pas un montant de pénalité, il ne dispose pas que les patients qui rateraient un rendez-vous seraient pénalisés au rendez-vous suivant, par exemple.

Une éventuelle convention pourrait définir la forme de l’indemnité versée au professionnel, à la charge du patient. Et la CPAM pourrait recouvrer la somme correspondant sur des remboursements ultérieurs versés au patient au titre d’autres prestations. Mais que l’on ne se méprenne pas : l’article, tel qu’il est rédigé, ouvre le débat au stade des négociations conventionnelles entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins, et c’est tout.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Le Président de la République, lors de ses vœux aux soignants, a précisé que ce problème des rendez-vous non honorés ferait l’objet d’une analyse précise par la sécurité sociale. En effet, le sujet est complexe, probablement plus que l’on ne l’imagine, et j’entends vos remarques.

Vous êtes nombreux à évoquer les plateformes. Or, paradoxalement, les médecins qui sont équipés de plateformes numériques comptent moins de rendez-vous non honorés que les autres – 3,5 %, contre le double pour les autres médecins.

J’ai entamé une discussion avec les plateformes pour déterminer les moyens d’améliorer encore la situation. Celles-ci disposent de solutions techniques, par exemple bloquer l’annulation d’un rendez-vous dans les quatre heures précédant l’horaire prévu.

Nous nous trouvons dans une phase d’équilibre, avec, d’un côté, le risque de renoncer aux soins pour les patients, en particulier les plus précaires, et, de l’autre, le fait de bloquer des plages de rendez-vous au détriment d’autres patients, au moment même où nous avons besoin de plus de créneaux pour nos patients.

Je crains que nous ne disposions pas encore d’une analyse précise des tenants et aboutissants de ce problème. Il me semble donc prématuré d’introduire ce mode dans la convention, d’autant que la négociation de celle-ci pose un certain nombre de difficultés.

Pour ces raisons, je souhaite que nous poursuivions l’analyse et le diagnostic et j’émets un avis favorable sur ces amendements de suppression de l’article 3 bis.

M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. Les données sont tout de même très variables sur le sujet, et les conséquences des rendez-vous non honorés ne sont pas les mêmes selon le mode de gestion adopté par le professionnel de santé.

Par ailleurs, une véritable question sociale se pose. Madame la rapporteure, vous ne mettez pas simplement les choses sur la table ; vous proposez une solution, qui consiste à confier aux partenaires conventionnels le soin de déterminer de quelle manière mettre à la charge du patient ou de l’assuré social – c’est rédigé ainsi –, les sommes à verser au médecin.

Est-ce vraiment l’objet des négociations conventionnelles ? Je ne le crois pas, d’autant que vous étendez le dispositif, par un amendement à venir, à toutes les professions de santé. Ce ne sera donc pas une, mais toutes les conventions qui seront concernées. À mon sens, ce n’est pas le rôle des professionnels de santé que d’établir des sanctions pour les patients dans les négociations conventionnelles.

Certes, une question se pose, qui mérite d’être débattue, mais nous n’en sommes absolument pas au stade de l’édiction d’une sanction, car ce serait injuste pour les assurés sociaux. Si cette proposition de loi aboutit à sanctionner les gens qui n’ont pas pris de rendez-vous alors que nous sommes dans une situation de pénurie, l’incompréhension risque d’être totale.

Je propose donc que l’on reporte la résolution de ce problème à un autre texte, par exemple le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et que l’on effectue d’ici là une concertation au fond et un travail sur les données.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Notre rôle n’est pas d’être dans la nostalgie. On peut certes regretter le temps où les rendez-vous se prenaient par téléphone, mais les choses sont ce qu’elles sont : les prises de rendez-vous se font désormais sur des plateformes telles que Doctolib. Il faut s’adapter à la réalité numérique et faire en sorte que les pratiques soient les plus humaines possible.

J’ai entendu les arguments de Mme la rapporteure. On a toujours de bonnes raisons, mes chers collègues, de repousser la responsabilisation et la régulation dans ce pays !

Bien évidemment, si quelqu’un ne se présente pas à un rendez-vous en ayant un motif valable, ce ne sera pas un problème. Cela étant, une consultation médicale n’est pas un produit de consommation comme un autre ; elle a une valeur. Il faut mettre fin aux pratiques trop souvent consuméristes.

C’est la raison pour laquelle je voterai la proposition de Mme la rapporteure, qui me semble nécessaire. La santé, je le répète, n’est pas un produit de consommation.

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je suis d’accord, les rendez-vous ont de tout temps posé problème. Certains patients sont insouciants, mais ils sont rares. J’ajoute qu’il sera très difficile de prouver qu’il y a eu faute. Le risque est donc de créer une usine à gaz !

Pour ces raisons, je suis favorable à la suppression de l’article 3 bis.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.

Mme Élisabeth Doineau. Si nous avons adopté cet article en commission, c’est parce que nous avons senti l’exaspération d’un certain nombre de médecins, selon lesquels 22 000 rendez-vous ne seraient pas honorés chaque année, soit l’équivalent de 4 000 équivalents temps plein.

Je pense que nous n’en sommes pas là, mais même si ce nombre était inférieur de moitié, il serait énorme. Ce sont autant de consultations en moins pour ceux de nos concitoyens qui ont besoin de consulter un médecin. C’est un enjeu auquel il faut être attentif.

Certes, la solution proposée n’est sans doute pas la bonne, mais l’article de la commission vise à engager une réflexion sur ce problème. Il s’agit de permettre à la Cnam de disposer de chiffres fiables, afin de prévoir dans la convention médicale, en concertation avec les médecins, un dispositif d’indemnisation, et afin de réduire le phénomène, qui est grandissant.

Les personnes peu scrupuleuses qui n’honorent pas leur rendez-vous ont été capables de le prendre, par téléphone ou sur la plateforme. Pourquoi ne pourraient-elles donc pas l’annuler et s’excuser ? Quand on réserve une table au restaurant – certes, comparaison n’est pas raison ! –, on nous demande aujourd’hui notre numéro de carte bleue. Et parce que ce n’est pas le cas pour un rendez-vous médical, on pourrait ne pas l’honorer ? Je dis : stop, cela suffit !

Qu’on réfléchisse à une mesure efficace pour éduquer l’ensemble des assurés, pour qu’ils se montrent plus élégants et qu’ils pensent aux autres !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Mme Véronique Guillotin. Je voterai les amendements de suppression, même si je comprends cet article. Les rendez-vous non honorés sont insupportables et ils entraînent une embolisation des salles d’attente. Il faut mettre fin à cette pratique, ou en tout cas la limiter, car elle n’est plus acceptable.

L’intention de la commission n’est nullement de stigmatiser qui que ce soit ; elle est de tenter de résoudre un problème. Il faut donc saluer la solution qui est mise sur la table aujourd’hui, même si elle n’est peut-être pas mûre, car elle permet d’engager la discussion.

Je pense qu’il sera très difficile de déterminer si un rendez-vous n’est pas honoré pour des raisons valables ou non. En outre, des recours seront possibles, qui donneront lieu à des contentieux. Je ne vois pas trop quelle forme le dispositif pourrait prendre.

Je pense qu’il faut lutter contre les dérives. Pour autant, je voterai la suppression de l’article, car je pense que le dispositif proposé n’est pas abouti.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28, 50, 73 rectifié et 86.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 320
Pour l’adoption 120
Contre 200

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Iacovelli, Mme Schillinger, MM. Hassani et Lévrier, Mme Havet, M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le premier alinéa de l’article L. 160-12 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles peuvent également faire l’objet d’un recouvrement d’une pénalité en cas de rendez-vous non honorés dont le montant et les modalités d’application sont définis par décret. »

II. – Le premier alinéa de l’article L. 1111-3 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle est également informée des frais de pénalité auxquels elle pourrait être exposée en cas de récidive de rendez-vous non honorés. »

La parole est à M. Xavier Iacovelli.