Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Mandelli, vous m’interrogez sur le raccordement à la fibre. Au mois de juillet 2018, le Gouvernement a accepté par arrêté les engagements proposés par Orange dans le cadre de l’article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques, avec des échéances en 2020 et en 2022.
Le Gouvernement est pleinement conscient des efforts de l’ensemble des acteurs concernés par le déploiement et la réalisation du plan France Très Haut Débit, dont il faut reconnaître qu’il est ambitieux et, dans l’ensemble, assez bien livré si l’on se compare à nos partenaires européens, d’autant plus au regard de la crise sanitaire qui aurait pu ralentir durablement les déploiements. Se pose par ailleurs la question de l’efficacité opérationnelle des sous-traitants d’Orange, dont les enjeux financiers m’occupent souvent à Bercy.
Au regard des données chiffrées issues de l’observatoire de l’autorité de régulation, il est apparu que, dans certains départements, notamment le vôtre, monsieur le sénateur, les objectifs ne sont pas atteints. C’est la raison pour laquelle l’Arcep, sur demande du Gouvernement, a ouvert une procédure, prévue à l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, pouvant aboutir à une mise en demeure. Cette décision a été attaquée par l’opérateur devant le Conseil d’État, qui instruit actuellement le dossier et dont nous attendons la décision.
Soyez assuré que le Gouvernement est pleinement mobilisé pour rendre effectives les promesses présidentielles. La France s’est fixé l’objectif ambitieux de généraliser les réseaux en fibre optique à horizon 2025. Forts de la conviction que la diffusion des réseaux en fibre optique constitue un levier d’attractivité des territoires, nous nous mobilisons pour éviter que le numérique ne soit source de fracture au sein de notre pays.
Monsieur le sénateur, les chiffres que vous avez cités concernant deux communes importantes de votre département sont insuffisants, ceux d’autres territoires sont malheureusement encore en deçà. Nous devons accélérer le mouvement dans les deux ou trois années à venir.
Mme le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous avons toutes et tous à cœur de trouver des solutions rapides et efficaces pour que les citoyens de votre département puissent bénéficier d’un accès à la fibre optique. L’une des pistes de réflexion peut également être la reprise en main des engagements de l’opérateur par des acteurs économiques locaux, afin de mener à terme l’installation du très haut débit dans les territoires.
Mme le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Monsieur le ministre, je souhaite que nous puissions travailler, notamment dans le département de la Vendée, sur la dernière hypothèse que vous avez évoquée, c’est-à-dire autoriser les collectivités locales, en lien avec les réseaux d’initiative publique, à reprendre à leur compte l’ensemble des opérations qui ne sont pas réalisées par l’opérateur historique.
conséquences de la hausse des prix de l’électricité pour le patrimoine religieux
Mme le président. La parole est à M. François Calvet, auteur de la question n° 372, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. François Calvet. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur les conséquences de la hausse des prix de l’électricité pour notre patrimoine religieux.
En effet, si le Gouvernement a déployé, d’une part, un bouclier tarifaire permettant de plafonner la hausse du prix de l’électricité pour les particuliers et les petites entreprises, d’autre part, un dispositif de minoration des tarifs de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), il apparaît que ce dispositif, qui concerne uniquement les tarifs réglementés dits bleus, ne permet pas à toutes les entreprises de supporter la hausse du prix de l’électricité.
La hausse des tarifs de l’énergie a également une incidence sur les édifices religieux. De fait, les gestionnaires des diocèses s’alarment de l’augmentation astronomique de leurs factures énergétiques, dans des édifices aux volumes parfois colossaux. Ne pouvant faire face à ces nouveaux coûts, des prêtres n’hésitent plus à tout éteindre et appellent les fidèles à se vêtir chaudement pour assister aux cérémonies.
Si la loi du 9 décembre 1905 pose, en son article 2, le principe de l’interdiction de subventionner les cultes, la réalité est plus complexe : le législateur a autorisé, dans le texte, puis ultérieurement, des exceptions à cette interdiction, l’entretien des édifices religieux étant confié aux communes depuis 1907.
Aussi, face à cette situation, envisagez-vous d’étendre le dispositif d’aides aux bâtiments religieux et aux salles annexes utilisées pour l’enseignement religieux ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Calvet, votre question, importante, me permet de rappeler, sans entrer dans le détail, le nombre important d’aides qui ont été mises en place par le Gouvernement pour accompagner l’économie française dans une situation difficile.
La guerre en Ukraine s’est traduite par une véritable crise énergétique, entraînant une forte hausse des factures. Pour nos concitoyens, elle a été très largement limitée par le bouclier tarifaire voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 et prolongé en 2023, ainsi que par des mesures spécifiques aux TPE, PME et grandes entreprises. Tout cela coûte évidemment beaucoup d’argent et ne permet pas, malheureusement, de couvrir l’ensemble des usagers, notamment les édifices religieux, qui ne sont pas directement concernés.
Avant de répondre à votre question, j’invite de nouveau les TPE et les PME à se signaler auprès de leur fournisseur d’électricité pour qu’elles puissent bénéficier du dispositif d’aide. En effet, le nombre d’entreprises éligibles ayant fait la demande est encore insuffisant. Il est dommage de constater que certains secteurs qui aimeraient bénéficier du dispositif n’y ont pas droit, tandis que ceux qui y ont droit n’y font pas appel. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de me permettre de rappeler ce message très important.
En ce qui concerne votre question, elle ne se limite pas aux seuls édifices religieux. Elle concerne tous les édifices détenus par des associations cultuelles, singulièrement les associations diocésaines, ainsi que les établissements d’enseignement catholique et d’autres lieux d’accueil du public, dont beaucoup d’entre eux ne sont pas couverts par le dispositif.
Le Gouvernement travaille encore à des mesures spécifiques complémentaires, qui pourraient prendre deux formes. La première, qui constitue l’enjeu majeur, serait de les appuyer dans la transition énergétique de manière que leur consommation d’énergie baisse de manière durable. La seconde, à plus court terme, serait d’accompagner les gestionnaires de ces édifices.
J’ai discuté ce matin avec M. le ministre de l’intérieur à ce sujet. Il m’a indiqué qu’il réunirait l’instance de dialogue avec l’Église catholique au mois de mars prochain : les échanges avec les représentants auront pour but d’évoquer les différentes solutions possibles. J’espère que celles que nous trouverons satisferont les acteurs.
encadrement de l’installation et du fonctionnement des dark kitchens et des dark stores
Mme le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, auteur de la question n° 259, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, je ne vous présenterai pas les dark stores, les dark kitchens et les nuisances que ces structures engendrent – je suis sûre que vous les connaissez.
J’irai droit au but en vous posant deux questions.
Tout d’abord, quelle est la qualification juridique de ces locaux ? Sont-ils considérés comme des entrepôts, des commerces ou bien, ainsi que les a qualifiés le tribunal administratif de Paris au mois d’octobre 2022, comme des espaces de logistique urbaine ? Celui-ci a justifié cette définition par le fait que ces endroits permettaient de diminuer le trafic de camions et le nombre de points de livraisons dans Paris intra-muros.
Par ailleurs, quid de la promesse de régulation du secteur ? Au cours de l’été, les élus ont découvert par voie de presse un projet de texte réglementaire, ce qui a suscité des propos parfois vindicatifs. Le Gouvernement a alors décidé d’organiser rapidement une concertation, qui a abouti à l’annonce, par un communiqué de presse publié le 6 septembre dernier, de la mise en place rapide d’une réglementation par arrêté ministériel. Six mois plus tard, nous l’attendons toujours : quelle est la cause de ce retard ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice, le commerce rapide consiste en l’achat de produits livrés chez vous en quelques minutes. Les dark stores, comme les dark kitchens, sont la pierre angulaire de cette nouvelle forme de commerce. Il faut les distinguer des drives, où le consommateur se déplace, de la même manière que pour un commerce classique.
Depuis quelques mois, le modèle du quick commerce fait débat. Tout d’abord, son équilibre économique est loin d’avoir été trouvé. Si neuf acteurs se partageaient le marché à Paris il y a un an, il n’y en a plus que trois aujourd’hui et tous les plans de développement ont été gelés. Ensuite et surtout, ce type de commerce engendre des nuisances de voisinage et interroge notre modèle de société et de consommation.
Avec Olivier Klein et les associations d’élus locaux, je me suis engagé à ce que ces activités fassent l’objet d’une nouvelle régulation, qui sera entérinée dans un arrêté à paraître dans les prochains jours.
Ainsi, pour répondre de manière très concrète à vos questions, les dark stores seront intégrés dans la sous-destination d’urbanisme « entrepôts », qu’ils aient ou non un point de retrait, ce dernier critère permettait jusqu’à présent de les considérer comme des commerces.
En ce qui concerne les dark kitchens, leur activité est tellement spécifique que nous allons créer une catégorie ad hoc, ce qui a été également accepté par les élus.
Nous entendons donc réglementer l’implantation des dark stores et des dark kitchens, afin de permettre aux élus locaux de disposer d’outils pour les réguler, voire les interdire. Ainsi, les plans locaux d’urbanisme (PLU) donnant lieu à un zonage, les élus pourront autoriser, autoriser sous conditions ou interdire les dark stores comme les dark kitchens dans telle ou telle zone.
Ces outils, qui seront efficaces, ne seront pas les seuls à la disposition des élus. Par exemple, lorsqu’un opérateur achètera un commerce pour le transformer en dark store, il devra solliciter l’accord préalable de la commune.
Enfin et surtout, les maires disposent d’ores et déjà de pouvoirs de police leur permettant de réglementer les externalités négatives des dark stores, que ce soit en matière de regroupement de personnes devant un local, d’interdiction de stationnement ou même de régulation de la circulation des deux-roues servant à la livraison.
Nous sommes vigilants à ce que les élus soient dotés d’un arsenal complet pour encadrer la prolifération de ces nouveaux commerces. À cet effet, un arrêté sera, je le répète, publié dans les prochains jours pour apporter des précisions.
Mme le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Vous annoncez un arrêté dans quelques jours… J’aurais préféré qu’il figure d’ores et déjà dans le système Solon, système d’organisation en ligne des opérations normatives, ce qui m’aurait assurée de l’imminence de sa publication ! En effet, vos collègues présents à la conférence de presse du 6 septembre dernier avaient également parlé de « quelques jours ».
Je me réjouis toutefois des deux catégories qui ont été retenues, car elles permettront de limiter l’implantation de ces commerces, qui sont réellement source de nuisances.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez de nouveau argué des pouvoirs dont disposent les maires pour réguler ces activités. M’employant à le faire au quotidien, je suis au regret de vous dire qu’il est impossible d’agir sans un véritable partenariat avec les entreprises qui utilisent ces locaux, notamment Deliveroo et Uber Eats, car cela nécessite la mise en place de solutions technologiques.
Il y a donc encore à faire. Il faut certes le droit, mais aussi la pratique. Au reste, nous avons besoin de cet arrêté, je vous en remercie donc. Je me montrerai toutefois très vigilante sur ces « quelques jours »…
présence de substances dangereuses dans les fournitures scolaires
Mme le président. La parole est à M. Serge Babary, auteur de la question n° 286, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Serge Babary. Monsieur le ministre, ma question porte sur la présence de substances dangereuses dans les fournitures scolaires.
Dans un avis publié au mois de mai 2022, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a alerté sur la présence de substances dangereuses dans les fournitures scolaires et de bureau, recommandant ainsi d’étendre aux fournitures scolaires la réglementation européenne relative à la sécurité des jouets.
Au mois de septembre dernier, les résultats d’une étude publiés par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir ont confirmé cette alerte. Il y a six ans, cette association avait déjà alerté les pouvoirs publics. Aucune mesure n’avait alors été prise.
Au mois de décembre, vous avez répondu à mon collègue Pascal Allizard que la réglementation européenne existante sur les substances chimiques était suffisante et avez annoncé une enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Il est tout de même question de conservateurs allergisants, de perturbateurs endocriniens, de substances cancérigènes !
Aussi, je souhaite obtenir des précisions sur les moyens dont dispose la DGCCRF pour contrôler les fournitures scolaires et assurer aux familles que, à la rentrée prochaine, les fournitures scolaires ne contiendront plus de produits dangereux, quelle que soit leur provenance géographique.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Babary, le marché français des fournitures scolaires recouvre une vaste gamme de catégories de produits. Si certaines fournitures scolaires peuvent être considérées comme des jouets et relèvent donc de la directive européenne relative à la sécurité des jouets, cela ne vaut pas pour la plupart d’entre elles, compte tenu de leur absence de valeur ludique. Il n’est donc pas possible d’étendre à toutes les fournitures scolaires les dispositions réglementaires exigibles pour les jouets.
Pour autant, la sécurité des fournitures scolaires, à défaut de texte spécifique, est assurée au travers de l’obligation générale de sécurité (OGS) définie par une directive européenne sur la sécurité générale des produits, qui a été transposée en droit national dans le code de la consommation.
Par ailleurs, les matériaux et substances chimiques qu’elles contiennent sont encadrés par le règlement européen (CE) n° 1097/2006 sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions de substances chimiques, dit Reach, et par le règlement (CE) n° 1272/2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, dit CLP. Ces textes prévoient respectivement des restrictions d’usage pour les substances les plus dangereuses, ainsi que, le cas échéant, des mentions obligatoires d’étiquetage.
Le Gouvernement, qui est très attentif à la protection des consommateurs, en particulier les plus jeunes et les plus vulnérables d’entre eux, à qui sont par nature destinés ces produits, a pris note avec la plus grande attention de l’avis de l’Anses relatif à une expertise hors évaluation des risques relative à l’état des connaissances sur la présence ou l’émission de substances dangereuses dans des fournitures scolaires et de bureau et leur impact éventuel sur la santé.
Aussi, je vous confirme que la DGCCRF renforcera le contrôle de ces produits dès cette année, au moyen d’une enquête dédiée. Une synthèse de cette enquête sera ensuite transmise à l’Anses, afin que cette dernière dispose de données supplémentaires pour évaluer les risques sanitaires en cause.
Mme le président. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.
M. Serge Babary. Monsieur le ministre, l’inquiétude que je comptais traduire par cette question porte évidemment sur la rentrée prochaine. Je n’ignore pas la demande adressée à la DGCCRF, dont j’ai interrogé les personnels. Le problème concerne les moyens mis à la disposition de ces équipes pour surmonter la difficulté d’effectuer les contrôles.
Analyser ou écrire des rapports, c’est bien, mais il faudrait parvenir à contrôler la masse de produits importés. C’est évidemment compliqué, mais on ne peut pas imaginer que, à la rentrée prochaine, les familles découvrent encore dans la presse de nouvelles études révélant la présence de substances dangereuses dans les fournitures scolaires. Ces contrôles sont nécessaires pour éviter que ne survienne un accident, qui serait préjudiciable aux enfants.
exclusion des dépenses d’agencement et d’aménagement de terrains dans l’assiette du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
Mme le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, auteure de la question n° 335, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
Mme Elsa Schalck. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur un sujet majeur pour les finances de nos collectivités territoriales : l’exclusion des dépenses d’acquisition, d’aménagement et d’agencement de terrain dans l’assiette du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) depuis le 1er janvier 2021.
Nous avons évoqué ce sujet à plusieurs reprises au sein de cet hémicycle. En effet, nous avons voté la réintégration de ces dépenses pour les communes et leurs groupements au mois de juillet dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, ainsi qu’au mois de décembre dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023.
Au cours de ces débats budgétaires, le ministre délégué chargé des comptes publics a reconnu qu’il était nécessaire de revoir la situation. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas retenu, dans le texte issu du 49.3, l’amendement du Sénat, qui répondait pourtant aux attentes et aux besoins des collectivités territoriales et des associations d’élus locaux, et reprenait des engagements gouvernementaux.
Aussi, je voudrais de nouveau me faire l’écho de cette attente forte quant à la nécessaire révision de l’assiette des dépenses éligibles au FCTVA. Cette exclusion porte préjudice à l’investissement local, alors même que les collectivités locales représentent 70 % de l’investissement public. Les lourdes conséquences financières que cela comporte pour les communes s’ajoutent au contexte financier particulièrement compliqué pour ces dernières, qui sont frappées par l’inflation et par l’augmentation considérable du coût de l’énergie.
Monsieur le ministre, il est impératif de mettre fin aux discours contradictoires consistant à encourager l’investissement local en demandant aux communes de réaliser des travaux pour agir, notamment pour la biodiversité, tout en modifiant les règles de financement.
Le principe d’autonomie financière des collectivités doit recouvrer toute sa vigueur dans notre pays. Ma question est donc très simple, monsieur le ministre : quand réintégrerez-vous ces dépenses d’aménagement et d’agencement de terrain au sein du FCTVA ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice Schalck, pour ma part, j’y vois non pas une contradiction, mais la réalité de l’action publique au jour le jour, dont l’objet est certes de promouvoir l’investissement, mais aussi de préserver les équilibres budgétaires de la Nation.
Nous discutons de l’efficacité d’une mesure votée à la fin de l’année 2020 dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 visant l’automatisation de la gestion du FCTVA, laquelle a conduit à revoir la définition de l’assiette des dépenses d’investissement éligibles.
Ainsi, certains comptes enregistrant des dépenses auparavant éligibles n’ont pas été retenus dans l’assiette – c’est le cas du compte 212 « Agencement et aménagement de terrains » –, dans la mesure où ils comportent des dépenses hors taxe inéligibles au FCTVA.
Dès lors, les dépenses engagées par les collectivités pour l’aménagement de terrains ne sont pas éligibles au FCTVA. Néanmoins, certaines dépenses réalisées par les collectivités dans le cadre de projets d’aménagement sont susceptibles d’ouvrir au bénéfice du fonds. C’est notamment le cas des achats d’équipements sportifs et urbains, qu’ils soient fixés au sol ou non – paires de buts, filets de tennis, panneaux d’informations, etc. –, qui relèvent du compte 2188 « Autres immobilisations corporelles ».
Par ailleurs, les dépenses qui relèvent d’une imputation au compte 2158 « Autres installations, matériel et outillages techniques », comme les dépenses relatives à l’achat d’un tracteur ou encore les travaux d’éclairage du stade municipal, sont éligibles au FCTVA, de même que les dépenses relatives à la voirie.
Si le principe d’inclure des dépenses des comptes 211 « Terrains » et 212 « Agencement et aménagement de terrains » a fait l’objet d’amendements et de discussions pendant les débats du projet de loi de finances pour 2023, ces mesures ont alors été écartées au regard de leurs conséquences budgétaires. Elles entraînaient en effet un surcoût, estimé à plus de 500 millions d’euros, contrevenant au principe de neutralité budgétaire de la réforme.
Considérée dans sa globalité, la réforme de l’automatisation du FCTVA se révèle donc favorable à l’investissement public local. Une évaluation du coût de ce dispositif est par ailleurs en cours de réalisation par les services de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et de ceux de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Ces éléments seront présentés au printemps 2023.
situation fiscale des travailleurs français du secteur public belge
Mme le président. La parole est à M. Éric Bocquet, en remplacement de Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 411, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, nos compatriotes salariés des services publics belges nous alertent sur les conséquences d’une modification à venir de leur statut fiscal.
De quoi s’agit-il ? Actuellement, une personne de nationalité française, résidant en France et travaillant dans les services publics non concurrentiels belges, est imposable en France.
Or une nouvelle convention, signée entre nos deux pays et ayant pour objectif d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, revient sur cette disposition. Lorsqu’elle entrera en vigueur – puisqu’elle n’a pas encore été ratifiée –, des milliers de salariés devront payer leurs impôts en Belgique.
Les conséquences seront lourdes pour des femmes et des hommes employés d’hôpitaux, d’écoles ou de structures médico-sociales, qui verront leurs revenus baisser de 25 % à 30 %, les impôts sur le revenu en Belgique étant nettement supérieurs aux nôtres.
Les projets de vie à long terme de ces travailleurs sont remis en cause : nombre d’entre eux ont souscrit des prêts, notamment immobiliers, sur la base de revenus et de capacités d’emprunt risquant d’être subitement dévalués et s’inquiètent à juste titre pour leur avenir.
Une solution existe toutefois et a déjà été appliquée en 2012 lors de la suppression du statut fiscal frontalier. Contraints de payer leurs impôts en Belgique, les travailleurs français du secteur privé belge, déjà sous statut frontalier, avaient alors bénéficié d’un délai leur permettant de continuer à payer leurs impôts en France jusqu’en 2033. À l’époque, la modification du statut fiscal n’a été immédiatement appliquée qu’aux nouveaux frontaliers.
Les employés français du secteur public belge, qui ne remettent pas en cause la modification de leur statut fiscal, souhaitent tout simplement bénéficier du même délai et des mêmes dispositions afin d’anticiper la baisse de revenus à venir.
Aucune réponse précise ne leur a encore été apportée, sinon l’annonce d’une hypothétique et lointaine modification de la législation fiscale belge. Alors que cette réforme n’est pas confirmée de l’autre côté de la frontière et qu’elle est, semble-t-il, une nouvelle fois repoussée, la vague promesse qui leur est faite n’est pas de nature à apaiser leurs craintes bien légitimes.
Ma question est donc simple et précise, monsieur le ministre, et j’espère que votre réponse le sera tout autant : comptez-vous accéder à la demande des salariés français concernés de pouvoir bénéficier des mêmes délais et dispositions que leurs collègues du secteur privé en 2012 ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Je remercie Mme la sénatrice Gréaume de sa question, qui porte sur un sujet dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre dans cet hémicycle voilà quelques semaines avec Jean-Pierre Decool.
Vous l’avez rappelé, monsieur Bocquet, la France et la Belgique ont signé le 9 novembre 2021 une nouvelle convention fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, destinée à remplacer celle qui est en vigueur depuis 1964. Cette convention préserve le régime spécifique des frontaliers prévu au protocole additionnel à l’actuelle convention. Comme toute convention fiscale bilatérale, elle sera soumise au Parlement pour ratification.
En ce qui concerne les rémunérations de source publique, la convention franco-belge repose, sauf exception, sur le principe de l’imposition par l’État qui verse ces revenus. Les salaires des personnes travaillant en Belgique pour une entité publique belge sont donc taxés en Belgique, même si ces personnes habitent en France. L’inverse sera également vrai et ne pourra que rendre plus attractif l’emploi public de notre côté de la frontière dans des secteurs qui, comme la santé et l’éducation, sont décisifs pour le développement des zones frontalières.
Nous sommes convaincus qu’il s’agit d’une règle de bon sens, permettant d’éviter qu’un État ne subventionne indirectement l’autre État et ne paie à sa place des fonctionnaires qui seraient recrutés de l’autre côté de la frontière. Je comprends de la question qui m’a été posée que ce constat est partagé.
Je précise que seule une catégorie de travailleurs résidant en France verra son régime d’imposition modifié par les futures dispositions conventionnelles. Il s’agit de ceux qui possèdent la seule nationalité française, qui perçoivent des traitements publics de source belge et exercent leur activité en Belgique. Ces revenus, qui sont actuellement imposables en France, le seront en Belgique en application de la nouvelle convention.
Afin d’atténuer les effets de ce changement, vous suggérez que la règle nouvelle ne s’applique qu’aux nouveaux travailleurs. La comparaison que vous établissez avec l’extinction du régime des frontaliers en 2012 a ses limites.
Tout d’abord, il s’agissait d’un régime historique, qui visait à traiter la situation particulière des personnes dont l’activité professionnelle requiert de franchir régulièrement la frontière. Ensuite, ce régime contraint la France à verser une compensation financière à la Belgique. Enfin, le régime des frontaliers a vocation à disparaître, y compris pour les personnes qui y étaient éligibles en 2011 ; ce sera le cas à partir de 2034.
faillite de l’école républicaine en matière de mixité sociale