Mme le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 366, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Martine Filleul. Madame la secrétaire d’État, dans une tribune parue au mois de décembre dernier, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse décrivait l’état dramatique de l’école républicaine, qu’il comparait à un champ de ruines.
La publication de l’indice de position sociale (IPS) et des informations associées permet désormais de partager ce constat alarmant. Oui, le principe d’égalité est très largement battu en brèche : le déterminisme social frappe dès le plus jeune âge, brisant toute perspective d’égalité des chances. Au sommet d’une hiérarchie scolaire qui ne dit pas son nom trônent l’enseignement privé et l’enseignement catholique.
Dans le département du Nord, dont l’IPS est de 97, soit six points de moins que le niveau médian national, les voyants sont au rouge. À Lille, où un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, les voyants sont d’un rouge très vif, puisque la moitié des établissements y affichent un IPS inférieur ou égal à 93, les différences étant très importantes entre les quartiers.
Ma question, contrairement à l’habitude, n’est pas simple, madame la secrétaire d’État : quelle réforme structurelle le Gouvernement envisage-t-il pour rétablir l’égalité républicaine et la mixité sociale dans nos écoles et combattre la ségrégation qui y est à l’œuvre ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice Martine Filleul, vous avez raison : la seule manière de lutter contre les inégalités et les déterminismes sociaux, c’est de s’attaquer à la mixité sociale à l’école. C’est la mère des batailles. Vous avez également raison : ce n’est pas là un exercice aisé.
La première des étapes, c’est évidemment de faire la transparence sur les indices de position sociale en les rendant publics. Pour autant, il ne suffit pas de les connaître, encore faut-il savoir comment œuvrer, à court, à moyen et à long terme, pour assurer la mixité sociale à l’école. À cet égard, je puis vous assurer, madame la sénatrice, que le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse a fait de cette question un combat sincère.
La stratégie mise en œuvre doit reposer sur les territoires, les différences et les inégalités entre eux étant criantes. Il faut s’appuyer sur les maires, sur les présidents de département, mais aussi sur les associations de parents d’élèves et les parlementaires pour décliner des mesures fortes dans les établissements scolaires.
La première politique visant à accroître la justice et la mixité sociales dans les territoires a été expérimentée notamment dans l’académie de Lille. Il s’est d’abord agi de revoir la sectorisation scolaire. On le sait, ce n’est pas là un exercice facile. Pour autant, il est nécessaire et se doit d’être ambitieux. Il est accompli progressivement lorsque la géographie du territoire le permet, en s’appuyant sur des dispositifs de secteur.
Je pense évidemment aux secteurs multi-collèges et multi-lycées, au jumelage d’établissements, à la transformation effective des conditions d’affectation et à l’accueil d’élèves boursiers dans tous les établissements, mais aussi aux contrats de mixité par lesquels les établissements scolaires s’engagent à accompagner les élèves les plus fragiles socialement en mobilisant les cordées de la réussite, du soutien, du tutorat, du mentorat, les stages de réussite, l’enrichissement de l’offre pédagogique et l’implantation de cursus d’excellence.
Nous savons toutefois, madame la sénatrice, que ces dispositifs sont des éléments complémentaires, des correctifs, mais que, sur le fond, ce qu’il faut, c’est évidemment développer la coopération avec les collectivités territoriales pour la prise en charge des transports scolaires. La mobilité, les frais d’hébergement ou de restauration sont des freins. Or il faut faciliter plus fortement la mobilité des élèves, et ce sur l’ensemble du territoire.
Mme le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Un débat sur la mixité sociale à l’école aura lieu au Sénat le 1er mars prochain, sur l’initiative de votre groupe, madame la sénatrice. M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse aura alors l’occasion d’entrer plus en détail sur ce sujet.
Mme le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.
Mme Martine Filleul. Madame la secrétaire d’État, je le répète : il faut une réforme structurelle et globale ambitieuse pour faire évoluer notre système éducatif et endiguer la ségrégation. J’insiste en particulier sur la nécessaire transformation en profondeur de la carte scolaire.
Il faut par ailleurs mettre fin aux fermetures systématiques de classes auxquelles nous assistons et faire preuve de plus d’exigence et de fermeté à l’égard de l’enseignement privé. Enfin, il faut octroyer des moyens aux zones d’éducation prioritaire et mieux rémunérer les enseignants.
harcèlement scolaire et violences sexuelles
Mme le président. La parole est à Mme Marie Mercier, auteur de la question n° 373, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Marie Mercier. Ma question porte sur le harcèlement scolaire.
Près d’un million de jeunes seraient victimes de ce cauchemar, à l’école bien sûr, mais aussi en dehors, à cause des réseaux sociaux et des nouvelles technologies. Ces enfants vivent un véritable calvaire, où se mêlent à la fois la violence, la répétitivité, mais surtout l’isolement.
Que disent ces enfants ? Que personne ne les écoute, que personne ne les croit !
Permettez-moi d’évoquer le cas d’un jeune de mon département, que j’appellerai Maël. Cet enfant et ses parents ont eu beaucoup de mal à faire admettre qu’il était victime de harcèlement scolaire. À présent, il faut qu’ils se battent contre les institutions. Pourquoi ? Parce que c’est le jeune harceleur, qui a probablement lui aussi besoin d’aide, qui restera dans l’école, quand Maël est contraint de la quitter !
Madame la secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour lutter contre le harcèlement, qui gâche la vie de tant de nos enfants et leur fait vivre un véritable enfer ? Ne me parlez pas du programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe), des mesures, des axes, des piliers. On connaît tout cela ! Que comptez-vous réellement faire pour aider et sauver nos enfants ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice, je ne vous parlerai ni des programmes de lutte contre le harcèlement, en particulier du programme pHARe, ni de la loi visant à combattre le harcèlement scolaire, dite Balanant.
Si ces programmes sont nécessaires et constituent une première réponse afin que Maël et ses parents puissent bénéficier d’une écoute et être accompagnés, il faut aussi évidemment former les encadrants et mobiliser l’ensemble des maillons de la chaîne éducative, les enseignants, les conseillers principaux d’éducation, les infirmiers scolaires, tous ceux qui encadrent au quotidien nos enfants.
Madame la sénatrice, le harcèlement est un fléau. Il tue et brise des familles. Il ne s’arrête jamais. Il vous prend aux tripes, il entre dans votre tête et, pour finir, il vous brise. Il est difficile pour un jeune adolescent de se rendre compte que la honte doit s’inverser, qu’il n’y est pour rien.
Le jeune Maël n’a pas à partir de son établissement. C’est mon intime conviction. Un jeune victime de harcèlement doit être accompagné. La victime n’a pas à quitter son établissement et à être ainsi doublement pénalisée.
Le harcèlement est un fléau de notre temps. Il s’aggrave dans notre société, qui est parfois plus violente. Avec les réseaux sociaux, il n’y a plus de frontières. Ce qui se passe dans les cours d’école se retrouve en ligne, puis dans la chambre de l’enfant, le soir, tard, sans les parents. Ces derniers sont démunis et ils n’ont parfois même pas conscience de ce que vit leur fils ou leur fille.
Si j’avais un message à faire passer, ce serait le suivant : il ne faut jamais avoir peur, jamais avoir honte, il faut parler. Ce message est valable également pour les camarades et les adultes encadrants. Mieux vaut mobiliser plus de monde que pas assez, chaque fois que cela est nécessaire.
Enfin, une prise de conscience de la société est nécessaire, puisque ce fléau tue nos enfants aujourd’hui.
Mme le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.
Mme Marie Mercier. C’est parce que le harcèlement tue, madame la secrétaire d’État, que je me suis permis d’évoquer le cas de cet enfant, qui a dit : « Il faudra peut-être que je meure pour que cela s’arrête. » Je relayerai vos propos sur le fait que Maël n’a pas à changer d’école et doit rester dans son établissement.
Vous avez évoqué l’ensemble des maillons de la chaîne. À cet égard, permettez-moi de vous faire une suggestion. Il y a des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté dans les écoles, dans les collèges, mais le maire n’y est pas souvent associé. Les maires doivent y participer, car ils sont les employeurs des Atsem, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles. Par ailleurs, ils assurent la cantine, s’occupent des transports scolaires ; or l’enfant souffre aussi pendant les temps périscolaires.
Je compte sur vous, madame la secrétaire d’État, pour que les écoles s’ouvrent et que le maire soit invité, en présence de la psychologue, à leur réunion.
financement de la pédagogie
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, auteure de la question n° 374, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Angèle Préville. Madame la secrétaire d’État, alertée par des élus du département du Lot, je souhaite vous interroger sur le financement de la pédagogie dans nos collèges.
Depuis plusieurs années, l’État semble se désengager, laissant les collectivités territoriales assumer toujours plus de dépenses qui, normalement, lui incombent.
Bien sûr, le financement des actions pédagogiques ne relève pas de la compétence des collectivités locales. Il semble par ailleurs qu’aucune logique nationale ne prévale en matière de financement du volet pédagogique.
Plus généralement, d’une année sur l’autre, d’une académie à l’autre, d’une collectivité territoriale à une autre, les règles de financement de la pédagogie sont devenues très variables.
La dotation des départements est destinée à la construction et à l’entretien des collèges, mais le département du Lot subventionne également des projets éducatifs, sportifs, culturels et dans le domaine de la prévention. Pour l’instant, il augmente les subventions qu’il attribue à ces projets pédagogiques, voire au financement de la pédagogie elle-même, à savoir l’achat de manuels scolaires. S’il s’agit là d’un choix politique engagé, supportable jusqu’à présent, il ne perdurera peut-être pas compte tenu du contexte économique difficile que nous connaissons.
Pourtant, les équipes éducatives devraient pouvoir compter sur des budgets pérennes afin de pouvoir construire sereinement des projets ambitieux pour les enfants de notre département.
Madame la secrétaire d’État, n’est-ce pas à l’éducation nationale de donner aux établissements les moyens d’acheter les manuels, les livres pour les centres de documentation et d’information (CDI) et de financer les sorties scolaires, en d’autres termes de financer la pédagogie ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice Préville, la question budgétaire est souvent posée lorsque l’on parle d’école. Aujourd’hui, le budget de l’éducation nationale, on le sait, est le plus important de l’État : il s’élève à 59 milliards d’euros, en augmentation de plus de 6 % cette année, une telle augmentation étant loin d’être inutile.
Cela étant, la répartition des compétences est très claire. Le code de l’éducation prévoit que les locaux incombent au bloc communal. L’État, pour sa part, prend en charge la rémunération des enseignants, mais aussi le financement des actions pédagogiques du premier degré.
Dans cette optique, madame la sénatrice, un parcours de citoyenneté peut sans doute s’envisager. Un certain nombre de collectivités, dont je salue l’action, soutiennent des projets pédagogiques complémentaires. Je pense aux classes découvertes, à l’école hors les murs, mais aussi à certains forums associatifs qui ont lieu dans nos communes. Ces projets sont soutenus par les élus locaux, qui sont les premiers bâtisseurs de la citoyenneté.
Il y a deux manières de voir l’École – avec un grand E – : soit elle est exclusivement un lieu d’instruction, auquel cas la formation porte uniquement sur les fondamentaux pédagogiques, soit elle est un lieu d’éducation, donc d’éducation également à la citoyenneté, au civisme et à l’engagement, auquel cas les projets soutenus par l’ensemble des élus, du bloc communal ou du département, sont des bienfaits.
En revanche, il ne doit pas y avoir d’inégalités entre les territoires et en fonction des sensibilités politiques. C’est là un point d’alerte et vous voyez très bien à quoi je fais référence, madame la sénatrice.
Pour qu’il n’y ait pas d’inégalités, le Président de la République a souhaité que les projets d’établissement soient plus nourris et plus forts. À cet effet, il a été mis en place un fonds d’innovation pédagogique, doté de 500 millions d’euros sur le quinquennat, à la suite du Conseil national de la refondation (CNR).
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Bien évidemment, les collectivités financent des projets pédagogiques complémentaires. Madame la secrétaire d’État, j’espère que le fonds dont vous venez de nous parler pourra servir à l’achat de matériel pédagogique proprement dit, comme des manuels scolaires, et que les départements n’auront pas, à l’avenir, à financer de tels achats.
iniquité de traitement des enfants en situation de handicap selon qu’ils habitent en milieu urbain ou rural
Mme le président. La parole est à M. Daniel Gueret, auteur de la question n° 378, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Daniel Gueret. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur la révision de la carte scolaire pour l’année scolaire 2023-2024.
Un certain nombre d’élus dans nos territoires ont été destinataires d’un courrier précisant que « l’évolution des effectifs prévus à la rentrée prochaine pourrait rendre nécessaire un retrait de moyens dans une école ». Il s’agit là d’une approche purement comptable, en aucun cas humaine, ce dont tout le monde est bien conscient. Inquiets, des élus et des parents d’élèves engagent des actions : ils organisent des manifestations, lancent des pétitions, font des points presse, comme c’est le cas dans plusieurs villes de mon département, l’Eure-et-Loir.
Je souhaite par conséquent interroger le ministre sur les conséquences de ces décisions qui s’imposent aux enseignants et aux élèves des unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis), en particulier sur l’iniquité du traitement réservé aux enfants en situation de handicap en fonction de leur lieu de résidence, en milieu urbain ou en milieu rural. Les moyens mis à disposition d’un établissement sont en effet totalement différents selon que celui-ci se trouve dans une ville ou dans un village, ce qui est particulièrement choquant, vous en conviendrez, madame la secrétaire d’État.
En prenant ces décisions, l’administration sous-estime le fait que la fermeture d’une classe a pour conséquence d’augmenter le nombre d’élèves Ulis dans les classes restantes, ce qui complique la tâche des enseignants très investis et les décourage, car ils sont privés de moyens pour accompagner ces enfants supplémentaires.
Aussi, madame la secrétaire d’État, alors que le Gouvernement promeut l’inclusion en milieu scolaire, je souhaite connaître les mesures concrètes mises en œuvre, en particulier en milieu rural, pour donner à tous ces enfants en difficulté les mêmes chances d’apprentissage et à tous nos enseignants l’appui nécessaire au bon exercice de leurs missions.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur, chaque fois qu’une classe est menacée de fermeture dans mon territoire, les parents d’élèves se mobilisent, de même que, souvent, les équipes pédagogiques, lesquelles mesurent les conséquences objectives d’une telle réorganisation. Une fermeture de classe créée une émotion légitime.
S’il y a un domaine dans lequel il ne faut pas procéder à une analyse comptable, c’est dans l’éducation nationale, car on ne sait pas dire combien l’éducation, la prévention permettront d’éviter de dépenses demain. S’il existe un rêve français, c’est peut-être celui du mérite, de l’élévation par l’effort et de l’égalité en matière d’accès à l’éducation et à la formation. Zéro logique comptable au sein de l’éducation nationale !
Malgré la baisse démographique et la singularité de nos territoires, il est nécessaire aujourd’hui de continuer à accompagner tous les enfants, quelles que soient leurs difficultés.
Vous parlez des classes Ulis en particulier, monsieur le sénateur. Aucune ne sera fermée l’année prochaine. Mieux, quatre classes supplémentaires seront ouvertes.
Le département de l’Eure-et-Loir a perdu 2 690 élèves en quatre ans, mais seulement onze postes. Le taux d’encadrement moyen par classe y est supérieur à la moyenne nationale. Pour autant, il ne faut pas s’arrêter à ces moyennes – ce serait contredire totalement mon propos initial. Il faut accompagner les spécificités territoriales.
Les classes Ulis demandent une attention particulière. La carte de ces classes est déterminée en fonction des caractéristiques de la population scolaire, mais aussi de la mobilisation des élus locaux, qui est essentielle. La chaîne éducative et pédagogique dépend aussi de leur mobilisation et de leur sensibilité. La carte prend également en compte les distances, les questions de mobilité ayant des conséquences sur les enfants, mais aussi les zones d’enclavement, la carte des formations professionnelles sur le bassin, afin de voir les continuités, et l’offre sociale – c’est une spécificité – pilotée par l’agence régionale de santé.
Monsieur le sénateur, s’il fallait faire un seul investissement, ce serait dans l’éducation.
conditions de la rentrée scolaire 2023 en seine-maritime
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 417, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Céline Brulin. Madame la secrétaire d’État, la soustraction serait-elle l’opération préférée de l’éducation nationale ? En effet, 25 % des postes qui seront supprimés l’année prochaine dans les lycées le seront en Normandie, qui perdra 306 heures de dotation horaire globale, dont 134 heures dans le seul département de la Seine-Maritime.
Ainsi, le lycée Guy-de-Maupassant de Fécamp perdrait 98 heures, alors qu’il ne comptera que 34 élèves de moins qu’à la rentrée dernière. Cette équation ne prévoit aucun poste pour le retour de l’enseignement des mathématiques annoncé pour tous les lycéens en classe de première.
Dans les collèges, l’heure est également à la soustraction : des classes ferment, d’autres, en conséquence, sont surchargées, comme aux collèges Pablo-Picasso de Harfleur ou Claude-Monet de Gruchet-le-Valasse.
Quant aux enseignants de technologie, ils ont appris par les médias la suppression de leur heure de cours en sixième au profit d’une heure de renforcement en français et en mathématiques, sans que personne sache aujourd’hui qui l’assurera.
Dans le primaire, 111 fermetures de classes sont prévues en Seine-Maritime, contre 79 ouvertures. Les regroupements et les fermetures de classes en milieu rural se développent. Or nos villages aussi sont des zones prioritaires ! L’argument démographique a bon dos…
J’ajoute que le manque de remplaçants, y compris lorsque les absences sont prévues, a pour effet d’augmenter les effectifs dans les classes. L’école Thomas-Pesquet du Fontenay totalise 46 jours non remplacés depuis le mois de septembre ! Je sais que vous voyez dans le logiciel Andjaro « la solution parfaite face au sous-effectif », mais nos enfants ont besoin d’enseignants !
Enfin, comment faire de l’école inclusive une priorité, alors que quatre postes d’enseignants sont supprimés dans les centres médico-psycho-pédagogiques du Havre, de Rouen ou de Dieppe et que les élèves relevant d’une Ulis, unité localisée pour l’inclusion scolaire, ne pourront plus être accueillis en quatrième au collège Victor-Hugo de Rives-en-Seine ?
L’insuffisance des crédits sur laquelle nous avons alerté se confirme, madame la secrétaire d’État. Elle conduit à mettre tous les besoins en concurrence et à gérer la pénurie, alors que le seul objectif devrait être la réussite des élèves.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, à qui j’indique que je suis moi aussi très attachée au lycée de Fécamp ! (Sourires.)
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Message reçu, madame la présidente ! (Nouveaux sourires.)
Madame la sénatrice Brulin, vous parlez de soustraction. Il se trouve que les mathématiques ne sont pas mon fort. Je m’attarderai cependant sur une soustraction, la baisse de la démographie. L’argument démographique n’a pas bon dos. Le fait est que, d’ici à la fin du quinquennat, notre système scolaire comptera un demi-million d’élèves en moins. Cela nécessite des réorganisations et des évolutions.
Je suis d’accord avec vous, madame la sénatrice, il faut prendre en compte les besoins spécifiques de chaque territoire. Il n’y a pas de raison que les territoires ruraux soient plus touchés que des territoires plus denses ou plus urbains.
L’académie de Normandie sur laquelle vous m’interrogez comptera à la rentrée prochaine 5 296 élèves en moins. Le département de la Seine-Maritime a perdu 6 747 élèves depuis 2016 dans le premier degré, le nombre d’élèves étant passé de 115 254 à 108 457. Pourtant, le département a gagné 270 postes. À la rentrée 2023, le département devrait perdre plus de 2 000 élèves.
Au-delà des chiffres – je vous l’ai dit, ils ne sont pas mon fort –, ce qui compte pour moi, ce pour quoi je me suis engagée en politique, c’est la vision que j’ai de l’école, ce qu’elle apporte aux jeunes, qui, parfois, n’ont pas les mêmes chances que les autres en raison du capital social de leur famille et du territoire où ils vivent.
Ce que je vois, c’est que le taux d’encadrement s’améliore en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire. Il n’est pas parfait, c’est vrai, mais le nombre d’élèves par classe est désormais plus bas.
Le regroupement pédagogique intercommunal (RPI) de la forêt d’Eu – Longroy, Melleville, Millebosc et Guerville – comprend cinq classes réparties sur quatre sites, dans lesquels 88 élèves sont attendus à la rentrée 2023. L’effectif moyen par classe sera de 22 élèves après la fermeture d’une classe. Selon les projections, l’effectif devrait être de 70 élèves au maximum d’ici à deux ans.
Quant à la situation de l’école Thomas-Pesquet, qui était tendue, elle est en train de s’apaiser : une remplaçante est arrivée et le remplacement sera également assuré au retour des vacances d’hiver.
Madame la sénatrice, nous avons besoin d’enseignants, d’hommes et de femmes devant les élèves. Il est clair qu’aucun outil numérique, aucun outil pédagogique ne les remplacera. Je puis vous assurer que le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse se bat pour susciter des vocations et les accompagner, pour rendre le métier plus attractif, car c’est la condition de la réussite.
inquiétudes sur la rentrée scolaire 2023-2024 du lycée darchicourt d’hénin-beaumont
Mme le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, auteure de la question n° 419, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Sabine Van Heghe. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur la situation préoccupante du lycée Fernand-Darchicourt d’Hénin-Beaumont à la prochaine rentrée scolaire.
Les professeurs de ce lycée ont toujours eu à cœur de mettre en application les principes de leur projet d’établissement intitulé « Culture, ambition, réussite ».
La communauté éducative du lycée Fernand-Darchicourt est guidée par les valeurs de la République et par la volonté de faire réussir les élèves. Leur action passe par la richesse de l’offre de spécialités, des options culturelles, artistiques, linguistiques et sportives, par la mise en œuvre d’échanges internationaux, de projets sur la mémoire de la Shoah ou d’éducation aux médias.
Le trop maigre abondement de la dotation horaire globale du lycée, fruit de la récente mobilisation de la communauté éducative, aura immédiatement pour effet dans la voie générale la suppression des demi-groupes en français et en philosophie en première et en terminale, ainsi qu’en français et en mathématiques en seconde. La réussite des élèves les plus fragiles pourrait malheureusement s’en trouver compromise…
Après cette forte mobilisation de la communauté éducative, les options, qui font la richesse de l’établissement, sont finalement maintenues, mais avec une quantité horaire diminuée. Par ailleurs, certaines options sont vouées à disparaître en 2024 et en 2025.
Comment lutter contre le racisme, l’antisémitisme et la discrimination liée aux origines quand on réduit aussi drastiquement les moyens les plus efficaces de cette même lutte, dans un bassin fortement marqué par la désespérance sociale ?
L’an dernier, la mobilisation des personnels a permis de récupérer des heures d’enseignement indûment supprimées. Il est primordial d’augmenter les moyens dans l’académie de Lille, qui connaît la plus forte réduction de moyens dans le second degré pour la cinquième année consécutive.
M. Pap Ndiaye pourrait-il mettre ses déclarations en adéquation avec la politique du Gouvernement et revenir sur la diminution des moyens octroyés à l’académie de Lille, en particulier au lycée Fernand-Darchicourt d’Hénin-Beaumont ? Il y va de l’avenir de leurs élèves !