M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé
Avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Grand, A. Marc et Somon, Mme F. Gerbaud, M. Milon, Mme Dumont et MM. Houpert et Gremillet, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l’article L. 4130-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« 3° Être le seul responsable du parcours de soins, de sa coordination et de l’adressage pour le second recours ; »
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à modifier l’article L. 4130-1 du code de la santé publique, qui définit les missions du médecin généraliste de premier recours, pour préciser que ce dernier est le seul responsable du parcours de soins de ses patients et de l’adressage pour le second recours.
Le médecin généraliste est la clé de voûte du parcours de soins coordonné. Bien au-delà de son rôle de coordinateur, le médecin généraliste traitant est le responsable et le garant de la qualité et de la sécurité des soins prescrits aux patients.
L’adoption de cet amendement permettrait de réaffirmer le rôle et les missions du médecin généraliste, qui doit rester le responsable des soins coordonnés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement me semble largement satisfait en droit.
En effet, le code de la santé publique reconnaît déjà au médecin généraliste la mission d’orienter les patients dans le système de soins, de s’assurer de la coordination des soins et de contribuer au suivi des maladies chroniques, mais en coordination avec les autres professionnels de santé, car d’autres professionnels de santé peuvent utilement intervenir dans le parcours de soins. Nous avons supprimé en commission la demande d’un rapport sur la pertinence qu’il y aurait à supprimer l’adressage préalable du médecin traitant, précisément pour réaffirmer son rôle dans le parcours de soins.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon absence lors de la discussion générale : j’étais retenu à l’Assemblée nationale pour les questions d’actualité au Gouvernement.
Je suis ravi d’être à vos côtés pour l’examen de ce projet de loi important, qui a été enrichi par vos débats en commission et qui – je l’espère – le sera encore dans les heures à venir.
Monsieur le sénateur Chasseing, vous proposez que le médecin généraliste soit le seul responsable du parcours de soins.
Je vous rejoins lorsque vous indiquez que le médecin généraliste est la clé de voûte du système de santé. Mais la rédaction actuelle du code de la santé publique précise déjà, en son article L. 4130-1, qu’il est l’organisateur du parcours de soins de ses patients. Il y est en effet précisé que le médecin généraliste oriente « ses patients, selon leurs besoins, dans le système de soins » et qu’il doit s’assurer de la « coordination des soins nécessaire à ses patients ».
La souplesse qui est permise aujourd’hui doit être préservée, pour deux raisons. D’une part, il faut continuer à rendre possible l’accès direct à certaines spécialités, comme la gynécologie ou l’ophtalmologie. D’autre part, il me semble un peu excessif de rendre le médecin généraliste responsable de tout événement survenu au cours du parcours de soins, ce qui serait le cas si le présent amendement était adopté.
Je vous demande donc de retirer cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 74 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié est retiré.
Article 1er
I. – Le titre préliminaire du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 4301-1 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Au sixième alinéa, après le mot : « médecine », sont insérés les mots : « , de la Haute Autorité de santé » ;
b) Au c du 1° du même I, les mots : « non soumis à prescription médicale obligatoire » sont remplacés par les mots : « et prestations soumis ou non à prescription médicale obligatoire » ;
c) (nouveau) Le II est complété par les mots : « ou d’un diplôme équivalent figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé » ;
2° Il est ajouté un article L. 4301-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 4301-2. – I. – Les infirmiers relevant du titre Ier du présent livre peuvent exercer en pratique avancée, dans les conditions prévues à l’article L. 4301-1.
« II. – Dans les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111-1, dans les établissements et services médico-sociaux mentionnés aux articles L. 312-1 et L. 344-1 du code de l’action sociale et des familles et dans le cadre des structures d’exercice coordonné mentionnées aux articles L. 1411-11-1, L. 6323-1 et L. 6323-3 du présent code, les infirmiers exerçant en pratique avancée peuvent prendre en charge directement les patients. Un compte rendu des soins réalisés est systématiquement adressé au médecin traitant du patient et reporté dans le dossier médical partagé de celui-ci. »
II. – (Non modifié) Après le mot : « conventionné », la fin du 1° de l’article L. 162-12-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée : « , les actes effectués par les infirmiers conventionnés dans les établissements et structures d’hébergement de toute nature et les actes effectués, le cas échéant sans adressage préalable de la part d’un médecin, par les infirmiers en pratique avancée ; ».
III. – L’article 76 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 et l’article 40 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 sont abrogés.
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, sur l’article.
Mme Anne Ventalon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les territoires médicalement sous-dotés, la présence médicale de proximité constitue un enjeu vital. Dans bien des départements, et notamment dans le mien, l’Ardèche, se faire soigner est devenu difficile, tant les professionnels de santé s’y font rares.
Je tiens donc à saluer le dispositif de l’article 1er, qui consiste à revaloriser la profession d’infirmier en pratique avancée, et je remercie Mme la rapporteure de son travail de précision.
L’évolution des modes de vie et l’éloignement géographique rendent de plus en plus difficile l’accès aux soins, tandis que le vieillissement de la population exige au contraire une prise en charge accrue. Nous observons également une explosion des pathologies chroniques, comme le diabète, l’hypertension, l’insuffisance cardiaque et respiratoire. Bien qu’elles soient liées à notre mode de vie, notamment à notre sédentarité, elles peuvent néanmoins être soignées, à condition de suivre régulièrement les patients.
Dans ce contexte, il est judicieux d’intégrer la formation d’IPA, afin d’améliorer constamment les professions paramédicales en visant la qualité des soins, en particulier ceux du quotidien. Au-delà de l’objectif de libérer du temps médical, l’IPA en exercice coordonné répond aux besoins de santé de la population par son implication et ses activités d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage. Il ne faut pas oublier que ces professionnels sont des infirmiers expérimentés, qui détiennent un diplôme d’État reconnu au grade universitaire de master II.
Selon moi, ces soignants ont toute leur place dans le parcours de soins du patient, et ils ont un rôle à jouer dans la lutte contre les inégalités médicales et territoriales.
Certes, il convient d’avancer prudemment sur cette question, mais à condition que la rédaction du décret qui définira les contours de cette avancée ne brise pas les espoirs que fait naître cet article 1er.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. À la suite de l’adoption d’un amendement de Mme la rapporteure en commission, l’article 1er permet l’accession à la pratique avancée des auxiliaires médicaux disposant d’un diplôme équivalent. Si l’objet de l’amendement précise que les infirmiers anesthésistes diplômés d’État (IADE) sont concernés par cette accession à la pratique avancée, le dispositif actuellement intégré dans l’article 1er prévoit que la liste des diplômes équivalents sera fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Or une reconnaissance statutaire, garantie et inscrite dans la loi, est attendue depuis trop longtemps par les IADE.
Ces derniers bénéficient depuis 1973 d’un diplôme de niveau bac+5, qui impose deux années de pratique préalables à l’entrée en formation et qui est de grade master 2 depuis 2014.
En août 2022, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) ont publié un rapport conjoint dans lequel elles appellent à « reconnaître en pratique avancée l’exercice des IADE ». Monsieur le ministre, ceux-ci ne veulent plus attendre un arrêté défini par le ministère qui les inclura de façon incertaine, d’autant plus que, depuis Olivier Véran, ministre après ministre, l’inclusion dans la pratique avancée leur est promise sans être jamais réalisée.
Les voilà une fois de plus renvoyés à une nouvelle promesse ! Comment s’y fier ? Nous souhaiterions qu’ils soient reconnus en pratique avancée dans le code de la santé publique. C’était l’objet de l’amendement que nous avions déposé et qui a été déclaré irrecevable, alors que le dispositif proposé ne modifierait en rien la formation requise et la rémunération.
Au regard des évolutions contenues dans les articles 2 et 3, qui reconnaissent la caractéristique principale de la pratique avancée, c’est-à-dire l’absence d’obligation de prescription médicale pour exercer des professions qui ont aujourd’hui, en termes d’autonomie, de pratiques et de formation, les caractéristiques historiques des IADE. Mme la ministre nous a suggéré de réfléchir à des évolutions réglementaires.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il est temps de les mener à leur terme pour les IADE, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Beaucoup de choses ont déjà été dites par mes collègues. Notre amendement a également été déclaré irrecevable.
Je souhaiterais donc intervenir, à l’occasion de l’examen de cet article 1er, sur la situation particulière des IADE. J’ai déjà eu l’occasion de prendre la parole en commission des affaires sociales et dans cet hémicycle, afin de relayer leur lutte pour la reconnaissance de leurs compétences. L’examen de cette proposition de loi nous offre l’occasion de faire évoluer le statut de ces professionnels vers celui d’auxiliaires médicaux de pratique avancée.
Pour rappel, au mois de février 2021, nous avons déjà discuté favorablement de ce dossier, mais les IADE ont été confrontés à un blocage gouvernemental. Depuis le mois de janvier 2022, ils attendent que les engagements de ce même gouvernement se concrétisent. Jusqu’en octobre dernier, la seule réponse donnée était l’absence de vecteur législatif. Nous y sommes !
Maintenant que tout est réuni pour leur attribuer enfin un statut à la hauteur de leur valeur au sein de notre système de soins, l’article 40 de la Constitution bloque tout amendement visant à leur revalorisation. Seul le Gouvernement peut faire cette démarche. Nous vous incitons à agir en ce sens, monsieur le ministre.
En attendant, cet article donne l’occasion de rappeler la nécessité d’intégrer cette spécialité aux dispositifs auxiliaires médicaux en pratique avancée. De fait, les IADE remplissent les critères de la pratique avancée depuis des années, mais sont exclus de la reconnaissance de cette pratique. À l’heure où le Gouvernement souhaite faire reconnaître toutes les spécialités infirmières en pratique avancée, il y a un risque réel de disparition des IADE. Que faut-il penser de leur absence de cette proposition de loi, alors que son auteure, la députée Rist, a affirmé vouloir reconnaître leur métier en pratique avancée ? Que faut-il penser du fait que les amendements déposés sur le sujet sont tous tombés sous le coup de l’article 40 ? Les IADE nous regardent aujourd’hui et veulent des réponses. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un certain nombre de sénateurs, notamment Frédérique Puissat et Jean-Jacques Panunzi, je souhaite profiter de cette proposition de loi pour attribuer un statut spécifique aux IADE au sein des auxiliaires médicaux en pratique avancée. Mais l’article 40 de la Constitution en a décidé autrement, malgré les recherches de notre rapporteure pour trouver des solutions.
En effet, la profession d’IADE, pionnière de l’exercice en autonomie supervisée, a d’ores et déjà le niveau de qualification requis. Le manque de valorisation la compromet dangereusement, alors qu’elle souffre depuis de nombreuses années du dissensus entre son activité réelle et son exclusion d’un statut juridique à la hauteur de ses compétences.
Monsieur le ministre, cette reconnaissance statutaire est recommandée depuis plus d’un an par l’Igas et avait été garantie par votre prédécesseur, M. Véran, qui s’était engagé devant les instances médicales représentatives des professions de l’anesthésie à l’obtention d’un statut en pratique avancée pour tous les IADE, différencié de celui des IPA, au maintien des décrets réglementaires régissant la profession d’IADE et au maintien de la formation actuelle. Le principe était de consacrer dans la loi aux IADE un statut unique et distinct de celui de la profession d’IPA, au sein du titre préliminaire du livre 3 du code de la santé publique, par l’ajout d’un article L. 4301-3.
Nous souhaitions leur permettre d’être reconnus comme une profession réglementée exerçant officiellement en pratique avancée, avec des modalités spécifiques dans leurs quatre domaines de compétence, ce qui est le cas depuis des années. Les médecins anesthésistes-réanimateurs soutiennent cette démarche de reconnaissance statutaire au sein de la pratique avancée, dans le respect des décrets de sécurité anesthésique.
Monsieur le ministre, face à ce blocage, nous souhaitons connaître votre position et savoir quelles mesures vous souhaitez prendre.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l’article.
Mme Émilienne Poumirol. L’exercice de la médecine évolue : en 2017, il n’y avait que très peu de maisons de santé pluridisciplinaires ; elles représentent aujourd’hui plus de 20 % de l’exercice libéral. L’exercice coordonné en équipe de soins primaires est une nécessité, à la fois pour faciliter le travail des soignants, mais aussi pour améliorer la qualité de la prise en charge des patients. Il faut donc une équipe, avec un projet de santé coconstruit qui crée un véritable parcours de soins autour du patient. Dans ce projet, coélaboré et évalué, les IPA spécialisés ont toute leur place. La formation à la prise en charge complexe leur permettra de répondre parfaitement à la démarche de soins primaires.
Il faudrait donc former plusieurs milliers d’IPA au suivi des pathologies chroniques, mais aussi en pédiatrie, en cancérologie, en psychiatrie ou encore en pédopsychiatrie.
En revanche, l’accès direct aux IPA et la possibilité de primo-prescription en dehors des structures de soins coordonnés relèvent d’une fausse bonne idée : donner une telle responsabilité à des IPA non formés au diagnostic est un risque pour les patients.
Nous irions vers une médecine à deux vitesses, avec, d’un côté, des patients qui pourraient consulter un médecin généraliste et, de l’autre, des patients qui, faute de médecins généralistes en particulier dans les zones sous-dotées, seraient vus par des IPA.
Pour notre part, nous sommes favorables à un parcours de soins coordonnés comprenant non pas une délégation, mais un partage des tâches et au maintien d’un haut niveau de compétences, qui implique une formation adéquate.
J’abonde dans le sens des propos qui viennent d’être tenus sur les IADE. Permettez-moi d’évoquer également les Ibode. Ces dernières suivent, elles aussi, une formation supplémentaire de deux ans.
Selon un décret paru récemment, il est possible, en tant qu’infirmier et après avoir suivi une formation de vingt-huit jours, de « faire fonction d’Ibode ».
Les IADE craignent un décret similaire. Monsieur le ministre, allez-vous les rassurer ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Braun, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir abordé le cas particulier des IADE. Si nous devons effectivement traiter le sujet, nous ne pourrons pas le faire ici – j’en suis désolé –, pour plusieurs raisons.
La première est que, de par leur formation, les IADE n’entrent pas dans le cadre des IPA. Les IPA ont d’abord une formation en tronc commun, puis une formation de spécialité, qui leur permet d’ailleurs, au cours de leur carrière, de changer de spécialité.
Dans l’absolu, il faudrait ajouter une année de formation aux IADE, ce qui serait totalement absurde.
Par ailleurs, outre les IADE et les Ibode, n’oublions pas les infirmières puéricultrices.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
M. François Braun, ministre. Toutes bénéficient – vous avez évoqué le rapport Igas-IGESR – du statut particulier d’infirmière spécialisée.
Je vous réaffirme mon engagement à travailler pour faire évoluer le statut d’infirmière spécialisée et reconnaître la pratique avancée pour les trois professions, pas simplement pour les IADE.
J’y travaille avec les sociétés savantes ; j’en ai encore discuté la semaine dernière avec la société française d’anesthésie-réanimation en ce qui concerne les IADE.
L’objectif est d’aboutir, en lien avec les professionnels, les médecins et infirmiers de chaque catégorie, à un statut particulier – nous aurons des textes législatifs en fin d’année –, qui reconnaîtra l’exercice de pratique avancée, sans pour autant enfermer les infirmières dans le statut d’IPA.
Je suis particulièrement sensible à ce sujet. Comme promis aux IADE par mon prédécesseur, nous avancerons dans cette direction, mais, surtout, n’oublions pas les Ibode et les infirmières puéricultrices.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme Deseyne, MM. Cambon, Burgoa et Calvet, Mme Chauvin, MM. Klinger, Chasseing et Brisson, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Bonne et Panunzi, Mme F. Gerbaud, M. Bouchet, Mme de Cidrac, M. Lefèvre, Mme Gruny, MM. Somon, Gremillet, Genet et Chatillon, Mmes Di Folco et M. Mercier et MM. Sido et Cuypers, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. L’article 1er étend le champ des compétences des infirmiers en pratique avancée aux prescriptions de produits de santé et à la prise en charge directe des patients dans le cadre d’un exercice coordonné.
Cette proposition de loi, présentée comme une réponse aux déserts médicaux, ne répond pas aux attentes et besoins en matière de soins.
Le médecin doit rester celui qui pose le diagnostic et définit la stratégie thérapeutique. Il est formé pour cela, pendant neuf ans, et prochainement dix ans, d’études.
Comment un IPA formé aux soins – n’y voyez aucune défiance – pourrait-il avoir la même connaissance et la même compétence en cinq ans seulement ?
Le dispositif d’IPA est une perte de temps et, éventuellement, une perte de chance pour le patient. C’est une médecine à deux vitesses, qui distingue ceux qui auront accès à un médecin et les autres.
Mes chers collègues, quand vous avez besoin, pour vous-même ou pour vos proches, d’une prise en charge médicale, à qui vous adressez-vous ? À un médecin bien sûr ! Je souhaite que tous les Français puissent avoir le même accès.
Les médecins ont besoin de plus de temps médical. Ils veulent moins de tracasseries administratives, attendent que l’on traite le problème des rendez-vous non honorés.
Je ne parle pas du signal envoyé aux patients, aux jeunes médecins, aux étudiants en médecine. Cette proposition de loi est un leurre. C’est un emplâtre sur une jambe de bois !
Cet amendement vise donc à supprimer l’article 1er. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission est, sans surprise, défavorable à cet amendement.
En effet, nous avons largement revu l’article 1er pour mieux encadrer l’accès direct et la primo-prescription. J’espère qu’il permettra, dans la rédaction issue des travaux de la commission, d’améliorer à la fois l’attractivité de la pratique avancée, mais aussi – c’est important – de sécuriser les conditions de prise en charge.
Ma chère collègue Chantal Deseyne, je ne vous en veux pas. Je connais vos préoccupations. La qualité des soins ne doit pas être mise à mal.
Je vous rappelle que nous avons encadré ces dispositions par des garanties : décret en Conseil d’État après avis de l’Académie nationale de médecine, de la Haute Autorité de santé et des représentants des professions concernées.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Vous comprendrez que je sois également défavorable à cet amendement, mais permettez-moi de développer quelques arguments.
Les IPA sont des infirmières qui justifient de trois ans de formation, de quatre ans d’exercice professionnel et de deux ans de formation complémentaire. Elles totalisent donc neuf ans de formation, ce qui est loin d’être négligeable.
Pour autant, les IPA ne remplacent pas et ne remplaceront jamais le médecin, notamment le médecin généraliste.
Il est important de comprendre, dans l’organisation du système de santé que nous voulons reconstruire, que les IPA ont vocation non pas à remplacer le médecin, mais à apporter une solution complémentaire.
La colonne vertébrale du système reste le médecin, dans le cadre d’un exercice coordonné, dont les travaux de la commission ont encore renforcé le principe.
Pour autant, une question demeure : l’IPA peut-elle et doit-elle être un point d’entrée en cas de difficulté d’accès à un médecin traitant ou à un médecin généraliste ? Assurément !
Il est préférable de faire de l’IPA le point d’entrée vers un médecin traitant plutôt que de laisser un patient n’ayant pas trouvé de médecin se diriger vers les services d’urgence, dont vous connaissez les problèmes.
Les IPA ont leur place dans notre système de santé. Le dispositif de pratique avancée n’est, certes, pas la seule solution, mais ce n’est pas un « emplâtre sur une jambe de bois ».
Vous évoquez le temps administratif. La semaine dernière, j’ai annoncé quinze mesures visant à diminuer la « paperasserie » des médecins. Cela va dans le sens indiqué.
C’est en combinant toutes ces solutions que nous parviendrons à prendre en charge les six millions de nos concitoyens qui n’ont pas de médecin traitant aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je dois dire que l’on peut très largement souscrire aux propos de Chantal Deseyne. Nous aurions même pu considérer que l’article 1er n’était pas recevable si celui-ci n’avait pas été modifié par la commission.
En effet, dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale, cet article distinguait les IPA spécialisés des IPA « praticiens », une notion floue d’autant plus sujette à interprétation qu’elle ne figure nulle part dans le code de la santé publique et qu’elle n’était pas définie dans la proposition de loi. À ce propos, monsieur le ministre, je vous rappelle qu’il s’agit bien d’une « proposition de loi », et non, comme vous l’avez indiqué, d’un « projet de loi ». Mais, comme tous les lapsus, le vôtre est très révélateur. (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, une telle rédaction donnait entièrement raison à notre collègue Chantal Deseyne : nous aurions mis les deux pieds dans un système dont les deux vitesses auraient été institutionnalisées. Il y aurait eu des territoires dans lesquels les uns auraient eu le droit de voir un médecin et d’autres territoires dans lesquels on n’aurait eu le droit, en première intention, de ne voir – cela n’est pas péjoratif – qu’un infirmier.
La commission a clarifié les choses. Elle a posé des bornes et proposé un cadre beaucoup plus restrictif.
Nous voterons contre l’amendement n° 1 rectifié et nous approuverons l’article 1er dans la rédaction proposée par la commission. Mais j’en appelle aussi à la responsabilité du Gouvernement, qui est à la manœuvre sur cette proposition de loi.
Puissions-nous, dans la suite de l’examen du texte, ne pas aboutir à la situation que Mme Deseyne a décrite ! En rejetant son amendement et en votant pour l’article 1er, nous exprimons en quelque sorte un vote de confiance. Nous tenons à le préciser de manière très claire.
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 78 rectifié bis, présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Grand, A. Marc et Somon, Mme F. Gerbaud, M. Milon, Mme Dumont, M. Gremillet et Mme de La Provôté, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 à 5
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
, uniquement avec adressage préalable par un médecin
III. – Alinéas 8 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Daniel Chasseing.